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Décisions

Cass. 3e civ., 27 janvier 2010, n° 08-19.763

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Lacabarats

Avocats :

SCP Baraduc et Duhamel, SCP Gatineau et Fattaccini

Douai, du 21 févr. 2007

21 février 2007

Sur le premier moyen :

Attendu que M. Y... fait grief à l'arrêt de dire qu'il est redevable d'une certaine somme aux époux X... en réparation des désordres et d'ordonner la compensation de cette somme avec celles dues par les époux X..., alors, selon le moyen, que la réception d'un ouvrage sans réserve fait obstacle à l'action en garantie décennale du maître de l'ouvrage contre le constructeur, en réparation de désordres apparents le jour de la réception ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a jugé que la réception sans réserve de la maison litigieuse était intervenue " fin août 2002 " ; que le rapport d'expertise, auquel renvoyaient les motifs du tribunal, auxquels renvoyait la motivation de la cour d'appel, avait de son côté retenu que les désordres étaient apparus " en juillet 2002 " ; qu'en jugeant pourtant, par voie de simple affirmation, que les désordres n'étaient pas visibles à la réception de l'ouvrage, sans préciser à quelle date elle considérait que les désordres étaient apparus, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1792 du code civil ;

Mais attendu qu'ayant souverainement retenu, par motifs propres et adoptés, que les époux X... avaient pris possession de leur immeuble, fin août 2002, et que les désordres affectant le mur de soutènement n'étaient pas visibles lors de la réception, comme l'expert l'affirmait dans son rapport, la cour d'appel a légalement justifié à sa décision de ce chef ;

Sur le deuxième moyen :

Attendu que M. Y... fait grief à l'arrêt de dire qu'il est redevable d'une certaine somme aux époux X... en réparation des désordres et d'ordonner la compensation de cette somme avec celles qui lui sont dues par ceux-ci, alors, selon le moyen :

1° / que le devis de démolition B... chiffrait le prix de la location avec chauffeur de la pelle, permettant de réaliser la démolition et le déplacement de terre, ainsi que le coût du transport des déchets et leur mise en décharge, là où le rapport d'expertise avait, lui aussi, chiffré les postes démolition du mur, déplacement de terre, transport et mise en décharge ; que le devis de reconstruction Z... A... chiffrait le montant des opérations de " terrassement pour fondation " de " mise en place béton de fondation et ferraille " de " maçonnerie parpaing 20 : 20 : 50 creux " de " maçonnerie poteau " et de " maçonnerie chaînage horizontal " là où le rapport d'expertise avait, lui aussi, chiffré les postes " terrassement " mise en place de " béton pour semelles de fondation " mise en place " d'acier pour ferraillage ", " élévation du mur en maçonnerie " et de " couronnement du mur " ; que la facture du bureau d'étude Abac faisait clairement apparaître le lieu d'intervention (propriété de M. et Mme X...) et comportait en annexe l'étude réalisée sur le mur de soutènement, consistant en une note de calcul déterminant les chaînages horizontaux et verticaux ; qu'en pourtant jugeant que ces pièces étaient imprécises et ne permettaient pas de vérifier que les montants avancés correspondaient à des prestations conformes aux prescriptions de l'expert, la cour d'appel a dénaturé le devis B..., le devis Z... A... et la facture Abac, violant ainsi l'article 1134 du code civil ;

2° / que dans ses conclusions d'appel, M. Y... exposait que l'évaluation des frais de remise en état retenue par le rapport d'expertise était contestable, puisqu'elle était fondée sur un devis établi par la société Laflutte, partie au litige ; qu'en s'abstenant de répondre à ce moyen péremptoire des conclusions de M. Y..., la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

3° / que dans ses conclusions d'appel, M. Y... exposait que l'évaluation des frais de remise en état retenue par le rapport d'expertise était fondée sur un devis faisant état d'un taux de 19, 60 % de TVA, quand
seul le taux de 5, 5 % était applicable ; qu'en entérinant le montant retenu par le rapport d'expertise, sans rechercher quel était le taux de TVA applicable, et donc sans s ‘ assurer que le montant alloué ne procurait aucun enrichissement aux époux X..., la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard du principe de la réparation intégrale ;

Mais attendu, d'une part, que la cour d'appel a souverainement retenu, sans dénaturation, que les devis, trop imprécis quant aux prestations décrites, ne permettaient pas de vérifier si leurs évaluations reprenaient à l'identique les prescriptions de l'expert ;

Attendu, d'autre part, qu'il ne résulte ni du jugement ni de l'arrêt que la société Laflutte était partie à la procédure, que l'arrêt retient que les frais de remise en état concernaient un mur de soutènement extérieur ; que dès lors la cour d'appel n'était pas tenue de répondre à des conclusions sans portée ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le quatrième moyen :

Attendu que M. Y... fait grief à l'arrêt de le condamner à verser aux époux X... une indemnité de procédure de 1 000 euros et de le condamner aux dépens d'appel alors, selon le moyen :

1° / qu'en cas de cassation, la juridiction de renvoi statue sur la charge de tous les dépens exposés devant les juridictions du fond, y compris sur ceux afférents à la décision cassée ; que la cassation de l'arrêt attaqué sur le fondement des trois premiers moyens entraînera par voie de conséquence la cassation du chef de dispositif de l'arrêt attaqué relatif aux dépens, par application des articles 625 et 639 du code de procédure civile ;

2° / qu'en tout état de cause, l'appelant ne peut être considéré comme une partie perdante en appel lorsque sur son appel, sa situation a été améliorée et la situation de l'intimé aggravée ; qu'en l'espèce, sur l'appel de M. Y..., sa situation a été améliorée, puisque les époux X... ont été condamnés à lui payer la somme de 45 734, 73 euros en lieu et place de la somme de 18 217, 65 euros mise à leur charge par les premiers juges, et la situation des époux X... qui ont succombé dans leur appel incident, aggravée d'autant ; qu'en mettant néanmoins à la charge de M. Y... les dépens d'appel, sans motiver spécialement sa décision, la cour d'appel a voilé l'article 696 du code de procédure civile ;

3° / que seule la partie condamnée aux dépens peut être condamnée à payer des frais irrépétibles à son adversaire ; que la cassation
à intervenir sur le fondement des deux premières branches du moyen entraînera par voie de conséquence la cassation du chef de dispositif de l'arrêt attaqué relatif aux frais irrépétibles, par application des articles 625 et 700 du code de procédure civile ;

Mais attendu que chaque partie ayant succombé partiellement dans ses prétentions, la cour d'appel n'a fait qu'user de son pouvoir discrétionnaire en condamnant M. Y..., partie perdante, aux dépens et au paiement d'une indemnité fondée sur l'article 700 du code de procédure civile ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Mais sur le troisième moyen :

Vu les articles 1315 et 1354 du code civil ;

Attendu que pour affirmer que les époux X... avaient payé à M. Y... l'intégralité des travaux réalisés, l'arrêt retient que l'expert judiciaire, après l'audition des parties, a pris acte que le marché était entièrement soldé, cette indication faite à l'expert constituant un aveu que M. Y... n'a pas contesté à la faveur d'un dire ;

Qu'en statuant ainsi, alors que l'aveu exige de la part de son auteur une manifestation non équivoque de sa volonté de reconnaître pour vrai un fait de nature à produire contre lui des conséquences juridiques, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision de ce chef ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute M. Y... de sa demande en paiement du solde de son marché formée contre M. et Mme X..., l'arrêt rendu le 21 février 2007, entre les parties, par la cour d'appel de Douai ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Douai, autrement composée.