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Décisions

Cass. crim., 17 décembre 2019, n° 19-81.138

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Soulard

Rapporteur :

M. Bellenger

Avocat général :

Mme Le Dimna

Avocats :

SCP Sevaux et Mathonnet, SCP Waquet, Farge et Hazan

Colmar, du 21 nov. 2018

21 novembre 2018

Statuant sur le pourvoi formé par :


-
La société Electricité de France,


contre l'arrêt de la cour d'appel de COLMAR, chambre correctionnelle, en date du 21 novembre 2018, qui, pour exploitation d'une installation nucléaire de base en violation des règles générales, l'a condamnée à deux amendes de 3 500 euros chacune et a prononcé sur les intérêts civils ;

Vu les mémoires en demande et en défense et les observations complémentaires produits ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure que la société EDF a été poursuivie devant le tribunal de police du chef d'exploitation d'une installation nucléaire de base en violation des règles générales, en raison, notamment, de l'absence de détermination des causes techniques, organisationnelles et humaines et de l'insuffisance des mesures correctives, préventives et curatives prises à la suite d'un incident survenu le 28 février 2015 sur un tuyau d'alimentation en eau non radioactive du circuit secondaire et des réservoirs de secours des générateurs de vapeur de la centrale nucléaire de Fessenheim ; que les juges du premier degré l'ont déclarée coupable de ces deux contraventions ; que la société EDF et le procureur de la République ont relevé appel de cette décision ;

En cet état ;

Sur le premier moyen de cassation :

Vu l'article 567-1-1 du code de procédure pénale ;

Attendu que le moyen n'est pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;

Sur le deuxième moyen de cassation :

Attendu que, pour caractériser les éléments matériels des deux contraventions d'exploitation d'une installation nucléaire de base en violation des règles générales, en ne déterminant pas les causes techniques, organisationnelles et humaines de la fuite et en ne mettant pas en oeuvre les actions curatives, préventives et correctives appropriées, l'arrêt énonce que la fonction de sûreté concernée était celle du circuit de refroidissement du réacteur, événement qualifié de significatif par la société EDF elle-même dans sa déclaration du 3 mars 2015, et avait pour origine la fissuration circulaire très importante d'une tuyauterie du circuit servant à alimenter le circuit secondaire du réacteur 1 et les réservoirs d'alimentation de secours des générateurs de vapeur des deux réacteurs ; que les juges ajoutent que cette fuite a rendu indisponibles les appareils électriques considérés comme un élément important pour la protection des intérêts (EIP) et avait compromis l'alimentation en eau des bâches, également considérée comme un EIP, que ce sont donc les conséquences immédiates de la fuite et non la fuite en elle-même qui, plus qu'un écart, ont constitué un événement significatif au sens de l'arrêté du 7 février 2012 - et non seulement du guide de L'Autorité de sûreté nucléaire (ASN) 2005 - et ce parce qu'elles ont affecté deux éléments importants pour la sécurité, ce qui constitue le non- respect d'une exigence définie, puis imposé la mesure de mise en sécurité par repli du réacteur en application des spécifications techniques d'exploitation (STE) ; que les juges retiennent que c'est bien comme un événement significatif du domaine sûreté, soit un écart présentant une importance particulière, que la société EDF a présenté l'incident du 28 février dans sa déclaration transmise le 3 mars 2015 par télécopie à l'ASN en application de l'article 2.6.4 - I de l'arrêté du 7 février 2012 disposant que l'exploitant déclare chaque événement significatif à l'ASN dans les meilleurs délais et précisant le contenu de la déclaration ; que les juges ajoutent que pour autant le traitement de cet événement s'est limité, selon l'ASN, à des actions curatives sans s'étendre aux actions correctives et préventives appropriées telles que visées à l'article 2.6.3 de l'arrêté du 7 février 2012, étant précisé que le traitement des écarts, quelle que soit leur gravité, constitue une activité importante pour la protection aux termes de l'article 2.6.3 - III de l'arrêté du 7 février 2012 ; que les juges retiennent encore que la fuite du 5 mars qui s'est manifestée en présence même des inspecteurs de l'ASN et qui a déclenché la sirène d'alerte évacuation montre que dispositions prises par l'exploitant après la fuite du 28 février ne répondaient pas aux exigences de l'article 2.6.3-1 quant à la recherche de ses causes et aux actions curatives, préventives et correctives apportées et qu'en outre le procès-verbal d'infraction relève que le programme de travaux et de contrôles à la suite de la première fuite, daté du même jour que celui de l'inspection, était peu fourni, ne comportant que deux points de contrôle de recherche de défaut, ne mentionnant pas la cause de la fissuration de la tuyauterie, se limitant à la remise en état de celle-ci et ne présentant pas d'une façon générale les formes d'assurance de la qualité habituellement rencontrées dans les documents du site, ce constat n'étant contradictoire ni avec le fait que la fuite du 28 février 2015 n'a eu aucune conséquence concrète pour les intérêts mentionnés à l'article L.593-1 du code de l'environnement et que l'événement a été classé au niveau 0 de l'échelle internationale des événements nucléaires, ni avec le fait que la société EDF a correctement réagi au regard des STE en procédant au repli du réacteur après la première fuite ;

Attendu qu'en statuant ainsi, et dès lors qu'elle a constaté, sans insuffisance ni contradiction et sans excéder les termes de sa saisine, que la fuite d'eau du 28 février 2015 constituait un événement significatif pour lequel la recherche des causes techniques organisationnelles et humaines et la mise en oeuvre des actions curatives préventives et correctives n'avaient pas été mises en oeuvre de manière appropriée, et non un écart d'importance mineure ne nécessitant que des mesures curatives, la cour d'appel a justifié sa décision ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles 121-2 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

“en ce que la cour d'appel a condamné la société EDF des chefs de contraventions d'exploitation d'une installation nucléaire de base en violation des règles générales à deux amendes de 3 500 euros et à verser à chacune des parties civiles une somme de 500 euros à titre de dommages et intérêts ;

“alors que les personnes morales, à l'exclusion de l'Etat, sont responsables pénalement des infractions commises, pour leur compte, par leurs organes ou représentants ; qu'en s'abstenant de déterminer par quel organe ou représentant de la société EDF les contraventions auraient été commises pour le compte de celle-ci, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision”.

Attendu que, pour déclarer la société prévenue coupable d'exploitation d'une installation nucléaire de base en violation des règles générales, l'arrêt énonce, par motifs adoptés, que M. H... C... et M. F... I..., ont été visés dans la citation comme étant le premier directeur du centre nucléaire de production d'électricité et le second d'astreinte direction, que M. I... était d'astreinte direction à la centrale EDF le jour des faits et s'est déclaré chargé de gérer les problèmes en cas d'événement et, par motifs propres, qu'il est l'auteur du premier message d'alerte envoyé à L'ASN relatant la rupture du tuyau d'eau sur le circuit secondaire et qu'il a reçu les inspecteurs de l'ASN le 5 mars à la suite de cet événement ;

Attendu qu'en statuant ainsi, par des motifs dont il se déduit que M. I... était le représentant de la personne morale agissant pour le compte de celle-ci, la cour d'appel a justifié sa décision ;

D'où il suit que le moyen doit être écarté ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE le pourvoi.