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Décisions

Cass. 2e civ., 30 avril 2009, n° 08-14.883

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Gillet

Rapporteur :

M. Loriferne

Avocat général :

M. Maynial

Avocats :

Me Foussard, Me Le Prado, SCP Delaporte, Briard et Trichet, SCP Piwnica et Molinié, SCP Thomas-Raquin et Bénabent

Paris, du 6 mars 2008

6 mars 2008


Joint les pourvois T 08-14.883, Y 08-15.187, S 08-15.273 et Z 08-15.326 ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que le 3 janvier 2004, un aéronef construit par la société Boeing, exploité par la compagnie aérienne égyptienne Flash Airlines, laquelle était assurée auprès de la société Al Chark Insurance, et appartenant à la société de droit californien International Lease Finance Corporation (ILFC), s'est abîmé en mer après son décollage de l'aéroport de Charm-El-Cheikh (Egypte) à destination de Paris-Charles de Gaulle, et que les cent trente-cinq passagers, en quasi-totalité de nationalité française, et les treize membres de l'équipage, sont décédés lors de cet accident ; que certains ayants droit des victimes, invoquant une défaillance technique de l'appareil ou de ses équipements, ont engagé devant une juridiction fédérale des Etats-Unis, la District Court for the Central District of California, une action dirigée contre les quatre sociétés The Boeing Company, ILFC, Honeywell International Inc., fabricant du pilote automatique, et Parker Hannifin Corporation, constructeur du gouvernail et de la servo-commande de l'aile ; que par une décision du 28 juin 2005, cette juridiction a accueilli la requête des sociétés défenderesses aux fins de rejet "pour forum non conveniens", fondée sur le fait que la juridiction américaine n'était pas la plus appropriée pour connaître du litige, en assortissant cette décision de rejet de deux conditions, la première tenant à l'accord des défenderesses sur différents points et la seconde tenant à la reconnaissance par un tribunal français de sa compétence pour statuer sur les prétentions de tous les demandeurs ; qu'aucun recours n'a été exercé contre cette décision ; que, par acte du 9 août 2005, six cent quarante-six ayants droit des victimes (dénommés demandeurs du groupe 1) ont assigné devant le tribunal de grande instance de Bobigny la compagnie aérienne et son assureur en réparation de leurs préjudices, et que, par le même acte, deux cent quatre vingt-un ayants droit (dénommés demandeurs du groupe 2), faisant également partie du groupe 1 mais n'ayant pas tous été demandeurs devant la juridiction américaine, ont assigné devant le même tribunal les quatre sociétés de droit américain précédemment appelées devant la District Court, pour voir dire, à titre principal, que le tribunal français ne peut pas connaître au fond de l'action des demandeurs du groupe 2 à l'encontre des quatre défendeurs américains, les dispositions de la loi française ne lui en attribuant pas la compétence internationale nécessaire, et, subsidiairement, condamner ces sociétés à les indemniser ; que, statuant sur la demande des demandeurs du groupe 2, relative à sa compétence internationale, le tribunal a dit irrecevable la demande tendant à voir la juridiction saisie statuer sur sa propre compétence, rejeté les demandes relatives aux dommages-intérêts pour abus de procédure, et renvoyé l'affaire devant le juge de la mise en état pour l'examen des demandes d'indemnisation des préjudices ;

Sur le premier moyen du pourvoi Z 08-15.326 :

Attendu que la société Parker Hannifin fait grief à l'arrêt de déclarer recevable l'appel formé par les demandeurs contre le jugement qui devait être attaqué par la voie du contredit, alors, selon le moyen :

1°/ que lorsque le juge se prononce sur la compétence sans statuer sur le fond, sa décision ne peut être attaquée que par la voie du contredit ; que le juge qui déclare irrecevable une contestation portant sur la compétence, qu'elle soit présentée par le demandeur ou le défendeur, «se prononce sur la compétence» de sorte que sa décision ne peut être attaquée que par la voie du contredit ; qu'en déclarant que le jugement ne pouvait pas être attaqué par un contredit de sorte que l'appel était recevable, la cour d'appel a violé l'article 80 du code de procédure civile ;

2°/ qu'en déclarant irrecevable la contestation de compétence élevée par les demandeurs eux-mêmes et en renvoyant les parties à conclure sur le fond, le tribunal s'était par là même reconnu compétent, de sorte que sa décision ne pouvait être attaquée que par la voie du contredit ; qu'en déclarant l'appel recevable, la cour d'appel a violé l'article 80 du code de procédure civile ;

3°/ que la voie de recours pertinente s'apprécie d'après le contenu effectif du jugement attaqué ; que ce jugement ayant statué non seulement sur la contestation de compétence élevée par les demandeurs mais encore sur la question d'une incompétence susceptible d'être relevée d'office, pour conclure négativement sur ces deux points et renvoyer les parties à conclure sur le fond, le tribunal s'était bien «prononcé sur la compétence sans statuer sur le fond du litige», de sorte que sa décision relevait nécessairement du contredit ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé l'article 80 du code de procédure civile ;

4°/ qu'en décidant tout à la fois d'une part (pour écarter la voie du contredit) que le tribunal «ne s'est pas prononcé sur sa compétence» et d'autre part (pour admettre l'appel immédiat) que «les demandeurs ayant à titre principal exclusivement sollicité de la juridiction qu'elle statue sur sa compétence internationale et condamne à des dommages-intérêts les défenderesses pour abus du droit d'ester en justice», le tribunal avait «tranché tout le principal», la cour d'appel a entaché sa décision d'une contradiction de motifs en violation de l'article 455 du code de procédure civile ;

5°/ qu'une demande de dommages-intérêts pour procédure abusive n'étant pas afférente au fond du litige, le rejet de cette demande ne pouvait avoir pour effet de rendre à lui seul le jugement susceptible d'appel au regard de l'article 80 du code de procédure civile ;

Mais attendu qu'ayant relevé que le dispositif du jugement se bornait à déclarer irrecevable la demande tendant à ce que le tribunal statue sur sa compétence, la cour d'appel a exactement retenu que la juridiction ne s'était pas prononcée sur sa compétence, de sorte que sa décision ne pouvait être attaquée par la voie du contredit ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Mais, sur les premiers moyens des pourvois T 08-14.883, Y 08-15.187 et S 08-15.273, et le deuxième moyen du pourvoi Z 08-15.326 réunis :

Vu les articles 544 et 545 du code de procédure civile ;

Attendu que pour déclarer l'appel recevable, l'arrêt retient que les demandeurs du groupe 2 ayant, à titre principal, exclusivement sollicité de la juridiction qu'elle statue sur sa compétence internationale et qu'elle condamne les défenderesses à des dommages-intérêts pour abus du droit d'ester en justice, les premiers juges, en déclarant irrecevable la première demande et en rejetant la seconde, ont tranché tout le principal ;

Qu'en statuant ainsi, alors que le jugement ne s'était pas prononcé sur le fond du litige et n'avait pas mis fin à l'instance, et que la demande en dommages-intérêts pour abus de procédure, qui constituait une demande accessoire, n'était pas afférente au fond du litige, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

Et vu l'article 627 du code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs des pourvois :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 6 mars 2008, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi.