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Décisions

CA Paris, 3e ch. B, 17 novembre 1995, n° 93.18982

PARIS

Arrêt

Infirmation partielle

PARTIES

Demandeur :

Banque Worms (SA), Poupon

Défendeur :

Baumgartner (ès qual.), Chavaux (ès qual.), Vola, Vincent

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Feuillard

Conseillers :

M. Valantin, M. Monin-Hersant

Avoués :

SCP Gibou Pignot Grappotte Benetreau, SCP d'Auriac Guizard, SCP Varin Petit

Avocats :

Me Benech, Me Socquet

T. com. Paris, 12e ch., du 6 avr. 1993, …

6 avril 1993

La Cour statue sur les appels formés par la BANQUE WORMS (la banque) et M. Jean-Paul POUPON centre le jugement réputé contradictoire du Tribunal de commerce de PARIS (12eme chambre, 15131/92), rendu le 6 avril 1993, qui a dit la banque recevable et bien fondée en sa demande d'extension du redressement judiciaire de la société COSMETIC G.M.S. à I'égard des associés de la "S.N.C. COSMETIC PRODUCTION", a prononcé cette extension à l’égard de MM. Roland VOLA, Jean-Paul POUPON, Dominique VINCENT et Jean-Jacques VOLA, a dit la banque irrecevable et mal fondée en sa demande envers Me CHAVAUX et Me BAUMGARTNER, mandataires de justice de la "S.A.R.L. COSMETIC PRODUCTION" et de la S.A. COSMETIC PRODUCTION et I'a condamnée à leur payer 30.000 F. de dommages-intérêts et 15.000 F. au titre de l'article 700 N.C.P.C.

Le jugement a également donné acte à M. Jean- Jacques VOLA de son engagement à payer à la barre la somme de 38.712,58 F.

La banque, invoquant une créance principale de 193.562,90 F. sur la S.N.C. COSMETIC (G.M.S.), a assigné en "extension" de redressement judiciaire les associés dans cette société, le 5 mai 1992. La S.N.C a été transformée en S.A.R.L., la publication au Journal des annonces légales en étant faite le 22 avril 1991.

La nouvelle S.A.R.L., dénommée COSMETIC G.M.S., a été mise en redressement judiciaire le 3 mars 1992.

Les associés visés par l’assignation ont prétendu que la créance de la banque n'était exigible qu'à la date du 28 mars 1991, postérieure à la transformation de la S.N.C. en S.A.R.L. par assemblée générale du 1er mars 1991.

La banque a répliqué que seule la date du 22 avril 1991 lui était opposable en ce qui concerne la transformation de la société.

La S.A. COSMETIC PRODUCTION, selon les dénonciations du jugement, aurait indiqué que le jugement du 3 mars 1992 était définitif qui avait, aussi, joint la procédure ouverte à I'égard de COSMETIC G.M.S. à celle ouverte le 31 octobre à I'encontre de COSMETIC PRODUCTION.

M. Jean-Jacques VOLA s'est engagé à payer une somme correspondant au l/5eme de la créance de la banque sur la S.N.C.

Par le jugement déféré, le tribunal a relevé que la banque bénéficiait d'une ordonnance de référé, rendue le 4 juin 1991, non frappée d'appel; que, la transformation de la S.N.C. en S.A.R.L. ayant et été publiée le 22 avril 1991, seule comptait cette date; que la date du 28 mars 1991 (arrêté de compte de la banque) constaté par l'ordonnance de référé devait être retenue; que la demande de la banque était recevable qui avait été formulée moins d'un an depuis la publication de la transformation; que les associés devaient payer la dette de la S.N.C., leur refus de s'exécuter devant entrainer la constatation de leur état de cessation des paiements et l’extension" à leur égard du redressement judiciaire des sociétés S.A.R.L. COSMETIC G.M.S. et S.A. COSMETIC PRODUCTION.

II a estimé en revanche que la demande de la banque à I’encontre de ces deux sociétés était irrecevable.

APPELANTE, la BANQUE WORMS conclut à l'infirmation du jugement en ce qu'il l'a condamné à payer à Me CHAVAUX et Me BAUMGARTNER 30.000 F. de dommages-intérêts et 15.000 F. au titre de l'article 700 N.C.P.C.

Par conclusions subséquentes, elle demande la confirmation du jugement en ce qu'il l'a déclarée recevable et bien fondée en sa demande d'extension de redressement judiciaire de COSMETIC G.M.S. aux associés de la S.N.C. COSMETIC PRODUCTION.

APPELANT, M. POUPON, mettant en avant la transformation de la S.N.C. COSMETIC PRODUCTION en S.A.R.L. le 1er mars 1991, l'exigibilité de la créance dont se prévaut la banque au 28 mars 1991 l'assignation à lui délivrée le 1er mars 1991, conclut à l’infirmation du jugement et demande à la Cour de dire que la créance est postérieure à la transformation de la société et que l’extension est dépourvue de fondement légal. II réclame 8.000 F. d'indemnités de procédure.

INTIMES es qualités, Me BAUMGARTNER, représentant des créanciers des sociétés COSMETIC G.M.S. et COSMETIC PRODUCTION, et Me CHAVAUX, administrateur judiciaire de ces sociétés, concluent au débouté des deux appelants et à la confirmation du jugement et réclament 10.000 F. au titre de I'article 699 N.C.P.C.

La Cour, par un arrêt du 12 mai 1995 rendu sans désemparer à l'issue des premiers débats, constatant d'ailleurs que l’assignation de la banque tendait en réalité à l’« extension » aux associés de la S.N.C. COSMETIC G.M.S. du redressement judiciaire de la S.A.R.L. COSMETIC G.M.S. et non S.A.R.L. (ou S.A. ?) COSMETIC PRODUCTION, a invité la banque à préciser le fondement de son action.

La BANQUE WORMS. par conclusions récapitulatives du 26 juillet 1995, demande à la Cour de dire que le jugement dont appel est définitif à L’Edgard de MM. Jean-Jacques VOLA, Roland VOLA et VINCENT, de prononcer l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire à l'égard de M. POUPON sur le fondement de I'article 17 de la loi du 25 janvier 1985 à l'exclusion de toute application de I'article 178 de cette loi, de reformer le jugement en ce qu'il l'a condamnée au profit des mandataires de justice et de débouter ceux-ci de leurs demandes.

Le MINISTERS PUBLIC a conclu que la banque détient un décision de justice définitive ayant constaté l'exigibilité de sa créance à la date du 28 mars 1991; que le procès-verbal de I'assemblée générale qui a décidé de transformer la S.N.C. en S.A.R.L. a été déposé et inscrit au greffe du tribunal de commerce le 24 avril 1991, seule date opposable aux tiers, la date de cessation des paiements, 3 septembre 1990, étant au surplus antérieure à la transformation, que la demande d'ouverture du redressement judiciaire est du 17 avril 1992, notamment à l'égard de M. POUPON, soit moins d'un an après la mention du retrait des associés au R.C.S. II a estimé que la demande de la banque est recevable et fondée.

INTIMES sur la seule déclaration d'appel de M. POUPON, MM. Jean-Jacques et Roland VOLA et VINCENT n'ont pas été assignés.

SUR QUOI, LA COUR,

Considérant que la Cour n'a pas été valablement saisie à l’égard de MM. J.-J. et R. VOLA et VINCENT qui n'ont pas assignés par M. POUPON, lequel ne forme d'ailleurs aucune prétention à leur encontre;

Que la demande de la banque de confirmation du jugement en ce qu'il les concerne est irrecevable puisque la banque n'a pas cru devoir les assigner;

Que ces associés seront d'office mis hors de cause et l'arrêt rendu contradictoirement;

Considérant que l'action de la banque, fondée sur l'article 17 de la loi du 25 janvier 1985, vise M. POUPON en sa qualité d'associé au sein de la S.N.C. COSMETIC G.M.S., laquelle a transformée en S.A.R.L. et mise en redressement judiciaire le 3 mars 1992, la date de sa cessation des paiements étant reportée au 3 septembre 1990;

Considérant que la banque justifie d'une créance contre la S.N.C., certaine, liquide et exigible depuis le 28 mars 1991, constatée par une ordonnance de référé du 4 juin 1991, non frappée d'appel;

Considérant que la mention de la transformation de la S.N.C. en S.A.R.L. n'a été portée au R.C.S. que le 24 avril 1991, seule date rendant opposables aux tiers la transformation de la société et le retrait des associés en nom, es qualités;

Que l'assignation de M. POUPON est intervenue le 17 avril 1992, moins d'un an depuis le 24 avril 1991;

Considérant des lors, toutes les conditions exigées par le deuxième alinéa de l'article 17 de la loi étant réunies et les associés en nom étant redevables de la dette à l'égard de la banque, que la demande de la banque est recevable et bien fondée;

Que le jugement déféré sera donc confirmé en ce qu'il concerne M. POUPON;

Qu'il sera cependant précisé en ce que les procédures de redressement judiciaire ouvertes à l'égard des associés sont distinctes de celle qui concerne la société et encore distinctes entre elles;

Que le demande d'indemnité de procédure de M. POUPON sera rejetée ;

Considérant que le jugement n'est pas motivé en ce qui concerne le caractère abusif des demandes de la banque en ce qu'elles visaient les sociétés COSMETIC PRODUCTION et COSMETIC G.M.S.; que I'abus ne pouvait résulter seulement de l'irrecevabilité des demandes en raison de la circonstance que ces sociétés étaient en redressement judiciaire;

Que les mandataires de justice, qui concluent au débouté de la banque en son appel, ne présentent devant la Cour aucun moyen qui justifierait la confirmation du jugement sur ce point; que le jugement sera donc reformé;

Considérant, en revanche, que l'application de I’article 700 N.C.P.C. au profit des mandataires de justice était normale dès lors que les demandes de la banque, sinon son action elle-même, étaient jugées irrecevables à leur égard, es qualités; qu'il appartenait au tribunal de mettre une partie des dépens à la charge de la banque; que le jugement sera réformé partiellement sur ce point puisque la question de la recevabilité de la banque n'est plus discutée devant la Cour et que la confirmation du jugement est sollicitée par les mandataires; que les moyens de la banque n'ont désormais plus d'objet;

Considérant qu'il n'y a pas lieu de faire une nouvelle application de I'article 700 N.C.P.C. au profit des mandataires de justice;

Considérant que la banque supportera les dépens de première instance et d'appel à hauteur d'un dixième;

Que le surplus des dépens d'appel, à la charge de M. POUPON, seront prélevés en frais de redressement judiciaire;

PAR CES MOTIFS:

STATUANT par arrêt contradictoire,

DONNE A la S.C.P. GIBOU-PIGNOT GRAPPOTTE BENETREAU acte de sa constitution aux lieu et place de Me GIBOU-PIGNOT, avoué précédemment constitué pour la BANQUE WORMS;

MET d'office hors de cause MM. Jean-Jacques VOLA, Roland VOLA et Dominique VINCENT;

STATUANT dans la limite des dispositions critiquées,

CONFIRME le jugement déféré en ce qu'il a ouvert une procédure de redressement judiciaire à I'égard de M. Jean-Paul POUPON;

Le PRECISANT sur ce point,

DIT que les procédures ouvertes à I'égard des associés sont distinctes entre elles et distinctes de la procédure suivie à I'égard de la société ;

INFIRME le jugement en ce qu'il a condamné la BANQUE WORMS à payer des dommages-intérêts aux mandataires de justice et DEBOUTE ceux-ci de leur demande;

CONFIRME le jugement pour le surplus, sauf ce qui est dit ci-après sur les dépens;

CONDAMNE la BANQUE WORMS aux dépens de première instance dans la proportion de l/10eme;

La CONDAMNE aux dépens d'appel dans la même proportion;

CONDAMNE M. POUPON au surplus des dépens d'appel qui seront prélevés en frais de redressement judiciaire et pourront être recouvrés par les avoués de la cause qui en ont fait la demande, dans la limite de leurs droits, conformément à I'article 699 N.C.P.C.;

REJETTE toute demande ou prétention contraire à la motivation.