Décisions
CE, 7e et 2e sous-sect. réunies, 21 février 2011, n° 318364
CONSEIL D'ÉTAT
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Vigouroux
Rapporteur :
Mme Fontana
Rapporteur public :
M. Dacosta
Avocats :
SCP Masse-Dessen, Thouvenin, Me Carbonnier
Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 15 juillet 2008 et 14 octobre 2008 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la COMMUNAUTE URBAINE DE CHERBOURG, dont le siège est en Mairie à Cherbourg Cedex (50108) ; la COMMUNAUTE URBAINE DE CHERBOURG demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'arrêt n° 05NT01827 du 28 mars 2008 par lequel la cour administrative d'appel de Nantes a, d'une part, annulé le jugement n° 03-10 du tribunal administratif de Caen en date du 27 septembre 2005 rejetant la requête présentée par la société Framatec tendant au versement d'une somme de 207 376,87 euros, majorée des intérêts, en règlement de travaux supplémentaires effectués en sous-traitance dans le cadre de la réhabilitation de l'ancienne gare maritime de Cherbourg et, d'autre part, ordonné une expertise en vue de déterminer la nature et l'importance des travaux supplémentaires effectués par la société Framatec et d'en évaluer le montant ;
2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter la requête d'appel de la Société Framatec tendant à la condamnation de la COMMUNAUTE URBAINE DE CHERBOURG à lui verser 207 376,87 euros majorée des intérêts au titre de travaux qu'elle a effectués pour la réhabilitation de l'ancienne gare maritime de Cherbourg ;
3°) de mettre la somme de 6 000 euros à la charge de la société Framatec au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code des marchés publics ;
Vu la loi n° 75-1334 du 31 décembre 1975 ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Agnès Fontana, chargée des fonctions de Maître des Requêtes,
- les observations de Me Carbonnier, avocat de la COMMUNAUTE URBAINE DE CHERBOURG et de la SCP Masse-Dessen, Thouvenin, avocat de la société Framatec,
- les conclusions de M. Bertrand Dacosta, rapporteur public ;
La parole ayant été à nouveau donnée à Me Carbonnier, avocat de la COMMUNAUTÉ URBAINE DE CHERBOURG et à la SCP Masse-Dessen, Thouvenin, avocat de la société Framatec ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la société Framatec a conclu les 26 juillet 1999 et 23 avril 2001, des contrats de sous-traitance avec la société Toile et Structures , attributaire des lots n° 5 et 16 au sein du marché de travaux passé par la COMMUNAUTE URBAINE DE CHERBOURG en vue de la rénovation de l'ancienne gare maritime ; que le sous-traitant a été agréé et ses conditions de paiement acceptées par le maître d'ouvrage en vue du paiement direct de ses prestations ; que la société Framatec a présenté à l'entreprise titulaire du marché une demande de paiement portant sur un montant de 207 376,87 euros au titre de travaux supplémentaires, en vue de sa transmission au maître d'ouvrage ; qu'en l'absence de réponse du titulaire du marché, le sous-traitant a adressé à la collectivité une demande tendant au règlement de cette somme ; que la société Toile et Structures ayant fait connaître son opposition à ce paiement, la collectivité a refusé de payer au sous-traitant les sommes qu'il demandait ; que la société Framatec a saisi le tribunal administratif de Caen d'une demande tendant à la condamnation de la COMMUNAUTE URBAINE DE CHERBOURG à lui payer la somme de 207 376,87 euros ; que par un jugement du 27 septembre 2005, le tribunal administratif a rejeté la demande ; que, sur appel de la société Framatec, la cour administrative d'appel de Nantes, par un arrêt du 28 mars 2008, a annulé le jugement attaqué et ordonné une expertise en vue d'établir l'existence et la valeur des travaux supplémentaires ; que la COMMUNAUTE URBAINE DE CHERBOURG se pourvoit en cassation contre cet arrêt ;
Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la loi du 31 décembre 1975 relative à la sous-traitance : l'entrepreneur principal dispose d'un délai de quinze jours, comptés à partir de la réception des pièces justificatives servant de base au paiement direct, pour les revêtir de son acceptation ou pour signifier au sous-traitant son refus motivé d'acceptation. / Passé ce délai, l'entrepreneur principal est réputé avoir accepté celles des pièces justificatives ou des parties de pièces justificatives qu'il n'a pas expressément acceptées ou refusées/ Les notifications prévues à l'alinéa 1er sont adressées par lettre recommandée avec accusé de réception ; qu'aux termes de l'article 186 ter du code des marchés publics dans sa rédaction applicable à l'espèce : (...) dans le cas où le titulaire d'un marché n'a opposé un refus motivé à la demande de paiement du sous-traitant dans le délai de quinze jours suivant sa réception, ni transmis celle-ci à l'administration, le sous-traitant envoie directement sa demande de paiement à l'administration par lettre recommandée avec avis de réception postal ou la lui remet contre un récépissé (...). /L'administration met aussitôt en demeure le titulaire, par lettre recommandée avec avis de réception postal, de lui faire la preuve, dans un délai de quinze jours à compter de la réception de cette lettre, qu'il a opposé un refus motivé à son sous-traitant (...) /A l'expiration de ce délai, au cas où le titulaire ne serait pas en mesure d'apporter cette preuve, l'administration contractante dispose du délai prévu au I de l'article 178 pour mandater les sommes dues aux sous-traitants.... ;
Considérant en premier lieu que la COMMUNAUTE URBAINE DE CHERBOURG ne peut soulever utilement le moyen tiré de ce que la cour administrative d'appel de Nantes aurait commis une erreur de droit et dénaturé les courriers adressés à l'entreprise titulaire du marché en les regardant comme des demandes de paiement de nature à faire courir le délai de quinze jours imparti au titulaire du marché par l'article 8 de la loi du 31 décembre 1975 et par l'article 186 ter du code des marchés publics dans sa rédaction applicable aux faits de l'espèce, pour formuler son refus motivé, lequel est nouveau en cassation ;
Considérant en deuxième lieu qu'il résulte des dispositions précitées de la loi du 31 décembre 1975 et du code des marchés publics, que si l'entrepreneur principal dispose d'un délai de quinze jours à compter de la date à laquelle il a été saisi, par le sous-traitant, d'une demande tendant à son paiement direct par le maître d'ouvrage, pour faire connaître son acceptation ou son refus motivé, il doit, faute d'avoir formulé un tel refus dans ce délai, être regardé comme ayant accepté définitivement la demande de paiement ; que, dès lors, le refus qu'il exprimerait après l'expiration du délai de quinze jours ne saurait constituer le refus motivé, au sens de ces dispositions, sur lequel le maître d'ouvrage peut régulièrement fonder son refus de payer au sous-traitant les sommes demandées ; qu'ainsi la cour administrative d'appel de Nantes n'a pas commis d'erreur de droit en jugeant que la COMMUNAUTE URBAINE DE CHERBOURG ne pouvait fonder son refus de payer les sommes demandées par la société Framatec sur l'opposition de l'entreprise Toile et Structures, titulaire du marché, dès lors qu'elle avait été formulée après l'expiration du délai de quinze jours mentionné ci-dessus ;
Considérant en troisième lieu que la cour administrative d'appel de Nantes a relevé dans l'arrêt attaqué que la demande de paiement direct avait été adressée par le sous-traitant au maître d'ouvrage avant l'établissement des décomptes et le règlement des sommes dues à l'entreprise titulaire du marché au titre de celui-ci ; qu'ainsi, contrairement à ce que soutient la COMMUNAUTE URBAINE DE CHERBOURG, elle a répondu au moyen tiré par celle-ci de ce que la demande de paiement direct ne lui aurait pas été adressée en temps utile, et suffisamment motivé son arrêt sur ce point ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la COMMUNAUTE URBAINE DE CHERBOURG n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêt attaqué ;
Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la somme demandée par la COMMUNAUTE URBAINE DE CHERBOURG au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens, soit mise à la charge de la société Framatec, qui n'est pas, dans la présente affaire, la partie perdante ; qu'il y a lieu en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la COMMUNAUTE URBAINE DE CHERBOURG une somme de 4 000 euros qui sera versée à la société Framatec au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
--------------
Article 1er : Le pourvoi de la COMMUNAUTE URBAINE DE CHERBOURG est rejeté.
Article 2 : La COMMUNAUTE URBAINE DE CHERBOURG versera à la société Framatec une somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à la COMMUNAUTE URBAINE DE CHERBOURG, à la société Framatec et à la société Toile et Structures.
1°) d'annuler l'arrêt n° 05NT01827 du 28 mars 2008 par lequel la cour administrative d'appel de Nantes a, d'une part, annulé le jugement n° 03-10 du tribunal administratif de Caen en date du 27 septembre 2005 rejetant la requête présentée par la société Framatec tendant au versement d'une somme de 207 376,87 euros, majorée des intérêts, en règlement de travaux supplémentaires effectués en sous-traitance dans le cadre de la réhabilitation de l'ancienne gare maritime de Cherbourg et, d'autre part, ordonné une expertise en vue de déterminer la nature et l'importance des travaux supplémentaires effectués par la société Framatec et d'en évaluer le montant ;
2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter la requête d'appel de la Société Framatec tendant à la condamnation de la COMMUNAUTE URBAINE DE CHERBOURG à lui verser 207 376,87 euros majorée des intérêts au titre de travaux qu'elle a effectués pour la réhabilitation de l'ancienne gare maritime de Cherbourg ;
3°) de mettre la somme de 6 000 euros à la charge de la société Framatec au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code des marchés publics ;
Vu la loi n° 75-1334 du 31 décembre 1975 ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Agnès Fontana, chargée des fonctions de Maître des Requêtes,
- les observations de Me Carbonnier, avocat de la COMMUNAUTE URBAINE DE CHERBOURG et de la SCP Masse-Dessen, Thouvenin, avocat de la société Framatec,
- les conclusions de M. Bertrand Dacosta, rapporteur public ;
La parole ayant été à nouveau donnée à Me Carbonnier, avocat de la COMMUNAUTÉ URBAINE DE CHERBOURG et à la SCP Masse-Dessen, Thouvenin, avocat de la société Framatec ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la société Framatec a conclu les 26 juillet 1999 et 23 avril 2001, des contrats de sous-traitance avec la société Toile et Structures , attributaire des lots n° 5 et 16 au sein du marché de travaux passé par la COMMUNAUTE URBAINE DE CHERBOURG en vue de la rénovation de l'ancienne gare maritime ; que le sous-traitant a été agréé et ses conditions de paiement acceptées par le maître d'ouvrage en vue du paiement direct de ses prestations ; que la société Framatec a présenté à l'entreprise titulaire du marché une demande de paiement portant sur un montant de 207 376,87 euros au titre de travaux supplémentaires, en vue de sa transmission au maître d'ouvrage ; qu'en l'absence de réponse du titulaire du marché, le sous-traitant a adressé à la collectivité une demande tendant au règlement de cette somme ; que la société Toile et Structures ayant fait connaître son opposition à ce paiement, la collectivité a refusé de payer au sous-traitant les sommes qu'il demandait ; que la société Framatec a saisi le tribunal administratif de Caen d'une demande tendant à la condamnation de la COMMUNAUTE URBAINE DE CHERBOURG à lui payer la somme de 207 376,87 euros ; que par un jugement du 27 septembre 2005, le tribunal administratif a rejeté la demande ; que, sur appel de la société Framatec, la cour administrative d'appel de Nantes, par un arrêt du 28 mars 2008, a annulé le jugement attaqué et ordonné une expertise en vue d'établir l'existence et la valeur des travaux supplémentaires ; que la COMMUNAUTE URBAINE DE CHERBOURG se pourvoit en cassation contre cet arrêt ;
Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la loi du 31 décembre 1975 relative à la sous-traitance : l'entrepreneur principal dispose d'un délai de quinze jours, comptés à partir de la réception des pièces justificatives servant de base au paiement direct, pour les revêtir de son acceptation ou pour signifier au sous-traitant son refus motivé d'acceptation. / Passé ce délai, l'entrepreneur principal est réputé avoir accepté celles des pièces justificatives ou des parties de pièces justificatives qu'il n'a pas expressément acceptées ou refusées/ Les notifications prévues à l'alinéa 1er sont adressées par lettre recommandée avec accusé de réception ; qu'aux termes de l'article 186 ter du code des marchés publics dans sa rédaction applicable à l'espèce : (...) dans le cas où le titulaire d'un marché n'a opposé un refus motivé à la demande de paiement du sous-traitant dans le délai de quinze jours suivant sa réception, ni transmis celle-ci à l'administration, le sous-traitant envoie directement sa demande de paiement à l'administration par lettre recommandée avec avis de réception postal ou la lui remet contre un récépissé (...). /L'administration met aussitôt en demeure le titulaire, par lettre recommandée avec avis de réception postal, de lui faire la preuve, dans un délai de quinze jours à compter de la réception de cette lettre, qu'il a opposé un refus motivé à son sous-traitant (...) /A l'expiration de ce délai, au cas où le titulaire ne serait pas en mesure d'apporter cette preuve, l'administration contractante dispose du délai prévu au I de l'article 178 pour mandater les sommes dues aux sous-traitants.... ;
Considérant en premier lieu que la COMMUNAUTE URBAINE DE CHERBOURG ne peut soulever utilement le moyen tiré de ce que la cour administrative d'appel de Nantes aurait commis une erreur de droit et dénaturé les courriers adressés à l'entreprise titulaire du marché en les regardant comme des demandes de paiement de nature à faire courir le délai de quinze jours imparti au titulaire du marché par l'article 8 de la loi du 31 décembre 1975 et par l'article 186 ter du code des marchés publics dans sa rédaction applicable aux faits de l'espèce, pour formuler son refus motivé, lequel est nouveau en cassation ;
Considérant en deuxième lieu qu'il résulte des dispositions précitées de la loi du 31 décembre 1975 et du code des marchés publics, que si l'entrepreneur principal dispose d'un délai de quinze jours à compter de la date à laquelle il a été saisi, par le sous-traitant, d'une demande tendant à son paiement direct par le maître d'ouvrage, pour faire connaître son acceptation ou son refus motivé, il doit, faute d'avoir formulé un tel refus dans ce délai, être regardé comme ayant accepté définitivement la demande de paiement ; que, dès lors, le refus qu'il exprimerait après l'expiration du délai de quinze jours ne saurait constituer le refus motivé, au sens de ces dispositions, sur lequel le maître d'ouvrage peut régulièrement fonder son refus de payer au sous-traitant les sommes demandées ; qu'ainsi la cour administrative d'appel de Nantes n'a pas commis d'erreur de droit en jugeant que la COMMUNAUTE URBAINE DE CHERBOURG ne pouvait fonder son refus de payer les sommes demandées par la société Framatec sur l'opposition de l'entreprise Toile et Structures, titulaire du marché, dès lors qu'elle avait été formulée après l'expiration du délai de quinze jours mentionné ci-dessus ;
Considérant en troisième lieu que la cour administrative d'appel de Nantes a relevé dans l'arrêt attaqué que la demande de paiement direct avait été adressée par le sous-traitant au maître d'ouvrage avant l'établissement des décomptes et le règlement des sommes dues à l'entreprise titulaire du marché au titre de celui-ci ; qu'ainsi, contrairement à ce que soutient la COMMUNAUTE URBAINE DE CHERBOURG, elle a répondu au moyen tiré par celle-ci de ce que la demande de paiement direct ne lui aurait pas été adressée en temps utile, et suffisamment motivé son arrêt sur ce point ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la COMMUNAUTE URBAINE DE CHERBOURG n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêt attaqué ;
Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la somme demandée par la COMMUNAUTE URBAINE DE CHERBOURG au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens, soit mise à la charge de la société Framatec, qui n'est pas, dans la présente affaire, la partie perdante ; qu'il y a lieu en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la COMMUNAUTE URBAINE DE CHERBOURG une somme de 4 000 euros qui sera versée à la société Framatec au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
--------------
Article 1er : Le pourvoi de la COMMUNAUTE URBAINE DE CHERBOURG est rejeté.
Article 2 : La COMMUNAUTE URBAINE DE CHERBOURG versera à la société Framatec une somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à la COMMUNAUTE URBAINE DE CHERBOURG, à la société Framatec et à la société Toile et Structures.