Cass. com., 28 septembre 2022, n° 19-19.768
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
PARTIES
Demandeur :
Coopération pharmaceutique française (SAS)
Défendeur :
Mon Courtier en pharmacie, Sagitta Pharma (SAS), Pyxis Pharma SRA (Association)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Mouillard
Rapporteur :
Mme Michel-Amsellem
Avocat général :
M. Douvreleur
Avocats :
SCP Thomas-Raquin, Le Guerer, Bouniol-Brochier, SCP Zribi et Texier
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 4 juillet 2019), rendu sur renvoi après cassation (chambre commerciale, financière et économique, 29 mars 2017, pourvoi n° 15-27.811), MM. [S] et [D] [X] (MM. [X]), pharmaciens d'officine, ont créé la société Pyxis Pharma, devenue la société Mon Courtier en pharmacie, structure de regroupement à l'achat (SRA), afin de négocier, auprès des fournisseurs, les conditions d'achat de produits pour le compte de ses adhérents, ainsi que la société Sagitta Pharma, centrale d'achat pharmaceutique (CAP), intervenant en qualité de prestataire logistique.
2. Ces sociétés ont souhaité nouer une relation commerciale avec la société de Coopération pharmaceutique française (la société Cooper), établissement pharmaceutique spécialisé dans la fourniture aux pharmaciens de médicaments et accessoires, sur la base des conditions générales de vente applicables aux officines.
3. Un litige a opposé les parties, notamment, sur le bénéfice de ces conditions de vente, la société Cooper considérant que la société Pyxis Pharma, en sa qualité de SRA, n'y était pas éligible, dès lors qu'elle n'était pas une officine mais intervenait comme commissionnaire et qu'elle était assimilable, dans son modèle de distribution, aux grossistes répartiteurs.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en ses troisième, quatrième et cinquième branches, ci-après annexé
4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le moyen, pris en ses sixième, septième, huitième, neuvième, dixième, onzième, douzième et treizième branches dont l'examen est préalable.
Enoncé du moyen
5. La société Cooper fait grief à l'arrêt, infirmant le jugement, de la condamner à communiquer à la société Pyxis Pharma, devenue Mon Courtier en pharmacie, les conditions générales de vente accordées aux officines indépendantes, comme base de négociation commerciale entre lesdites sociétés et à payer à cette dernière la somme de 20 000 euros en réparation de son préjudice au titre de la pratique restrictive de concurrence, alors :
« 6°/ qu'un fournisseur de produits peut refuser à un acheteur la communication des conditions générales de vente applicables à une catégorie de clientèle s'il établit, selon des critères objectifs, c'est-à-dire indépendants de sa volonté et susceptibles de s'appliquer à tous de la même façon, que cet acheteur n'appartient pas à la catégorie concernée ; que la cour d'appel a elle-même constaté que la société Cooper distingue trois catégories de clientèle, en fonction de l'activité de l'acheteur qui conclut le contrat de vente avec elle ; qu'elle propose ainsi des conditions générales de vente différentes selon qu'il s'agit d'une officine indépendante, qui effectue directement ses achats auprès d'elle sans recourir à un quelconque intermédiaire, d'officines groupées, qui justifient de l'affiliation à un groupement ayant conclu, en leur nom et pour leur compte, un contrat de référencement organisant la vente directe par la société Cooper de ses produits à ces officines, ou de grossistes et intermédiaires de toutes natures qui, agissant en leur nom, contractent directement avec la société Cooper pour organiser ensuite par eux-mêmes, selon des modalités qui leur sont propres, la distribution des médicaments acquis auprès d'elle ; qu'entre dans cette dernière catégorie la SRA qui contracte avec le laboratoire en qualité de commissionnaire à l'achat, acquérant les produits en son propre nom, sans révéler le nom des officines adhérentes pour le compte desquelles elle agit, et qui est seule tenue du paiement des produits et seule responsable à l'égard du laboratoire au titre du contrat de vente ; qu'en décidant que la société Cooper échouait à démontrer par des critères objectifs que la société Pyxis Pharma n'entrait pas dans la catégorie des officines indépendantes, tout en constatant que la société Pyxis Pharma était "un intermédiaire du réseau de distribution des médicaments en gros", qui, en tant que commissionnaire à l'achat, commandait en son nom les produits de la société Cooper, se les faisait facturer en son nom, les réglait ensuite à la société Cooper et engageait sa responsabilité personnelle à son égard au titre de cet achat, ce qui excluait toute vente directe conclue entre la société exposante et les officines adhérentes et justifiait objectivement que la société Pyxis Pharma, en tant qu'intermédiaire agissant en son propre nom, reçoive communication des conditions générales de vente proposées aux grossistes et intermédiaires de toute nature, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales qui s'évinçaient de ses propres constatations, a violé les articles L. 441-6 et L. 442-6, I, 9°, du code de commerce, dans leur rédaction applicable en la cause ;
7°/ qu'un fournisseur de produits peut refuser à un acheteur la communication des conditions générales de vente applicables à une catégorie de clientèle s'il établit, selon des critères objectifs, c'est-à-dire indépendants de sa volonté et susceptibles de s'appliquer à tous de la même façon, que cet acheteur n'appartient pas à la catégorie concernée ; qu'en l'espèce, la société Cooper distingue trois catégories de clientèle, en fonction de l'activité de l'acheteur concluant le contrat de vente avec elle, officines indépendantes, officines groupées ou intermédiaires ; que l'application de ce critère objectif ne peut se faire qu'au regard de la nature et des caractéristiques de la relation existant entre la société Cooper et son cocontractant ; que dans l'hypothèse où celui-ci est un commissionnaire à l'achat qui conclut le contrat en son nom, cela exclut nécessairement que le contrat de vente soit conclu avec une officine indépendante ou des officines groupées, peu important la façon dont le commissionnaire organise sa relation juridique avec les officines commettantes en vue de la distribution des produits acquis auprès de la société exposante ; qu'en retenant cependant que la catégorie d'acheteur dont relevait la société Pyxis Pharma devait être déterminée au regard, non pas des caractéristiques de la relation unissant celle-ci à la société Cooper, mais de celles de la relation l'unissant aux officines adhérentes, définies par le "contrat de commission" conclu avec ces dernières, et auquel la société Cooper demeure étrangère, la cour d'appel a fait une application erronée des critères mis en place par la société exposante et violé les articles L. 441-6 et L. 442-6, I, 9°, du code de commerce, dans leur rédaction applicable en la cause ;
8°/ qu'un fournisseur de produits peut refuser à un acheteur la communication des conditions générales de vente applicables à une catégorie de clientèle s'il établit, selon des critères objectifs, c'est-à-dire indépendants de sa volonté et susceptibles de s'appliquer à tous de la même façon, que cet acheteur n'appartient pas à la catégorie concernée ; qu'en l'espèce, la société Cooper distingue trois catégories de clientèle, en fonction de l'activité de l'acheteur concluant le contrat de vente avec elle, officines indépendantes, officines groupées ou intermédiaires ; que l'application de ce critère objectif ne peut se faire qu'au regard de la nature et des caractéristiques de la relation existant entre la société Cooper et son cocontractant ; que dans l'hypothèse où celui-ci est un commissionnaire à l'achat qui conclut le contrat en son nom, cela exclut nécessairement que le contrat soit conclu avec une officine indépendante ou des officines groupées, peu important que les effets réels de ce contrat, et notamment le transfert de propriété, se produisent dans le patrimoine des officines commettantes, celles-ci n'en devenant pas pour autant les cocontractantes de la société Cooper aux lieu et place de la société Pyxis Pharma ; qu'en retenant cependant que le fait que cette société n'acquiert pas la propriété des produits achetés auprès de la société Cooper en vertu du contrat de vente les liant suffisait en soi à l'exclure de la catégorie des grossistes et intermédiaires de toutes natures, la cour d'appel a fait une application erronée des critères mis en place par la société exposante et violé les articles L. 441-6 et L. 442-6, I, 9°, du code de commerce, dans leur rédaction applicable en la cause ;
9°/ qu'un fournisseur de produits peut refuser à un acheteur la communication des conditions générales de vente applicables à une catégorie de clientèle s'il établit, selon des critères objectifs, c'est-à-dire indépendants de sa volonté et susceptibles de s'appliquer à tous de la même façon, que cet acheteur n'appartient pas à la catégorie concernée ; qu'en l'espèce, la société Cooper distingue trois catégories de clientèle, en fonction de l'activité de l'acheteur concluant le contrat de vente avec elle, officines indépendantes, officines groupées ou intermédiaires ; que l'application de ce critère objectif ne peut se faire qu'au regard de la nature et des caractéristiques de la relation existant entre la société Cooper et son cocontractant ; que dans l'hypothèse où celui-ci est un commissionnaire à l'achat qui conclut le contrat en son nom, cela exclut nécessairement que le contrat soit conclu avec une officine indépendante ou des officines groupées, peu important que les modalités selon lesquelles le commissionnaire à l'achat organise ensuite la distribution des médicaments auprès des officines adhérentes diffèrent de celles d'un grossiste répartiteur qui n'est qu'un type de grossiste au sein de la catégorie des grossistes et intermédiaires de toute nature ; qu'en retenant cependant, pour juger que la société Pyxis Pharma devait bénéficier des conditions générales de vente accordées aux officines indépendantes, que l'activité de la société Pyxis Pharma, dans la mesure où celle-ci n'acquérait pas la propriété des produits achetés auprès de la société Cooper en vertu du contrat de vente les liant, différait de celle d'un grossiste-répartiteur, la cour d'appel a statué par des motifs impropres à justifier sa décision et violé les articles L. 441-6 et L. 442-6, I, 9°, du code de commerce, dans leur rédaction applicable en la cause ;
10°/ qu'un fournisseur de produits peut refuser à un acheteur la communication des conditions générales de vente applicables à une catégorie de clientèle s'il établit, selon des critères objectifs, c'est-à-dire indépendants de sa volonté et susceptibles de s'appliquer à tous de la même façon, que cet acheteur n'appartient pas à la catégorie concernée ; qu'en affirmant, pour décider que la société Cooper échouait à démontrer par des critères objectifs que la société Pyxis Pharma n'entrait pas dans la même catégorie que les officines indépendantes, que l'absence de relation contractuelle directe entre la société Pyxis Pharma et le consommateur final – en d'autres termes sa qualité d'intermédiaire non détaillant – ne constituait pas un critère objectif, cependant que ce critère, tenant à la nature de l'activité exercée par la société Pyxis Pharma dans le réseau de distribution, ne présentait aucune subjectivité et était susceptible de s'appliquer à tout intermédiaire dans la même situation, la cour d'appel a derechef violé les articles L. 441-6 et L. 442-6, I, 9°, du code de commerce, dans sa rédaction applicable en la cause ;
11°/ qu'un fournisseur de produits peut refuser à un acheteur la communication des conditions générales de vente applicables à une catégorie de clientèle s'il établit, selon des critères objectifs, c'est-à-dire indépendants de sa volonté et susceptibles de s'appliquer à tous de la même façon, que cet acheteur n'appartient pas à la catégorie concernée ; qu'en retenant en l'espèce que l'absence de relation contractuelle directe entre la société Pyxis Pharma et le consommateur final – en d'autres termes sa qualité d'intermédiaire non détaillant – ne constituait pas un critère objectif dans la mesure où le transfert de la propriété des produits achetés par l'intermédiaire se faisait dans le patrimoine de l'officine commettante, cependant que cette dichotomie entre les effets personnels et les effets réels du contrat de vente conclu par la société Pyxis Pharma n'avait aucune incidence sur l'activité exercée par celle-ci au sein du réseau de distribution, la cour d'appel, qui a statué par un motif impropre à justifier sa décision, a violé les articles L. 441-6 et L. 442-6, I, 9°, du code de commerce, dans leur rédaction applicable en la cause ;
12°/ qu'un fournisseur de produits peut refuser à un acheteur la communication des conditions générales de vente applicables à une catégorie de clientèle s'il établit, selon des critères objectifs, c'est-à-dire indépendants de sa volonté et susceptibles de s'appliquer à tous de la même façon, que cet acheteur n'appartient pas à la catégorie concernée ; qu'en affirmant, pour décider que la société Cooper échouait à démontrer par des critères objectifs que la société Pyxis Pharma n'entrait pas dans la même catégorie que les officines indépendantes, que la relation privilégiée dont la société Cooper se prévalait avec les officines constituait un critère subjectif, cependant que la qualité de la personne procédant à l'achat des produits, selon qu'il s'agit d'une officine, d'un mandataire des officines ou d'un intermédiaire agissant en son propre nom, constitue au contraire un critère objectif sur lequel la société Cooper ne peut avoir aucune influence ni porter aucune appréciation subjective, la cour d'appel a violé l'article L. 441-6 du code de commerce, dans sa rédaction applicable en la cause ;
13°/ qu'un fournisseur de produits peut refuser à un acheteur la communication des conditions générales de vente applicables à une catégorie de clientèle s'il établit, selon des critères objectifs, c'est-à-dire indépendants de sa volonté et susceptibles de s'appliquer à tous de la même façon, que cet acheteur n'appartient pas à la catégorie concernée ; que les conditions de stockage des médicaments, nécessairement plus limitées lorsque ceux-ci sont acquis directement par des officines indépendantes ou groupées que lorsqu'ils sont gérés par un intermédiaire qui pratique une activité de distribution en gros et dispose de moyens de stockage plus importants, constituent en soi un critère objectif permettant de distinguer des catégories de clientèle ; qu'en affirmant, pour décider que la société Cooper échouait à démontrer par des critères objectifs que la société Pyxis Pharma n'entrait pas dans la même catégorie que les officines indépendantes, que l'absence pour la société Pyxis Pharma de contrainte de stockage, à la différence des officines indépendantes et groupées, n'était pas un critère distinctif, dans la mesure où cette société était obligée d'avoir recours à une CAP à cette fin, cependant que l'existence même de cette possibilité pour une SRA de s'adosser à une CAP pour les opérations de stockage la distingue par là même des officines indépendantes, la cour d'appel a violé les articles L. 441-6 et L. 442-6, I, 9°, du code de commerce, dans leur rédaction applicable en la cause. »
Réponse de la Cour
6. L'arrêt rappelle d'abord qu'en vertu de l'article L. 441-6 du code de commerce, les conditions générales de vente peuvent être différenciées selon les catégories d'acheteurs de produits ou de demandeurs de prestation de services, ensuite, que depuis l'entrée en vigueur de la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l'économie, le fournisseur définit librement les différentes catégories d'acheteurs auxquelles sont applicables ses conditions de vente, à condition que les critères définissant ces catégories soient objectifs et ne créent pas un déséquilibre significatif, une entente anticoncurrentielle ou encore un abus de position dominante et, enfin, qu'en application de l'article L. 442-6, I, 9° du code de commerce, dans sa rédaction alors applicable, un fournisseur de produits est tenu de communiquer ses conditions générales de vente dans les conditions prévues à l'article L. 441-6 du code de commerce et ne peut refuser à un acheteur la communication des conditions catégorielles de vente que s'il établit, selon des critères objectifs, que cet acheteur n'appartient pas à la catégorie concernée.
7. Il constate que les conditions générales de vente de la société Cooper prévoient des conditions générales différenciées selon trois catégories de clients, les officines indépendantes, les officines groupées et les grossistes (intermédiaires détaillants).
8. L'arrêt retient ensuite qu'il résulte de l'extrait K-bis de la société Pyxis Pharma, de son objet tel qu'énoncé dans ses statuts, ainsi que du « contrat de commission » conclu avec les officines adhérentes, que cette société exerce une activité de structure de regroupement à l'achat, dite « SRA », et agit toujours « d'ordre et pour le compte » des officines adhérentes, et non pour son compte. Il ajoute que cette société négocie des conditions d'achat plus favorables pour les officines adhérentes, dont elle est le mandataire, et que lorsqu'elle procède à l'achat groupé en négociant, recueillant et centralisant les commandes des officines adhérentes, celles-ci peuvent choisir de se faire directement livrer les produits par le fournisseur ou de recourir aux services de la CAP Sagitta Pharma avec laquelle la société Pyxis Pharma a conclu un contrat de prestation de services, pour le stockage des produits et leur livraison ultérieure, la CAP Sagitta Pharma agissant comme un prestataire logistique. L'arrêt relève encore que, dans tous les cas, contrairement aux grossistes répartiteurs, la société Pyxis Pharma n'est pas propriétaire des produits dont elle passe la commande auprès du laboratoire d'ordre et pour le compte des officines adhérentes, qu'elle règle personnellement au laboratoire pour le compte des officines et qu'elle refacture à ces dernières sans percevoir de commission, celles-ci s'acquittant seulement d'un droit d'adhésion annuelle.
9. L'arrêt en déduit que la société Pyxis Pharma agit vis-à-vis de la société Cooper en qualité de commissionnaire à l'achat, qu'elle constitue un opérateur intermédiaire entre le laboratoire et les officines adhérentes, dont elle est le mandataire, lesquelles acquièrent directement la propriété des produits acquis d'ordre et pour leur compte par la SRA.
10. L'arrêt relève encore que l'absence de relation contractuelle directe entre la société Pyxis Pharma et le consommateur final, ne constitue pas un motif pertinent de refus de lui appliquer des conditions de vente prévues pour les officines, dès lors que le transfert de propriété se fait dans le patrimoine de l'officine commettante qui a un rôle de conseil envers le consommateur final et que l'absence de contrainte de stockage pour la société Pyxis Pharma ne l'est pas davantage, dans la mesure où, comme les pharmaciens titulaires d'officine, elle a recours à des CAP pour assurer le stockage des médicaments commandés à la société Cooper, ce qui lui est imposé par la réglementation.
11. De ces énonciations, constatations et appréciations, abstraction faite de son appréciation surabondante du caractère subjectif du critère de la relation privilégiée, la cour d'appel qui, analysant exactement les relations des parties dans leur ensemble, a souverainement retenu, d'une part, qu'il existait une relation directe entre la société Cooper et les officines de pharmacies passant leurs commandes par l'intermédiaire de la société Pyxis Pharma, d'autre part, que celles-ci supportent, comme les officines commandant directement, des charges de stockage, a pu, sans encourir les griefs inopérants des neuvième, dixième et onzième branches, déduire que la société Pyxis Pharma était fondée à solliciter la communication des conditions générales de vente de la société Cooper accordées aux officines indépendantes, acheteurs dont elle se rapprochait le plus au regard des trois catégories établies par la société Cooper dans son modèle de distribution, et leur application comme socle de la négociation commerciale.
12. Le moyen n'est donc pas fondé.
Sur le moyen, pris en ses première et deuxième branches
Enoncé du moyen
13. La société Cooper fait le même grief à l'arrêt, alors :
« 1°/ que si tout fournisseur a l'obligation de communiquer ses conditions générales de vente à tout acheteur qui lui en fait la demande, afin que puisse être assurée de cette manière une transparence tarifaire dans le secteur concerné, cette obligation est limitée à la seule communication de ces conditions, à l'exclusion de toute obligation de les appliquer à l'acheteur ou même d'entrer en négociation avec celui-ci ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que la société Cooper avait communiqué l'ensemble de ses conditions générales de vente à la société Pyxis Pharma, ce dont il s'induisait qu'elle avait respecté l'obligation de transparence tarifaire mise à sa charge ; qu'en énonçant cependant que la société Pyxis Pharma était bien fondée à solliciter "l'application à son bénéfice des conditions générales d'achat de la société Cooper accordées aux officines indépendantes" et que la société Cooper avait engagé sa responsabilité en refusant "de lui appliquer les conditions générales correspondant aux officines et d'en faire le socle de leur négociation commerciale", la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales qui s'évinçaient de ses propres constatations, a violé les articles L. 441-6 et L. 442-6, I, 9°, du code de commerce, dans leur rédaction applicable en la cause ;
2°/ qu'en vertu du principe de libre négociabilité des prix, toute entreprise est libre de définir l'organisation de son réseau de distribution et de négocier, de manière différenciée, ses tarifs en fonction de ses clients ; que, depuis la loi du 4 août 2008 qui a mis fin à l'interdiction des pratiques discriminatoires, la discrimination ne constitue plus en elle-même une faute civile, sauf à constituer une entente illicite, un abus de position dominante ou un abus de droit ; qu'en retenant en l'espèce, pour décider que la responsabilité de la société Cooper était engagée, que celle-ci "ne saurait objectivement réserver l'application de ses conditions d'achat favorables aux seules officines indépendantes (…) et appliquer à la SRA Pyxis Pharma (…) les conditions commerciales moins favorables réservées aux grossistes, voire aux officines groupées", que cette pratique "illustre un déséquilibre concurrentiel au sein de la chaîne de distribution, au détriment des intermédiaires", et que la société Pyxis Pharma était en conséquence bien fondée à solliciter "l'application à son bénéfice des conditions générales d'achat de la société Cooper accordées aux officines indépendantes", sans caractériser ni un abus de droit commis par la société Cooper, ni une entente illicite ou un abus de position dominante, la cour d'appel a statué par des motifs impropres à justifier sa décision et violé par fausse application les articles L. 441-6 et L. 442-6, I, 9°, du code de commerce, dans leur rédaction applicable en la cause. »
Réponse de la Cour
14. Selon l'article L. 441-6, I, du code de commerce, dans sa rédaction applicable en la cause, tout producteur, prestataire de services, grossiste ou importateur est tenu de communiquer ses conditions générales de vente à tout acheteur de produits ou tout demandeur de prestations de services qui en fait la demande pour une activité professionnelle, celles-ci constituent le socle de la négociation commerciale et les conditions générales de vente peuvent être différenciées selon les catégories d'acheteurs de produits ou de demandeurs de prestation de services.
15. L'article L. 442, I, 9° du même code, dans sa rédaction également applicable en la cause, dispose qu'engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé, le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers de ne pas communiquer ses conditions générales de vente, dans les conditions prévues à l'article L. 441-6, à tout acheteur de produits ou tout demandeur de prestations de services qui en fait la demande pour l'exercice d'une activité professionnelle.
16. Il résulte de la combinaison de ces textes que la personne assujettie à ces obligations doit communiquer les conditions générales de vente applicables à tout acheteur de produits ou demandeur de prestations de services qui en fait la demande pour une activité professionnelle et que, si sauf abus de droit, il est toujours libre de ne pas lui vendre, il est tenu, lorsqu'il entre en négociation commerciale avec cet opérateur, de le faire sur la base de ces conditions de vente.
17. La société Cooper n'ayant pas prétendu qu'usant de sa liberté, elle avait refusé de vendre ses produits à la société Pyxis Pharma, fût-ce aux conditions revendiquées par celle-ci, mais ayant admis au contraire qu'elle lui avait proposé d'entrer en négociations, en vue d'un partenariat, sur la base des conditions de vente applicables aux grossistes, ce que cette société avait refusé, c'est à bon droit qu'ayant retenu que ces conditions de vente n'étaient pas celles qui étaient applicables à la société Pyxis Pharma, la cour d'appel en a déduit que la société Cooper avait méconnu les dispositions précitées et avait ainsi engagé sa responsabilité.
18. Le moyen n'est donc pas fondé.
Mais sur le moyen, pris en sa quinzième branche
Enoncé du moyen
19. La société Cooper fait grief à l'arrêt d'ordonner la publication d'un communiqué judiciaire, alors « que l'article L. 442-6, III, dans sa rédaction applicable au moment des faits, prévoit que "la juridiction peut ordonner la publication, la diffusion ou l'affichage de sa décision ou d'un extrait de celle-ci selon les modalités qu'elle précise" ; qu'il en résulte que la publication de la décision ou d'un extrait de celle-ci est une faculté laissée au juge et ne peut être considérée comme étant de droit ; qu'en retenant cependant en l'espèce que la publication de la décision était de droit en application du texte susvisé, la cour d'appel a violé les dispositions de celui-ci. »
Réponse de la Cour
Vu l'article L. 442-6, III, du code de commerce, dans sa rédaction applicable à la cause :
20. Aux termes de ce texte, « La juridiction peut ordonner la publication, la diffusion ou l'affichage de sa décision ou d'un extrait de celle-ci selon les modalités qu'elle précise. »
21. Pour ordonner la publication d'un communiqué judiciaire, l'arrêt retient que la publication est de droit en application de l'article L. 442-6, III, du code de commerce.
22. En statuant ainsi, alors que la publication n'était qu'une faculté et devait faire l'objet d'une appréciation de sa part, la cour d'appel a violé le texte susvisé.
Portée et conséquences de la cassation
23. Sur la suggestion de la société Cooper et après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.
24. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond.
25. Compte tenu des éléments du dossier, en particulier des entraves, dont il témoigne, au développement des SRA mises en place par les pouvoirs publics dans l'intérêt des consommateurs, il est souhaitable que la décision de la cour d'appel soit portée à la connaissance des exploitants de pharmacies d'officine.
26. La publication de cette décision, dans les termes prévus au dispositif cassé, et à la charge de la société Cooper, serait donc justifiée. Il convient cependant de constater que cette publication a déjà été effectuée en exécution de l'arrêt cassé. Il n'y a donc pas lieu de l'ordonner à nouveau.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il ordonne la publication d'un communiqué judiciaire, l'arrêt rendu le 4 juillet 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi ;
Statuant à nouveau, vu l'évolution du litige,
Dit n'y avoir lieu à nouvelle publication.