Cass. 1re civ., 15 mai 2015, n° 13-24.956
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Batut
Avocats :
SCP Barthélemy, Matuchansky, Vexliard et Poupot, SCP Nicolaý, de Lanouvelle et Hannotin
Vu leur connexité, joint les pourvois n° V 13-24.956 et Q 14-10.258 ;
Sur le pourvoi n° Q 14-10.258 :
Donne acte à la caisse de Crédit mutuel de Seltzbach de ce qu'elle se désiste de son pourvoi en tant qu'il vise les arrêts rendus par la cour d'appel de Colmar les 11 février 2011 et 16 novembre 2012 ;
Sur le pourvoi n° V 13-24.956 en ce qu'il est dirigé contre l'arrêt du 11 février 2011 rendu par la cour d'appel de Colmar :
Vu l'article 978 du code de procédure civile ;
Attendu que Mme X... s'est pourvue en cassation contre l'arrêt du 11 février 2011 mais que son pourvoi ne contient aucun moyen à l'encontre de cette décision ;
Qu'il y a lieu de constater la déchéance partielle du pourvoi ;
Attendu, selon les arrêts attaqués, rendus sur renvoi après cassation (1re Civ., 22 janvier 2009, pourvoi n° 07-12.134), que Mme X..., gérante de la société Euro Home conseil, s'est rendue caution d'un prêt professionnel de 180 000 francs pour l'achat d'un véhicule ainsi que d'un prêt de consolidation de 250 000 francs et a donné une garantie hypothécaire pour une ouverture de crédit en compte courant, ces trois concours ayant été consentis à la société par la caisse de Crédit mutuel du Seltzbach (la caisse) ; que Mme X... a en outre souscrit un prêt immobilier ; qu'après la mise en liquidation judiciaire de la société, Mme X... a vendu son immeuble d'habitation dont le prix a été consigné et a, le 20 juin 2001, assigné la caisse pour faire constater l'extinction de ses dettes et en conséquence dire qu'il n'y avait pas lieu de la colloquer dans le cadre de la distribution ; qu'après avoir invité les parties, par un premier arrêt du 11 février 2011, à présenter un décompte rectificatif des créances de la caisse, la cour d'appel a, par arrêt du 16 novembre 2012, rejeté la demande de Mme X... tendant à voir constater l'extinction de ses dettes et a fixé le montant de celles-ci, sauf pour ce qui concerne les accessoires du prêt immobilier qu'elle a enjoint la caisse de chiffrer, puis, par arrêt du 7 novembre 2013, a rejeté les demandes de cette dernière relatives aux intérêts contractuels ;
Sur le premier moyen du pourvoi n° V 13-24.956, ci-après annexé :
Attendu que Mme X... fait grief à l'arrêt du 16 novembre 2012 de rejeter sa demande tendant à la constatation de l'extinction de ses dettes envers la caisse et de fixer le montant de celle-ci ;
Attendu qu'après avoir retenu que Mme X... était fondée à se prévaloir de la déchéance du droit aux intérêts contractuels, la cour d'appel a fixé le montant en capital du compte courant, arrêté au 31 décembre 1999, à la somme de 193 438,33 francs, soit 29 489,48 euros, et la créance de la caisse, avec les intérêts aux taux légal, à la somme de 36 616,04 euros au 27 mars 2008 ; qu'ayant constaté que le compte courant avait enregistré des opérations en crédit et en débit jusqu'au 31 décembre 1999, elle en a exactement déduit que Mme X..., qui ne justifiait d'aucun versement postérieur, était redevable du solde du compte courant arrêté à cette date ; que le moyen ne peut être accueilli ;
Sur le second moyen du pourvoi n° V 13-24.956 :
Attendu que Mme X... fait grief au même arrêt de dire qu'elle reste débitrice, au titre du prêt immobilier, des intérêts contractuels, frais de prorogation et indemnité contractuelle, restant à chiffrer, alors, selon le moyen, que conformément à l'arrêt de la CJCE en date du 21 novembre 2002, la directive 93/13/CEE du Conseil du 5 avril 1993, concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs, s'oppose à ce que le juge national ne puisse plus, à l'expiration d'un délai de forclusion, relever d'office ou à la suite d'une exception soulevée par le consommateur le caractère abusif d'une clause insérée dans ledit contrat ; qu'ainsi l'article L. 132-1 du code de la consommation précise en son sixième alinéa qu'une clause abusive doit être déclarée non écrite, c'est-à-dire inopposable au consommateur sans qu'une action de sa part soit requise ; dès lors, le juge saisi d'une demande d'application d'une clause abusive ne peut déclarer irrecevable l'exception soulevée par le consommateur au motif que sa demande serait prescrite par l'écoulement d'un quelconque délai depuis la conclusion du contrat la contenant ; qu'en déclarant irrecevable l'exception soulevée par Mme X... tendant à démontrer le caractère abusif de la clause de variation du taux d'intérêt, clause contenue dans le contrat du 11 juin 1990, au motif qu'elle n'aurait engagé son action que le 20 juin 2001, la cour d'appel a violé l'article L. 132-1 du code de la consommation ;
Mais attendu que les dispositions de la directive 93/13/CEE du Conseil, du 5 avril 1993, n'ayant vocation à s'appliquer qu'aux contrats conclus après le 31 décembre 1994, la cour d'appel, qui a constaté que le contrat litigieux avait été conclu le 11 juin 1990 et que Mme X... n'avait engagé son action que le 20 juin 2001, en a déduit à bon droit qu'elle n'était pas recevable à invoquer le caractère prétendument abusif de la clause de variation du taux d'intérêt ; que le moyen n'est pas fondé ;
Mais sur le moyen unique, pris en sa première branche, du pourvoi n° Q 14-10.258 :
Vu l'article 4 du code civil ;
Attendu que pour rejeter la demande de la caisse en paiement des intérêts courus aux taux contractuels successifs, au titre de l'emprunt immobilier, l'arrêt du 7 novembre 2013 retient que la caisse n'a pas, alors qu'elle y avait été invitée à plusieurs reprises, produit de décomptes cohérents, conformes aux taux d'intérêts successivement applicables et respectant les règles relatives à l'imputation des paiements ;
Qu'en refusant ainsi d'évaluer la créance de la caisse dont elle avait constaté l'existence en son principe, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le dernier grief du pourvoi n° Q 14-10.258 :
CONSTATE la déchéance du pourvoi n° V 13-24.956 en ce qu'il est dirigé contre l'arrêt du 11 février 2011 ;
REJETTE ce même pourvoi en ce qu'il est dirigé contre l'arrêt du 16 novembre 2012 ;
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne la caisse à restituer à Mme X... un trop-perçu de 52 992,07 euros avec intérêts au taux légal à compter du 31 août 2009, l'arrêt rendu le 7 novembre 2013, entre les parties, par la cour d'appel de Colmar ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Metz.