Cass. soc., 24 avril 1975, n° 73-40.301
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Laroque
Rapporteur :
M. Fonade
Avocat général :
M. Mellottée
Avocat :
Me Labbé
SUR LES DEUX PREMIERS MOYENS REUNIS, PRIS DE LA VIOLATION DES ARTICLES 87, 88 ET 110 DU DECRET DU 28 AOUT 1972, 18, 19, 20 ET 102 DU DECRET DU 20 JUILLET 1972, 12 DU DECRET DU 9 SEPTEMBRE 1971 ET 7 DE LA LOI DU 20 AVRIL 1810, POUR VIOLATION DE LA LOI, DEFAUT DE MOTIFS ET MANQUE DE BASE LEGALE : ATTENDU QUE LA COMPAGNIE AIR FRANCE N'AYANT REGLE A TALMANT, PILOTE DE LIGNE, LES HEURES FICTIVES DU MOIS D'OCTOBRE 1971, DUES DANS LA MESURE OU ELLES EXCEDAIENT LES HEURES REELLES DE VOL, QU'APRES AVOIR MAJORE CES DERNIERES D'UN COEFFICIENT DE PONDERATION PERSONNALISE, TALMANT A FORME CONTRE ELLE UNE DEMANDE EN PAIEMENT D'UN COMPLEMENT DE RENUMERATION NE TENANT PAS COMPTE D'UNE TELLE MAJORATION DE LA DUREE DES HEURES REELLES DE VOL, EN INVOQUANT LE PROCES-VERBAL D'ACCORD COLLECTIF EN DATE DU 16 MARS 1971 ;
QUE LA COMPAGNIE AIR FRANCE A FAIT UNE DEMANDE RECONVENTIONNELLE ET SOUTENU SUBSIDIAIREMENT, EN SE FONDANT SUR L'ARTICLE 1-1 DE CET ACCORD, QUE LE TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE PARIS ETAIT SEUL COMPETENT POUR INTERPRETER CELUI-CI ;
QUE LE CONSEIL DE PRUD'HOMMES A FAIT DROIT A CE MOYEN SUBSIDIAIRE ET A SURSIS A STATUER JUSQU'A INTERPRETATION DE LA CLAUSE LITIGIEUSE PAR LE TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE ;
QUE, SUR L'APPEL DE TALMANT, LES JUGES DU SECOND DEGRE ONT ESTIME, AU CONTRAIRE, QUE LE DIFFEREND OPPOSANT CE DERNIER A SON EMPLOYEUR PRESENTAIT UN CARACTERE INDIVIDUEL, EXCLUANT L'APPLICATION DE LA CLAUSE ATTRIBUTIVE DE COMPETENCE DU PROTOCOLE, RESERVEE AUX CONFLITS D'ORDRE COLLECTIF, ET QU'IL AURAIT APPARTENU A LA JURIDICTION PRUD'HOMALE DE TRANCHER LE DEBAT APRES AVOIR INTERPRETE ELLE-MEME LA CLAUSE LITIGIEUSE ;
QU'ILS ONT ENSUITE INTERPRETE CETTE CLAUSE ET STATUE AU FOND ;
ATTENDU QU'IL EST FAIT GRIEF A L'ARRET ATTAQUE D'AVOIR, D'UNE PART DECIDE QUE LA CLAUSE RENVOYANT AU TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE L'INTERPRETATION DE L'ACCORD DU 16 MARS 1971, INVOQUE PAR TALMANT A L'APPUI DE SA PRETENTION, ETAIT UNE CLAUSE ATTRIBUTIVE DE JURIDICTION QUI PORTAIT ATTEINTE A LA COMPETENCE D'ORDRE PUBLIC DU CONSEIL DE PRUD'HOMMES POUR CONNAITRE DES LITIGES NES D'UN CONTRAT DE TRAVAIL, D'AUTRE PART EVOQUE LE FOND SANS S'EXPLIQUER SUR LA PORTEE DE L'ARTICLE 110 DU DECRET DU 28 AOUT 1972, ALORS QUE, TOUT D'ABORD, LA CLAUSE SUSVISEE N'EST PAS ATTRIBUTIVE DE JURIDICTION, LE CONSEIL DE PRUD'HOMMES CONSERVANT SEUL LE POUVOIR DE STATUER SUR LE LITIGE DONT IL EST SAISI, A L'EXCLUSION DU TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE, ALORS QUE, ENSUITE, LES SEULS JUGEMENTS DONT IL PEUT ETRE FAIT APPEL IMMEDIATEMENT SONT CEUX QUI TRANCHENT DANS LEUR DISPOSITIF UNE PARTIE DU PRINCIPAL ET ORDONNENT UNE MESURE D'INSTRUCTION, QUE TEL N'ETAIT PAS LE CAS EN L'ESPECE, LE JUGEMENT DONT ETAIT APPEL N'AYANT PAS TRANCHE UNE PARTIE DU PRINCIPAL NI ORDONNE UNE MESURE D'INSTRUCTION OU UNE MESURE PROVISOIRE, DE SORTE QU'IL NE POUVAIT EN ETRE APPELE INDEPENDAMMENT DU JUGEMENT SUR LE FOND, ALORS PAR AILLEURS QUE, EN ADMETTANT QU'EN RENVOYANT AU TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE POUR INTERPRETATION DE L'ACCORD DU 16 MARS 1971 LE CONSEIL DE PRUD'HOMMES AIT TRANCHE UNE QUESTION DE COMPETENCE, C'EST, NON PAR LA VOIE DE L'APPEL, RESERVE PAR LES ARTICLES 18 ET 19 DU DECRET DU 20 JUILLET 1972 AUX SEULES DECISIONS STATUANT SUR LA COMPETENCE ET SUR LE FOND PAR UN MEME JUGEMENT, MAIS PAR LA VOIE DU CONTREDIT, QUE LA DECISION DES PREMIERS JUGES POUVAIT ETRE ATTAQUEE, CONFORMEMENT AUX DISPOSITIONS DE L'ARTICLE 20 DU MEME DECRET, ALORS, EN OUTRE, QUE, AUX TERMES DE L'ARTICLE 110 DU DECRET DU 28 AOUT 1972, LA COUR D'APPEL NE PEUT EVOQUER QUE SI ELLE EST SAISIE DE L'APPEL D'UN JUGEMENT QUI A ORDONNE UNE MESURE D'INSTRUCTION OU QUI, STATUANT SUR UNE EXCEPTION DE PROCEDURE, A MIS FIN A L'INSTANCE, CE QUI N'ETAIT NULLEMENT LE CAS, ET ALORS QUE, ADMETTRAIT-ON, PAR AILLEURS, QUE L'APPEL PORTAIT SUR UN JUGEMENT RELATIF A UNE QUESTION DE COMPETENCE, CET APPEL AURAIT ETE IRRECEVABLE, AUX TERMES DES ARTICLES 18 ET 19 DU DECRET DU 20 JUILLET 1972, CES TEXTES PRECISANT QUE L'APPEL EST POSSIBLE CONTRE LES SEULS JUGEMENTS STATUANT A LA FOIS SUR LA COMPETENCE ET SUR LE FOND ET PREVOYANT QUE LA COUR STATUE AU FOND SI ELLE INFIRME DU CHEF DE LA COMPETENCE UN JUGEMENT AYANT EGALEMENT STATUE AU FOND ET QUI EST SUSCEPTIBLE D'APPEL DANS L'ENSEMBLE DE SES DISPOSITIONS, CE QUI N'ETAIT PAS DAVANTAGE LE CAS EN L'ESPECE, ET LA SEULE VOIE OUVERTE POUR ATTAQUER UN JUGEMENT QUI SE PRONONCE UNIQUEMENT SUR LA COMPETENCE ET QUI PERMETTRAIT EVENTUELLEMENT L'EVOCATION ETANT, AUX TERMES DE L'ARTICLE 20 DU MEME DECRET, LA VOIE DU CONTREDIT QUI N'A PAS ETE UTILISEE EN L'ESPECE ;
MAIS ATTENDU QUE L'ARRET ATTAQUE RELEVE QUE, APRES INSTRUCTION DE L'AFFAIRE ET DEBATS AU FOND, LE CONSEIL DE PRUD'HOMMES AVAIT SURSIS A STATUER JUSQU'A INTERPRETATION DE L'ACCORD COLLECTIF PAR LE TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE PARIS, EN SE CONSIDERANT COMME TENU DE LE FAIRE EN VERTU DE LA CLAUSE ATTRIBUTIVE DE JURIDICTION QU'IL CONTENAIT ;
QUE CEPENDANT IL AVAIT ETE SAISI D'UN LITIGE INDIVIDUEL ET NON D'UN CONFLIT COLLECTIF, SEUL CAS DANS LEQUEL LEDIT ACCORD PREVOYAIT UN TEL RECOURS ET QUE LES PREMIERS JUGES, TOUT EN SE RESERVANT LA SOLUTION DU LITIGE EN SOI, LEUR COMPETENCE POUR EN CONNAITRE N'AYANT D'AILLEURS PAS ETE DISCUTES, CE DONT IL SUIT QUE LA PROCEDURE DU CONTREDIT N'AVAIT PAS A ETRE OBSERVEE, AVAIENT QUALITE POUR SE PRONONCER EGALEMENT EUX-MEMES SUR LE SENS DE LA CLAUSE LITIGIEUSE ;
QU'IL S'ENSUIT QUE LA DECISION ENTREPRISE S'ETANT AINSI PRONONCEE SUR LA PORTEE, LAQUELLE TOUCHAIT AU FOND, DE LA QUESTION PREJUDICIELLE SOULEVEE PAR AIR FRANCE, C'EST EXACTEMENT QUE LA COUR D'APPEL, QUI ETAIT AU SURPLUS QUALIFIEE POUR SE PRONONCER SUR LES MATIERES DE LA COMPETENCE, TANT DU CONSEIL DE PRUD'HOMMES QUE DU TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE, A DECLARE L'APPEL RECEVABLE, EN APPLICATION DE L'ARTICLE 67 DU DECRET NO 72-788 DU 28 AOUT 1972 ;
QU'EN INFIRMANT, ELLE A PU EVOQUER LES POINTS NON JUGES APRES AVOIR ESTIME DE BONNE JUSTICE DE DONNER A L'AFFAIRE QUI ETAIT EN ETAT UNE SOLUTION DEFINITIVE, SELON L'ARTICLE 110 DU MEME DECRET AINSI QUE PAR ANALOGIE AVEC LES DISPOSITIONS DE L'ARTICLE 29 DU DECRET NO 72-684 DU 20 JUILLET 1972 EN MATIERE DE CONTREDIT ;
ET SUR LE TROISIEME MOYEN, PRIS DE LA VIOLATION DES ARTICLES 1134 DU CODE CIVIL, 2-3 DE L'ACCORD DU 16 MARS 1971, ENSEMBLE VIOLATION DES ARTICLES 102 DU DECRET DU 20 JUILLET 1972, 12 DU DECRET DU 9 SEPTEMBRE 1971 ET 7 DE LA LOI DU 20 AVRIL 1810, POUR DEFAUT DE MOTIFS, MANQUE DE BASE LEGALE ET DENATURATION DE L'ACCORD REGLANT LES RAPPORTS DES PARTIES : ATTENDU QU'IL EST ENFIN FAIT GRIEF A L'ARRET D'AVOIR CONDAMNE LA COMPAGNIE AIR FRANCE A PAYER A TALMANT 300 FRANCS A TITRE "D'HEURES FICTIVES" AU MOTIF QUE LE CALCUL DE CES HEURES, REMUNEREES LORSQU'ELLES SONT SUPERIEURES AUX HEURES REELLES DE VOL, DEVAIT SE FAIRE PAR COMPARAISON AVEC LES HEURES DE VOL NON AFFECTEE DE L'"X PERSONNALISE" QUI LES MAJORE AU PROFIT DES NAVIGANTS MOYENS-COURRIERS, ALORS QUE L'HEURE DE VOL REELLE, AU SENS DE L'ARTICLE 2-3. DE L'ACCORD SUSVISE EST L'HEURE REMUNEREE COMME HEURE DE VOL, QUI DONNE DROIT, A CE TITRE, AUX MAJORATIONS POUR VOL DE NUIT ET SERT A LA DETERMINATION DES HEURES SUPPLEMENTAIRES ET QUE L'EXPRESSION "HEURES DE VOL REELLES" NE SAURAIT RECEVOIR UN SENS DIFFERENT POUR LE CALCUL DES "HEURES FICTIVES, EGALEMENT PREVU PAR CET ARTICLE 2-3., LA SUPPRESSION DE L'"X PERSONNALISE" POUR LA DETERMINATION DES HEURES DE VOL REELLES AUXQUELLES IL Y A LIEU DE COMPARER LES "HEURES FICTIVES" POUR ASSURER LEUR REMUNERATION, SI ELLES LEUR SONT SUPERIEURES, ABOUTISSANT A UN DOUBLE PAIEMENT DE LA BONIFICATION RESULTANT DE L'APPLICATION DE L'"X PERSONNALISE", A LA FOIS COMME HEURE DE VOL ET COMME "HEURE FICTIVE", ET ASSURANT AINSI UN AVANTAGE INJUSTIFIE AUX PILOTES DES MOYENS-COURRIERS PAR RAPPORT AUX PILOTES DES LONGS-COURRIERS AUXQUELS L'"X PERSONNALISE" N'APPORTE PAS DE MAJORATION DU TEMPS DE VOL ;
MAIS ATTENDU QU'IL RESULTE DES CONSTATATIONS DE L'ARRET QUE L'ACCORD DU 16 MARS 1971 PREVOIT, POUR LA REMUNERATION DU PERSONNEL NAVIGANT TECHNIQUE, LES "HEURES REELLES DE VOL", QUI CORRESPONDENT AU TEMPS S'ECOULANT ENTRE LE MOMENT OU L'AVION QUITTE, MOTEURS EN ROUTE, LA PISTE DE DEPART, JUSQU'AU MOMENT OU IL S'IMMOBILISE SUR LA PISTE D'ARRIVEE, "L'HEURE MAJOREE", QUI CORRESPOND A L'HEURE DE VOL REELLE AFFECTEE D'UN COEFFICIENT "X PERSONNALISE", LEQUEL PEUT ENTRAINER MAJORATION DE L'HEURE REELLE, ENFIN LES "HEURES FICTIVES" QUI, DESTINEES A INDEMNISER LE NAVIGANT DES PENALISATIONS QUE PEUT LUI OCCASIONNER, SOIT UN "TEMPS D'ABSENCE" TROP LONG, SOIT UN "TEMPS DE SERVICE" COMPORTANT PEU D'HEURES DE VOL, SONT FONCTION DE CES DEUX ELEMENTS, EVALUES SELON LES NORMES PRECISES ;
QUE LA DECISION ATTAQUEE RELEVE EN OUTRE, D'UNE PART QUE L'ARTICLE 2-3. DE L'ACCORD DISPOSE : "LORSQUE DANS UN MOIS LE NOMBRE D'HEURES FICTIVES EST SUPERIEUR A CELUI DES HEURES REELLES DE VOL, LE NOMBRE D'HEURES FICTIVES EN EXCEDENT DONNE LIEU A REMUNERATION AU TAUX DE JOUR", D'AUTRE PART QUE CETTE STIPULATION, QUI SE REFERE AUX HEURES REELLES DE VOL ET NON AUX HEURES MAJOREES, NE PRETE EN ELLE-MEME A AUCUNE CONFUSION, PEU IMPORTANT LE TERME A PEINE DIFFERENT D'HEURES DE VOL REELLES EFFECTUEES DE NUIT UTILISE POUR CELLES-CI ET LE MANQUE DE COORDINATION POSSIBLE ENTRE L'APPLICATION DE CETTE DISPOSITION ET LE CALCUL DE L"X PERSONNALISE", ENFIN QUE LE TEXTE AVAIT ETE ETABLI APRES UNE LONGUE DISCUSSION, EN UTILISANT DES EXPRESSIONS EN VIGUEUR A AIR FRANCE DEPUIS DE NOMBREUSES ANNEES, QUE LA COUR D'APPEL A PU EN DEDUIRE QUE LES HEURES A PRENDRE EN CONSIDERATION POUR LE CALCUL DES HEURES FICTIVES ETAIENT LES HEURES REELLES DE VOL ET NON LES HEURES MAJOREES ;
QUE LE MOYEN N'EST PAS FONDE ;
ET ATTENDU QU'AUCUN DES MOYENS N'EST ACCUEILLI ;
PAR CES MOTIFS : REJETTE LE POURVOI FORME CONTRE L'ARRET RENDU LE 12 MARS 1973 PAR LA COUR D'APPEL DE PARIS.