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Décisions

CA Paris, 4e ch. A, 19 novembre 2008, n° 07/09900

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Gastronome Distribution (SA)

Défendeur :

Charal (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Carre-Pierrat

Conseillers :

Mme Rosenthal-Rolland, Mme Chokron

Avoués :

SCP Monin - D'auriac De Brons, SCP Grappotte Benetreau Jumel

Avocats :

Me Guerlain, Me Granger

TGI Paris, du 28 mars 2007, n° 04/15708

28 mars 2007

ARRET : CONTRADICTOIRE

- rendu par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du nouveau Code de procédure civile.

- signé par Monsieur Alain CARRE-PIERRAT, président et par Madame Jacqueline VIGNAL, greffier à laquelle la minute du présent arrêt a été remise par le magistrat signataire.

Vu l'appel interjeté, le 6 juin 2007, par la société GASTRONOMIE DISTRIBUTION d'un jugement rendu le 28 mars 2007 par le tribunal de grande instance de Paris qui a :

* prononcé la déchéance des droits de la société CHARAL sur la marque n° 00 3 017 783 pour l'ensemble des produits visés au dépôt à compter du 26 juin 2006,

* prononcé la déchéance des droits de la société CHARAL sur la marque n° 97 669 066 pour les produits suivants 'fruits et légumes conservés, séchés et cuits ; produits laitiers ; huiles et graisses comestibles ; farines, préparations faites de céréales, pain ; sel, moutarde, vinaigre, sauces (condiments), sauces à salade, épices, plats préparés (ou cuisinés) à base de pâtes et de viande de bovins' à compter du 11 mars 2005,

* prononcé la déchéance des droits de la société CHARAL sur la marque no 97 669 067 pour les produits suivants : 'fruits et légumes conservés, séchés et cuits ; produits laitiers ; huiles et graisses comestibles. Conserves de viande de bovins,, plats préparés (ou cuisinés) à base de viande de bovins, farines, préparations faites de céréales, pain ; sel, moutarde, vinaigre, sauces (condiments), sauces à salade, épices, plats préparés (ou cuisinés) à base de pâtes et de viande de bovins' à compter du 11 mars 2005,

* prononcé la déchéance des droits de la société CHARAL sur la marque no 99 826 365 pour les produits suivants : 'fruits et légumes conservés, séchés et cuits ; oeufs, produits laitiers ; huiles et graisses comestibles. Sucre, riz, tapioca, sagou, farines, préparations faites de céréales, pain ; sel, moutarde, vinaigre, sauces (condiments), sauces à salade, épices' à compter du 11 mars 2005,

* dit que le jugement devenu définitif sera transmis à l'INPI, sur réquisition du greffier par la partie la plus diligente, aux fins d'inscription sur le Registre national des marques,

* débouté la société appelante de ses autres demandes en déchéance,

* débouté la société CHARAL de ses demandes en contrefaçon de marques et de ses demandes en contrefaçon de droits d'auteur,

* dit que la société appelante a commis des actes de concurrence parasitaire au préjudice de la société CHARAL en commercialisant ses produits dans des emballages reprenant certains des éléments caractéristiques de ceux utilisés par la société CHARAL (papier aluminisé opaque de couleurs vert pomme ou orange cuivré),

* interdit la poursuite de ces activités illicites sous astreinte de 150 euros par infraction constatée passé le délai de deux mois après la signification du jugement,

* condamné la société appelante à payer à la société CHARAL la somme de 100.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi,

* ordonné l'exécution provisoire du jugement,

* condamné l'appelante à payer à la société CHARAL la somme de 8.000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens ;

Vu les dernières conclusions signifiées le 1er septembre 2008, aux termes desquelles la société GASTRONOMIE DISTRIBUTION, poursuivant la confirmation du jugement déféré en ce qui concerne les déchéances prononcées, et, en ce qu'il a débouté la société CHARAL de ses demandes en contrefaçon de marques et de droits d'auteur, demande à la Cour de l'infirmer pour le surplus, et, statuant à nouveau, de :

* dire qu'elle ne s'est pas rendue coupable d'actes de concurrence déloyale à l'encontre de la société CHARAL,

* prononcer la déchéance de la marque n° 97 669 066 pour défaut d'usage sérieux pour les viandes de bovins et extraits de viande de bovins, conserves de viande de bovins, plats préparés ou cuisinés à base de viande de bovins,

* prononcer la déchéance de la marque n° 97 669 067 pour défaut d'usage sérieux pour les viandes de bovins et extraits de viande de bovins,

* prononcer la déchéance de la marque n° 99 826 365 pour défaut d'usage sérieux pour les viandes de bovins et extraits de viande de bovins, conserves de viande de bovins, plats préparés ou cuisinés à base de viande de bovins, pâtes alimentaires, plats préparés ou cuisinés à base de viande de bovins,

* condamner la société CHARAL à lui payer la somme de 60.000 euros à titre de dommages et intérêts à raison des actes de dénigrement commis à son préjudice,

* condamner la société CHARAL à lui payer la somme de 20.000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens de première instance et d'appel ;

Vu les ultimes conclusions, en date du 12 ce tendres 2008, par lesquelles, la société CHARAL, poursuivant l'infirmation du jugement déféré sauf en ce qui concerne la condamnation de la société GASTRONOMIE DISTRIBUTION pour les actes de concurrence parasitaire à l'exception du montant des dommages et intérêts, demande à la Cour de l'infirmer pour le surplus, et, de :

* dire que la société GASTRONOMIE DISTRIBUTION a commis des actes de contrefaçon de droits d'auteur et de marques par imitation illicite de ses marques : n° 97 69 066 /97 669 067 /99 826 365/003017 783 /003036 824 /03 3 257 393/033 257 396 /03 3 257 395 /03 3 257 397 /03 3 257 392 /03 3 259 839 /03 3 259 838,

* fixer le montant des dommages et intérêts à la somme de 350.000 euros en réparation du préjudice subi,

* débouter la société GASTRONOMIE DISTRIBUTION de sa nouvelle demande d'indemnisation en raison d'actes de dénigrement,

* ordonner la publication d'un extrait du jugement à intervenir dans cinq journaux professionnels de son choix et aux frais de la société GASTRONOMIE DISTRIBUTION, sans que le coût de chacune de ces insertions ne puisse dépasser 5.000 euros,

* condamner la société GASTRONOMIE DISTRIBUTION à lui verser la somme de 20.000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens de première instance et d'appel ;

SUR CE, LA COUR,

Considérant que, pour un exposé complet des faits et de la procédure, il est expressément renvoyé au jugement déféré et aux écritures des parties ; qu'il suffit de rappeler que :

* la société CHARAL expose qu'elle a créé l'hebdopack, packaging caractérisé par l'emploi d'un emballage aluminisé sur lequel est reproduite la photographie du produit en couleurs présentant une image attractive de la viande, et, qu'elle a, notamment, déposé les marques CHARAL suivantes n° 97 69 066 /97 669 067 /99 826 365/003017 783 /003036 824 /03 3 257 393/033 257 396 /03 3 257 395 /03 3 257 397 /03 3 257 392 /03 3 259 839/ 03 3 259 838,

* fin 2003, elle a constaté que la société GASTRONOMIE DISTRIBUTION, ayant pour activité la commercialisation de tous produits de nature alimentaire d'origine animale, aurait proposé à la vente une gamme de plats cuisinés à base de viande sous un emballage, toujours selon elle, reprenant les caractéristiques de ceux commercialisés par elle,

* c'est dans ces circonstances que la société CHARAL a introduit la présente instance en contrefaçon et en concurrence déloyale à l'encontre de la société GASTRONOMIE DISTRIBUTION ;

* sur la déchéance :

Considérant que, selon les dispositions de l'article L. 714-5 du Code de la propriété intellectuelle, encourt la déchéance de ses droits le propriétaire de la marque qui, sans justes motifs, n'en a pas fait un usage sérieux, pour les produits et services visés dans l'enregistrement, pendant une période ininterrompue de cinq ans. Est assimilé à un tel usage (...) b) l'usage de la marque sous une forme modifiée n'en altérant pas le caractère distinctif ;

Considérant que la déchéance des marques n° 97 669 066, n° 097 669 067, n° 99 826 365 a été sollicitée par conclusions signifiées devant le tribunal le 11 mars 2005, et, pour la marque n° 00 3 017 783, par conclusions signifiées le 26 juin 2006,

Considérant que pour la description de ces marques, la Cour renvoie expressément à celle qui en est faite par les premiers juges ;

Considérant que, s'agissant de la marque n° 00 3 017 783, la société CHARAL soutient que l'exploitation des marques n° 97 669 066, n° 097 669 067, n° 99 826 365 vaudrait exploitation de cette marque dans la mesure où l'exploitation de ces marques voisines de la marque enregistrée équivaudrait à l'exploitation de cette dernière et ferait ainsi obstacle à la demande en déchéance ;

Mais considérant que si les dispositions précitées permettent de considérer une marque enregistrée comme utilisée, dès lors qu'est rapportée la preuve de l'usage de cette marque sous une forme légèrement différente de celle sous laquelle elle a été enregistrée, elles ne permettent pas d'étendre, par la preuve de son usage, la protection dont bénéficie une marque enregistrée à une autre marque enregistrée, dont l'usage n'a pas été démontré, au motif que cette dernière ne serait qu'une légère variante de la première ;

Qu'il convient, en conséquence, de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a prononcé la déchéance de cette marque, à compter du 26 juin 2006, pour l'ensemble des produits visés à son enregistrement, dès lors que la société CHARAL ne produit aux débats, alors que la preuve lui incombe, aucun document de nature à justifier d'un usage conforme aux dispositions de l'article L. 714-5 précité ;

Considérant que, s'agissant de la marque n° 97 669 066, le tribunal a considéré que cette marque devait être déchue, à compter du 11 mars 2005, pour les produits visés dans l'enregistrement, à savoir : fruits et légumes conservés, séchés et cuits ; produits laitiers ; huiles et graisses comestibles. Farines, préparations faites de céréales, pain ; sel, moutarde, vinaigre, sauces (condiments), sauces à salade, épices, plats préparés (ou cuisinés) à base de pâtes -et de viande de bovins ; que la société CHARAL ne conteste pas la décision déférée sur ce point ;

Considérant que, en revanche, la société GASTRONOMIE DISTRIBUTION estime que le tribunal aurait dû également prononcer la déchéance pour les produits suivants : viandes de bovins et extraits de viande de bovins (...) conserves de viande de bovins, plats préparés (ou cuisinés) à base de viande de bovins ;

Considérant que force est de constater, d'abord, que les factures versées aux débats par la société CHARAL, sous le n° 34, font exclusivement référence à des intitulés de plats ou de pièces de viande, de sorte qu'il n'est pas possible d'identifier les emballages déposés à titre de marque, ensuite, que les plaquettes publicitaires ne reproduisent pas les marques telles que déposées ou même sous une forme modifiée, enfin, que le listing des divers plats cuisinés de viandes (pièce n° 45) ne permet pas d'identifier un emballage qui serait protégé par un dépôt de marque particulier à chacun des produits en faisant l'objet ;

Qu'il convient, en conséquence, infirmant sur ce point le jugement déféré de prononcer également la déchéance pour les produits suivants : viandes de bovins et extraits de viande de bovins (...) conserves de viande de bovins, plats préparés (ou cuisinés) à base de viande de bovins ;

Considérant que, s'agissant de la marque n° 97 669 067, le tribunal a considéré que la marque devait être déchue, à compter du 11 mars 2005, pour les produits pour lesquels aucune preuve d'exploitation n'était rapportée, à savoir les fruits et légumes conservés, séchés et cuits, produits laitiers ; huiles et graisses comestibles ; conserves de viande de bovins ; plats préparés (ou cuisinés) à base de viande de bovins. Farines, préparations faites de céréales, pain ; sel, moutarde, vinaigre, sauces (condiments), sauces à salade, épices, plats préparés (ou cuisinés) à base de pâtes et de viande de bovins ;

Considérant que la société CHARAL conteste la déchéance prononcée pour les produits suivants, conserves à base de viande de bovins, plats préparés (ou cuisinés) à base de viande de bovins ; que la société GASTRONOMIE DISTRIBUTION conteste, pour sa part, le jugement déféré en ce qu'il n'a pas prononcé la déchéance de cette marque pour les produits suivants, viande de bovins et extrait de viande de bovins ;

Considérant que la société CHARAL excipant également de la pièce n°34 précédemment analysée, de même que du listing précité ou encore de plaquettes publicitaires identiques, ne rapporte pas plus la preuve qui lui incombe d'un usage sérieux de cette marque dans les couleurs revendiquées et avec les mentions particulières y figurant, non seulement pour les produits justement retenus par les premiers juges, mais aussi pour les produits invoqués par la société appelante, de sorte que sur ce point le jugement déféré sera infirmé et la déchéance encourue, en outre, pour la viande de bovins et extrait de viande de bovins ;

Considérant que, s'agissant de la marque n° 99 826 365, le tribunal a considéré que celle-ci devait être déchue, à compter du 11 mars 2005, pour les produits suivants : fruits et légumes conservés, séchés et cuits ; oeufs, lait et produits laitiers ; huiles et graisses comestibles ; conserves de viande de bovins ; plats préparés (ou cuisinés) à base de viande de bovins. Sucre, riz, tapioca, sagou ; farines, préparations faites de céréales, pain ; sel, moutarde, vinaigre, sauces (condiments), sauces à salade, épices ; que la société CHARAL ne conteste pas sur ce point le jugement déféré ;

Considérant, en revanche, que la société GASTRONOMIE DISTRIBUTION estime, à bon droit, que cette déchéance aurait due être étendue aux produits suivants, viande de bovins et extrait de viande de bovins, conserves de viande de bovins, plats préparés ou cuisinés à base de viande de bovins, pâtes alimentaires, plats préparés ou cuisinés à base de viande de bovins ;

Qu'en effet, la société CHARAL invoque les mêmes pièces que celles qui ont été précédemment regardées comme impropres à démontrer un usage sérieux de la marque litigieuses, de sorte que le jugement déféré sera confirmé en ce qui concerne la déchéance prononcée en y ajoutant, l'infirmant sur ce point, les produits suivants viande de bovins et extrait de viande de bovins, conserves de viande de bovins, plats préparés ou cuisinés à base de viande de bovins, pâtes alimentaires, plats préparés ou cuisinés à base de viande de bovins ;

* sur la contrefaçon de marque :

Considérant que, en cause d'appel, la société CHARAL invoque, au soutien de ses prétentions, exclusivement les dispositions de l'article L. 713-3 du Code de la propriété intellectuelle, aux termes duquel sont interdits, sauf autorisation du propriétaire, s'il peut en résulter un risque de confusion dans l'esprit du public (...) b) l'imitation d'une marque et l'usage d'une marque imitée, pour des produits ou services identiques ou similaires à ceux désignés dans l'enregistrement ;

Considérant que si l'identité des produits en cause, au regard des marques non déchues et de celles déchues pour la période antérieure à la date de déchéance retenue, dont la société CHARAL est titulaire n'est pas contestée, en revanche, les signes opposés ne l'étant pas, il convient de rechercher s'il existe, au sens du texte précité, entre les signes opposés un risque de confusion qui doit être apprécié globalement, en tenant compte de tous les facteurs pertinents du cas d'espèce ; que cette appréciation globale doit, en ce qui concerne la similitude visuelle, phonétique ou conceptuelle des signes en cause, être fondée sur l'impression d'ensemble produite, en tenant compte de leurs éléments distinctifs dominants ;

Considérant que les marques dont entend se prévaloir la société CHARAL représentent des emballages aluminisés de couleur verte et une nuance de couleur cuivrée sur lesquels une étiquette, également de couleurs, est apposée qui occupe les trois-quarts de l'espace, la dénomination CHARAL étant, suivant les marques, imprimée soit sur l'étiquette, soit au centre supérieur, soit encore sur le côté gauche supérieur, alors que les signes argués de contrefaçon représentent, en premier lieu, des emballages alumisés de couleur verte, rouge, orange ou bleue sur lesquels est apposée une large étiquette qui reproduit une photographie de taille rectangulaire associée en sa partie supérieure à une vignette de couleur présentant un bandeau à motif vichy, rouge et blanc, associé à un noeud papillon reproduisant le même motif, le noeud papillon enserrant cinq figures géométriques symbolisant un village au-dessus duquel apparaît la dénomination DOUCE FRANCE, et, en second lieu, des emballages aluminisés de couleur rouge au recto desquels est apposée une large étiquette qui reproduit une photographie de la préparation contenue à l'intérieur de taille rectangulaire associée en sa partie supérieure à gauche de l'image à une vignette ovale de couleur rouge sur laquelle est inscrite en lettres blanches la dénomination GASTRONOME ;

Considérant que, au plan phonétique, les signes en présence se prononcent, d'une part, CHARAL, et, d'autre part, soit DOUCE FRANCE soit GASTRONOME ;

Que, au plan visuel, si certaines couleurs sont identiques, leurs combinaisons avec d'autres couleurs ou d'autres motifs qui se distinguent les uns des autres ne sauraient conférer aux signes opposés une impression visuelle d'ensemble identique, d'autant que leurs dénominations respectives les individualisent, la seule adoption de la forme rectangulaire avec bordures thermo- soudées n'étant pas de nature à affecter l'absence d'identité visuelle entre les signes opposés ;

Que, au plan intellectuel, les représentations photographiques permettent de distinguer les signes opposés en ce que les marques de la société CHARAL font référence à de la viande rouge, alors que celles de la société GASTRONOMIE DISTRIBUTION font référence à de la viande blanche ;

Que, en outre, la notoriété dont entend se prévaloir la société CHARAL est de nature à permettre aux consommateurs de dissocier la marque notoire de la société CHARAL de celle prétendument contrefaisante ;

Qu'il résulte de l'ensemble de ces éléments l'absence de tout risque de confusion dans l'esprit du consommateur moyen de la catégorie des services concernés, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, n'ayant pas simultanément sous les yeux les signes opposés, de sorte que le jugement déféré mérite confirmation en ce qu'il a débouté la société CHARAL de son action en contrefaçon de marques ;

* sur la contrefaçon des droits d'auteur :

Considérant que la société CHARAL prétend que son emballage aluminium HEBDOPACK serait éligible à la protection instituée par les Livres I et III du Code de la propriété intellectuelle ; que, au soutien de ses prétentions, elle fait valoir qu'elle aurait, en 1986, innové en commercialisant ses viandes et ses plats cuisinés frais à base de viande sous un emballage aluminisé présentant la photographie des produits vendus dans sa forme et en couleurs, lequel emballage permettrait une présentation avantageuse et innovante des produits frais placés sous vide et offrant une durée de conservation longue, de sorte que ces caractéristiques démontreraient, selon elle, l'empreinte de la personnalité de son créateur dans le secteur de la commercialisation de la viande ;

Considérant que, contrairement à l'argumentation de la société GASTRONOMIE DISTRIBUTION les emballages litigieux doivent être, au sens des dispositions de l'article L.112-2, 10 °, du Code de la propriété intellectuelle, regardés comme des oeuvres de l'esprit susceptibles d'être protégeables au titre du droit d'auteur ;

Mais considérant que la protection conférée par le droit d'auteur ne saurait s'appliquer à la forme d'une oeuvre de l'esprit qu'à la condition que cette dernière ne soit pas entièrement dictée par sa fonction, nécessité exclusive de l'empreinte de la personnalité de son auteur ;

Or considérant que les emballages litigieux présentent à l'évidence un caractère purement fonctionnel dès lors que la barquette, l'emballage aluminisé et le système de thermo-soudage sont liés aux résultats utilitaires recherchés, à savoir protéger les viandes et plats cuisinés de la lumière qui provoque un changement de couleur de la viande rouge qui ternit ou devient verte pour les viandes blanches, de sorte que cet emballage a pour finalité de permettre le maintien des conditions optimales de conservation des produits et de présenter les produits aux consommateurs sous une apparence qui permette à ce dernier de les identifier sans avoir à ouvrir lesdits emballages et par là de rompre leurs conditions de protection ; que, en outre, la position de la photographie ne revêt aussi qu'un but utilitaire, à savoir celui de présenter une viande toujours appétissante ;

Qu'en effet,, la société CHARAL reconnaît elle-même que, d'une part, vendre de la viande avec un emballage aluminium permettant d'éviter la simple présentation du produit et de montrer plutôt au consommateur une photographie attirante tout en conservant les qualités gustatives et les propriétés de la viande, et, d'autre part, qu'elle a développé une nouvelle technologie de conditionnement naturel et sans conservateur : la viande fraîche est conditionnée sous vide dans son emballage totalement hermétique à l'instant même où elle vient d'être coupée. C'est pour ça que sa fraîcheur reste protégée plus longtemps (pièce n° 17) ;

Qu'il résulte de l'ensemble de ces éléments que les emballages de la société CHARAL ne sont pas protégeables au titre du droit d'auteur, de sorte que, sur ce point, le jugement déféré sera infirmé ;

que, en revanche, il sera confirmé en ce qu'il a rejeté les prétentions émises par cette société au titre de la contrefaçon ;

* sur la concurrence déloyale et parasitaire :

Considérant que les griefs formulés par la société CHARAL ne sauraient caractériser des actes de concurrence déloyale, mais exclusivement des agissements parasitaires dès lors qu'elle reproche à la société GASTRONOMIE DISTRIBUTION de profiter à moindres frais des investissements qu'elle a réalisés pour la création, la promotion, la commercialisation et la protection au titre des emballages litigieux ;

Or considérant que le parasitisme est caractérisé par la circonstance selon laquelle, à titre lucratif et de façon injustifiée, une personne morale ou physique s'inspire ou copie une valeur économique d'autrui, individualisée et procurant un avantage concurrentiel, fruit d'un savoir-faire, d'un travail intellectuel et d'investissements ;

Et considérant que la société CHARAL justifie de l'importance des investissements par elle allégués, et, de la circonstance selon laquelle la société GASTRONOMIE DISTRIBUTION a entendu se placer sciemment dans le sillage de cette société puisqu'elle revendique, pour ses propres produits, un packaging innovant aux rayons des panés et ayant fait ses preuves en viande ; que, en outre, la société appelante ne verse aux débats aucun élément de nature à justifier tant de son savoir-faire dans la création des emballages qu'elle utilise que de ses investissements ;

Qu'un tel agissement conduit nécessairement à la banalisation des conditionnements caractéristiques des produits de la société CHARAL et entraîne pour celle-ci un préjudice résultant de l'atteinte portée à sa notoriété qui n'est pas sérieusement contestée et à son succès commercial, fruit de son savoir faire et d'investissements importants ;

Qu'il convient, en conséquence, de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a retenu des actes de concurrence parasitaire ;

* sur les mesures réparatrices :

Considérant que, en allouant une indemnité de 100.000 euros à titre de dommages et intérêts à la société CHARAL, les premiers juges ont, aux termes d'une motivation pertinente, justement réparé le préjudice subi par cette société au titre des actes de concurrence parasitaire, de sorte que, de ce chef, le jugement déféré sera confirmé de même que la mesure d'interdiction prononcée ;

Qu'il convient également de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a rejeté la demande de publication ;

* sur la demande reconventionnelle de la société GASTRONOMIE DISTRIBUTION :

Considérant que la société GASTRONOMIE DISTRIBUTION reproche au directeur général de la société CHARAL d'avoir, après le prononcé du jugement déféré, tenu une conférence de presse au cours de laquelle il a tenu les propos suivants : On a dû affronter de nombreuses copies. Un seul n'a pas cédé, dans une affaire d'emballage. Il s'agit de GASTRONOME. La justice vient de le condamner à 100.000 euros de dommages et intérêts et 150 euros par infraction constatée en magasin ; que, selon elle, ces propos constitueraient un véritable dénigrement en ce qu'ils laisseraient entendre qu'elle aurait été condamnée de manière définitive pour contrefaçon, alors même que la mesure de publication du jugement avait été rejetée par le tribunal ;

Mais considérant force est de constater que les propos tenus sont purement factuels et que la décision étant exécutoire par provision, il était inutile de préciser qu'elle n'était pas définitive ; qu'il convient,

en outre, de relever qu'aucun commentaire malveillant n'a été formulé à l'encontre de la société GASTRONOMIE DISTRIBUTION ;

Qu'il convient, en conséquence, de rejeter la demande formulée par la société GASTRONOMIE DISTRIBUTION ;

* sur les autres demandes :

Considérant que chacune des parties ayant succombé en certaines de leurs prétentions, l'équité ne commande pas de faire application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile pour la procédure d'appel ;

PAR CES MOTIFS

Confirme le jugement déféré, sauf en ce qui concerne la protection au titre du droit d'auteur,

Et, statuant à nouveau,

Dit que les emballages de la société CHARAL ne sont pas protégeables au titre du droit d'auteur,

Y ajoutant,

Dit que les déchéances de marques prononcées par le tribunal porteront également sur les produits suivants, pour :

* en ce qui concerne la marque n° 97 669 066, les viandes de bovins et extraits de viande de bovins, conserves de viande de bovins, plats préparés ou cuisinés à base de viande de bovins,

* en ce qui concerne la marque n° 97 669 067, les viandes de bovins et extraits de viande de bovins,

* en ce qui concerne la marque n° 99 826 365, les viandes de bovins et extraits de viande de bovins, conserves de viande de bovins, plats préparés ou cuisinés à base de viande de bovins, pâtes alimentaires, plats préparés ou cuisinés à base de viande de bovins,

Rejette toutes autres demandes,

Dit que chacune des parties supportera ses propres frais et dépens d'appel.