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Décisions

CA Aix-en-Provence, 2e ch., 29 novembre 2018, n° 16/12104

AIX-EN-PROVENCE

Arrêt

Infirmation partielle

PARTIES

Défendeur :

Commune de Villefranche le Rouergue

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Aimar

Conseillers :

M. Prieur, Mme Petel

TGI Marsseille, du 2 Juin 2016, n° 15/00…

2 juin 2016

Vu les articles 455 et 954 du code de procédure civile,

Vu le jugement contradictoire du 2 juin 2016 rendu par le tribunal de grande instance de Marseille première chambre civile,

Vu l'appel interjeté le 28 juin 2016 par la S.A.R.L. P. FONDERIE,

Vu les dernières conclusions de la S.A.R.L. P. FONDERIE appelante en date du 9 décembre 2016,

Vu les dernières conclusions de la COMMUNE DE VILLEFRANCHE DE ROUERGUE, intimée en date du 3 octobre 2018,

Vu l'ordonnance de clôture en date du 24 septembre 2018,

SUR CE, LA COUR,

Il est expressément renvoyé pour un plus ample exposé des faits de la cause et de la procédure à la décision entreprise et aux écritures des parties,

Il sera simplement rappelé que :

Au c'ur de la Commune de VILLEFRANCHE DE ROUERGUE, la place Notre-Dame constitue un symbole du patrimoine historique qui a été rénovée en 2013, est dominée par la Collégiale Notre-Dame, dans laquelle est installé un carillon composé de plusieurs cloches d'époques différentes.

Les cloches les plus anciennes de ce carillon datent de 1819 : il s'agit de 7 cloches fondues en 1818 et installées en 1819.

En 1936, la société P. FONDERIE a installé 18 cloches supplémentaires et en 1939, la commune de VILLEFRANCHE DE ROUERGUE a décidé d'ajouter 6 cloches.

En 1971, une nouvelle cloche, un bourdon, est également ajoutée à ce carillon.

Le carillon de la collégiale Notre-Dame de VILLEFRANCHE-DE-ROUERGUE comprenait donc 32 cloches, couvrant ainsi un peu moins de trois octaves.

En janvier 2014, la commune de VILLEFRANCHE DE ROUERGUE a lancé, à la suite d'une première procédure déclarée infructueuse, une consultation pour l'attribution du marché public de travaux portant sur la restauration du carillon de la collégiale Notre-Dame de VILLEFRANCHE DE ROUERGUE, en application des dispositions de l'article 28-I du Code des marchés publics.

La consultation comprenait la fourniture et la pose de 16 cloches additionnelles, Do5, La#5, Si5, Do6 et suite chromatique de Do#6 à Do7 à têtes plates, la fourniture et la pose d'un clavier manuel et l'automatisation en mode pneumatique, ainsi qu'une option tenant à la fourniture et pose d'une cloche Ré#3.

La société P. FONDERIE a soumissionné à ce marché. Cependant, son offre n'a pas été retenue et ce marché a été attribué à la société L. qui avait présenté l'offre économiquement la plus avantageuse.

Le marché d'un montant de 193.107, 60 euros TTC a été exécuté et les travaux réalisés de sorte que le carillon comporte désormais 49 cloches qui permettent de monter à quatre octaves.

Selon acte d'huissier du 15 décembre 2014 la S.A.R.L. P. FONDERIE a fait assigner la COMMUNE VILLEFRANCHE DE ROUERGUE devant le tribunal de grande instance de Marseille en contrefaçon de son droit d'auteur concernant la sonorité du carillon installé dans le collégiale Notre Dame de la Commune, paiement de la somme de 50.000 euros à titre de dommages et intérêts et le retrait sous astreinte des cloches récemment installées dans le carillon, le tout avec exécution provisoire.

Suivant jugement contradictoire du 2 juin 2016 dont appel, le tribunal a débouté la S.A.R.L. P. FONDERIE de l'ensemble de ses demandes.

En cause d'appel la S.A.R.L. P. FONDERIE, appelante, demande dans ses dernières conclusions en date du 20 septembre 2018 de :

- réformer

- dire et juger que la Commune de VILLEFRANCHE DE ROUERGUE porte atteinte aux droits d'auteur de la société P. FONDERIE sur la sonorité du carillon installé dans la Collégiale Notre Dame située à VILLEFRANCHE DE ROUERGUE,

- condamner la Commune de VILLEFRANCHE DE ROUERGUE à payer à la S.A.R.L. P. FONDERIE, à titre de dommages et intérêts pour le préjudice subi, une somme de 50.000,00 euros,

- ordonner le retrait, sous astreinte de 1.000,00 euros par jour de retard, des cloches récemment installées dans le carillon, objet du marché signé avec la société L. S.A.R.L. et ce dans un délai de 60 jours à compter de la signification du 'jugement' à intervenir,

- condamner la Commune de VILLEFRANCHE DE ROUERGUE à payer à la S.A.R.L. P. FONDERIE la somme de 15.000,00 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile,

- condamner la même aux entiers dépens, ceux d'appels distraits au profit de Maître Romain C., membre de la SELARL LEXAVOUE AIX EN PROVENCE, Avocats associés, aux offres de droit.

La COMMUNE DE VILLEFRANCHE DE ROUERGUE, intimée, s'oppose aux prétentions de l'appelante, et demande dans ses dernières écritures en date du 3 octobre 2018 de :

vu les articles L. 113-1 et suivants du Code de la propriété intellectuelle, les articles L. 112-1 et suivants du Code de la propriété intellectuelle

à titre principal,

- confirmer le jugement rendu le 2 juin 2016 par le Tribunal de grande instance de Marseille en toutes ses dispositions,

à titre subsidiaire,

- constater que la société P. FONDERIE ne justifie pas être titulaire de droit d'auteur et que la sonorité ne constitue pas une forme protégeable par les droits d'auteur,

par conséquent,

- déclarer irrecevable l'action de la société P. FONDERIE à l'encontre de la commune de VILLEFRANCHE DE ROUERGUE,

- débouter la société P. FONDERIE de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions formées à l'encontre de la COMMUNE DE VILLEFRANCHE DE ROUERGUE,

à titre très subsidiaire,

- dire et juger que la sonorité du carillon ne constitue pas une œuvre de l'esprit originale bénéficiant de la protection au titre du droit d'auteur,

par conséquent,

- débouter la société P. FONDERIE de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions formées à l'encontre de la COMMUNE DE VILLEFRANCHE DE ROUERGUE,

à titre infiniment subsidiaire,

- constater l'absence d'atteinte au droit d'auteur de la société P. FONDERIE et l'absence d'acte de contrefaçon,

- constater la nécessité d'adaptation du carillon à de nouveaux besoins, et ce dans l'intérêt général,

par conséquent,

- débouter la société P. FONDERIE de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions formées à l'encontre de la COMMUNE DE VILLEFRANCHE DE ROUERGUE,

à titre infiniment subsidiaire,

- dire et juger que la société P. FONDERIE ne justifie pas de préjudices indemnisables,

- dire que le retrait des cloches récemment installées, non justifié, aurait des conséquences manifestement excessives,

par conséquent,

- débouter la société P. FONDERIE de sa demande de dommages et intérêts formée à l'encontre de la COMMUNE DE VILLEFRANCHE DE ROUERGUE ou la ramener à de plus justes proportions,

- débouter la société P. FONDERIE de sa demande de retrait des cloches récemment installées,

en tout état de cause,

- débouter la société P. FONDERIE de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions formées à l'encontre de la COMMUNE DE VILLEFRANCHE DE ROUERGUE,

- condamner la Société P. FONDERIE à verser à la COMMUNE DE VILLEFRANCHE DE ROUERGUE la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la société P. FONDERIE au paiement des entiers dépens de la présente, dont distraction au profit de Maître DE L., qui pourra les recouvrer sur son offre de droit, conformément à l'article 699 du Code de procédure civile.

************

Sur la procédure,

L'appelante avait conclu dernièrement le 9 décembre 2016 et l'intimée le 12 janvier 2017.

Alors que la clôture de l'instruction était prévue depuis le 22 juin 2018 au 24 septembre 2018, l'appelante a conclu le 20 septembre 2018 en communiquant 10 nouvelles pièces numérotées 18 à 38, que la société intimée demande d'écarter pour atteinte au principe du contradictoire et manoeuvre déloyale.

L'appelante sollicite le maintien de ces dernières écritures en faisant valoir que l'intimée ne démontre pas l'atteinte au principe du contradictoire qu'elle invoque car ses écritures ne contiennent aucun moyen nouveau, ne faisant qu'expliciter les moyens exposés antérieurement et que les pièces communiquées s'agissant d'extraits d'encyclopédies, de définitions de dictionnaires, d'une publication au BODACC et d'avis informatifs de carillonneurs n'appelaient pas de réponse particulière.

Le fait de conclure 19 mois après ses dernières conclusions et la veille du dernier jour ouvré avant la clôture annoncée depuis plusieurs mois, en communiquant de nouvelles pièces déjà existantes lors de ses premières écritures, alors qu'elle avait sollicité une fixation de l'affaire en juin 2018 estimant celle-ci en état, porte manifestement atteinte au principe du contradictoire ne permettant pas à son adversaire de préparer utilement et sereinement sa défense.

Il convient dès lors de rejeter ses écritures tardives du 20 septembre 2018 de l'appelante.

Au fond,

L'article L 111-1 du Code de Propriété Intellectuelle dispose :

L'auteur d'une œuvre de l'esprit jouit sur cette œuvre, du seul fait de sa création, d'un droit de propriété incorporel exclusif et opposable à tous.

Ce droit comporte des attributs d'ordre intellectuel et moral ainsi que des attributs d'ordre patrimonial.

L'article L 112-1 les dispositions du code de la propriété intellectuelle protègent les droits d'auteur sur toutes les oeuvres de l'esprit, quels qu'en soient le genre, la forme d'expression, le mérite ou la destination.

Selon l'article L 121-1 du même code l'auteur jouit du droit au respect de son nom, de sa qualité et de son oeuvre.

Ce droit est attaché à sa personne.

Il est perpétuel, inaliénable et imprescriptible.

Il est transmissible a cause de mort aux héritiers de l'auteur.

Pour pouvoir bénéficier de la protection, l'œuvre doit pouvoir être qualifiée d'œuvre de l'esprit au sens de l'article L 112-1 du Code de la Propriété Intellectuelle.

L'œuvre protégeable doit s'incarner dans une forme originale.

L'oeuvre est originale lorsqu'elle porte la marque de l'apport intellectuel de l'auteur.

Selon l'article L 113-2 alinéa 2 du code de la propriété intellectuelle est dite composite l'oeuvre nouvelle à laquelle est incorporée une oeuvre préexistante sans la collaboration de l'auteur de cette dernière.

La S.A.R.L. P. FONDERIE expose que son activité de fonderie de facture de cloches de carillons, qui a débuté en 1796, est connue dans le monde entier, et qu'au cours de l'année 1936 elle a installé un carillon, par l'adjonction de 18 cloches et l'intégration de 7 cloches existantes au préalable, dans la collégiale Notre Dame située dans la commune de VILLEFRANCHE DE ROUERGUE.

Elle soutient que la sonorité d'un carillon relève des arts appliqués et est protégeable au titre du droit d'auteur car la sonorité unique de l'instrument exprime l'empreinte de la personnalité de son auteur.

Elle fait valoir que chaque fondeur imprimant à ses cloches une sonorité particulière, la sonorité d'un carillon variera d'une entreprise à l'autre, et la qualité de la sonorité de l'instrument accordé par une société donnée s'en trouvera inévitablement modifiée en raison des changements opérés par une autre.

Elle explique qu'un carillon est un instrument de musique, composé de cloches en bronze accordées et jouées au moyen d'un clavier à bâton ; que seuls les carillons d'au moins 23 cloches seront pris en considération, les instruments construits avant 1940 et comportant 15 à 22 cloches, peuvent être considérés comme 'carillon historique'.

Elle conteste le fait que la protection du droit de propriété intellectuelle accordée au fondeur soit limitée sur la sonorité originale rendue par les cloches qu'il fabrique.

Elle indique que le carillon sur lequel ont été apportées des modifications avait été créé par elle sur la base de sept cloches de volée préexistantes avec lesquelles elle a du composer pour réaliser son oeuvre.

Elle précise que le facteur du carillon devient créateur d'une sonorité de carillon unique en fonction des choix qu'il va opérer au moment de la création des composantes du carillon que sont les cloches, leur équipement, leur localisation spéciale et ce, sur toute la tessiture de l'instrument, et qu'à chaque extension comme en l'espèce, en 1971 avec une nouvelle cloche, le facteur du carillon réalise et opère une nouvelle création.

Elle poursuit en indiquant que les cloches P., quelle que soit leur époque, sont homogènes et donnent un son chaud à l'instrument qui est reconnu par les carillonneurs chevronnés ; qu'elle peut se prévaloir d'une signature acoustique caractérisée par un gabarit de fréquence intervenant sur certains paramètres, les matériaux, la géométrie, les conditions limites auxquels s'ajoute la création du facteur de cloches.

Que le facteur de carillon dispose de toute une panoplie de moyens pour créer un son de carillon unique et original, certains de ces moyens étant intrinsèques à la cloche et d'autres extrinsèques à celle-ci ;

Que la sonorité du carillon est la résultante de la sonorité de toutes les cloches (choix du profil et de leur forme, taille et matériau du battant) du carillon et de leur localisation (placement dans la chambre des cloches selon la taille de la cloche et de la position de frappe du battant ).

Que l'apport créatif du facteur de carillon consiste à un choix dans ces divers paramètres qui ressort de son savoir-faire et de sa sensibilité artistique.

Concernant la titularité de ses droits d'auteur sur le carillon elle fait valoir que la présence de cloches préalablement à ses travaux n'a pas eu pour conséquence de la priver de choix quant à la création d'une sonorité originale ; qu'il ne s'agissait au plus que d'une contrainte matérielle avec laquelle l'auteur a du composer pour concevoir une configuration nouvelle, et ajoute, que la sonorité d'un carillon est une oeuvre composite au sens des articles L 113-2 et L 113-4 du code de la propriété intellectuelle en ce sens qu'elle incorpore une oeuvre préexistante ;

Qu'elle est en droit de s'opposer à toute intervention visant à modifier le timbre et la sonorité particulière du carillon divulgué sous son nom dont elle est présumée auteur, faute de revendication contraire.

La COMMUNE DE VILLEFRANCHE DE ROUERGUE soutient que la sonorité du carillon procède de la sonorité propre à chaque cloche et de l'assemblage des sonorités propres à chacune des cloches qui le compose de sorte que le travail créatif portant l'empreinte de la personnalité de son auteur s'exprime moins dans l'assemblage qui est réalisé que dans la facture de chacune des cloches;

Elle ajoute que le propre du carillon est d'avoir une sonorité évolutive en fonction du nombre de cloches qu'il met en oeuvre ;

Elle fait valoir que la société P. FONDERIE ne prouve aucunement être titulaire de droit d'auteur sur la sonorité du carillon car le carillon dont s'agit est notamment composé de 7 cloches datant de 1819, non fondues par la société P. FONDERIE ; qu'elle ne peut donc être considérée comme ayant la qualité 'd'auteur' du carillon dont la sonorité qui est le résultat purement technique ne peut être protégée, et ce, d'autant qu'une personne morale ne peut avoir la qualité d'auteur.

Elle précise que la sonorité ne présente que de simples sons ; qu'elle n'est pas une composition musicale faite d'une mélodie, d'un rythme et d'une harmonie ;

Qu'elle n'est qu'une forme intermédiaire qui n'a pas d'existence autonome par rapport à l'oeuvre achevée et qu'elle ne peut relever des arts appliqués qui recouvrent le domaine des dessins et modèles industriels ;

Que la sonorité du carillon n'est pas détachable de sa fonction utilitaire qui est de produire des sons qui constituent des résultats purement techniques ;

Que la sonorité du carillon relève du savoir-faire et de l'ingéniosité du facteur mais reste une caractéristique attachée à la fonction instrumentale de production d'un son.

Que seule la sonorité de chacune des cloches fait l'objet de la protection du droit d'auteur car la sonorité du carillon est pour l'essentiel la résultante de la sonorité des cloches qui la composent.

Elle conteste le fait que la sonorité d'un carillon puisse présenter un caractère original et souligne que la sonorité du carillon litigieux est le résultat des interventions de plusieurs professionnels car les cloches le composant ne proviennent pas uniquement de la fonderie P. qui, n'en démontre pas l'originalité.

Elle ajoute qu'il n'est pas démontré d'altération au droit d'auteur revendiqué, l'extension de carillons par l'adjonction de cloches provenant de divers fondeurs, sans altération de la sonorité originelle étant une pratique courante, car le simple avis non contradictoire, purement subjectif qui procède du ressenti d'un fervent admirateur des carillons fabriqués par l'appelante, communiqué par elle, est dépourvu de tout caractère probant.

Elle précise qu'elle s'est faite pour l'élaboration du cahier des charges du marché assister par des experts de l'art campanaire pour établir les caractéristiques du marché à l'effet de respecter l'intégrité et l'esprit des cloches préexistantes.

Elle poursuit en indiquant que la restauration du carillon s'est avérée nécessaire et indispensable en s'inscrivant dans un programme de rénovation et de valorisation du patrimoine emblématique de la [...]; que cette rénovation permettait de requalifier la place et de valoriser la dimension patrimoniale de ce site classé Monument Historique, tout en apportant la touche technique XXIème siècle; que la société P. ne pouvait imposer une intangibilité absolue compte tenu de la nécessité d'adapter le carillon à de nouveaux besoins, et ce, dans l'intérêt général que représente la valorisation du patrimoine historique et campanaire de la commune.

Ceci rappelé, il est établi qu'un carillon est une série de cloches permettant l'exécution de mélodies ; que ces cloches accordées à des fréquences différentes émettent chacune un son alors que leurs battants sont actionnés au moyen d'un clavier manuel ou automatisé via un système pneumatique.

La société P. FONDERIE qui a exécuté l'ensemble des cloches composant le carillon avant les travaux litigieux, en y intégrant les 7 cloches préexistantes est en conséquence l'auteur de ce dernier qui a été divulgué sous son nom, sans que quiconque en revendique la paternité, de sorte que c'est à bon droit qu'elle se prévaut de cette qualité, à tout le moins au titre des droits patrimoniaux si celui-ci revêt un caractère protégeable.

Elle est en conséquence recevable en son action.

Concernant la protection de ce carillon par le droit d'auteur, si la société P. peut se prévaloir comme elle le relève justement d'une signature acoustique pour les cloches qui sont fondues par elle, leur donnant un son chaud reconnu par les carillonneurs chevronnés, comme elle en justifie, par les choix opérés par le fondeur pour la création de la cloche, en fonction du comportement vibratoire recherché, dans un alliage donné, d'une forme particulière, et que le fondeur manifeste ainsi sa créativité, en revanche, la simple harmonisation entre elles résultant de la mise en oeuvre d'un savoir-faire, d'une compétence professionnelle, n'est pas de nature, à elle seule, de manifester l'empreinte de la personnalité du fondeur dès lors que, dès l'origine, la sonorité du carillon présente un caractère évolutif à l'effet d'en augmenter la tessiture et par suite le répertoire musical qui lui est accessible, et que c'est le son des cloches qui donne la singularité de l'ensemble campanaire.

Qu'en effet, comme le relève l'intimée le travail d'harmonie procède de la sonorité de la cloche et le travail fondamental qui imprime la personnalité de l'auteur s'exprime dans la facture de la sonorité de la cloche, et non dans l'ensemble des cloches, chacune conservant une identité harmonique qui lui est propre et qui constitue en soi, une entité indépendante.

Il n'est pas démontré que l'adjonction des 16 cloches au carillon qui complète la gamme des sons, altère le timbre et la sonorité des cloches déjà installées, le simple avis dépourvu de tout caractère technique établi à la demande de l'appelante n'étant pas de nature à établir une quelconque altération de la sonorité des cloches préexistantes, alors qu'au contraire, l'intimée justifie s'être adjointe, dans le cadre de l'élaboration de son projet, le conseil de sachants permettant d'éviter toute altération, le cahier des charges du marché prévoyant expressément que la couleur sonore devait être parfaitement harmonisée aux cloches existantes, après étude des cloches existantes, ces transformations s'insérant dans un projet d'intérêt général de la mise en valeur d'un lieu au caractère hautement historique.

Il s'ensuit que c'est à bon droit que le tribunal a rejeté l'ensemble des demandes de la société P. FONDERIE.

L'équité commande d'allouer à l'intimée la somme de 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et de rejeter la demande formée à ce titre par l'appelante.

Les dépens resteront à la charge de l'appelante qui succombe et qui seront recouvrés par les avocats de la cause dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement, par arrêt contradictoire, en dernier ressort,

Rejette les écritures de la société appelante en date du 20 septembre 2018 accompagnées des pièces 18 à 38,

Rejette l'ensemble des demandes de la société appelante,

Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

Condamne l'appelante à payer à l'intimée la somme de 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne l'appelante aux entiers dépens qui seront recouvrés par les avocats de la cause dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile.