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Décisions

Cass. crim., 15 mai 2007, n° 05-87.260

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Cotte

Rapporteur :

M. Beauvais

Avocat général :

M. Davenas

Avocat :

SCP Gatineau

Rennes, 3e ch., du 17 nov. 2005

17 novembre 2005

Statuant sur le pourvoi formé par :

- LA SOCIETE AUTOMOBILES CITROEN,

contre l'arrêt de la cour d'appel de RENNES, 3e chambre, en date du 17 novembre 2005, qui, pour blessures involontaires ayant entraîné une incapacité totale de travail supérieure à trois mois, l'a condamnée à 30 000 euros d'amende, a ordonné une mesure de publication et a prononcé sur les intérêts civils ;

Vu le mémoire produit ;

Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles L. 230-2 II a) et b) et III, R. 233-2, R. 231-36, R. 231-38 et R. 233-7 du code du travail, articles 591 et 593 du code de procédure pénale ;

"en ce que l'arrêt a déclaré la personne morale Automobiles Citroen SA coupable de blessures involontaires ayant entraîné une incapacité totale de travail de plus de trois mois et l'a condamnée à une peine d'amende de 30 000 euros ainsi qu'au paiement de dommages-intérêts aux parties civiles et à la publication de la décision ;

"aux motifs que il résulte des éléments du dossier que les opérations qui ont occasionné, le 9 octobre 1996, l'accident corporel dont a été victime Yannick X... consistaient dans le démontage, avant livraison à la société Renault, d'un dispositif constitué d'une presse Schuler sur laquelle était monté l'outil d'emboutissage pour tunnels de châssis dont la mise au point venait d'être achevée par l'unité de production dénommée Constructions Mécaniques Rennaises (CMR) ; que Patrice Y... a indiqué qu'il était alors le seul présent dans l'atelier à connaître la procédure de démontage de l'outil, ayant eu l'occasion de le faire à deux ou trois reprises dans les six ou sept mois précédents, mais en précisant qu'il avait eu essentiellement un rôle de manutentionnaire et qu'on ne lui avait pas donné de directives particulières sur la mise en place des cales ; qu'il a indiqué également que la formation au démontage de l'outil Renault s'était faire oralement au contact de personnes plus expérimentées, qu'il n'y avait pas eu d'explications écrites et que ni Michel Z... ni lui-même n'avaient été associés au groupe chargé de déterminer le mode opératoire de démontage de l'outil Renault ; qu'alors, que ce démontage comportait une série d'opérations délicates à exécuter dans un ordre déterminé avec le risque, en cas de positionnement prématuré des cales, de provoquer le flambage de ces éléments, il ressort des actes d'enquête et d'instruction que le chef d'établissement n'a pas pris les précautions et n'a pas mis en oeuvre les mesures qui s'imposaient au regard des textes applicables ; qu'en particulier,

le respect de l'obligation d'évaluation des risques, imposée par l'article L. 230-2 du code du travail devait se traduire par une organisation plus rationnelle du travail spécifique que constituait le démontage de l'outil, alors qu'il apparaît que la prise en charge de l'opération et la détermination des personnes qui devaient y participer ont été laissées au hasard ;

qu'alors, que la société Automobiles Citroen a remis, dans le cadre de l'instruction, des schémas et des gammes de travail décrivant de façon claire le déroulement des opérations, rien de tel n'avait été fait avant l'accident ; qu'il n'est justifié d'aucune prescription impérative donné quant à la manière de procéder ; qu'aucune information rationnelle et systématique n'avait été donnée aux ouvriers susceptibles de participer à ces opérations alors que, selon ce qui a été indiqué par les intéressés, et non démenti par la prévenue, leur désignation relevait à la fois, en tout cas le jour de l'accident, du hasard et du volontariat ; que dans ces conditions, il y a eu méconnaissance des dispositions de l'article L. 230-2 du code du travail ainsi que des articles R. 233-2, R. 231-36 et R. 231-38 du même code ; que l'article R. 233-2 institue une obligation d'information du chef d'établissement envers les travailleurs chargés de la mise en oeuvre ou de la maintenance des équipements de travail quant aux conditions d'utilisation ou de maintenance de ces équipements, aux instructions ou consignes les concernant, à la conduite à tenir face aux situations anormales prévisibles et aux conclusions tirées de l'expérience acquise permettant de supprimer certains risques ; que les articles R. 231-36 et 38 instituent une obligation de formation à la sécurité, obligation qui a été insuffisamment remplie dans le cas présent puisque cette formation doit être dispensée au salarié à partir des risques auxquels il est exposé alors que ces risques n'ont pas été pris en compte dans le cas présent ; qu'il a été également contrevenu aux prescriptions de l'article R. 233-7 du code du travail selon lequel aucun poste de travail permanent ne doit être situé dans le champ d'une zone de projection d'éléments dangereux, ce qui procède de la mauvaise évaluation des risques en méconnaissance des dispositions de l'article L. 230-2 précité en particulier de son paragraphe III ; que ces manquements ainsi caractérisés sont la cause des blessures subies par Yannick X... ; qu'ils sont imputables à Georges-Alain A... responsable, à l'époque des faits, de l'unité de CMR et titulaire d'une délégation de pouvoirs en matière d'hygiène et de sécurité ; qu'il est expressément spécifié dans l'ordonnance de règlement du 6 novembre 2003 saisissant le tribunal correctionnel que la décision de non-lieu rendue à l'égard d'Alain A... est motivée par le fait que, tout en commettant des fautes par omission, négligence ou manquement aux dispositions du code du travail, il ne s'était cependant pas rendu coupable de violation de façon manifestement délibérée d'une obligation particulière de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement ni de la commission d'une faute caractérisée et qui exposait autrui à un risque d'une particulière gravité qu'il ne pouvait ignorer ; que cela n'empêche pas qu'en tant

que représentant de la société, il a commis, dans l'exercice de ses fonctions donc pour le compte de la personne morale, les infractions ci-dessus spécifiées et visées aux 2 ), 3 ), 4 ) et 5 ) de la prévention, infractions qui sont la cause des blessures subies par la victime ; que le délit de blessures involontaires prévu et réprimé par les articles 121-3 troisième alinéa et 222-19 du code pénal lui est donc imputable, ce qui entraîne la responsabilité pénale de la société Automobiles Citroen SA en application des dispositions de l'article 222-21 du même code.

"alors, d'une part que, le risque justifiant une procédure d'évaluation et d'information des salariés se caractérise par son aspect prévisible ou probable permettant qu'il puisse être raisonnablement envisagé à priori ; que le flambage de la cale ne constituait pas un risque au sens de la réglementation du travail ;

qu'il a été la conséquence d'un comportement imprévisible et irrationnel consistant à persister à essayer de réunir deux éléments à l'aide de chaînes alors que des butoirs les séparaient ; qu'en considérant néanmoins qu'Alain A... avait manqué à ses obligations en matière de sécurité du travail en n'envisageant pas l'éjection comme un risque, la cour d'appel a méconnu le sens des textes susvisés ;

"alors d'autre part, que la cour d'appel ne pouvait, sans se contredire, relever que Patrice Y... avait indiqué qu'il connaissait la procédure de démontage de l'outil et que sa formation s'était faite oralement au contact de personnes plus expérimentées et conclure qu'aucune information rationnelle et systématique n'avait été donnée aux ouvriers susceptibles de participer aux opérations ;

"alors enfin que, est dépourvu de base légale l'arrêt qui reproche à Alain A... d'avoir situé le poste de Yannick X... dans le champ de projection d'éléments dangereux sans caractériser en quoi les cales de support constituaient des éléments dangereux dont on pouvait à priori suspecter qu'ils risquaient d'être projetés" ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure que, le 9 octobre 1996, un salarié de la société Automobiles Citroën, qui était occupé à peindre une pièce de carrosserie, a été grièvement blessé à la tête par une cale en élastomère d'un poids de 2,370 kilos, projetée avec force par une presse située à une quinzaine de mètres de son poste de travail, par suite d'un phénomène de flambage survenu au cours du démontage de l'outil d'emboutissage placé sur ladite presse ; qu'à la suite de cet accident, la société Automobiles Citroën a été poursuivie pour blessures involontaires ayant entraîné une incapacité totale de travail supérieure à trois mois, par manquement aux obligations de prudence ou de sécurité imposées par la loi ou les règlements ;

Attendu que, pour retenir la culpabilité de la société Automobiles Citroën, l'arrêt énonce que le démontage de l'outil comportait une série d'opérations délicates à exécuter, dans un ordre déterminé, avec le risque, en cas de mise en place prématurée des cales, de provoquer le flambage de ces éléments ; que les juges relèvent que les deux salariés qui procédaient à cette tâche n'avaient reçu aucune formation spécifique, n'avaient pas été destinataires de directives particulières sur la mise en place des cales et n'avaient pas été informés des risques encourus en cas de positionnement inadéquat ou prématuré desdites cales ; qu'ils ajoutent que l'obligation d'évaluation des risques pesant sur le chef d'établissement en vertu de l'article L.230-2 du code du travail devait se traduire par une organisation plus rationnelle du travail spécifique que constituait le démontage de l'outil et aurait dû conduire le chef d'établissement à ne pas laisser le poste de travail de la victime dans le champ d'une zone de projection d'éléments dangereux ; qu'ils précisent que les fautes relevées sont imputables au directeur de l'établissement, titulaire d'une délégation de pouvoirs en matière de sécurité, ayant, comme tel, la qualité d'organe ou représentant de la société Automobiles Citroën au sens de l'article 121-2 du code pénal, ce qui entraîne la responsabilité pénale de la personne morale en application de l'article 222-21 du même code ;

Attendu qu'en l'état de ces motifs, exempts d'insuffisance comme de contradiction, la cour d'appel a justifié sa décision ;

D'où il suit que le moyen doit être écarté ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE le pourvoi.