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Décisions

CJUE, 1re ch., 29 septembre 2022, n° C-633/20

COUR DE JUSTICE DE L’UNION EUROPEENNE

Arrêt

Rejet

PARTIES

Demandeur :

Bundesverband der Verbraucherzentralen und Verbraucherverbände – Verbraucherzentrale Bundesverband eV

Défendeur :

TC Medical Air Ambulance Agency GmbH

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président de chambre :

M. Arabadjiev

Président :

M. Lenaerts

Vice-président :

M. Bay Larsen (rapporteur)

Juges :

M. Xuereb , M. Kumin

Avocat général :

M. Szpunar

Avocats :

Me Kummer, Me Wassermann, Me Ackermann

CJUE n° C-633/20

28 septembre 2022

LA COUR (première chambre),

1 La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 2, points 3 et 5, de la directive 2002/92/CE du Parlement européen et du Conseil, du 9 décembre 2002, sur l’intermédiation en assurance (JO 2003, L 9, p. 3), telle que modifiée par la directive 2014/65/UE du Parlement européen et du Conseil, du 15 mai 2014 (JO 2014, L 173, p. 349) (ci-après la « directive 2002/92 »), ainsi que de l’article 2, paragraphe 1, points 1, 3 et 8, de la directive (UE) 2016/97 du Parlement européen et du Conseil, du 20 janvier 2016, sur la distribution d’assurances (JO 2016, L 26, p. 19), telle que modifiée par la directive (UE) 2018/411 du Parlement européen et du Conseil, du 14 mars 2018 (JO 2018, L 76, p. 28) (ci-après la « directive 2016/97 »).  

2 Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant le Bundesverband der Verbraucherzentralen und Verbraucherverbände – Verbraucherzentrale Bundesverband eV (Union fédérale des centrales et associations de consommateurs, Allemagne) à TC Medical Air Ambulance Agency GmbH au sujet de l’activité alléguée d’intermédiation en assurance qu’exercerait cette dernière sans autorisation.

Le cadre juridique

Le droit de l’Union

La directive 2002/92

3 Les considérants 8, 9 et 11 de la directive 2002/92 énonçaient :

« (8) La coordination des dispositions nationales relatives aux exigences professionnelles et à l’immatriculation des personnes qui accèdent à l’activité d’intermédiation en assurance et qui exercent cette activité peut donc contribuer tant à l’achèvement du marché unique des services financiers qu’à l’amélioration de la protection des consommateurs dans ce domaine.

(9) Différents types de personnes ou d’institutions, telles que les agents, les courtiers et les opérateurs de “bancassurance”, peuvent distribuer les produits d’assurance. L’égalité de traitement entre les opérateurs et la protection des consommateurs exige que toutes ces personnes ou institutions soient couvertes par la présente directive.  

[...]

(11) La présente directive devrait s’appliquer aux personnes dont l’activité consiste à fournir à des tiers des services d’intermédiation en assurance en échange d’une rémunération qui peut être pécuniaire ou revêtir toute autre forme d’avantage économique convenu et lié à la prestation fournie. »

4 L’article 1er de cette directive, intitulé « Champ d’application », prévoyait, à son paragraphe 1 :

« La présente directive établit les règles concernant l’accès aux activités d’intermédiation en assurance et en réassurance et leur exercice par des personnes physiques et morales qui sont établies ou qui souhaitent s’établir dans un État membre. »

5 L’article 2 de ladite directive, intitulé « Définitions », disposait :

« Aux fins de la présente directive, on entend par :

[...]

3) “intermédiation en assurance”, toute activité consistant à présenter ou à proposer des contrats d’assurance ou à réaliser d’autres travaux préparatoires à leur conclusion ou à les conclure, ou à contribuer à leur gestion et à leur exécution, notamment en cas de sinistre.

À l’exception du chapitre III bis de la présente directive, ces activités ne sont pas considérées comme une intermédiation en assurance ou une distribution d’assurance lorsqu’elles sont exercées par une entreprise d’assurance ou un salarié d’une entreprise d’assurance qui agit sous la responsabilité de celle ci.

[...]

[...]

5) “intermédiaire d’assurance”, toute personne physique ou morale qui, contre rémunération, accède à l’activité d’intermédiation en assurance ou l’exerce ;

[...] »

6 L’article 3, paragraphe 1, premier alinéa, de la même directive prévoyait :

« Les intermédiaires d’assurance et de réassurance sont immatriculés par une autorité compétente au sens de l’article 7, paragraphe 2, dans leur État membre d’origine. »

La directive 2016/97

7 Les considérants 5 à 7, 10 et 16 de la directive 2016/97 énoncent :

« (5) Différents types de personnes ou d’organismes [...] peuvent distribuer des produits d’assurance. L’égalité de traitement entre les opérateurs et la protection des consommateurs suppose que l’ensemble de ces personnes ou organismes soient couverts par la présente directive.  

(6) Les consommateurs devraient bénéficier du même niveau de protection, quelles que soient les différences entre les canaux de distribution. Afin de garantir que le même niveau de protection s’applique et que le consommateur puisse bénéficier de normes comparables, en particulier en matière d’informations à fournir, l’existence de conditions de concurrence équitables entre distributeurs est essentielle.

(7) L’application de la directive [2002/92] a montré qu’un certain nombre de ses dispositions devaient être précisées pour faciliter l’exercice de la distribution d’assurances et que la protection des consommateurs exigeait d’étendre le champ d’application de ladite directive à toutes les ventes de produits d’assurance. [...]

[...]

(10) [...] Il convient [...] de renforcer la confiance des consommateurs et d’uniformiser davantage la réglementation de la distribution des produits d’assurance, de façon à garantir aux clients un niveau adéquat de protection dans toute l’Union [européenne]. Le niveau de protection des consommateurs devrait être amélioré par rapport à la directive [2002/92] en vue de réduire la nécessité de mesures nationales diverses. [...]

[...]

(16) La présente directive devrait garantir que le même niveau de protection des consommateurs s’applique et que tous les consommateurs puissent bénéficier de normes comparables. La présente directive devrait favoriser la création de conditions de concurrence équitables entre les intermédiaires, qu’ils soient ou non liés à une entreprise d’assurance. Les consommateurs peuvent tirer bénéfice du fait que les produits d’assurance sont distribués par le biais de divers canaux et par des intermédiaires dans le cadre de différentes formes de coopération avec les entreprises d’assurance, à condition que ces entités soient tenues d’appliquer des règles similaires en matière de protection des consommateurs. Les États membres devraient tenir compte de ces éléments pour la mise en œuvre de la présente directive. »

8 L’article 1er, paragraphe 1, de cette directive dispose :

« La présente directive établit des règles concernant l’accès aux activités de distribution d’assurances et de réassurances et leur exercice dans l’Union. »

9 L’article 2, paragraphe 1, de ladite directive prévoit :

« Aux fins de la présente directive, on entend par :

1) “distribution d’assurances”, toute activité consistant à fournir des conseils sur des contrats d’assurance, à proposer des contrats d’assurance ou à réaliser d’autres travaux préparatoires à leur conclusion, à conclure de tels contrats, ou à contribuer à leur gestion et à leur exécution, notamment en cas de sinistre, y compris la fourniture d’informations sur un ou plusieurs contrats d’assurance selon des critères choisis par le client sur un site [I]nternet ou par d’autres moyens de communication et l’établissement d’un classement de produits d’assurance comprenant une comparaison des prix et des produits, ou une remise de prime, lorsque le client peut conclure un contrat directement ou indirectement au moyen d’un site [I]nternet ou d’autres moyens de communication ;

[...]

3) “intermédiaire d’assurance”, toute personne physique ou morale autre qu’une entreprise d’assurance ou de réassurance, ou leur personnel, et autre qu’un intermédiaire d’assurance à titre accessoire, qui, contre rémunération, accède à l’activité de distribution d’assurances ou l’exerce ;

[...]

8) “distributeur de produits d’assurance”, tout intermédiaire d’assurance, tout intermédiaire d’assurance à titre accessoire ou toute entreprise d’assurance ;  

9) “rémunération”, toute commission, tout honoraire, toute charge ou tout autre type de paiement, y compris tout avantage économique de toute nature ou tout autre avantage ou toute autre incitation financier ou non financier, proposé ou offert en rapport avec des activités de distribution d’assurances ;

[...] »

10 L’article 3, paragraphe 1, de la même directive dispose :

« Les intermédiaires d’assurance et de réassurance et les intermédiaires d’assurance à titre accessoire sont immatriculés par une autorité compétente dans leur État membre d’origine.

[...] »

11 L’article 44 de la directive 2016/97 est ainsi rédigé :

« La directive [2002/92], telle qu’elle est modifiée par les directives énumérées à l’annexe II, partie A, de la présente directive, est abrogée avec effet au 1er octobre 2018, sans préjudice des obligations des États membres liées au délai de transposition en droit national des directives visées à l’annexe II, partie B, de la présente directive.

Les références faites à la directive abrogée s’entendent comme faites à la présente directive et sont à lire selon le tableau de correspondance figurant à l’annexe III. »

Le droit allemand

12 L’article 34d, paragraphe 1, de la Gewerbeordnung (code relatif à l’exercice des professions industrielles, commerciales et artisanales, ci après la « GewO »), dans sa version applicable aux faits au principal, disposait que quiconque entendait servir d’intermédiaire à titre professionnel, en qualité de courtier d’assurance ou d’agent d’assurance, en vue de la conclusion de contrats d’assurance (intermédiaire d’assurance) devait obtenir l’autorisation de la chambre de commerce et d’industrie compétente, laquelle devait indiquer si elle était délivrée à un courtier ou à un agent d’assurance.

13 Selon l’article 34d, paragraphe 1, première phrase, de la GewO, dans sa version applicable à compter du 23 février 2018, « quiconque entend servir d’intermédiaire à titre professionnel en vue de la conclusion de contrats d’assurance ou de réassurance (intermédiaire d’assurance) doit obtenir l’autorisation de la chambre de commerce et d’industrie compétente ».

14 L’article 34d, paragraphe 1, deuxième phrase, points 1 et 2, de la GewO, dans sa version applicable à compter du 23 février 2018, précise qu’un intermédiaire d’assurance est « toute personne qui, en qualité d’agent d’assurance d’une ou de plusieurs compagnies d’assurances ou d’un agent d’assurance, est chargée de servir d’intermédiaire ou de conclure des contrats d’assurance ou qui, en qualité de courtier d’assurance, assure l’intermédiation ou la conclusion de contrats d’assurance pour le compte du commettant sans en être chargée par une entreprise d’assurance ou un agent d’assurance ».

15 En vertu de cet article 34d, dans ses versions applicables tant avant qu’à compter du 23 février 2018, la personne qui a obtenu une autorisation conformément à l’article 34d, paragraphe 1, de la GewO doit être inscrite au registre des intermédiaires.

Le litige au principal et la question préjudicielle

16 La défenderesse au principal confie à des entreprises de publicité le soin de proposer aux consommateurs, au moyen du démarchage à domicile, l’adhésion, moyennant paiement, à un régime d’assurance collective.

17 À cette fin, elle a souscrit, auprès de W. Versicherungs-AG, un contrat d’assurance de groupe comprenant une couverture contre les risques de maladie et d’accident lors des voyages à l’étranger ainsi qu’une couverture des frais de rapatriement à l’étranger et sur le territoire national.

18 La défenderesse au principal, dont il est constant qu’elle agit en tant que preneur d’assurance, paie les primes dues à la compagnie d’assurances.

19 Par ailleurs, elle est contractuellement liée à F. r. AG, une société qui, à l’aide de son personnel médical ainsi que d’un avion, fournit, contre rémunération, des prestations consistant en, d’une part, l’organisation et l’exécution du rapatriement en cas de maladie ou d’accident survenu à l’étranger et, d’autre part, l’organisation d’une permanence téléphonique.

20 Les clients de la défenderesse au principal qui adhèrent à l’assurance de groupe souscrite par celle-ci lui versent une rémunération et obtiennent, en contrepartie, le droit à diverses prestations en cas de maladie ou d’accident à l’étranger, qui comprennent le remboursement des frais relatifs aux soins médicaux et aux transports en ambulance, l’organisation et l’exécution des transports y afférents ainsi que la gestion d’une permanence téléphonique.

21 Les prestations d’assurance garanties aux clients de la défenderesse au principal sont fournies, notamment, au moyen de créances que celle-ci cède à ces clients.

22 Ainsi qu’il ressort de la décision de renvoi, l’activité de la défenderesse au principal ne tend pas à la conclusion d’un contrat d’assurance, mais vise à permettre à des consommateurs d’adhérer à l’assurance de groupe qu’elle a souscrite ainsi qu’à leur procurer la possibilité de bénéficier des prestations couvertes par cette assurance.

23 Ni la défenderesse au principal ni les entreprises de publicité auxquelles celle-ci a recours ne disposent de l’autorisation prévue en droit national pour l’exercice de l’activité d’intermédiation en assurance.

24 Considérant que l’activité de la défenderesse au principal correspond à celle d’un intermédiaire d’assurance et doit, à ce titre, faire l’objet d’une telle autorisation, le requérant au principal a saisi le Landgericht Koblenz (tribunal régional de Coblence, Allemagne) d’un recours tendant à faire cesser cette activité.

25 Cette juridiction a accueilli ce recours.

26 La défenderesse au principal a introduit un recours contre la décision du Landgericht Koblenz (tribunal régional de Coblence) devant l’Oberlandesgericht Koblenz (tribunal régional supérieur de Coblence, Allemagne), lequel a infirmé ladite décision, estimant qu’elle ne saurait être qualifiée d’« intermédiaire d’assurance », au sens de l’article 34d, paragraphe 1, de la GewO, dans ses versions applicables aux faits au principal.

27 Saisie d’un pourvoi en Revision, la juridiction de renvoi, le Bundesgerichtshof (Cour fédérale de justice, Allemagne), considère que la résolution du litige au principal dépend du point de savoir si la défenderesse au principal doit être qualifiée d’« intermédiaire d’assurance », au sens des directives 2002/92 et 2016/97.

28 Dans ces conditions, le Bundesgerichtshof (Cour fédérale de justice) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour la question préjudicielle suivante :

« Une entreprise qui a souscrit pour ses clients, en qualité de preneur d’assurance, une assurance maladie pour les voyages à l’étranger et une assurance [couvrant les] frais de rapatriement à l’étranger et sur le territoire national dans le cadre d’une assurance de groupe auprès d’une entreprise d’assurance, qui vend aux consommateurs des adhésions leur donnant droit aux prestations d’assurance en cas de maladie ou d’accident ayant lieu à l’étranger et qui perçoit une rémunération versée par les membres affiliés en contrepartie de la couverture d’assurance acquise, est-elle un intermédiaire d’assurance, au sens de l’article 2, points 3 et 5, de la directive 2002/92 et de l’article 2, paragraphe 1, points 1, 3 et 8, de la directive 2016/97 ? »

Sur la question préjudicielle

29 Par sa question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 2, points 3 et 5, de la directive 2002/92 et l’article 2, paragraphe 1, points 1, 3 et 8, de la directive 2016/97 doivent être interprétés en ce sens que relève de la notion d’« intermédiaire d’assurance » et, partant, de celle de « distributeur de produits d’assurance », au sens de ces dispositions, une personne morale dont l’activité consiste à proposer à ses clients d’adhérer sur une base volontaire, en contrepartie d’une rémunération qu’elle perçoit de ceux ci, à une assurance de groupe qu’elle a préalablement souscrite auprès d’une compagnie d’assurances, cette adhésion conférant à ces clients le droit à des prestations d’assurance en cas, notamment, de maladie ou d’accident à l’étranger.

30 À titre liminaire, il convient de rappeler, ainsi qu’il résulte de l’article 44, premier alinéa, de la directive 2016/97, que la directive 2002/92 a été abrogée avec effet au 1er octobre 2018. Néanmoins, il ressort de la décision de renvoi que, afin de statuer sur la demande en cessation de l’activité de la défenderesse au principal, la juridiction de renvoi doit examiner cette activité au regard tant des dispositions du droit de l’Union en vigueur au moment des faits au principal que de celles en vigueur au moment où cette juridiction statuera sur cette demande. Il s’ensuit qu’il y a lieu de répondre à la question posée au regard de ces deux directives.

31 Ainsi qu’il ressort de l’article 1er, paragraphe 1, de la directive 2002/92 et de l’article 1er, paragraphe 1, de la directive 2016/97, ces directives établissent des règles concernant l’accès, respectivement, aux activités d’intermédiation en assurance et en réassurance, et aux activités de distribution d’assurances et de réassurances, ainsi que leur exercice dans l’Union.

32 L’activité d’« intermédiation en assurance » est définie à l’article 2, point 3, premier alinéa, de la directive 2002/92 comme étant toute activité consistant à présenter ou à proposer des contrats d’assurance ou à réaliser d’autres travaux préparatoires à leur conclusion ou à les conclure, ou à contribuer à leur gestion et à leur exécution, notamment en cas de sinistre.

33 Par ailleurs, l’article 2, point 5, de cette directive définit l’intermédiaire d’assurance comme étant toute personne physique ou morale qui, contre rémunération, accède à l’activité d’intermédiation en assurance ou l’exerce.

34 Aux termes du considérant 11 de ladite directive, cette rémunération peut être pécuniaire ou revêtir toute autre forme d’avantage économique convenu et lié à la prestation fournie.

35 La directive 2016/97 définit, quant à elle, la notion de « distribution d’assurances », à son article 2, paragraphe 1, point 1, comme étant toute activité consistant à fournir des conseils sur des contrats d’assurance, à proposer des contrats d’assurance ou à réaliser d’autres travaux préparatoires à leur conclusion, à conclure de tels contrats, ou à contribuer à leur gestion et à leur exécution, notamment en cas de sinistre.

36 La notion d’« intermédiaire d’assurance » est définie, à l’article 2, paragraphe 1, point 3, de cette directive, comme visant toute personne physique ou morale autre qu’une entreprise d’assurance ou de réassurance, ou leur personnel, et autre qu’un intermédiaire d’assurance à titre accessoire, qui, contre rémunération, accède à l’activité de distribution d’assurances ou l’exerce.

37 Le « distributeur de produits d’assurance » est, pour sa part, défini, à l’article 2, paragraphe 1, point 8, de ladite directive, comme étant « tout intermédiaire d’assurance, tout intermédiaire d’assurance à titre accessoire ou toute entreprise d’assurance ».

38 Quant à la notion de « rémunération », elle est définie à l’article 2, paragraphe 1, point 9, de la directive 2016/97, comme visant toute commission, tout honoraire, toute charge ou tout autre type de paiement, y compris tout avantage économique de toute nature ou tout autre avantage ou toute autre incitation financier ou non financier, proposé ou offert en rapport avec des activités de distribution d’assurances.

39 Afin de déterminer si une personne morale telle que la défenderesse au principal relève de la notion d’« intermédiaire d’assurance » et, partant, de celle de « distributeur de produits d’assurance », au sens de l’article 2, point 5, de la directive 2002/92 et de l’article 2, paragraphe 1, points 3 et 8, de la directive 2016/97, en ce qu’elle exerce des activités énumérées à l’article 2, point 3, premier alinéa, de la première directive et à l’article 2, paragraphe 1, point 1, de la seconde directive, il convient de tenir compte non seulement des termes de ces dispositions, mais également de leur contexte et des objectifs poursuivis par la réglementation dont elles font partie (voir, en ce sens, arrêt du 31 mai 2018, Länsförsäkringar Sak Försäkringsaktiebolag e.a., C 542/16, EU:C:2018:369, point 39).

40 S’agissant, tout d’abord, du libellé de l’article 2, point 5, de la directive 2002/92 et de celui de l’article 2, paragraphe 1, point 3, de la directive 2016/97, il y a lieu de relever, d’une part, que l’intermédiaire d’assurance est défini comme une personne qui, « contre rémunération », accède à l’activité d’intermédiation en assurance, ou de distribution d’assurances, ou l’exerce et, d’autre part, que la notion d’« intermédiaire d’assurance » est définie par référence aux activités, respectivement, d’intermédiation en assurance et de distribution d’assurances, telles qu’elles sont précisées à l’article 2, point 3, de la directive 2002/92 et à l’article 2, paragraphe 1, point 1, de la directive 2016/97.

41 Dans une situation telle que celle en cause au principal, la condition tenant à l’existence d’une rémunération doit être considérée comme satisfaite dès lors que chaque adhésion d’un client de la personne morale qui a souscrit le contrat d’assurance de groupe avec la compagnie d’assurances et qui paie, à ce titre, les primes d’assurance à cette dernière, donne lieu à un paiement en faveur de cette personne morale. En l’occurrence, la défenderesse au principal contribue ainsi, en contrepartie d’une telle rémunération, à l’obtention par des tiers, à savoir ses clients, des couvertures d’assurance prévues par le contrat qu’elle a conclu avec une compagnie d’assurances. La perspective de cette rémunération représente, pour une personne morale telle que la défenderesse au principal, un intérêt économique propre, distinct de l’intérêt des adhérents à l’obtention des couvertures d’assurance résultant du contrat en cause, qui est de nature à l’encourager, compte tenu du caractère facultatif de l’adhésion audit contrat, à susciter un grand nombre d’adhésions à celui-ci, ce dont atteste d’ailleurs, en l’occurrence, le recours par la défenderesse au principal à des entreprises de publicité proposant, par un démarchage à domicile, une telle adhésion.

42 Compte tenu de la conception large de la notion de « rémunération » qui découle tant du considérant 11 de la directive 2002/92 que de l’article 2, paragraphe 1, point 9, de la directive 2016/97, il est sans importance que le paiement, lors de chaque adhésion au contrat d’assurance de groupe, en faveur de la personne morale ayant souscrit ce contrat avec la compagnie d’assurances, soit effectué par les adhérents en contrepartie des droits aux prestations d’assurance qui leur sont cédés par cette personne, et non pas par l’assureur sous la forme, par exemple, d’une commission. Du reste, une telle circonstance ne remet pas en cause l’intérêt économique propre de ladite personne à une adhésion la plus large possible de ses clients audit contrat afin que ces différents paiements financent, voire excèdent, le montant des primes qu’elle même verse à l’assureur dans le cadre du même contrat.

43 Quant aux activités auxquelles renvoient les définitions de la notion d’« intermédiaire d’assurance », prévues à l’article 2, point 5, de la directive 2002/92 et à l’article 2, paragraphe 1, point 3, de la directive 2016/97, la Cour a déjà jugé qu’il résulte du fait que les activités énumérées à ces dispositions sont présentées de façon alternative que chacune constitue, à elle seule, une activité d’intermédiation en assurance. Par ailleurs, la Cour a précisé que ces activités sont formulées dans des termes larges et que, en particulier, elles consistent non seulement en la présentation et en la proposition de contrats d’assurance, mais aussi en la réalisation d’autres travaux préparatoires à la conclusion de ceux-ci, sans que la nature des travaux préparatoires visés soit limitée d’une quelconque manière (voir, en ce sens, arrêt du 31 mai 2018, Länsförsäkringar Sak Försäkringsaktiebolag e.a., C 542/16, EU:C:2018:369, points 37 et 53).

44 Bien que le libellé de l’article 2, points 3 et 5, de la directive 2002/92 et celui de l’article 2, paragraphe 1, points 1 et 3, de la directive 2016/97 ne mentionnent pas expressément une activité telle que celle visée par la question posée, les définitions que ces dispositions comportent doivent être lues comme englobant une telle activité.

45 Il est indifférent à cet égard, ainsi que l’ont souligné, notamment, le gouvernement allemand et la Commission européenne, que la personne morale menant une activité telle que celle en cause au principal vise non pas la conclusion de contrats d’assurance par lesquels des preneurs d’assurance entendent obtenir la couverture de risques par un assureur moyennant le versement de primes, mais l’adhésion volontaire de ses propres clients, en contrepartie d’une rémunération qui lui est versée, à un contrat d’assurance de groupe qu’elle a préalablement conclu avec un assureur aux fins de la fourniture d’une telle couverture à ces clients. Une telle activité est, en effet, comparable à l’activité rémunérée d’un intermédiaire d’assurance ou d’un distributeur de produits d’assurance qui tend à la conclusion, par des preneurs d’assurance, de contrats d’assurance avec un assureur ayant pour objet la couverture de certains risques en contrepartie du versement d’une prime d’assurance.

46 De même, n’est pas déterminante la circonstance que la personne morale se livrant à une activité telle que celle en cause au principal soit elle-même partie, en qualité de preneur d’assurance, au contrat d’assurance de groupe auquel elle entend inciter ses clients à adhérer. En effet, de même que la qualité de distributeur de produits d’assurance n’est, aux termes de l’article 2, paragraphe 1, point 8, de la directive 2016/97, pas incompatible avec celle d’assureur, la qualité d’intermédiaire d’assurance et, partant, de distributeur de produits d’assurance n’est pas incompatible avec celle de preneur d’assurance [voir, en ce sens, arrêt du 24 février 2022, A e.a. (Contrats d’assurance « unit-linked »), C 143/20 et C 213/20, EU:C:2022:118, points 87 et 88].

47 En ce qui concerne, ensuite, le contexte dans lequel s’inscrivent les dispositions soumises à interprétation, il découle du considérant 9 de la directive 2002/92 et du considérant 5 de la directive 2016/97 que les produits d’assurance peuvent être distribués par différents types de personnes ou d’organismes et qu’il est nécessaire, pour garantir l’égalité de traitement entre les opérateurs ainsi que la protection des consommateurs, que l’ensemble de ces personnes ou organismes soient couverts par ces directives.

48 Par ailleurs, ainsi qu’il est reflété à son considérant 7, la directive 2016/97 a, eu égard aux imprécisions qui entachaient un certain nombre de dispositions de la directive 2002/92, étendu le champ d’application de cette dernière directive à toutes les ventes de produits d’assurance.

49 Comme il est énoncé aux considérants 6 et 16 de la directive 2016/97, les consommateurs devraient bénéficier du même niveau de protection, quelles que soient les différences entre les canaux de distribution. Ainsi qu’il est également reflété au considérant 16 de cette directive, les consommateurs peuvent tirer bénéfice du fait que les produits d’assurance sont distribués au moyen de divers canaux et par des intermédiaires dans le cadre de différentes formes de coopération avec les entreprises d’assurance, à condition que ces entités soient tenues d’appliquer des règles similaires en matière de protection des consommateurs, et ce pour des raisons tenant également à la nécessité d’instituer des conditions de concurrence équitables entre tous les intermédiaires d’assurance et distributeurs de produits d’assurance.

50 Au vu de ce contexte, et eu égard à ce qui a été relevé aux points 41, 42, 45 et 46 du présent arrêt, les notions contenues à l’article 2, points 3 et 5, de la directive 2002/92 ainsi qu’à l’article 2, paragraphe 1, points 1, 3 et 8, de la directive 2016/97 doivent être interprétées en ce sens qu’elles englobent une personne morale qui se livre à une activité telle que celle en cause au principal.

51 Enfin, une telle interprétation est conforme aux objectifs poursuivis par ces directives.

52 À cet égard, ainsi qu’il est reflété, en substance, aux considérants 8 et 9 de la directive 2002/92, celle-ci a pour finalités, notamment, d’assurer l’égalité de traitement entre toutes les catégories d’intermédiaires d’assurance ainsi que d’améliorer la protection des consommateurs dans le domaine de l’assurance (voir, en ce sens, arrêt du 17 octobre 2013, EEAE e.a., C 555/11, EU:C:2013:668, points 27 et 29). Ces finalités sont poursuivies, de manière renforcée, par la directive 2016/97, ainsi que cela découle, notamment, de ses considérants 5, 7, 10 et 16.

53 Or, inclure dans le champ d’application de ces directives des personnes qui opèrent sur le marché des assurances sur la base d’un modèle économique tel que celui visé par la question posée est de nature à favoriser la réalisation de ces deux finalités.

54 En effet, d’une part, l’inclusion, dans ce champ d’application, de telles personnes, dont l’activité s’apparente, ainsi qu’il ressort des points 41, 42 et 45 du présent arrêt, à une activité d’intermédiation en assurance ou de distribution d’assurances, au sens desdites directives, évite qu’il soit porté atteinte à l’objectif consistant à assurer l’égalité de traitement entre toutes les catégories d’intermédiaires et de distributeurs de produits d’assurance, tel qu’énoncé aux considérants des mêmes directives mentionnés au point 52 du présent arrêt.

55 Ainsi, dans la mesure où les activités mentionnées au point précédent sont de nature comparable, les obligations d’autorisation et d’immatriculation prévues par la directive 2002/92 et la directive 2016/97, qui visent notamment à garantir que les intermédiaires d’assurance disposent de la fiabilité et de l’expertise nécessaires en matière d’intermédiation et de conseil en assurance, doivent s’appliquer de la même manière aux acteurs économiques qui exercent ces activités.

56 D’autre part, inclure, dans le champ d’application des directives 2002/92 et 2016/97, les personnes morales dont l’activité correspond à celle visée par la question posée, en leur imposant ainsi le respect des règles prévues par ces directives, contribue à l’objectif de l’amélioration de la protection des consommateurs dans le domaine de l’assurance.

57 En effet, ainsi que M. l’avocat général l’a relevé aux points 83 et 84 de ses conclusions, afin de veiller à ce que l’activité de l’intermédiaire d’assurance assure un niveau adéquat de protection des consommateurs, cet intermédiaire est tenu, conformément auxdites directives, de respecter, notamment, un ensemble d’exigences de nature professionnelle, financière et organisationnelle, des règles de conduite telles que celles visant à prévenir le risque d’un conflit d’intérêts découlant d’éventuels liens entre ledit intermédiaire et un assureur donné, ainsi que des obligations d’information et de conseil à l’égard de ces consommateurs.

58 Or, ainsi que l’a souligné le requérant au principal, ce besoin de protection des consommateurs est tout aussi important à l’égard d’une personne morale qui incite ces derniers, à travers un modèle économique tel que celui en cause au principal, à adhérer à un contrat d’assurance de groupe qu’elle a souscrit auprès d’un assureur, qu’à l’égard d’un intermédiaire d’assurance ou d’un distributeur de produits d’assurance dont l’activité rémunérée tend à la conclusion directe de contrats d’assurance par de tels consommateurs.

59 Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il convient de répondre à la question posée que l’article 2, points 3 et 5, de la directive 2002/92 et l’article 2, paragraphe 1, points 1, 3 et 8, de la directive 2016/97 doivent être interprétés en ce sens que relève de la notion d’« intermédiaire d’assurance » et, partant, de celle de « distributeur de produits d’assurance », au sens de ces dispositions, une personne morale dont l’activité consiste à proposer à ses clients d’adhérer sur une base volontaire, en contrepartie d’une rémunération qu’elle perçoit de ceux ci, à une assurance de groupe qu’elle a préalablement souscrite auprès d’une compagnie d’assurances, cette adhésion conférant à ces clients le droit à des prestations d’assurance en cas, notamment, de maladie ou d’accident à l’étranger.

Sur les dépens

60 La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

Par ces motifs, la Cour (première chambre) dit pour droit :

L’article 2, points 3 et 5, de la directive 2002/92/CE du Parlement européen et du Conseil, du 9 décembre 2002, sur l’intermédiation en assurance, telle que modifiée par la directive 2014/65/UE du Parlement européen et du Conseil, du 15 mai 2014, et l’article 2, paragraphe 1, points 1, 3 et 8, de la directive (UE) 2016/97 du Parlement européen et du Conseil, du 20 janvier 2016, sur la distribution d’assurances, telle que modifiée par la directive (UE) 2018/411 du Parlement européen et du Conseil, du 14 mars 2018.

Doivent être interprétés en ce sens que :

relève de la notion d’« intermédiaire d’assurance » et, partant, de celle de « distributeur de produits d’assurance », au sens de ces dispositions, une personne morale dont l’activité consiste à proposer à ses clients d’adhérer sur une base volontaire, en contrepartie d’une rémunération qu’elle perçoit de ceux-ci, à une assurance de groupe qu’elle a préalablement souscrite auprès d’une compagnie d’assurances, cette adhésion conférant à ces clients le droit à des prestations d’assurance en cas, notamment, de maladie ou d’accident à l’étranger.