Cass. com., 28 juin 1988, n° 87-10.004
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Baudoin
Rapporteur :
M. Hatoux
Avocat général :
M. Montanier
Avocat :
SCP Guiguet, Bachellier et Potier de la Varde
Sur le moyen unique, pris en ses quatre branches :
Attendu, selon l'arrêt déféré (Paris, 2 mai 1985), et les pièces produites, que, par acte du 31 août 1980, M. Ernest Y... a cédé à Mlle A... ses parts dans la société en nom collectif Y... frères dont la dénomination est devenue SNC Y... (la société) ; que, par un autre acte du même jour, M. Humbert Y..., second associé, et Mlle A... ont adopté de nouveaux statuts ; qu'après le décès de M. Humbert Y..., ses héritières Mme X... et Mme Ginette Z... (les héritières) ont convoqué une assemblée générale des associés, tenue le 23 septembre 1983, qui, en l'absence de Mlle A..., a révoqué cette dernière de ses fonctions de gérante ; que les héritières ont assigné Mlle A... devant le tribunal de commerce en demandant que soit constatée la validité de la décision prise par l'assemblée générale et que Mlle A... soit condamnée à rendre compte de sa gestion et à restituer les fonds sociaux ; que Mlle A... a contesté la qualité d'associées des héritières ;
Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt infirmatif d'avoir accueilli la demande des héritières, en premier lieu, aux motifs propres, selon le pourvoi, que les statuts de la société établis le 9 février 1976 prévoient à leur article 11 "la société ne sera pas dissoute par le décès de l'un des associés ; elle continuera avec le conjoint survivant de l'associé décédé ou à défaut avec ses héritiers" ; que ces statuts n'ont pas été mofifiés par une convention du 31 août 1980 passée entre M. Humbert Y... et Mme A... qui tendait à l'élaboration de nouveaux statuts ; qu'en effet il suffit de constater que M. Ernest Y... n'a pas participé à l'élaboration de ces nouveaux statuts tandis que le 31 août 1980 il était encore associé puisqu'il a cédé ses parts à Mme A... par un acte en date du 1er septembre 1980 ; qu'il est donc superflu de souligner, seulement pour mémoire, que l'article 11 de ce projet de statuts stipulait qu'en cas de décès d'un associé la société ne serait pas dissoute ; qu'en application des statuts de la société les héritières de M. Y... sont devenues de plein droit associées ; qu'en application des dispositions de l'article 18 de la loi du 24 juillet 1966 Mme A... a été valablement révoquée de ses fonctions de gérante par la deuxième résolution adoptée à l'unanimité des autres associés lors de l'assemblée générale ; alors que, de première part, en retenant d'office, sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations, que la cession de parts ne serait intervenue que le 1er septembre 1980 de sorte que M. Ernest Y... aurait dû signer l'acte du 31 août 1980 qui modifiait les statuts pour que cet acte fût valable, la cour d'appel a violé l'article 16 du nouveau Code de procédure civile ; alors que, de deuxième part, en affirmant que la cession de parts était datée du 1er septembre 1980 la cour d'appel a dénaturé l'acte de cession qui porte la date du 31 août 1980 et violé l'article 1134 du Code civil ; et en deuxième lieu, aux motifs éventuellement adoptés des premiers juges que les statuts de la société, faits à Villeneuve Saint Georges le 31 août 1980 et signés par M. Y... Humbert et Mme Micheline A..., n'ont pas été déposés au registre de commerce ; qu'il y a lieu de rejeter ces statuts de les déclarer nuls, en application de l'article 361 de la loi du 24 juillet 1966, et de dire qu'ils ne peuvent être opposés aux tiers ; alors que, de troisième part, aux termes de l'article 361 de la loi du 24 juillet 1966, si le défaut d'accomplissement des formalités de publicité d'un acte modifiant les statuts d'une société en nom collectif est sanctionné par la nullité de l'acte, le tribunal a la faculté de ne pas prononcer la nullité encourue si aucune fraude n'est constatée ; qu'ainsi en prononçant la nullité de l'acte du 31 août 1980 non publié, sans constater l'existence d'une telle fraude, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard du texte susvisé ; et alors, enfin, qu'il résulte de l'article 367 de la loi du 24 juillet 1966 que les actions en nullité d'un acte postérieur à la constitution de la société se prescrivent par 3 ans ; que ce délai étant préfix, la nullité ne peut, postérieurement à l'expiration du délai, être invoquée par voie d'exception ; qu'ainsi en l'espèce où la nullité de l'acte du 31 août 1980 n'a été invoquée pour la première fois que dans l'assignation du 8 décembre 1983 la cour d'appel en omettant de constater la prescription et en prononçant la nullité de l'acte a violé le texte susvisé ;
Mais attendu, en premier lieu, que l'arrêt a relevé que les nouveaux statuts, comme les anciens, prévoyaient que la société ne serait pas dissoute par le décès de l'un des associés, ce qui impliquait qu'elle continuerait avec ses héritiers ; qu'en l'état de ces constatations, et abstraction faite des motifs surabondants tirés du défaut de signature des nouveaux statuts par M. Ernest Y..., la cour d'appel, qui a décidé que les héritières étaient devenues de plein droit associées, a légalement justifié sa décision du chef critiqué ;
Attendu, en second lieu, que la cour d'appel, qui a infirmé la décision des premiers juges, n'a ni expressément ni implicitement adopté les motifs critiqués par les troisième et quatrième branches ;
D'où il suit que le moyen, qui manque en fait dans ses troisième et quatrième branches n'est pas fondé pour le surplus ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi.