Cass. 1re civ., 3 juillet 2001, n° 98-18.512
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Sargos
Rapporteur :
M. Aubert
Avocat général :
M. Roehrich
Avocats :
Me Balat, Me Le Prado, SCP Vincent et Ohl
Attendu que la société Comptoir corse phocéen (CCP) a été victime d'un vol de deux camions entreposés dans ses locaux, l'un d'eux contenant des marchandises appartenant à la SEITA et qui n'ont jamais été retrouvées ; que la société CCP a assigné son assureur, La Neuchâteloise -aux droits de laquelle vient aujourd'hui la compagnie La Winterthur-, en paiement de la valeur des marchandises dérobées et a fait appeler la SEITA en intervention forcée ; que celle-ci a demandé la condamnation de l'assureur et réservé son droit contre la société CCP ;
qu'un jugement du tribunal de commerce de Marseille, en date du 16 février 1993, a donné acte à la SEITA de ses réserves et déclaré irrecevable la demande de la société CCP ; que, parallèlement, la SEITA avait, le 3 novembre 1992, fait assigner la société CCP en paiement de la valeur de la cargaison volée, sur quoi cette dernière société avait appelé en garantie La Neuchâteloise ; que, par un jugement du 10 décembre 1993, le tribunal de commerce de Marseille, constatant la litispendance entre cette instance et la première, s'est dessaisi au profit de la cour d'appel et a ordonné le renvoi de l'instance devant cette Cour ;
que la société CCP a, le 2 août 1993, déposé des conclusions en appel contre le jugement du 16 février 1993 ; que la SEITA a elle-même déposé des conclusions le 18 novembre 1993, demandant la condamnation solidaire de la société CCP et de La Neuchâteloise ; que, le 21 février 1997, l'avoué de la société CCP a demandé au conseiller de la mise en état ce qu'il était advenu de l'affaire ayant abouti au jugement du 10 décembre 1993 et si une jonction avait été prononcée ; qu'après qu'une réponse négative lui eût été donnée, le dossier a été transmis par le greffe du tribunal le 19 mars suivant ; que le conseiller de la mise en état ayant, le 7 mai 1997, ordonné la jonction des procédures, et la SEITA ayant demandé le bénéfice de ses précédentes écritures, la société CCP a opposé l'exception de péremption de l'instance, faute de diligences accomplies par la SEITA depuis décembre 1993 et, subsidiairement, que La Neuchâteloise lui devait sa garantie ; que l'arrêt attaqué a écarté l'exception de péremption et condamné la société CCP à indemniser la SEITA, la garantie de l'assureur étant exclue ;
Sur le second moyen, tel qu'il figure au mémoire en demande et est reproduit en annexe au présent arrêt :
Attendu que c'est sans violer le texte visé par le moyen que la cour d'appel, qui a seulement appliqué la convention des parties, a exclu toute garantie de l'assureur au profit de la société CCP dès lors que le contrat stipulait, en une clause claire et précise, au titre des risques exclus (art. 4,e), l'exclusion, quelle que soit la garantie accordée, de l'incendie et du vol "survenant dans les magasins, garages ou locaux appartenant à l'assuré ou loués par lui", laquelle n'entrait pas en contradiction avec les obligations imposées à l'assuré "en cas d'arrêt en cours de route, quelle qu'en soit la cause", c'est-à-dire en cours de transport ; que le moyen est sans fondement ;
Mais, sur le premier moyen, pris en sa première branche :
Vu l'article 386 du nouveau Code de procédure civile ;
Attendu que, pour dire que l'instance enrôlée le 21 mars 1997 suite au jugement de dessaisissement rendu le 10 décembre 1993 n'était pas périmée, l'arrêt énonce que le délai de péremption ne saurait courir qu'à compter de l'introduction de l'instance et que la naissance d'une instance prend effet à compter de son enrôlement ; que l'affaire ayant abouti au jugement du 10 décembre 1993 n'ayant été enrôlée que le 21 mars 1997, le délai de péremption n'avait commencé à courir qu'à cette date ; qu'à la suite du jugement de dessaisissement, il incombait au greffe et non à l'une ou l'autre des parties de transmettre le dossier de l'affaire à la cour d'appel, de sorte qu'aucun reproche ne pouvait être fait à la SEITA dès lors qu'il ne lui incombait pas de pallier la négligence du greffe dans la transmission du dossier ;
Attendu qu'en se prononçant ainsi, alors que les obligations du greffe quant à la transmission du dossier à la cour d'appel ne dispensaient pas les parties d'accomplir, en tant que de besoin, les diligences propres à éviter la péremption de l'instance, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
Et attendu qu'en application de l'article 627, alinéa 2, du nouveau Code de procédure civile, il n'y a pas lieu à renvoi, la Cour de Cassation pouvant mettre fin au litige en appliquant la règle de droit appropriée ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a condamné la société CCP à payer à la SEITA la somme de 1 170 654,15 francs, avec intérêts, l'arrêt rendu le 13 mars 1998, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi de ce chef.