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Décisions

Cass. 3e civ., 19 juillet 2000, n° 98-22.130

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

Paris, du 30 sept. 1998

30 septembre 1998

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 30 septembre 1998), qu'en 1989, la société civile immobilière ... (SCI), assurée par l'Union des assurances de Paris (UAP), aux droits de laquelle vient la société Axa Courtage, selon polices "dommages-ouvrage" et "constructeur non réalisateur", a fait édifier un immeuble, sous la maîtrise d'oeuvre de M. Z..., architecte, par la société Pradeau Morin, entrepreneur chargé des travaux ; que l'un des lots a été vendu en l'état futur d'achèvement aux époux X... ;

qu'ayant constaté que les rampes d'accès aux garages en sous-sol ne permettaient pas la circulation des voitures de grande taille, le syndicat des copropriétaires, auquel se sont joints les époux X..., a sollicité la réparation de son préjudice ; que les défendeurs ont formé entre eux des demandes de garantie ;

Attendu que M. Z... et la SCI font grief à l'arrêt d'accueillir cette demande, alors, selon le moyen, "1 / qu'en se bornant à prendre motif, pour mettre en jeu la garantie décennale de l'architecte, de ce que le vice ne serait pas apparent pour les acquéreurs lors de la réception, sans se prononcer sur le moyen pris par l'architecte de ce que ce vice n'aurait pas été caché pour la SCI, professionnelle de l'immobilier, la cour d'appel, qui n'a pas répondu aux conclusions opérantes dont elle était saisie, a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;

2 / qu'en prenant motif du fait que certains véhicules ne pouvant accéder à leur emplacement de stationnement, la rampe serait impropre à sa destination, sans constater que l'immeuble serait, par là-même, impropre à sa destination dans son intégralité, comme l'avait décidé le jugement dont l'architecte demandait la confirmation, la cour d'appel :1) n'a pas légalement motivé sa décision infirmative et violé les articles 954 et 455 du nouveau Code de procédure civile ; 2) n'a pas donné de base légale au regard des articles 1792 et suivant du Code civil, à sa décision portant condamnation de l'architecte sur le fondement de la garantie décennale des constructeurs ; 3 ) qu'en prenant motif de ce que, selon l'expert, dont elle déclarait faire siennes les déclarations, il appartenait à la SCI promotrice d'introduire dans les actes de vente une réserve sur les conditions limites d'utilisation du garage, ce qu'elle n'avait pas fait, sans doute dans le but de ne pas ralentir la commercialisation et de ne pas diminuer l'intérêt économique de l'opération, la cour d'appel n'a pas donné de base légale, au regard des articles 1147 et 1382 du Code civil, à sa décision qui condamne l'architecte à la garantir intégralement, de la condamnation à réparer un préjudice en partie imputable à son manquement envers ses acquéreurs ;

4 ) qu'il résulte de l'article 1792 du Code civil, que les désordres qui ne compromettent pas la solidité de l'immeuble ou ne le rendent pas impropre à sa destination, ne peuvent pas relever de la garantie décennale ; que, dès lors, en fondant la garantie décennale de la SCI sur l'impropriété à sa destination de la rampe d'accès au garage, qui ne permet pas l'accès à certains véhicules de grande dimension à leur emplacement de stationnement, sans rechercher si les difficultés relevées étaient de nature à rendre l'immeuble lui-même impropre à sa destination, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article susvisé" ;

Mais attendu qu'ayant constaté que l'accès des voitures s'effectuait au moyen de deux rampes, disposées en fond de parcelles, suivant un tracé en demi-cercle, et superposées, d'où il résultait qu'elles constituaient en elles-mêmes un ouvrage, souverainement relevé que l'impossibilité d'accès des véhicules de grande taille rendait les rampes impropres à leur destination au sens de l'article 1792 du Code civil, et retenu que M. Z..., qui avait, en sa qualité d'homme de l'art, une obligation de conseil vis-à-vis de la SCI, lui imposant de la mettre en garde contre les risques pris en réduisant les rampes d'accès au sous-sol, n'avait pas éclairé son cocontractant sur les conséquences pouvant résulter de sa décision, la cour d'appel a pu en déduire, répondant aux conclusions, que la SCI était responsable à l'égard des acquéreurs, et qu'elle devait être intégralement garantie par l'architecte ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Sur les deux moyens du pourvoi n° P 98-22.553, réunis :

Attendu que la société Pradeau Morin fait grief à l'arrêt de la condamner à garantir la société Axa Courtage, du paiement des sommes mises à sa charge au profit du syndicat des copropriétaires et des époux X..., alors, selon le moyen, "1 / que l'article 1792 du Code civil, instituant un régime de responsabilité de plein droit, a seulement vocation à s'appliquer dans les rapports entre les acquéreurs de l'ouvrage, et les constructeurs visés à l'article 1792-2 du Code civil, à l'exclusion des appels en garantie formés par ces constructeurs, les uns envers les autres, lesquels ne peuvent s'exercer que dans la limite de la part de responsabilité incombant définitivement à chacun, si bien qu'en faisant droit à l'appel en garantie formé par l'UAP en sa qualité d'assureur d'un constructeur, à l'encontre de la société Pradeau Morin, sur le fondement de l'article 1792, sans qu'aucune faute ne soit caractérisée à son encontre, la cour d'appel a violé par fausse application le texte précité, et par refus d'application l'article 1147 du Code civil ; 2 / que l'article 1792 du Code civil dispose que la responsabilité d'un constructeur n'est pas engagée si celui-ci prouve que les dommages proviennent d'une cause étrangère, si bien qu'en constatant que la construction du parking était conforme en tous points aux documents contractuels, et qu'il aurait ainsi appartenu au maître de l'ouvrage de prévenir des limites d'utilisation du garage, et à l'architecte de mettre en garde, sans rechercher si les fautes caractérisées et exclusives tant du maître de l'ouvrage que de l'architecte ne constituaient pas une cause étrangère exonératoire à l'égard de la société Pradeau Morin, contre laquelle aucune faute n'était établie, l'arrêt n'a pas donné de base

légale à sa décision au regard de l'article 1792 du Code civil" ;

Mais attendu, d'une part, qu'ayant décidé que la société Axa Courtage devait, en raison des désordres constatés, garantir la SCI au titre de polices d'assurance souscrites par ce maître de l'ouvrage, la cour d'appel a pu retenir que l'assureur, dont il n'est pas contesté qu'il était subrogé dans les droits de son assuré, était fondé à obtenir à son tour la garantie de la société Pradeau Morin, entrepreneur ayant participé à la construction de l'ouvrage, sur le fondement de l'article 1792 du Code civil ;

Attendu, d'autre part, que la société Pradeau Morin n'ayant pas invoqué, dans ses conclusions d'appel, l'existence d'une cause étrangère de nature à l'exonérer de sa responsabilité, le moyen est, de ce chef, nouveau, mélangé de fait et de droit ;

D'où il suit que, pour partie irrecevable, le moyen n'est pas fondé pour le surplus ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE les pourvois ;

Condamne, ensemble, M. Z... et la société Pradeau et Morin aux dépens des pourvois ;

Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, condamne, ensemble, M. Z... et la société Pradeau et Morin à payer au Syndicat des copropriétaires de l'immeuble ... la somme de 12 000 francs, et aux époux X... la somme de 12 000 francs ;

Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette les demandes de M. Z... et de la SCI du ... ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-neuf juillet deux mille.