Cass. com., 10 mai 2006, n° 04-13.424
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Tricot
Attendu, selon l'arrêt déféré (Bordeaux, 16 février 2004), que la SARL Bourse de l'immobilier (la SARL), immatriculée au registre du commerce et des sociétés le 5 mai 1980 pour exercer une activité d'agence d'immeubles, de fonds de commerce et de marchand de biens, et qui a ouvert en 2001 un site internet sous le nom de domaine "bourse-immobilier", a fait assigner par acte du 23 avril 2001, la SA Bourse de l'immobilier (la SA), exerçant une activité d'agence immobilière et de marchand de biens, qui a déposé le 13 mai 1994 la marque "Bourse de l'immobilier", enregistrée sous le n° 94 520 980, en interdiction d'utiliser ce signe portant atteinte à ses droits antérieurement constitués et en nullité de la marque ; que la société Cofilance, nouvelle dénomination de la SA, est intervenue volontairement à l'instance ;
Sur le premier moyen du pourvoi principal :
Attendu que la SARL fait grief à l'arrêt d'avoir rejeté sa demande en annulation de la marque Bourse de l'immobilier déposée le 13 mai 1994, alors, selon le moyen, que la bonne foi du déposant exigée par l'article L. 714-3, alinéa 3, du Code de la propriété intellectuelle s'entend d'une ignorance légitime de l'antériorité ; qu'est exclusive de cette bonne foi, la négligence du déposant consistant à s'être abstenu d'effectuer une recherche d'antériorité qui, par une simple consultation au registre du commerce et des sociétés, lui eût révélé l'existence d'une dénomination sociale antérieure faisant obstacle au dépôt ; qu'en retenant que "la bonne foi de la SA ne saurait être mise en cause" sans s'expliquer , comme il le lui était demandé par les conclusions sur la négligence équivalente à la mauvaise foi au sens de ce texte résultant de l'absence de recherche d'antériorité, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 714-3 du Code de la propriété intellectuelle ;
Mais attendu, qu'ayant relevé que la SARL exploitait dès l'origine son fonds de commerce, non sous sa dénomination sociale mais sous l'enseigne "agence du Castellet", la cour d'appel en retenant que la bonne foi de la SA ne pouvait être mise en cause, dès lors qu'une simple négligence, à la supposer établie, ne saurait constituer une mauvaise foi au sens de l'article L. 714-3 du Code de la propriété intellectuelle, a légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le second moyen de ce pourvoi :
Attendu que la SARL reproche encore à l'arrêt d'avoir rejeté sa demande en interdiction d'usage de la même dénomination sociale par une société créée postérieurement et de lui avoir fait défense d'utiliser la dénomination litigieuse à titre de nom commercial ou d'enseigne, alors, selon le moyen :
1 ) qu'en retenant que "l'enseigne, le nom commercial et le nom de domaine concernent l'activité même des sociétés en cause et qu'à cet égard le risque de confusion dans l'esprit du public est patent", après avoir constaté à l'inverse "qu'un tel risque n'existe pas au regard tant de l'importance de l'activité que de la zone d'activité concernée" ; qu'en effet le premier juge avait relevé l'activité très réduite de la SARL ayant généré un chiffre d'affaire moyen de 20 000 euros au cours des années 1997 à 1999 pour une activité limitée au seul département des Pyrénées-Orientales alors que la marque "Bourse de l'immobilier" s'applique à une activité très importante au niveau national ayant généré un chiffre d'affaire de plus de 12 000 000 euros en 2000", la cour d'appel a entaché sa décision d'une contradiction de motifs, en violation de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;
2 ) qu'en toute occurrence, l'immatriculation d'une société rend sa dénomination sociale indisponible pour une société seconde à l'égard de la même activité ou d'une activité similaire; qu'en subordonnant la protection de la société première à l'acquisition préalable "d'une notoriété sur l'ensemble du territoire national", au lieu de s'en tenir au seul critère du risque de confusion, la cour d'appel a violé l'article 1382 du Code civil ;
3 ) qu'en s'abstenant de répondre à ses conclusions faisant valoir, pièces à l'appui, qu'elle exerçait son activité sous le signe Bourse de l'immobilier, la cour d'appel a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu, en premier lieu, que la cour d'appel ne s'est pas contredite, en retenant, d'un côté, que l'enseigne, le nom commercial et le nom de domaine concernaient le même domaine d'activité des sociétés en cause et que le risque de confusion était patent, et d'un autre côté, qu'il n'existait aucun risque de confusion entre la dénomination sociale de la SARL et la marque, eu égard aux activités respectives des sociétés en présence, dont l'une générait un chiffre d'affaires moyen pour une activité limitée à un seul département et l'autre s'appliquant à une activité très importante au niveau national ;
Attendu en deuxième lieu , que le moyen pris en sa deuxième branche critique un motif erroné mais surabondant ;
Attendu, enfin, que la troisième branche manque en fait dès lors que la cour d'appel a relevé que la SARL avait pris dès l'origine comme enseigne "agence du Castellet", et exercé son activité sous cette dénomination ;
D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
Et sur le moyen unique du pourvoi incident :
Attendu que la SA et la société Cofilance font grief à l'arrêt d'avoir rejeté leur demande tendant à dire que l'utilisation de la marque Bourse de l'immobilier portait atteinte à leurs droits et ordonner à la SARL de modifier sa dénomination sociale, alors, selon le moyen ,
1 ) qu'il résulte de l'article L. 713-6 du Code de la propriété intellectuelle que le titulaire de l'enregistrement d'une marque peut solliciter l'interdiction de toute utilisation dès lors qu'elle porte atteinte à ses droits, le titulaire de l'enregistrement pouvant demander qu'elle soit limitée ou interdite; qu'elles avaient fait valoir à l'appui de leurs conclusions qu'elles jouissaient dans leur domaine d'activité d'une notoriété importante de par le nombre de leurs agences, des investissements importants réalisés depuis l'origine de leur activité, du nombre de leurs salariés et agents commerciaux et de l'évolution de leur chiffre d'affaires, que la SARL avait délibérément cherché à établir et à entretenir une confusion dans l'esprit du public pour se placer dans leur sillage et tirer profit notamment de leurs investissements publicitaires, qu'à maintenir la mention inexacte et usurpée "réseau national" sur son site internet , en procédant pour la première fois et en cours de procédure en particulier devant la cour d'appel à des publications à caractère commercial dans des journaux immobiliers nationaux, la SARL avait poursuivi son parasitisme, que son nom de domaine était rigoureusement identique à celui de la SA, tous éléments prouvant cette atteinte à ses droits de la part de la SARL ; que si la cour d'appel a pris en considération l'élément tenant à l'évolution du chiffre d'affaires de la SA, elle s'est abstenue d'examiner les autres éléments qui étaient pourtant déterminants pour justifier l'atteinte portée aux droits de la SA et de la société Cofilance, violant ainsi l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;
2 ) qu'en constatant que la marque Bourse de l'immobilier s'appliquait à une activité très importante au niveau national ayant généré un chiffre d'affaires de plus de 12 000 000 d'euros, tout en constatant que l'activité de la SARL avait une activité très réduite ayant généré un chiffre d'affaires moyen de 20 000 euros, la cour d'appel n'a pas tiré de ses constatations les conséquences qui s'imposaient et a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 713-6 du Code de la propriété intellectuelle ;
Mais attendu, d'une part, que le moyen, pris en sa première branche, est nouveau, et que mélangé de droit et de fait ;
Attendu, d'autre part, que le moyen pris en sa seconde branche est inopérant, dès lors que peu importe le chiffre d'affaires respectif des sociétés en présence ;
D'où il suit que le moyen irrecevable en sa première brache, n'est pas fondé pour le surplus ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE les pourvois.