Cass. 1re civ., 7 juillet 1981, n° 80-11.846
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Charliac
Rapporteur :
M. Joubrel
Avocat général :
M. Gulphe
Avocat :
Me Jacoupy
SUR LE PREMIER MOYEN, PRIS EN SES DEUX BRANCHES :
ATTENDU, SELON LES ENONCIATIONS DES JUGES DU FOND, QUE M. JACQUES X... EST DECEDE, LE 20 FEVRIER 1971, DES SUITES D'UN ACCIDENT DE LA CIRCULATION LAISSANT SON EPOUSE, NEE LUCILE Y..., COMMUNE EN BIENS, ET UN ENFANT MINEUR, ISSU DU MARIAGE, LAURENT X..., NE LE 6 MAI 1953 ; QU'USANT DE LA FACULTE PREVUE PAR L'ARTICLE 477 DU CODE CIVIL, DANS SA REDACTION DE LA LOI DU 14 DECEMBRE 1964, ALORS APPLICABLE, MME VEUVE X... A EMANCIPE SON FILS, PAR DECLARATION SOUSCRITE LE 13 MAI 1971, DEVANT LE JUGE DES TUTELLES ; QUE, PAR ACTE DU 17 DECEMBRE 1971, RECU PAR UN NOTAIRE PARISIEN, M. LAURENT X... A CONSENTI A L'EXECUTION D'UN LEGS VERBAL EN USUFRUIT, QU'IL AVAIT DECLARE AVOIR ETE FAIT PAR SON PERE AU PROFIT DE SA MERE, ET PORTER SUR UN APPARTEMENT SITUE A PARIS, DEPENDANT DE LA COMMUNAUTE AYANT EXISTE ENTRE LES EPOUX ; QU'IL ETAIT PRECISE, DANS CET ACTE, QUE M. JACQUES X... AVAIT, AVANT DE MOURIR, EXPRIME LA VOLONTE D'INSTITUER SON EPOUSE LEGATAIRE EN USUFRUIT, LEQUEL DEVAIT "S'APPLIQUER UNIQUEMENT A UN IMMEUBLE SIS A PARIS (8E), ..., ET A LA CONDITION QUE CE LEGS SOIT EXCLUSIF DE TOUS AUTRES DROITS DANS LA SUCCESSION, ET NOTAMMENT DE L'USUFRUIT LEGAL" ; QUE, CEPENDANT, PAR UN SECOND ACTE, EN DATE DU 5 AVRIL 1972, RECU PAR UN NOTAIRE MONEGASQUE, M. LAURENT X... A CONSENTI A L'EXECUTION, AU PROFIT DE SA MERE, D'UN AUTRE LEGS VERBAL EN USUFRUIT, PORTANT SUR UN APPARTEMENT ET TROIS STUDIOS SIS A MONTE-CARLO, QUI CONSTITUAIENT DES BIENS PROPRES A SON PERE ; QU'EN 1977, M. LAURENT X..., PRETENDANT AVOIR ETE LA VICTIME D'UNE FRAUDE, A ASSIGNE SA MERE EN NULLITE DE L'ACTE D'EMANCIPATION DU 13 MAI 1971 ET DES ACTES NOTARIES DES 17 DECEMBRE 1971 ET 5 AVRIL 1972 ; QUE LA COUR D'APPEL A ECARTE, COMME MAL FONDEES, LES DEMANDES EN NULLITE DE L'EMANCIPATION ET DE LA RATIFICATION DU LEGS VERBAL CONCERNANT L'APPARTEMENT PARISIEN, ET S'EST DECLAREE INCOMPETENTE POUR SE PRONONCER SUR LA VALIDITE DE LA RATIFICATION DU LEGS VERBAL PORTANT SUR LES BIENS IMMOBILIERS SITUES DANS LA PRINCIPAUTE DE MONACO ;
ATTENDU QUE M. LAURENT X... FAIT D'ABORD GRIEF A L'ARRET INFIRMATIF ATTAQUE DE N'AVOIR PAS ANNULE LA DECLARATION D'EMANCIPATION NI, PAR VOIE DE CONSEQUENCE, L'ACTE DE CONSENTEMENT A EXECUTION DU LEGS VERBAL CONCERNANT L'APPARTEMENT SIS A PARIS, ALORS, SELON LE MOYEN, D'UNE PART, QUE LES MAGISTRATS D'APPEL NE POUVAIENT, SANS CONTRADICTION ET SANS MECONNAITRE LES CONSEQUENCES DE LEURS PROPRES CONSTATATIONS, RELEVER QUE LES DECLARATIONS PRETEES A FEU M. JACQUES X..., AU SUJET DE PRETENDUS LEGS VERBAUX PAR LUI CONSENTIS A SON EPOUSE, ETAIENT INCONCILIABLES, CE DONT IL S'EVINCAIT NECESSAIREMENT L'INEXISTENCE DESDITES DECLARATIONS, ET, PAR SUITE, DES LEGS, ET DENIER L'EXISTENCE DE TOUTE FRAUDE AU PREJUDICE DU FILS DU DE CUJUS, ET ALORS, D'AUTRE PART, QU'IL APPARTENAIT, EN TOUTE HYPOTHESE, AUX JUGES DU SECOND DEGRE, DE RECHERCHER SI, EN PRIVANT M. LAURENT X..., CONFRONTE AUX DIFFICILES PROBLEMES DE LA SUCCESSION DE SON PERE, DE LA PROTECTION LEGALE ATTACHEE A LA MINORITE, PROTECTION QUI AURAIT INTERDIT TOUTE RATIFICATION DES PRETENDUS LEGS VERBAUX CONSENTIS A MME VEUVE X..., L'ACTE D'EMANCIPATION DU 13 MAI 1971 N'APPARAISSENT PAS PREJUDICIABLE AUX INTERETS DU MINEUR, ET DONC ANNULABLE, COMME CONTRAIRE A LA DESTINATION DE CETTE INSTITUTION ;
MAIS ATTENDU, EN PREMIER LIEU, QUE C'EST PRECISEMENT EN SE FONDANT SUR LA "CONTRADICTION EVIDENTE" EXISTANT ENTRE LES DEUX DECLARATIONS, CENSEES RAPPORTER LES PROPOS DU DEFUNT, FAITES PAR M. LAURENT X... LUI-MEME, 7 ET 11 MOIS APRES SON EMANCIPATION, DANS LES DEUX ACTES AUTHENTIQUES DES 17 DECEMBRE 1971 ET 5 AVRIL 1972, EN CE QUI CONCERNE L'OBJET DES LEGS QUE "L'EXISTENCE MEME DE CETTE CONTRADICTION EXCLUT LA POSSIBILITE D'UNE FRAUDE CONSCIENTE ET ORGANISEE REMONTANT A L'EPOQUE DE L'EMANCIPATION" ;
ATTENDU, EN SECOND LIEU, QU'APRES AVOIR RETENU QU'IL N'ETAIT PAS ETABLI QUE MME VEUVE X... AIT PROCEDE A L'EMANCIPATION DE SON FILS AFIN DE SE FAIRE RECONNAITRE PAR LUI UN USUFRUIT SUR DES BIENS DEPENDANT DE LA SUCCESSION DE SON MARI, ET QUE, PAR SUITE, LADITE EMANCIPATION PRESENTAT UN CARACTERE FRAUDULEUX, LES JUGES D'APPEL AJOUTENT SURABONDAMMENT, AU VU DES RESULTATS DE LEURS RECHERCHES, QUE L'EMANCIPATION LITIGIEUSE PEUT S'EXPLIQUER PAR LE SOUCI DE SIMPLIFIER LES FORMALITES APRES DECES, DU FAIT QUE DE NOMBREUX INTERETS PATRIMONIAUX ETAIENT EN JEU ET QUE M. LAURENT X..., ENFANT MINEUR, SUIVANT LA LEGISLATION EN VIGUEUR A L'EPOQUE, ETAIT AGE DE 18 ANS AU MOMENT DE LA DECLARATION D'EMANCIPATION FAITE PAR SA MERE ; QU'IL S'ENSUIT QUE L'ARRET ATTAQUE SE TROUVE LEGALEMENT JUSTIFIE EN CE QUI CONCERNE LE CHEF DE DECISION CRITIQUE PAR LE PREMIER MOYEN, ET QUE, DES LORS, CE DERNIER NE PEUT ETRE ACCUEILLI EN AUCUNE DE SES BRANCHES ;
ET SUR LE SECOND MOYEN, PRIS EN SES DEUX BRANCHES :
ATTENDU QU'IL EST ENCORE REPROCHE A LA COUR D'APPEL DE S'ETRE DECLAREE INCOMPETENTE POUR STATUER SUR LA DEMANDE EN NULLITE DE L'ACTE DE CONSENTEMENT A EXECUTION DU LEGS VERBAL EN USUFRUIT PORTANT SUR LES IMMEUBLES SIS A MONTE-CARLO, AUX MOTIFS QUE LES TRIBUNAUX COMPETENTS POUR CONNAITRE D'UN LITIGE SE RAPPORTANT A UNE SUCCESSION IMMOBILIERE SONT CEUX DE LA SITUATION DES BIENS, ET QU'EN L'ESPECE, LES BIENS FAISANT L'OBJET DU LEGS LITIGIEUX SONT SITUES DANS LA PRINCIPAUTE DE MONACO, ALORS, SELON LE MOYEN, D'UNE PART, QUE LES TRIBUNAUX FRANCAIS SONT TOUJOURS COMPETENTS, EN VERTU DES ARTICLES 14 ET 15 DU CODE CIVIL, LORSQUE LE DEMANDEUR OU LE DEFENDEUR EST DE NATIONALITE FRANCAISE, SAUF EN MATIERE D'ACTION REELLE IMMOBILIERE OU D'ACTION EN PARTAGE PORTANT SUR DES IMMEUBLES SITUES A L'ETRANGER, ET QUE TEL N'ETAIT PAS LE CAS DE LA DEMANDE M. LAURENT X..., QUI TENDAIT UNIQUEMENT A VOIR PRONONCER, POUR VICE DU CONSENTEMENT, LA NULLITE DE L'ACTE PORTANT RATIFICATION D'UN LEGS VERBAL EN USUFRUIT, ET ALORS, D'AUTRE PART, QUE L'INCOMPETENCE NE POUVANT ETRE PRONONCEE D'OFFICE, D'APRES L'ARTICLE 92, ALINEA 1ER, DU NOUVEAU CODE DE PROCEDURE CIVILE, QU'EN CAS DE VIOLATION D'UNE REGLE DE COMPETENCE D'ATTRIBUTION, ET LORSQUE CETTE REGLE EST D'ORDRE PUBLIC, LA JURIDICTION DU SECOND DEGRE NE POUVAIT RELEVER D'OFFICE LE MOYEN, NON INVOQUE PAR LES PARTIES, TIRE DE SON INCOMPETENCE RATIONE LOCI ;
MAIS ATTENDU, D'ABORD, QUE LE MOYEN PRIS DU PRIVILEGE DE JURIDICTION PREVU AUX ARTICLES 14 ET 15 DU CODE CIVIL N'EST PAS D'ORDRE PUBLIC, ET QUE, DANS SES CONCLUSIONS D'APPEL, M. LAURENT X... N'AVAIT PAS PRETENDU QUE LEDIT PRIVILEGE POURRAIT JOUER EN L'ESPECE ; ATTENDU, ENSUITE, QU'IL RESULTE DE L'ARTICLE 92, ALINEA 2, DU NOUVEAU CODE DE PROCEDURE CIVILE, QUE L'INCOMPETENCE PEUT ETRE RELEVEE D'OFFICE PAR UNE COUR D'APPEL, LORSQUE L'AFFAIRE ECHAPPE A LA CONNAISSANCE DE LA JURIDICTION FRANCAISE ; QU'AINSI, LE MOYEN N'EST FONDE EN AUCUNE DE SES BRANCHES ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE LE POURVOI FORME CONTRE L'ARRET RENDU LE 13 DECEMBRE 1979 PAR LA COUR D'APPEL DE PARIS.