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Décisions

Cass. crim., 7 mars 2006, n° 05-81.458

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Cotte

Rapporteur :

M. Blondet

Avocat général :

M. Frechede

Avocats :

Me Luc-Thaler, SCP Gatineau

Paris, 9e ch., du 25 févr. 2005

25 février 2005

Vu les mémoires produits, en demande et en défense ;

Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles L. 272-1 du Code de la sécurité sociale, 432-11 et 433-1 du Code pénal, préliminaire, 459 et 593 du Code de procédure pénale, 6.2 de la Convention européenne des droits de l'homme, défaut et contradiction de motifs, défaut de réponse à conclusions, manque de base légale, renversement de la charge de la preuve ;

"en ce que l'arrêt confirmatif attaqué a déclaré Guy X... coupable, étant agent de l'URSSAF, d'avoir commis des fraudes et fausses déclarations dans l'encaissement et la gestion des cotisations sociales par la sous-évaluation du dépassement des frais professionnels aboutissant à la minoration des redressements adressés aux sociétés Axinter, Interey et AJPM et en conservant par-devers lui un chèque émanant de la SARL Nationale de chimie finie, ainsi que de corruption passive et active ;

"aux motifs, sur les fraudes et fausses déclarations dans l'encaissement et la gestion des cotisations sociales par la sous-évaluation du dépassement en frais professionnels : que la contestation qui est faite du rapport de l'expert quant à l'utilisation d'une méthode d'échantillonnage au lieu d'un examen exhaustif et quant à la référence à une norme moyenne de dépassement des frais professionnels ne peut remettre en cause la disproportion manifeste constatée entre les redressements des années 1994 et 1995 opérés par le prévenu auprès des sociétés Axinter, Interey et AJPM et l'estimation dans une fourchette haute et basse des redressements qui devaient être opérés ; que la comparaison avec la fourchette basse fait ressortir à elle seule un écart très largement significatif de la minoration qui affecte les redressements opérés par le prévenu ;

que l'explication que la dirigeante de la société AJPM apporte au faible redressement des années 1994 et 1995 qu'elle interprète comme étant le résultat d'un effort de changement dans les méthodes de rémunération après un lourd redressement notifié en 1993, ne résiste pas au constat des importantes anomalies relevées dans les bulletins de paie ; que les résultats de l'expert sont confirmés par la cohérence de ses évaluations au titre de l'année 1996 avec les chiffres de l'URSSAF issus des vérifications entreprises au titre de cette même années qui accusent les mêmes distorsions flagrantes avec ceux des années contrôlées par le prévenu tant au sein des sociétés Interey et AJPM que la société Axinter, même si le tribunal des affaires de sécurité sociale a annulé pour des motifs de procédure, le redressement alors notifié à la société Interey ; que le prévenu ne peut arguer d'une quelconque incompétence alors qu'il disposait d'une longue expérience, la minoration ne peut davantage procéder d'un comportement laxiste inconciliable avec sa volonté de former des inspecteurs encore inexpérimentés ; l'exclusivité du contrôle des frais professionnels qu'il se réservait à cette occasion met en évidence les minorations ;

sur les fraude et fausse déclaration par la remise tardive d'un chèque de règlement des cotisations : que la transmission par son intermédiaire, le 26 juin 1997, du chèque de cotisations exigibles au 15 mai 1997, en violation d'une règle résultant d'une note de service du 16 juillet 1973 interdisant aux agents de contrôle de recevoir personnellement des titres de paiement, ne pouvait avoir d'autre objet que d'éviter à l'entreprise de supporter le paiement des majorations de retard encourues ;

sur la corruption passive et active : que l'absence de trace de versements en faveur de Guy X... dans les comptes des sociétés contrôlées n'exclut pas la remise de la promesse d'une rémunération ou d'avantages quelconques ; que les premiers juges ont exactement relevé les multiples anomalies relatives aux circonstances des contrôles opérés par Guy X... instrumentant sans ordre de mission, en dehors de sa compétence territoriale, en manifestant une volonté inhabituelle d'oeuvrer personnellement, imposant ses calculs aux inspecteurs qui établissaient et signaient les arrêtés de redressement et appliquant ces procédés aux sociétés Franceinterimaire, Axinter et Interey dirigées par les membres d'une même famille avec laquelle il entretenait des relations personnelles ; qu'enfin, la révélation largement antérieure à l'attestation délivrée à l'URSSAF, réitérée sans variation après sa démission, par Patricia Y..., de la proposition d'un versement de 50 000 francs que le prévenu lui a faite lors du contrôle de la société Interey après lui avoir déclaré qu'elle devait bien se douter qu'il y avait des "arrangements", traduit clairement la matérialité d'une promesse de don ; que la fortune personnelle de Guy X... ne lui permettait pas de verser une telle somme, que la formulation d'une telle offre impliquait donc la certitude d'une rémunération que lui-même comptait se faire remettre en cette même occasion ;

"alors que, d'une part, le prévenu ayant longuement expliqué dans ses conclusions d'appel que les contrôles qu'il devait effectuer pour l'URSSAF n'avaient pas une finalité exclusivement répressive mais avaient aussi un but pédagogique puisqu'ils devaient notamment informer les redevables des cotisations pour leur éviter les erreurs qu'ils pourraient commettre de bonne foi, le plan de contrôle de l'ACOSS prévoyant d'ailleurs expressément que 10 % du temps de travail des contrôleurs devait être consacré à cette tache de nature pédagogique et ayant en outre fait valoir que ses contrôles ne portaient pas exclusivement sur un secteur déterminé, la modicité des redressements qu'il avait infligés s'expliquait par sa volonté de ne pas ruiner les entreprises concernées auxquelles il avait infligé des redressements importants les années précédentes, puisqu'il soulignait l'importance et la durée des travaux du demandeur par rapport à la rapidité de son contrôle pour expliquer l'importance de l'écart existant entre ses redressements et les estimations de l'homme de l'art, la Cour qui a déduit l'existence d'une fraude commise par ce prévenu, de la modicité de ses redressements sans répondre à ces différent moyens susceptibles d'exclure toute intention délictueuse, a, ce faisant, violé les articles 121-3 du Code pénal et 459 du Code de procédure pénale ;

"alors que, d'autre part, les juges d'appel ayant reconnu qu'il n'existait pas de preuve d'une quelconque corruption active imputable à la dirigeante de la société AJPM et ayant pour cette raison, relaxé cette prévenue malgré l'existence d'un prétendu déplacement de la compétence opérée par le demandeur pour opérer personnellement les contrôles litigieux et l'existence des relations personnelles nouées entre ce prévenu et cette même dirigeante avant le contrôle ayant abouti à un redressement prétendument minoré, la Cour, qui a cru pouvoir invoquer ces mêmes éléments à l'encontre de Guy X... pour déclarer ce prévenu coupable de fraude et de fausses déclarations dans l'encaissement et la gestion des cotisations sociales ainsi que de corruption passive, a ainsi entaché ces chefs de son arrêt d'une contradiction de motifs ;

"qu'en outre, nul ne pouvant, en application des articles 111-2 et 111-3 du Code pénal, être puni pour un crime, un délit ou une contravention dont les éléments ne sont pas définis par la loi ou le règlement, les juges du fond ont violé les textes précités en entrant en voie de condamnation à l'encontre de Guy X... pour fraudes dans l'encaissement et la gestion des cotisations sociales sous prétexte qu'il aurait méconnu une note de service dépourvue de toute valeur légale, qui interdisait aux agents de contrôle de recevoir personnellement des titres de paiement, en recevant un chèque de la SARL Nationale de Chimie Fine ;

"et qu'enfin le demandeur ayant expliqué que les accusations formulées à son encontre par Patricia Y... s'expliquaient par la volonté de l'URSSAF de justifier a posteriori son licenciement irrégulier au regard du Code du travail, la Cour, qui n'a pas cru devoir rechercher si ce prévenu n'avait pas été victime d'un licenciement irrégulier avant d'être accusé par ses collègues de faits constitutifs de corruption active et passive, a privé sa décision de motifs et violé l'article 459 du Code de procédure pénale en invoquant la réitération des accusation de ce témoin nécessairement désireux de ne pas se démentir même après avoir démissionné de ses fonctions" ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure qu'à la suite de la plainte de l'Union pour le recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (URSSAF) de Paris-région parisienne, Guy X..., chef du service du contrôle de la direction du recouvrement du Val-de-Marne, a été renvoyé devant le tribunal correctionnel du chef de fraude et fausses déclarations dans l'encaissement et la gestion des cotisations sociales, pour avoir minoré les redressements adressés à trois sociétés et conservé, pendant plus d'un mois, un chèque de 105 783 francs reçu en paiement de cotisations, sans le faire encaisser par l'URSSAF, infractions prévues par l'article L. 272-1 du Code de la sécurité sociale, du chef de corruption passive par une personne chargée d'une mission de service public, à l'occasion de contrôles effectués à la société Interey, dirigée par Ruth Z..., et à la société AJPM, dirigée par Myra A..., et du chef de corruption active par une personne chargée d'une mission de service public, pour avoir offert 50 000 francs à un agent de l'URSSAF afin de lui faire accepter de signer des redressements minorés ;

Attendu que, devant le tribunal correctionnel, Guy X... a été déclaré coupable des infractions retenues par l'ordonnance de renvoi, et que Myra A... et Ruth Z... ont été condamnées du chef de corruption active d'une personne chargée d'une mission de service public ; que, statuant sur les appels de Guy X..., Myra A... et du ministère public, la cour d'appel a confirmé le jugement à l'égard du premier et a relaxé la deuxième ;

Attendu que l'arrêt retient que ni les circonstances de l'intervention de Guy X..., qui a contrôlé l'entreprise AJPM ne relevant pas de sa compétence territoriale, ni la mention dans son agenda de deux rendez-vous avec Myra A..., avant le début du contrôle ayant abouti au redressement minoré, ne suffisent à établir l'existence, entre les deux prévenus, d'un pacte en exécution duquel l'agent de I'URSSAF aurait cédé à la sollicitation de la société débitrice en contrepartie d'une promesse, d'un don ou d'un avantage quelconque ;

Attendu qu'en l'état de ces énonciations, d'où il résulte que la culpabilité de Guy X... n'a pas été retenue pour des faits de corruption passive par sollicitation ou agrément d'offres, de promesses ou d'avantages de la part de Myra A..., la cour d'appel a pu, sans se contredire, déclarer le prévenu coupable, pour avoir minoré le redressement adressé à la société AJPM, de fraude et de fausse déclaration dans l'encaissement et la gestion de cotisations sociales, délit prévu par l'article L. 272-1 du Code de la sécurité sociale ;

D'où il suit que le moyen, qui, pour le surplus, se borne à remettre en question l'appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause, ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus, ne saurait être admis ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE le pourvoi.