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Décisions

Cass. 3e civ., 22 novembre 2006, n° 05-18.672

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Weber

Rennes, 4e ch. civ., du 19 mai 2005

19 mai 2005

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Rennes, 19 mai 2005 ) qu'en sa qualité de maître d'ouvrage, la société Coopérative de construction des Monts d'Arrée, assurée auprès de la Société mutuelle d'assurance du bâtiment et des travaux publics (SMABTP) selon une police "dommages-ouvrage" et une police "constructeur non réalisateur", a fait procéder à la construction d'un ensemble de maisons à usage d'habitation accolées, une mission de contrôle et de direction des travaux étant confiée à la société Coopérative de construction d'Ille-et-Vilaine, assurée auprès de la société Assurances générales de France (AGF), aux droits de laquelle se trouve la société AM Prudence ; que le lot gros oeuvre a été confié à la société SEDEC ; que la réception des ouvrages étant intervenue le 28 juillet 1989,

les époux X..., acquéreurs d'une maison, ont dénoncé, peu de temps après, des désordres procédant d'un défaut d'isolation phonique avec l'immeuble mitoyen, propriété de Mme Y... ; que par un arrêt du 9 novembre 1995, devenu irrévocable, la cour d'appel de Rennes a, notamment, retenu la responsabilité décennale de la société Coopérative d'Ille-et-Vilaine et l'a condamnée à mettre en oeuvre, au profit des époux X..., les travaux préconisés par l'expert judiciaire, afin de mettre fin aux désordres ; que les travaux effectués n'ayant pas donné satisfaction, les époux X... ont assigné la société de construction, la SMABTP et la société Sedec afin de faire cesser les troubles acoustiques ;

Sur le premier moyen :

Attendu que les époux X... font grief à l'arrêt de les débouter de leur demande contre les constructeurs, en démolition puis en reconstruction de la maison voisine appartenant à madame Y..., alors, selon le moyen, qu'en se bornant à affirmer que les bruits relevés par l'expert dans la maison de M. et Mme X... ne présentaient pas une gravité suffisamment importante pour rendre l'immeuble impropre à sa destination, sans rechercher, comme elle y était invitée, quelle était la véritable nature, l'ampleur et les conséquences de ces bruits, bien qu'il soit résulté des attestations régulièrement produites pour la première fois en appel par M. et Mme X... que ces bruits résultaient de la vie quotidienne de leur voisin, de sorte qu'ils empêchaient toute intimité et tranquillité, ce dont il résultait qu'ils rendaient leur maison impropre à sa destination, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1792 du code civil ;

Mais attendu qu'ayant, analysé, par motifs propres et adoptés, le résultat des mesures acoustiques opérées par l'expert judiciaire, la situation des maisons accolées les unes aux autres et non isolées, les travaux de réparation qui avaient mis fin aux vibrations entre les maisons, et atténué de façon significative les bruits transmis par la structure des immeubles, la cour d'appel, répondant aux conclusions, en a souverainement déduit que les seuls bruits résiduels, après travaux, rendant l'ouvrage impropre à sa destination, étaient ceux dus au défaut d'isolation entre le garage et la salle d'eau de la maison des époux X... ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le troisième moyen :

Attendu que les époux X... font grief à l'arrêt de déclarer irrecevable leur demande à l'encontre de la société AM Prudence, alors, selon le moyen, que l'action de la victime contre l'assureur de responsabilité trouve son fondement dans le droit propre de la victime à obtenir la réparation de son préjudice, de sorte qu'elle se prescrit par le même délai que l'action de la victime contre le responsable ; qu'en décidant néanmoins que la prescription de l'action formée par la société Coopérative de construction d'Ille-et-Vilaine à l'encontre de son assureur, la société AM Prudence, était opposable à M. et Mme X..., bien que ces derniers aient intenté, dans les délais légaux, leur action à l'encontre de la société Coopérative de construction d'Ille-et-Vilaine, responsable de la mauvaise isolation phonique de leur maison, la cour d'appel a violé l'article L. 124-3 du code des assurances ;

Mais attendu qu'ayant relevé que la réception de l'ouvrage était intervenue le 28 juillet 1989, que les époux X... avaient assigné la société Coopérative de construction d'Ille-et-Vilaine , la société Sedec et la SMABTP par actes des 16 et 22 janvier 1998 et que la SMABTP avait appelé dans la cause la société AM Prudence par acte du 26 février 2002, la cour d'appel en a exactement déduit que les demandes des époux X... dirigées contre cet assureur étaient prescrites ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Mais sur le moyen relevé d'office après avis donné aux parties :

Vu l'article 1792 du code civil ;

Attendu que pour rejeter la demande des époux X... formée contre la société Coopérative de construction d'Ille-et-Vilaine et la société Sedec sur le fondement de la non-conformité des travaux aux stipulations contractuelles, l'arrêt retient que, si cette non-conformité est établie en raison d'une mauvaise exécution des travaux de gros oeuvre, la demande des époux X... doit être rejetée faute pour eux d'établir la réalité d'un préjudice en lien direct de cause à effet avec cette non-conformité ;

Qu'en statuant ainsi, alors que, même s'ils ont comme origine des non-conformités contractuelles, les dommages qui relèvent d'une garantie légale ne peuvent donner lieu, contre les personnes tenues à cette garantie, à une action en réparation sur le fondement de la responsabilité contractuelle de droit commun, la cour d'appel, qui a constaté que les désordres dénoncés relevaient, aux termes d'un précédent arrêt devenu irrévocable, d'une garantie légale, a violé le texte susvisé ;

Et vu l'article 627, alinéa 1, du nouveau code de procédure civile ;

Attendu que la cassation prononcée n'implique pas qu'il y ait lieu à renvoi ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le deuxième moyen :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a retenu la responsabilité contractuelle de droit commun des constructeurs, l'arrêt rendu le 19 mai 2005, entre les parties, par la cour d'appel de Rennes ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi.