CA Paris, Pôle 5 ch. 9, 24 octobre 2013, n° 12/15029
PARIS
Arrêt
Infirmation
PARTIES
Défendeur :
Safi (SAS), Dearborn Motors (SAS), Wolfsburg Motors (SAS), Auto Garage de l'Ouest (SAS), Précision Automobiles (SA), Basa (SAS), MCA (SAS), Océan Automobiles (SAS), Valiege (SA), JMC Autos (SAS), Jacques Carlet (SAS), Alize Automobiles (SARL), Dômes Automobiles (SARL), Sancar (SAS)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Franchi
Conseillers :
M. Picque, Mme Picard
Avocats :
Me Baechlin, Me Vallet, Me Belfayol Broquet , Me Primatesta
La Société PGA MOTORS, a recruté M. François D. le 15 janvier 2003 en qualité de Directeur de concession chef de plaque, soit un cadre dirigeant de la concession MERCEDES d. et responsable des directeurs MERCEDES de la région parisienne jusqu'au début de l'année 2005.
A ce titre, il détenait quelques mandats des sociétés dans son périmètre d'action (TECHSTAR et TECHSTAR CHAMPS SUR MARNE) (PIECES 5 et 6)
En terme organisationnel, la fonction de directeur de concession chef de plaque est située sous l'autorité d'un Directeur général adjoint d'opérations (DGAO), lui même dépendant du Directeur général.
Il lui avait notamment été confié la responsabilité du suivi des marques de Stuttgart Motors et de Wolfsburg Motors, le développement des achats groupés pour PGA MOTORS, et la mise en place d'une organisation centralisée des ventes des véhicules d'occasion par Internet.
Les marques de Stuttgart Motors et de Wolfsburg Motors, ont réalisé d'excellents résultats en 2006.
Les conditions d'achats ont été négociées à la baisse et une organisation performante a été mise en place pour la vente des véhicules d'occasion pour le Groupe sur Internet.
A compter de 2005, il était proposé à M. X un poste de Directeur Général Adjoint Opérations (cf. avenant en date du 30 août 2005 accepté mais non signé dont le contenu ne fait toutefois pas l'objet de contestation). (PIECE 7).
A ce titre, il est devenu membre du Comité de Direction et invité aux conseils de Direction du Groupe.
Début 2007, suite au succès rencontré par cette organisation, il lui a été confié la mission de développer le concept « Auto-sphère », marque retenue pour le site Internet VO du Groupe et label attribué aux véhicules âgés destinés aux particuliers.
Plusieurs produits ont été développés sous cette enseigne qui est devenue la marque des produits et services non automobile du Groupe PGA
Début 2008, avec l'arrivée de nouveaux Directeurs Généraux Adjoints aux Opérations, il lui a été confié la responsabilité du suivi des entreprises filiales de Dearborn Motors.
Dans ce cadre, il lui a été attribué 21 mandats sociaux au sein du groupe :
• PDG d'ESPACE FRANKLIN, AUTOSPORT, VALIEGE,
• Président de SAFI, DEARBORN MOTORS, WOLFBURG MOTORS, UATOGARAGE DE L'OUEST, BASA, GARAGE ANDRE F., MCA, OCEAN AUTOMOBILE, JMC AUTO, JACQUES C., SOCIETE D'EXPLOITATION GGE CARLET, SANCAR
• Gérant de ALIZE AUTOMOBILES, DOMES AUTOMOBILES, LES RIBES PLEIN SUD, GMC, CARSAN,
Le 20 mai 2009, PGA Motors proposait à Monsieur X un déclassement au poste de chef de Pôle Techstar, c'est-à-dire à une responsabilité inférieure à celle qu'il occupait précédemment.
Monsieur X ne souhaitant pas être licencié du fait d'un éventuel refus de poste, n'a eu d'autres choix que d'accepter cette rétrogradation.
Le 24 août 2009, PGA Motors le convoquait à un entretien préalable de licenciement et le licenciait par lettre recommandée du 28 août 2009.
Ce licenciement a été contesté par Monsieur X par lettre du 7 septembre 2009 et ce dernier saisissait le Conseil de Prud'hommes le 26 octobre 2009 pour voir la société PGA MOTORS condamnée à lui payer diverses sommes au titre de la rupture abusive de son contrat de travail.
Par jugement en date du 8 avril 2011, le Conseil de prud'hommes a débouté Monsieur X de ses demandes et celui-ci a fait appel de la décision.
Puis, Monsieur X apprenait avoir été « démissionné » des 21 mandats sociaux qu'il détenait dans le groupe, sans même en avoir été averti au préalable.
Par actes extra judiciaires, Monsieur X sollicitait des dommages et intérêts au titre de l'abus dans la manière de procéder à la révocation par PGA MOTORS de l'ensemble de ses mandats sans justes motifs, et du non-respect du principe du contradictoire.
Parallèlement, Monsieur X a également engagé une procédure en référé contre PGA MOTORS devant le Conseil de Prud'hommes de Paris, et ce, afin de demander la restitution du versement de ses primes sur le plan SCA VISION.
Par Ordonnance rendue le 21 juillet 2010, le Conseil des prud'hommes, siégeant en formation de référé, a ordonné « à la SAS PGA MOTORS de restituer à Monsieur X François la somme de 107.119 € (CENT SEPT MILLE CENT DIX NEUF EUROS) correspondant si la part des primes déposées par lui sur le plan SCA VISION ».
La société PGA MOTORS a interjeté appel de cette décision.
Par arrêt en date du 26 mai 2011, la Cour a confirmé l'ordonnance du 21 juillet 2010 et a, en outre, condamné PGA MOTORS au paiement à Monsieur X de la somme de 2.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile et rejeté les demandes de la société PGA MOTORS.
La société PGA MOTORS s'est pourvue en cassation.
Par arrêt en date du 10 octobre 2012, la Cour de cassation a rejeté le pourvoi de PGA MOTORS au motif que la privation en cas de licenciement de la possibilité de lever les options et de récupérer des sommes placées constituait un trouble manifestement illicite.
Contestant la révocation de ces mandats, M. X a saisi le Tribunal de Commerce de PARIS à l'effet d'obtenir la condamnation « in solidum » de 21 sociétés commerciales et de sociétés civiles au titre du préjudice subi (10 000 € par mandat à titre de dommages et intérêts), soit 210 000 €.
Par jugement du 20 mai 2010, le Tribunal de Commerce a donné acte à M. X de son désistement d'instance et d'action à l'encontre d'une SCI ESPACE FRANKLIN sans aucune relation avec la cause. (PIECE 29)
Les défenderesses ont soulevé l'incompétence du Tribunal de Commerce de PARIS au profit du Tribunal de Grande Instance de POITIERS compte tenu de la présence des SCI RIBES, SCI CARLES, SCI JMC, SCI CARSAN dont le siège est dans le ressort de ce Tribunal de Grande Instance. (PIECES 1 à 4)
A l'audience du 8 avril 2011, devant le Juge rapporteur du Tribunal de commerce de PARIS, M. X s'est désisté de ses demandes à l'égard des SCI RIBES, SCI CARLES, SCI JMC et SCI CARSAN.
Par jugement du 30 mai 2011, le Tribunal de Commerce de PARIS a retenu sa compétence.
Dans ses dernières écritures, M. X a ramené ses demandes à la somme de 160.000 € au titre de 16 mandats.
Par jugement du 10 avril 2011, le Tribunal de Commerce de PARIS a :
- débouté Monsieur François D. de l'ensemble de ses demandes ;
- condamné Monsieur François D. à verser à chacune des sociétés SAFI, DEARBORN MOTORS, WOLFSBURG MOTORS, AUTO-GARAGE DE L'OUEST, PRECISION AUTOMOBILES, BASA, GARAGE ANDRE F., M. C.A., OCEAN AUTOMOBILE, VALIEGE, JMC AUTOS, SAS JACQUES CARLIET, ALIZE AUTOMOBILES, DOMES AUTOMOBILES, SOCIETE D'EXPLOITATION GARAGE CARLIET, SANCAR la somme de 100€ (cent euros) au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile,
- déboutant pour le surplus les parties de leurs demandes,
Le premier juge a considéré que :
- les nombreux mandats attribués sans rémunération à Monsieur X ont en réalité un caractère accessoire et rattaché à son contrat de travail,
- Monsieur X ne démontre pas en quoi sa révocation de son poste de gérant ou de président non rémunéré des 21 filiales du groupe PGA (ces responsabilités représentant un caractère accessoire organisationnel à son contrat de travail) lui aurait causé en soi et/ou par l'accumulation des 21 révocations, un préjudice distinct de celui qui résulte de son licenciement.
Par déclaration d'appel enregistrée le 7 août 2012, Monsieur X a interjeté appel du jugement rendu par le Tribunal de Commerce de Paris du 10 avril 2012 (Pièce n°28).
Par arrêt du 19 juin 2013, sur appel du jugement du conseil des prud'hommes de Paris du 8 avril 2011, la cour a considéré le licenciement de Monsieur X de ses fonctions de DGAO comme dépourvu de cause réelle et sérieuse, étant rappelé que la cause du licenciement tenait à des résultats dégagés par le périmètre octroyé inférieurs aux tendances enregistrées sur le marché et la cour considérant que ce motif ne pouvait être retenu alors qu'aucun objectif n'avait été octroyé à ce salarié.
Monsieur X demande à la Cour de :
- infirmer le jugement rendu le 10 avril 2012 par le Tribunal de Commerce de Paris,
statuant à nouveau :
- DIRE et JUGER Monsieur X recevable et bien fondé en sa demande de dommages et intérêts ;
- CONDAMNER IN SOLIDUM les sociétés SAFI, DEARBORN MOTORS, WOLFBURG MOTORS, AUTO-GARAGE DE L'OUEST, PRECISION AUTOMOBILES, BASA, GARAGE ANDRE F., M. C.A, OCEAN AUTOMOBILE, VALIEGE, JMC AUTOS, SAS JACQUES CARLET, ALIZE AUTOMOBILES, DOMES AUTOMOBILES, SOCIETE D'Exploitation GARAGE CARLET, SANCAR, à lui verser la somme de 160.000 € à titre de dommages et intérêts pour le préjudice subi par ce dernier au titre de la révocation abusive de l'ensemble de ses 16 mandats ;
- CONDAMNER IN SOLIDUM les mêmes sociétés à lui verser chacune la somme de 2.000 € au titre des frais irrépétibles ;
- DEBOUTER les mêmes de toutes leurs demandes fins et conclusions ;
- CONDAMNER IN SOLIDUM les mêmes sociétés aux entiers dépens
Il soutient que :
1 - le mandat de gestion n'est pas automatiquement un accessoire au contrat de travail, et ce, d'autant que ces mandats n'ont pas été confiés à Monsieur X au moment de son embauche, ne sont pas visés dans le contrat de travail ou dans un avenant au contrat de travail ou encore dans un acte extra statutaire.
2 - la révocation de ses mandats lui crée un préjudice distinct de celui qui résulte de son licenciement car s'il n'a jamais contesté le droit de PGA MOTORS de le révoquer de ses mandats, il conteste la méthode utilisée qui méprise les règles légales, lesquelles exigent :
- soit de justes motifs pour les SARL et les SCI,
- soit le respect du principe du contradictoire pour les SA et les SAS.
Or, en l'espèce, Monsieur X n'a même pas été averti de ses révocations puisqu'il n'a été ni convoqué, ni entendu, comme en attestent les procès-verbaux d'assemblées générales produits par les défenderesses.
Et le fait de ne pas respecter le minimum des exigences légales est en lui-même vexatoire.
3 - La rupture abusive de ses mandats sociaux a porté atteinte à sa réputation professionnelle et à son honorabilité cassant l'image très positive qu'il avait au sein de la société et du monde professionnel dans lequel il évoluait, sans qu'il ait pu apporter la moindre justification ou contradiction à la mesure entreprise, laissant à l'imagination de ses collaborateurs la possibilité de s'interroger sur les motifs de cette décision et d'imaginer qu'ils puissent être préjudiciables à l'image des sociétés qu'il suivait.
Par ailleurs, la révocation « en cascade » de l'ensemble de ses mandats présente un caractère particulièrement vexatoire puisqu'elle laisse supposer que ce dernier aurait commis une faute grave, ce qui porte évidemment atteinte à l'honorabilité de ce dirigeant compte tenu de l'expérience de ce dernier.
D'ailleurs, Monsieur X n'a toujours pas retrouvé d'emploi alors que ce dernier a fait toute sa carrière dans le monde de l'automobile sans jamais avoir eu à subir préalablement de période de chômage.
En conséquence de ce qui précède, il sollicite la somme de 10.000 € par mandat à titre de dommages et intérêts en réparation.
4 Par conclusions signifiées le 24 septembre 2013, Monsieur X demande une révocation de l'ordonnance de clôture pour versement en procédure de l'arrêt de la chambre sociale de la cour statuant sur son licenciement.
Les intimés demandent à la cour de :
- confirmer le jugement déféré.
Et y ajoutant,
- Condamner Monsieur François D. à verser à chacune des sociétés la somme de 1.000 € par application des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile, ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance.
Partant de la notion de révocation ad nutum, ils soutiennent que :
1 - si le Code de Commerce impose des règles en matière de révocation des mandats sociaux, le contrôle d'un abus allégué de révocation ne se fait pas in abstracto mais in concreto sous le contrôle strict de la Cour de cassation sur les conditions dans lesquelles les juges prononcent des condamnations à dommages et intérêts pour rupture abusive afin, notamment à titre d'exemple, d'éviter que le principe de la révocation ad nutum perde toute réalité.
2 - L'absence de justes motifs est un grief limité aux deux SARL ALIZE AUTO et DOMES AUTO et la révocation est prononcée « pour des raisons organisationnelles ».
3 - au travers de son parcours professionnel au sein du groupe, M. X s'est parfaitement accommodé de la perte de ses différents mandats lors de ses changements de fonction sauf quand il a été licencié et donc le moyen ne vise qu'à justifier une action aux fins de battre monnaie.
4 - la révocation ad nutum demeure une révocation n'a pas à être motivée et si le juge peut examiner les circonstances de la révocation et la procédure suivie, il ne peut porter une appréciation sur les griefs de la société envers son dirigeant.
Et la règle du respect du contradictoire ne peut s'applique qu'à condition que le dirigeant ait des arguments sérieux à présenter, ce qui n'était « évidemment » pas le cas de M. X
M. X prétend faussement n'avoir « pas été averti de ses révocations. »
Mme Valentine S. en charge du secrétariat juridique des sociétés du groupe P.G.A. MOTORS atteste avoir eu M. X au téléphone en septembre 2009 et lui avoir demandé de signer une lettre de démission de tous ses mandats, signature qu'il a refusée, entrainant donc les procédures de révocation. (PIECE 31)
5 - La « prétendue » atteinte à la réputation et à son honorabilité professionnelle de M. X est une « totale vue de son esprit » car « force est de constater que » :
• M. X n'accordait que peu d'attention à ses mandats, à telle enseigne qu'il a assigné une société dont il n'a jamais été dirigeant (PIECE 29)
• les procès-verbaux faisant état de la révocation de M. X ne comportent aucun propos désobligeant et encore moins attentatoire à sa réputation ou son honorabilité. (PIECES 13 à 28)
• l'image de M. X vis-à-vis de « ses collaborateurs » ne s'entend pas au sens commun puisqu'il n'avait pas de concessions à diriger. M. X supervisait des
• le fait que M. X soit à ce jour toujours sans emploi, ne peut être une conséquence de la révocation de ses mandats.
• la demande d'indemnisation à hauteur de 10.000 € pour chaque mandat est parfaitement injustifiée et en toute hypothèse disproportionnée.
• Il est difficilement concevable qu'un ex salarié non associé demeure dirigeante et il y a là un point important pour ce salarié qui tient à la fin de sa responsabilité pénale.
6 - M. X ne subit pas de préjudice du fait la révocation des mandats pas plus qu'il ne démontre de lien de causalité.
L'existence d'un préjudice et l'existence d'un lien de causalité entre la faute et le préjudice ne sont absolument pas démontrés par Monsieur X, ce que le Tribunal a justement relevé en indiquant que M. X ne démontre « pas en quoi sa révocation de son poste de gérant ou de Président non rémunéré des 21 filiales du groupe PGA, (ces responsabilités représentant un accessoire organisationnel à son contrat de travail) lui aurait causé en soi et/ou par l'accumulation des 21 révocations, un préjudice distinct de celui qui résulte de son licenciement et sur lequel le Tribunal de céans n'est pas appelé à se prononcer.»
Pour cette autre raison, le jugement ne peut qu'être confirmé.
Sur les frais irrépétibles
Les intimées considèrent qu'il serait, dans ces circonstances, manifestement inéquitable de laisser à la charge des concluantes les frais irrépétibles qu'elles ont dû exposer.
Et qu'en conséquence, M. X doit être condamné à verser à chacune d'elles la somme de 1.000 € par application des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile.
SUR CE,
Sur la révocation de l'ordonnance de clôture
La clôture a été prononcée le 13 juin 2013 et l'arrêt de la chambre sociale de la cour rendu le 19 juin constitue un fait nouveau pouvant être considéré comme grave en ce qu'il impacte directement les arguments des parties ; au surplus, aucune réplique n'est nécessaire.
Par conséquent, la cour fera droit à la demande et avec l'accord des parties, ordonnera la clôture ce jour de la procédure et le maintien des plaidoiries,
Sur la gouvernance du groupe PGA MOTORS
La cour ne peut que constater que le litige porte sur la nature des fonctions exercées par Monsieur X au sein du groupe PGA MOTORS et le niveau des responsabilités confiées.
1 - le groupe considérant que la primauté doit être donnée à l'aspect salarial des fonctions détenues au sein de la maison mère, au point de considérer des mandats sociaux comme étant l'accessoire du contrat de travail, sans aucunement s'expliquer sur :
• l'organisation de la gouvernance au sein du groupe ni fournir aucun document en ce sens, ni pouvoir à l'audience s'expliquer sur ce point,
• la contradiction potentielle entre le lien de subordination lié au contrat de travail et la souveraineté nécessaire du mandat de gestion, sauf à reconnaître une gestion de fait de la maison mère.
• Les conséquences sur son raisonnement de l'arrêt de la chambre sociale de la cour,
2 Monsieur X faisant de son contrat de travail l’accessoire des mandats sociaux exercés.
La cour considère ainsi devoir revenir en préalable à l'organisation de la gouvernance telle qu'elle transparaît des différentes fonctions successivement exercées par Monsieur X au sein du groupe PGA MOTORS et de la nature des missions qui lui ont été confiées.
Elle constate ainsi que l'organisation pyramidale mise en place au sein du groupe reposait sur :
1. une direction opérationnelle confiée à un directeur général, lequel était assisté de directeurs généraux adjoints opérations (DGAO) participant au comité de direction, lesquels chapeautaient un ou plusieurs métiers,
1. des filiales managées par des membres du comité de direction (les DGAO) assurant la déclinaison de la stratégie opérationnelle définie au sein du comité de direction, les DGAO étant en charge de participer à l'élaboration des budgets, valider la nomination des dirigeants opérationnels des filiales auxquelles il confiait des délégations de pouvoir (donc des sub délégations) à des directeurs de sites et assurait le suivi de l'activité des entreprises (reporting au comité de direction).
Il est donc clair que l'organisation de la gouvernance était totalement centralisée mais si les mandats sociaux confiés aux DGAO dans les filiales étaient en corrélation avec le contrat de travail au sein de la maison mère, pour autant le lien avec le contrat de travail ne figure ni dans le contrat de travail et surtout son avenant, ni dans les statuts des mandataires sociaux des filiales ni apparemment dans l'acte de désignation du dirigeant social par les assemblées générales concernées.
Ces constations sont confirmées par le fait que dans le cadre de ses fonctions, M. X a été amené à gérer un temps :
• la marque MERCEDES, ce qui lui a valu de détenir un mandat dans la sous holding (STUTTGART MOTORS) détenant les titres des filiales distribuant MERCEDES (TECHSTAR et TECHSTAR CHAMPS SUR MARNE) ;
• les achats V. O. (véhicules d'occasion) extérieurs et à ce titre, a été mandataire de la société COFIA.
• le concept « Auto sphère », marque retenue pour le site Internet VO du Groupe et label attribué aux véhicules âgés destinés aux particuliers qui était stratégique pour le Groupe et même prioritaire.
Dès lors, si le cumul d'un mandat salarial et d'un mandat social au sein du groupe a nécessairement une influence, il ne peut conduire à considérer dans ces conditions que les mandats sociaux exercés au sein des filiales fussent l'accessoire du contrat de travail.
* Sur le contrat de travail DGAO
Les parties conviennent que la cour n'en est pas saisie mais elle ne peut ignorer que la cour en sa chambre sociale a considéré le licenciement irrégulier,
* Sur l'existence de mandats sociaux
Au-delà des décisions prises en la forme et désignant Monsieur X aux fonctions de PDG, président ou gérant de diverses entités sociales, il est patent que si le mandat de DGAO s'inscrivait dans le cadre salarial, l'exercice des mandats dans les filiales relevait d'une véritable fonction de mandataire social :
• d'une part l'entrée du DGAO au comité de direction manifeste clairement la portée des fonctions confiées dès lors que le comité a bien pour objet de définir la conduite des opérations par le directeur général et d'en assurer le suivi,
• d'autre part, la lettre de mission annexée à l'avenant du contrat de travail en date du 30 août 2005 accepté mais non signé mais dont le contenu n'est pas discuté, se présente bien davantage comme un mandat social que des directives d'un contrat de travail,
• ensuite, le motif de la révocation, ainsi que le rappelle la cour dans son arrêt du 19 juin 2013, ne peut constituer un motif de licenciement mais correspond davantage à un motif de révocation puisqu'il porte sur l'insuffisance des résultats obtenus dans la mise en oeuvre des axes de recherche d'une meilleure profitabilité des activités confiées, • encore, il n'est pas sans influence de voir que l'une des motivations avancées de la révocation tient au souhait de mettre un terme à la responsabilité pénale de Monsieur X dès lors qu'il était licencié alors que cette responsabilité pénale tient à l'exercice du mandat social et ne peut concerner que les actes accomplis à cet égard au nom de la personne morale et durant le seul temps des fonctions exercées.
• Enfin, il n'est pas soutenu que les fonctions exercées correspondaient à une direction de paille, le véritable dirigeant étant, de fait alors, le directeur général.
* Sur le cumul des fonctions
L'exercice d'un mandat social n'est pas exclusif d'un lien de subordination juridique dans une entreprise à condition que le principe de la révocabilité du mandat social considéré comme d'ordre public ne soit pas remis en cause et la règle posée en ce cas est que soit le contrat de travail se trouve suspendu pendant l'exécution du mandat social, soit la fonction salariale consiste dans une fonction technique distincte de la direction générale pour qu'elle puisse être exercée dans un lien de subordination par rapport aux instances dirigeantes.
L'exercice d'un contrat de travail n'est pas exclusif d'un mandat social dès lors que les directives données par l'instance dirigeante dans le cadre du rapport de subordination ne se confondent pas avec les directives que peut recevoir le mandataire social de la part des associés ou actionnaires et du conseil d'administration ou conseil de surveillance de la société et qui sont la conséquence logique de son mandat.
Dès lors, la rupture du contrat de travail n'a pas d'influence sur le mandat social car les deux contrats sont distincts.
D’ailleurs, il convient de rappeler que les mandataires sociaux ne sont pas recrutés par contrat de travail ; ils sont désignés par les statuts de la société ou élus par l'organe délibérant de celle-ci.
Il n'existe de limites à leurs pouvoirs que ceux découlant de l'intérêt de la société qu'ils représentent.
Ils ne peuvent être révoqués à raison de la rupture du contrat de travail de la maison mère que dans les conditions prévues par le droit des sociétés.
Et l'absence de reconnaissance en droit français de la notion juridique de groupe de sociétés interdit de voir une société mère, pour diriger une de ses filiales, donner mandat à un de ses salariés d'assumer les fonctions de direction générale, sous sa subordination, sinon en cas de fictivité de la personnalité morale de la filiale, ce qui n'est pas soutenu.
Il convient donc de vérifier le respect des règles en matière de révocation de mandats dans les différentes structures.
Il est rappelé que :
- dans le cadre des SARL et des SCI, il y a nécessité de « justes motifs'' laquelle peut résulter d'une faute du dirigeant ou de la violation de l'intérêt social.
A défaut, le gérant est en droit de demander des dommages et intérêts en vertu des dispositions de l'article L. 223-25 1° alinéa du code de commerce pour les SARL et article 1851 du code civil pour les SCI.
Le gérant a également le droit de solliciter des dommages et intérêts en invoquant les circonstances abusives ou injurieuses de la révocation ou en invoquant le non-respect du contradictoire'.
- dans le cadre des SA et SAS, le principe est celui de la révocation "ad nutum'' sur décision du conseil d'administration ou de l'assemblée générale en vertu des dispositions de l'article L 225-47 al 3 du code du commerce mais le dirigeant a droit à des dommages et intérêts dans l'hypothèse du caractère abusif de la révocation en ce qu'elle est précipitée, c'est à dire non justifiée par l'urgence, ou accompagnée de propos ou de comportements portant atteinte à l'honneur ou au crédit du mandataire social ou lorsque celui-ci n'a pas été mis en situation de pouvoir répondre à la décision de révocation.
En l'espèce, point n'est besoin d'examiner le cas de chacune des entreprises dès lors que les documents relatifs à chacune des procédures mises en place se limitent à un procès-verbal d'assemblée générale ou de conseil rédigé dans des termes identiques.
Il est donc patent qu'il n'y a pas eu de justes motifs de révocation dans le cadre des sociétés ALIZE AUTOMOBILES, DOMES AUTOMOBILES, LES RIBES PLEIN SUD, GMC, CARSAN ni de respect du contradictoire dans le cadre des révocations des fonctions de Monsieur X en qualité de PDG d'ESPACE FRANKLIN, AUTOSPORT, VALIEGE, et Président de SAFI, DEARBORN MOTORS, WOLFBURG MOTORS, UATOGARAGE DE L'OUEST, BASA, GARAGE ANDRE F., MCA, OCEAN AUTOMOBILE, JMC AUTO, JACQUES C., SOCIETE D'EXPLOITATION GGE CARLET, SANCAR.
La précipitation de ces révocations et leur « cascade » démontrent au surplus le caractère automatique des révocations prises.
Le jugement sera donc infirmé sur ce point.
* Sur la réparation du préjudice
La cour fera droit aux demandes formulées à ce titre dès lors que le préjudice découle des conditions mêmes de ces révocations brutales ainsi que leur cascade qui, au-delà de leur caractère logique pour les intimés en tant qu'accessoire du contrat de travail, donne un caractère vexatoire à la mise en uvre d'une décision dont on ne s'est même pas préoccupé de démontrer le caractère fondé au regard des orientations de gestion du groupe.
Elle considère que l'absence de rémunération spécifique pour ces mandats importe peu dans l'évaluation du préjudice, la révocation abusive n'ouvrant droit à réparation, ni du préjudice résultant de la révocation, ni même du préjudice constitué par la perte d'une chance de conserver les fonctions, mais seulement du préjudice causé par la circonstance constitutive d'abus considérée en elle-même.
6 - Sur les frais irrépétibles et les dépens
Il sera fait droit aux seules demandes de l'appelant.
PAR CES MOTIFS
Infirme le jugement en date du 10 avril 2011 du Tribunal de Commerce de PARIS
Statuant à nouveau,
Déclare abusive la révocation de Monsieur François D. de ses mandats sociaux dans les sociétés SAFI, DEARBORN MOTORS, WOLFBURG MOTORS, AUTO-GARAGE DE L'OUEST, PRECISION AUTOMOBILES, BASA, GARAGE ANDRE F., M. C.A, OCEAN AUTOMOBILE, VALIEGE, JMC AUTOS, SAS JACQUES CARLET, ALIZE AUTOMOBILES, DOMES AUTOMOBILES, SOCIETE D'Exploitation GARAGE CARLET, SANCAR
Condamne in solidum les sociétés SAFI, DEARBORN MOTORS, WOLFBURG MOTORS, AUTO-GARAGE DE L'OUEST, PRECISION AUTOMOBILES, BASA, GARAGE ANDRE F., M. C.A, OCEAN AUTOMOBILE, VALIEGE, JMC AUTOS, SAS JACQUES CARLET, ALIZE AUTOMOBILES, DOMES AUTOMOBILES, SOCIETE D'Exploitation GARAGE CARLET, SANCAR, à lui verser la somme de 160.000 € à titre de dommages et intérêts pour le préjudice subi par ce dernier au titre de la révocation abusive de l'ensemble de ces 16 mandats ;
Condamne in solidum les mêmes sociétés à lui verser chacune la somme de 2.000 € au titre des frais irrépétibles ;
Condamne in solidum les mêmes sociétés aux entiers dépens lesquels seront recouvrés selon les dispositions de l'article 699 du Code de Procédure Civile.
Rejette toutes autres demandes, fins, moyens et conclusions plus amples ou contraires.