Cass. crim., 3 décembre 2008, n° 08-82.179
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Dulin
Rapporteur :
Mme Ract-Madoux
Avocat général :
M. Mouton
Avocat :
SCP Vier, Barthélemy et Matuchansky
Vu le mémoire produit ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, 132-10, 132-19, 222-37 et 222-41 du code pénal, L. 1312-1 et L. 5132-7 du code de la santé publique, 427, 429, 430, 431, 433, 591 et 593 du code de procédure pénale ;
" en ce que l'arrêt confirmatif attaqué a déclaré le prévenu coupable d'acquisition, détention et transport non autorisés de stupéfiants en récidive, l'a condamné à la peine de quatre ans d'emprisonnement et a ordonné son maintien en détention ;
" aux motifs propres et adoptés que la prévention reposait sur les relations faites par deux policiers, le gardien de la paix Y... et l'adjoint de sécurité Z... ; qu'aux termes du procès-verbal signé par ces deux policiers, ils avaient observé le 14 septembre 2007, vers 22 heures, dans le quartier Vernet Salanque à Perpignan, depuis l'intérieur de leur véhicule de service, le passager avant du véhicule Audi... « vêtu d'un sweat-shirt marron » remettre un « paquet volumineux de couleur jaune » à « un piéton accoudé à la fenêtre » ; que procédant immédiatement au contrôle du piéton, qui, à leur vue, avait « dissimulé le sac jaune sous un buisson », les policiers avaient obtenu des explications de la part de Lokmane A... sur la découverte du paquet contenant 2 kilogrammes de résine de cannabis dans le buisson ; que palpé, A... avait été également trouvé porteur d'un poste autoradio sans marque, dont il n'avait pas justifié l'origine ; que l'équipage d'un véhicule de police en patrouille, alerté par les policiers Y... et Z..., avait intercepté les occupants du véhicule Audi : le conducteur Turgut B... et le passager Mohamed X... ; que les policiers Y... et Z... avaient identifié formellement le passager, qui s'avérait être Mohamed X..., comme étant la personne qui avait donné le paquet jaune à Lokmane A... ; qu'au cours de son audition, Mohamed X... avait déclaré qu'il était bien passager dans le véhicule conduit par Turgut B... et que rencontrant Lokmane A..., il lui avait remis un autoradio qu'il devait lui donner, ne pouvant préciser « s'il était sorti du véhicule ou s'il lui avait donné en passant le bras par la fenêtre de la voiture » ; que, questionné sur la résine de cannabis dans le sac jaune, il avait déclaré « je n'ai rien à répondre je sais comment ça marche ; moi, je sais que je n'ai pas passé de paquet jaune à Lokmane » ; qu'il avait ajouté, expliquant la présence trouvée sur lui d'une somme en billets, qu'il s'agissait d'une partie du produit, rapporté du Maroc, des locations de cinq appartements dont il avait hérité ; que Mohamed X... avait fait citer trois policiers pour venir témoigner ; que des trois témoins cités et régulièrement dénoncés, seul monsieur Y... s'était présenté à l'audience, indiquant que ses collègues étaient restés à leurs occupations, à la demande de leur hiérarchie ; que le témoin avait confirmé formellement avoir vu le passager du véhicule en question, identifié en la personne de Mohamed X..., remettre le « paquet jaune » à la personne interpellée et qui s'était révélée être Lokmane A... ; que, situé à vingt mètres à la lueur des phares du véhicule de police, le policier était formel sur la remise d'un seul paquet, étant incapable d'en distinguer un deuxième pouvant être l'autoradio ; qu'il résultait de l'ensemble des éléments et notamment des constatations et faits matériels recueillis au cours de l'enquête et des déclarations des prévenus comme du témoin que la présence du « paquet jaune » qui contenait deux kilogrammes de résine de cannabis entre les mains de Lokmane A... démontrait la continuité de l'activité de trafic de stupéfiants pour laquelle il avait été condamné précédemment ; que l'attitude de Mohamed X... était quant à elle caractérisée par des gestes et des attitudes démontrant une connaissance parfaite des comportements délinquants : il était passager d'un véhicule appartenant à une personne inconnue des services de police, pouvant ainsi au besoin, brouiller les pistes à son égard, il avait rencontré à une heure tardive, de façon discrète et rapide, un habitué de l'activité de trafic de stupéfiants en la personne de Lokmane A..., le « sac jaune » qui s'avérait contenir de la résine de cannabis avait été vu de façon formelle par le policier qui l'avait confirmé sous serment à l'audience, passer de ses mains à celles de Lokmane A..., ce dernier, au moment de son interpellation, avait eu le temps de se défaire du sac jaune et portait sur lui un autoradio, objet permettant de donner le change, l'autoradio n'était pas identifiable et les propos relatifs à son origine, à sa destination comme l'identification de traces qui pourraient y être retrouvées n'avaient aucune incidence sur la réalité des éléments de la prévention, l'argument, selon lequel la recherche lancée par le parquet des traces relatives à la manipulation effective du sac jaune pourrait infirmer les déclarations du témoin en cas de non découverte d'indices appartenant à Mohamed X..., ne pouvait être retenu en l'état des éléments concordants démontrant l'implication personnelle de ce dernier dans cette opération avec Lokmane A... ; la possession de moyens financiers importants avancés comme lui permettant de transporter sans difficulté, à toute heure, la somme de 500 euros, constituait un indice de mode de vie et fourniture de moyens de subsistance non avouables ; qu'enfin, les déclarations faites par Lokmane A... « révélant » les noms de son « véritable » fournisseur et du destinataire des substances frauduleuses venant in extremis au cours de l'audience, sans la moindre démarche positive pour faciliter l'identification, voire l'audition à l'audience des protagonistes, constituaient un moyen de défense dénué de tout sérieux et manifestement invérifiable, destiné seulement à égarer la recherche de la vérité des faits déjà démontrée (jugement, pp. 5 à 8) ; qu'au terme du PV 2007 / 8781 / 001, les policiers avaient indiqué avoir vu Mohamed X... remettre à Lokmane A... un paquet de couleur jaune ; que ce PV faisait foi jusqu'à preuve contraire ; que ne constituaient une preuve contraire, ni les dénégations des prévenus ni le fait que A... avait été trouvé porteur d'un autoradio ni le fait que les recherches de traces ou d'indices par le SLPT Perpignan sur la résine de cannabis s'étaient révélées infructueuses ; qu'en l'état de la reconnaissance par A... que le sac dont il était porteur contenait 2 kilogrammes de résine de cannabis, Mohamed X... ne pouvait faire utilement plaider qu'il n'était mentionné dans la procédure ni que la pesée avait été effectuée contradictoirement ni la nature du test pratiqué ; que la nullité des PV n'avait pas été soulevée devant la cour d'appel et ne l'avait pas été devant le tribunal ; que c'était à juste titre que le tribunal, tirant des circonstances de la cause les conséquences juridiques qui s'imposaient, avait retenu la culpabilité du prévenu (arrêt, p. 6) ;
" alors, d'une part, que, sauf dans le cas où la loi en dispose autrement, les procès-verbaux et les rapports constatant les délits ne valent qu'à titre de simples renseignements ; qu'en l'absence de toute disposition légale spéciale en matière de transport, détention, offre, cession, acquisition ou emploi illicites de stupéfiants, la cour d'appel ne pouvait légalement retenir, pour en déduire la culpabilité du prévenu, que le procès-verbal des services de police relatant la prétendue remise par ce dernier d'un paquet contenant de la résine de cannabis faisait foi jusqu'à preuve contraire ;
" alors, d'autre part, qu'en ne répondant pas à l'articulation des conclusions d'appel du prévenu (p. 9) selon laquelle il existait un doute sur l'exactitude des faits relatés par le procès-verbal des services de police, en ce que l'un des policiers auteurs de ce document, entendu comme témoin en première instance, avait manifesté de l'embarras devant les questions de la défense et finalement affirmé que l'autoradio prétendument trouvé sur la personne de Lokmane A... était dans le sac jaune prétendument remis à ce dernier par Mohamed X..., présentation des faits incompatible avec celle donnée par le procès-verbal, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision " ;
Vu l'article 430 du code de procédure pénale ;
Attendu que, selon ce texte, sauf dans les cas où la loi en dispose autrement, les procès-verbaux et les rapports constatant les délits ne valent qu'à titre de simples renseignements ;
Attendu que, pour déclarer Mohamed X... coupable de trafic de stupéfiants, l'arrêt attaqué énonce qu'aux termes d'un procès-verbal dressé par les policiers, ceux-ci ont vu le prévenu remettre à un tiers un paquet qui s'est révélé contenir deux kilos de résine de cannabis ; que les juges ajoutent que ce procès-verbal fait foi jusqu'à preuve contraire qui, en l'espèce, n'a pas été rapportée par le prévenu ;
Mais attendu qu'en statuant ainsi, alors que ce procès-verbal ne valait qu'à titre de simples renseignements, la cour d'appel a méconnu le texte susvisé ;
D'où il suit que la cassation est encourue de ce chef ;
Par ces motifs :
CASSE et ANNULE l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Montpellier, en date du 20 février 2008, mais en ses seules dispositions relatives à Mohamed X..., toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;
Et pour qu'il soit à nouveau statué conformément à la loi, renvoie la cause et les parties devant la cour d'appel de Toulouse, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil.