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Décisions

Cass. 3e civ., 14 janvier 2021, n° 19-21.130

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Chauvin

Rapporteur :

M. Boyer

Avocat général :

M. Brun

Avocat :

SCP Cabinet Colin - Stoclet

Fort-de-France, du 21 mai 2019

21 mai 2019

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Fort-de-France, 21 mai 2019), la société civile immobilière Domaine de Beauharnais (la SCI) a fait construire, en vue de la vente d'appartements en l'état futur d'achèvement, une résidence comportant plusieurs bâtiments dont la réception a été prononcée sans réserve du 28 juillet 2006 au 30 juillet 2009.

2. L'assemblée générale des copropriétaires a autorisé le syndic à prendre livraison des parties communes, assisté d'un expert, lequel a établi deux rapports, à l'issue de réunions contradictoires tenues en présence de la SCI les 27 mars et 19 juin 2009, ainsi qu'un rapport récapitulatif à l'issue d'une ultime réunion du 21 mai 2010.

3. Par acte du 19 septembre 2013, se plaignant de la persistance de désordres et non-finitions affectant les parties communes, le syndicat des copropriétaires de [...] (le syndicat des copropriétaires) a assigné la SCI en réparation sur le fondement des articles 1792 et 1147 du code civil.

Examen du moyen

Sur le moyen unique, pris en ses deuxième, troisième, quatrième et sixième branches, ci-après annexé

4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le moyen unique, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

5. Le syndicat des copropriétaires fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevables comme forcloses ou prescrites ses demandes en réparation des désordres et non-conformités autres que l'empiétement sur le terrain d'autrui et le défaut de traitement anti-termites, alors « que pendant une période de dix ans à compter de la réception des travaux, le vendeur d'un immeuble à construire est tenu, à l'égard de l'acquéreur, de garantir les dommages de nature décennale résultant de vices de construction ou défauts de conformité cachés au jour de cette réception, peu important que ces vices et défauts aient été apparents lors de la prise de possession de l'immeuble par l'acquéreur ; qu'en considérant, pour déclarer irrecevables certaines demandes du syndicat des copropriétaires, que, les non-conformités et vices invoqués étant apparents à la date de prise de possession des parties communes, les demandes auraient dû être formées au plus tard dans l'année suivant cette date, la cour d'appel, qui, saisie de demandes fondées, non pas sur la responsabilité du vendeur au titre des vices et défauts de conformité apparents (article 1642-1 du code civil), mais sur sa responsabilité décennale (article 1646-1 du même code), devait uniquement rechercher si les non-conformités et les vices invoqués étaient, du point de vue de la SCI Domaine de Beauharnais, apparents ou cachés lors de la réception des travaux, a violé, par refus d'application, les articles 1646-1, 1792 et 1792-4-1 du code civil et, par fausse application, les articles 1642-1 et 1648 du même code. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 1646-1, 1642-1, dans sa rédaction alors applicable, et 1648, alinéa 2, du code civil :

6. Selon le premier de ces textes, le vendeur d'immeuble à construire est tenu, à compter de la réception des travaux, des obligations dont les architectes, entrepreneurs et autres personnes liées au maître de l'ouvrage par un contrat de louage d'ouvrage sont eux-même tenus en application des articles 1792, 1792-1, 1792-2 et 1792-3 du code civil.

7. Selon le deuxième, le vendeur d'un immeuble à construire ne peut être déchargé, ni avant la réception des travaux, ni avant l'expiration d'un délai d'un mois après la prise de possession par l'acquéreur, des vices de construction alors apparents, l'action devant, en application du troisième, être introduite, à peine de forclusion, dans l'année qui suit la date à laquelle le vendeur peut être déchargé des vices apparents.

8. Aux termes de l'article 1792-6 du code civil, la réception est l'acte par lequel le maître de l'ouvrage déclare accepter l'ouvrage avec ou sans réserves.

9. Il résulte de la combinaison de ces textes que l'acquéreur bénéficie du concours de l'action en garantie décennale et de celle en réparation des vices apparents.

10. Lorsqu'il agit en réparation contre le vendeur en l'état futur d'achèvement sur le fondement des articles 1646-1 et 1792 et suivants du code civil, le caractère apparent du désordre s'apprécie en la personne du maître de l'ouvrage et au jour de la réception.

11. Pour déclarer forcloses les demandes du syndicat des copropriétaires sur le fondement de la responsabilité décennale du constructeur-vendeur en l'état futur d'achèvement, l'arrêt retient que les désordres relatifs au fonctionnement du portail d'entrée de la résidence, aux trappes de désenfumage, aux finitions des peintures, au carrelage ébréché, au défaut de raccordement des gouttières, à la largeur insuffisante de certains garages, au fonctionnement de la station d'épuration et aux eaux de ruissellement étaient apparents à la date de la livraison, de sorte que l'action aurait dû être engagée dans le délai prévu par l'article 1648, alinéa 2, du code civil.

12. En statuant ainsi, alors que, le caractère apparent ou caché d'un désordre dont la réparation est sollicitée sur le fondement des articles 1646-1 et 1792 et suivants du code civil s'appréciant en la personne du maître de l'ouvrage et à la date de la réception, il importe peu que le vice de construction ait été apparent à la date de la prise de possession par l'acquéreur, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la cinquième branche du moyen unique, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il rejette comme forcloses les demandes du syndicat des copropriétaires au titre des désordres relatifs au fonctionnement du portail d'entrée de la résidence, aux trappes de désenfumage, aux finitions des peintures, au carrelage ébréché, au défaut de raccordement des gouttières, à la largeur insuffisante de certains garages, au fonctionnement de la station d'épuration et aux eaux de ruissellement, l'arrêt rendu le 21 mai 2019, entre les parties par la cour d'appel de Fort-de-France ;

Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Fort-de-France, autrement composée.