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Décisions

CA Paris, 3e ch. A, 12 septembre 1995, n° 95-012382

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Axe Développement (Sté)

Défendeur :

Imobel Aménagement (SA), Aménagement de Kerfichaut (SNC), Aménagement du Clos Saint-Martin (SNC)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Peyrat

Conseillers :

Mme Nerondat, M. Perie

Avoués :

SCP Narrat Et Peytavi, SCP Lagourgue

Avocats :

Me Bembaron, Me Nusimovicq

CA Paris n° 95-012382

11 septembre 1995

La Société AXE DEVELOPPEMENT et la Société IMOBEL AMENAGEMENT sont co-gérantes et seules associées de la société en nom collectif d’AMENAGEMENT DE KERFICHAUT et de la société en nom collectif d'AMENAGEMENT DU CLOS SAINT-MARTIN ;

Au cours des assemblées générales réunies pour les deux SNC le 24 mai 1994, les mandats de gérance de la société IMOBEL AMENAGEMENT ont été révoqués par la co-gérante, la société AXE DEVELOPPEMENT ;

Après en avoir obtenu l'autorisation par ordonnance du Président du Tribunal de Commerce de Paris du 17 janvier 1995, la société IMOBEL AMENAGEMENT a assigné le 19 janvier 1995 en nullité de sa révocation ;

Par jugement du 4 avril 1995 auquel la Cour renvoie pour un plus ample exposé des faits, moyens et prétentions antérieurs des parties, le tribunal de commerce de Paris a :

- dit nulles les résolutions adoptées le 24 mai 1994 ;

- ordonné la publication de cette décision dans un journal d'annonces légales ;

- dit que le greffe rétablira le registre du commerce dans son état antérieur faisant mention de la co- gérance ;

- ordonné l'exécution provisoire ;

- accordé à la société IMOBEL AMENAGEMENT la somme de 15.000 francs au têtre de I'article 700 du N.C.P.C.

La Société AXE DEVELOPPEMENT a fait appel de cette décision le 4 avril 1995 ;

Ayant obtenu l'autorisation d'assigner à jour fixe le 3 mai 1995, elle expose :

- qu’ayant découvert de graves malversations qui ont donné lieu à une plainte pénale avec constitution de partie civile, les assemblées générales du 24 mai 1994 ont révoqué de ses fonctions de gérant la société IMOBEL ;

- que le tribunal a annulé ses assemblées, au motif que la révocation doit être, aux termes de l'article 18 de la loi du 24 juillet 1966 décidée à l’unanimité des autres associés ; que ces sociétés ne comprenant que deux associés, le gérant ne peut être révoqué par l'autre associé qui ne peut constituer seul une "unanimité" ; que l'article 18 n'opère pas de distinction ; que le jugement doit être infirmé ;

- subsidiairement que le tribunal a à tort trouvé les éléments rapportés par la plainte insuffisants ; qu'une condamnation pénale n'est pas un préalable à une révocation judiciaire ; qu’il suffit que les faits constituent des présomptions graves d'irrégularités ; que la plainte est très précise ; que d'ailleurs la société IMOBEL AMENAGEMENT n'a jamais tenté d’apporter la moindre justification ;

- que le tribunal a écarté trop rapidement les annexes d'un rapport CENCEP ainsi que les faits gui ont motivé une instance engagée le 3 janvier 1995 en annulation de conventions conclues par la société IMOBEL AMENAGEMENT à I'insu de la société AXE DEVELOPPEMENT ;

- qu'il existe de graves présomptions d'irrégularités à I'encontre de la société IMOBEL, comme cela résulte par exemple d'un arrêt de la 14eme chambre B de cette Cour en date du 14 avril 1995 ;

Elle demande l'infirmation du jugement, subsidiairement la révocation judiciaire de la société IMOBEL AMENAGEMENT et 30.000 francs au têtre de l'article 700 du N.C.P.C. ;

La société IMOBEL AMENAGEMENT réplique le 20 juin 1995 :

- que la révocation d'un co-gérant statutaire ne peut être décidé qu'a l’unanimité des associés, ce qui implique qu'elle ne peut jouer s'il n'y a que deux associés comme en l'espèce ; que le jugement doit être confirmé ;

- que la demande de révocation judiciaire ne peut être acceptée ; que le fait qu'une plainte avec constitution de partie civile ait été déposée n'est pas suffisante pour entrainer, avant tout jugement, la conviction de la Cour ; qu’aucune des personnes visées par cette plainte n’a d'ailleurs été mise en examen ;

- que la société AXE DEVELOPPEMENT s'appuie pour justifier sa plainte sur un rapport de CENCEP mais refuse de le communiquer, au motif qu'il s'agissait d'un document interne ; que la Cour ne peut donc s'y référer ; qu'il émane d'ailleurs d'un organisme qui dépend du groupe CAISSE D'EPARGNE en conflit avec la société IMOBEL ;

- que les documents communiqués, annexes 8 et 9, ni datés ni signés, de ce rapport ne contiennent que des indications erronées ;

- qu'une instance est introduite devant le tribunal de commerce de Paris, qu'elle ne porte que sur la convention de gestion et de commercialisation passée entre la SNC d'AMENAGEMENT DE KERFICHAUT le 4 novembre 1991 et sur les honoraires perçus par IMOBEL AMENAGEMENT ;

- que l'arrêt du 14 avril 1995 de cette Cour se limite à dire qu'il n'y a pas lieu à statuer en raison des nombreux litiges qui opposent les parties ; qu'il n'indique nullement qu'il existe des présomptions d'irrégularités de la part de la société IMOBEL AMENAGEMENT ;

- que la société AXE DEVELOPPEMENT est elle-même critiquable dans sa gestion ;

- que la preuve d'irrégularités commises par la société IMOBEL AMENAGEMENT dans sa gestion n'est pas rapporté ;

Elle demande la confirmation du jugement et 30.000 francs au titre de l'article 700 du N.C.P.C.

Ceci étant exposé :

Sur l'article 18 de la loi du 24 juillet 1966 :

Considérant que le deuxième alinéa de l’article 18 de cette loi est ainsi rédigé : "si un ou plusieurs associés sont gérants et ne sont pas désignés par les statuts chacun d'eux peut être révoqué de ses fonctions, dans les conditions prévues par les statuts, ou, à défaut, par une décision des autres associés, gérants ou non, prise à l'unanimité" ;

Considérant qu’il résulte de ce texte qu'à défaut de dispositions particulières dans les statuts, la révocation d'un gérant ne peut être décidée par les associés que dans l'hypothèse où la société comprend au moins, en dehors du gérant lui-même deux autres associés ; que sa rédaction où figure d'une part, l’usage du pluriel ”les associés" et d'autre part, I'emploi du terme "unanimité" exclut bien la possibilité de révocation du gérant par l’autre associé lorsque le capital n’est détenu que par deux personnes-; que le tribunal a avec raison déclaré nulles les résolutions adoptées le 24 avril 1994 ;

Sur la révocation judiciaire :

Considérant que la société AXE DEVELOPPPEMENT demande la révocation judiciaire au motif qu’elle aurait découvert de graves malversations ; qu'elle explique tout d'abord qu'elle a porté plainte avec constitution de partie civile, que sur ce point elle ne fournit que la plainte, mais aucune des pièces sur lesquelles elle I'a appuyée ; que la seule affirmation, sans justificatif, qu'il existerait des comptes débiteurs, des facturations fictives, des règlements non justifiés, ne peut entrainer la conviction de la Cour, alors même que ces faits, susceptibles de caractériser une faute distincte de la faute pénale sont niés par I'intimé ; que la société AXE DEVELOPPEMENT aurait pu au moins, si elle désirait voir prospérer ce grief, fournir des attestations des experts comptables ou des commissaires aux comptes ;

Considérant que la société AXE DEVELOPPEMENT verse à l'appui encore de ses affirmations deux annexes n° 8 et 9, à un rapport du CENCEP ; qu’avec raison le tribunal a écarté ces deux pièces qui ne sont ni datées ni signées ; que la Cour relève également qu'il est pour le moins anormal que la totalité du rapport n'ait pas été communiqué ; qu'en outre ce rapport n’est pas contradictoire, ce qui d'ailleurs n’est pas contesté ;

Considérant que l'appelante fait encore état pour demander la révocation, de deux procédures I'une en cours, l'autre qui a abouti à un arrêt du 14 avril 1995 ; que pour la première, il résulte de l’assignation délivrée à la requête de la société AXE DEVELOPPEMENT à I'intimée les 2 et 3 janvier 1995, que les conventions passées entre elles postérieurement à la convention de gestion et de commercialisation du 4 novembre 1991 seraient nulles pour ne pas avoir été soumises à l’autorisation du conseil de surveillance ; qu'à supposer fondé ce reproche dont la Cour n'est pas saisie, rien ne permet d’en déduire une faute d’une gravité telle qu’elle soit en l’espèce de nature à entrainer la révocation du gérant ; que pour la seconde, I'arrêt du 14 avril 1995 rendu par la 14ème chambre de cette Cour sous le n° 95-4304 a relevé qu'il y avait contestations sérieuses et a annulé une ordonnance de référé ;

Considérant que dès lors et sans qu'il y ait lieu de s’interroger sur les griefs formulés de son côté par la société£ IMOBEL AMENAGEMENT qui en particulier insiste sur le fait qu'elle a obtenu un arrêt de la 14ème chambre de cette Cour, en date du 14 avril 1995 sous le numéro 94-28691 qui a ordonné une expertise sur la gestion de la société AXE DEVELOPPEMENT, la Cour constate que la société appelante ne justifie aucun des griefs qu'elle avance ; que le jugement entrepris sera confirmé en toutes ses dispositions ;

Considérant que ni I’équité ni la situation économique des parties ne justifie qu'il leur soit attribué de sommes au titre de l'article 700 du N.C.P.C. pour les frais non taxables engagés devant la Cour ;

PAR CES MOTIFS :

Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;

Déboute les parties de toutes demandes plus amples ou contraires ;

Condamne la société AXE DEVELOPPEMENT aux dépens ;

Admet la SCP LAGOURGUE, avoué, au bénéfice de l'article 699 du N.C.P.C.