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Décisions

Cass. soc., 16 mars 1999, n° 97-40.271

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Gélineau-Larrivet

Rapporteur :

M. Merlin

Avocat général :

M. de Caigny

Avocats :

Me Delvolvé, SCP Lyon-Caen, Fabiani et Thiriez

Cass. soc. n° 97-40.271

15 mars 1999

Vu leur connexité, joint les pourvois n°s 97-40.271 et 97-44.137 ;

Attendu que Mmes X... et Bruhammer ont été engagées par la société France Télécom, dans le cadre de contrats emploi-solidarité, respectivement le 1er mars 1995 et le 1er mai 1995, pour une durée de trois mois, renouvelée pour neuf mois, en qualité d'opératrice de saisie et affectées au service 13 des dérangements du centre principal d'exploitation de Viry-Châtillon ; qu'elles ont saisi la juridiction prud'homale d'une demande en requalification de leur contrat emploi-solidarité en contrat à durée indéterminée et en paiement d'indemnités de rupture et de dommages-intérêts ;

Sur la fin de non-recevoir du pourvoi n° 97-40.271 soulevée par la défense :

Vu les articles 606, 607 et 608 du nouveau Code de procédure civile ;

Attendu qu'il résulte de la combinaison de ces textes qu'en dehors des cas spécifiés par la loi, le jugement, qui se borne, dans son dispositif, à statuer sur une exception de procédure sans mettre fin à l'instance, ne peut faire l'objet d'un pourvoi en cassation indépendamment du jugement sur le fond ;

Attendu que la société France Télécom s'est pourvue en cassation contre l'arrêt de la cour d'appel de Paris du 20 novembre 1996 qui, statuant sur contredit de compétence, a déclaré la juridiction prud'homale compétente et évoquant le fond du litige a renvoyé la cause à une prochaine audience ;

Attendu que les dispositions de l'article 87, alinéa 2, du nouveau Code de procédure civile n'étant pas applicables à une telle décision, qui n'a pas mis fin à l'instance devant la cour d'appel, un pourvoi ne pouvait être immédiatement formé indépendamment de l'arrêt sur le fond ; qu'il s'ensuit que le pourvoi est irrecevable ;

Sur le premier moyen du pourvoi n° 97-44.137 :

Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt attaqué (Paris, 20 novembre 1996) d'avoir retenu la compétence de la juridiction prud'homale et d'avoir dit qu'il n'y avait lieu à question préjudicielle, alors, selon le moyen, qu'en application des articles L. 322-4-7 et L. 322-4-8 du Code du travail, les contrats emploi-solidarité sont conclus " en application de conventions conclues avec l'Etat " et sont des contrats de droit privé à durée déterminée et à temps partiel, que la convention conclue avec l'Etat qui précise notamment " la nature des activités faisant l'objet du contrat emploi-solidarité " (article 4 du décret du 30 janvier 1990) constitue un acte administratif dont la légalité ne peut être remise en cause que devant la juridiction administrative ; que la question de savoir si l'affectation des salariées à l'emploi d'opératrices de saisie, dont la cour d'appel constate qu'elle était conforme à la convention signée entre l'Etat et France Télécom respectait ou non les dispositions législatives relatives au contrat à durée déterminée, mettait en cause la légalité de la convention passée avec l'Etat de telle sorte qu'il appartenait à la cour d'appel, si elle estimait la contestation sérieuse de surseoir à statuer sur cette question préjudicielle jusqu'à ce que la juridiction administrative se soit prononcée et qu'en passant outre à la question préjudicielle soulevée par France Télécom, dont dépendait la solution du litige, la cour d'appel a violé l'article 13 de la loi des 16-24 août 1790, le décret du 16 fructidor an III et les articles L. 322-4-7 et L. 322-4-8 du Code du travail ;

Mais attendu que les contrats emploi-solidarité sont, en vertu de la loi, des contrats de travail de droit privé ; que, dès lors, les litiges relatifs à ces contrats sont de la compétence des tribunaux judiciaires ; que la cour d'appel a donc retenu, à bon droit, la compétence du conseil de prud'hommes et ayant constaté que les salariées ne contestaient pas la légalité des conventions passées entre l'Etat et l'employeur n'avait pas à renvoyer l'examen de la question préjudicielle de la légalité de ces conventions devant la juridiction administrative ; que le moyen n'est pas fondé ;

Mais sur le second moyen :

Vu les articles L. 322-4-7 et L. 322-4-8 du Code du travail et l'article 4 du décret n° 90-105 du 30 janvier 1990 ;

Attendu qu'en vertu de ces textes les contrats emploi-solidarité sont des contrats de travail de droit privé réservés à certaines catégories de demandeurs d'emploi et conclus avec les collectivités territoriales, les autres personnes morales de droit public, les organismes de droit privé à but non lucratif et les personnes morales chargées de la gestion d'un service public en application de conventions passées entre ces collectivités, organismes et personnes morales avec l'Etat ; que s'ils constituent des contrats à durée déterminée et à temps partiel, ils ont pour objet le développement d'activités répondant à des besoins collectifs non satisfaits ; qu'il en résulte qu'ils peuvent, par exception au régime de droit commun des contrats à durée déterminée, être contractés pour des emplois liés à l'activité normale et permanente des collectivités, organismes et personnes morales concernés ;

Attendu que, pour requalifier les contrats des salariées en contrat à durée indéterminée et condamner l'employeur à payer aux salariées des indemnités de rupture et des dommages-intérêts pour rupture abusive, la cour d'appel énonce que les contrats emploi-solidarité ne peuvent avoir pour objet ou pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise et qu'il était établi que les intéressées avaient occupé durablement, durant l'essentiel de leur temps de travail, des emplois correspondant à l'activité normale de l'entreprise ;

Qu'en statuant ainsi, alors que les salariées pouvaient être engagées par contrats emploi-solidarité dans un emploi correspondant à l'activité normale et permanente de l'entreprise, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS :

DECLARE le pourvoi n° 97-40.271 IRRECEVABLE ;

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 27 juin 1997, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles.