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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 5, 22 septembre 2022, n° 19/22480

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Défendeur :

PSA Automobiles (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Prigent

Conseillers :

Mme Renard, Mme Soudry

Avocats :

Me Etevenard, Me Jauvat, Me Mayet, Me Mayol

T. com. Paris, du 22 nov. 2019, n° 20190…

22 novembre 2019

La société Service Maintenance Entretien de la Besbre (ci-après, « SMEB ») est spécialisée dans l'activité de maintenance et d'entretien de machines-outils. Son gérant est Monsieur [C] [N], fils du fondateur de la société.

La société anonyme PSA Automobiles exerce une activité de constructeur automobile pour les marques Peugeot, Citroën et DS. Elle dispose de plusieurs sites de production.

En 1987, la société SMEB a été créée pour répondre à des besoins de maintenance et d'entreprise de machines-outils de la SA Peugeot Citroën Automobiles (PCA), devenue PSA Automobiles.

Des relations commerciales se sont développées entre les parties avec des contrats à durée déterminée d'une durée d'un an, puis de trois ans à partir de 2003. Les contrats contenaient un cahier des charges pour chaque ligne de production.

En 2010, la société PSA a demandé que le pourcentage du chiffre d'affaires de la société SMEB réalisé au sein de son usine soit ramené entre 30 et 35 % pour réduire la situation de dépendance économique de la société SMEB dont les prestations réalisées pour la société PSA représentaient entre 80 et 100 % de son chiffre d'affaires total.

Le 8 novembre 2012, le médiateur inter-entreprises, saisi par la société PSA, a organisé une réunion en présence des sociétés SMEB et PSA.

Le 21 décembre 2012, un protocole d'accord transactionnel a été conclu entre les parties, afin de réduire la dépendance de la société SMEB vis-à-vis de la société PSA. L'arrêt des activités a été progressif, s'étalant du 31 décembre 2013 au 30 juin 2017 :

Arrêt de l'activité levage lot n°1 au 31 décembre 2013,

Arrêt de l'activité process lot n°2 au 30 juin 2015,

Arrêt de l'activité bandes transporteuses du lot n°3 le 30 juin 2017,

La société SMEB a par la suite connu des difficultés financières.

La société SMEB et M. [N] ont fait assigner la société PSA devant le tribunal de commerce de Lyon pour obtenir réparation du préjudice subi en raison d'une part, de la rupture brutale des relations commerciales avec la société PSA et d'autre part, du déséquilibre inhérent au protocole d'accord transactionnel. Ils réclament :

2.025.918,18 euros au titre du prétendu préjudice subi par la société SMEB pendant le préavis de rupture des contrats la liant avec la société PSA ;

280.000 euros au titre de la perte de chance d'avoir pu valoriser la société SMEB;

150.000 euros à titre de dommages et intérêts au titre des préjudices subis par Monsieur [N] ;

5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.

Par jugement du 05 février 2019, le tribunal de commerce de Lyon s'est déclaré incompétent au profit du tribunal de commerce de Paris, en raison de l'existence d'une clause attributive de juridiction dans le protocole d'accord transactionnel.

La société SMEB et Mr [N] ont interjeté appel de ce jugement. Par arrêt en date du 12 juin 2019, la cour d'appel de Paris a confirmé le jugement du tribunal de commerce de Lyon et la compétence territoriale du tribunal de commerce de Paris.

Par jugement en date du 19 mars 2019, le tribunal de commerce de Cusset a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'égard de la société SMEB et a désigné la Selarl MJ de l'Allier, représentée par Maître [B] [J], en qualité de mandataire judiciaire.

Par jugement du 1er octobre 2019, le tribunal de commerce de Cusset a converti la procédure de redressement judiciaire de la société SMEB en procédure de liquidation judiciaire et a désigné la Selarl MJ de l'Allier, représentée par Maître [B] [J] en qualité de liquidateur judiciaire.

Par jugement du 22 novembre 2019, le tribunal de commerce de Paris a :

Débouté la SA PSA Automobiles de ses fins de non-recevoir,

Débouté la Selarl MJ de l'Allier, prise en la personne de Maître [B] [J], ès-qualités de liquidateur de la SARL Service-Maintenance-Entretien de la Besbre (SEMB) de toutes ses demandes,

Débouté M. [C] [N] de toutes ses demandes,

Condamné M. [C] [N] à verser la somme de 2.000 euros à la SA PSA Automobiles au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Débouté les parties de leurs demandes autres, plus amples ou contraires,

Condamné M. [C] [N] aux dépens de l'instance, dont ceux à recouvrer par le greffe, liquidés à la somme de 95,62 euros dont 15,72 euros de TVA.

Par déclaration du 04 décembre 2019, la société Selarl MJ de l'Allier, la société SMEB et Monsieur [C] [N] ont interjeté appel de ce jugement en ce qu'il a :

Débouté la Selarl MJ de l'Allier, prise en la personne de Maître [B] [J], ès-qualités de liquidateur de la SARL Service-Maintenance-Entretien de la Besbre (SEMB) de toutes ses demandes,

Débouté M. [C] [N] de toutes ses demandes,

Condamné M. [C] [N] à verser la somme de 2.000 euros à la SA PSA Automobiles au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Débouté les parties appelantes de leurs demandes autres, plus amples ou contraires,

Condamné M. [C] [N] aux dépens de l'instance, dont ceux à recouvrer par le greffe, liquidés à la somme de 95,62 euros dont 15,72 euros de TVA.

Dans leurs dernières conclusions notifiées par le RPVA le 24 janvier 2022, la société Selarl MJ de l'Allier, en qualité de liquidateur judiciaire de la société SMEB, la société SMEB et Monsieur [C] [N] demandent à la cour de :

Déclarer recevable et bien fondé l'appel interjeté par la Selarl MJ de l'Allier représentée par Maître [B] [J] ès qualités de mandataire de judiciaire, la SARL SMEB et M. [C] [N] gérant de la société SMEB.

Y faire droit.

En conséquence, à défaut d'acceptation de l'organisation d'une médiation de la société PSA Automobiles SA, anciennement dénommée Peugeot Citroën Automobiles SA,

Réformer la décision entreprise rendue par le tribunal de commerce de Paris le 22 novembre 2019 en toutes ses dispositions.

Statuant à nouveau

Par application de l'article L 442-6 du code de commerce et par application des articles 1178 nouveaux et suivants du code civil,

Prononcer la nullité du protocole d'accord transactionnel en date du 21 décembre 2012 imposé par la société PSA Automobiles SA, anciennement dénommée Peugeot Citroën Automobiles SA.

Dire et juger que la société PSA Automobiles SA, anciennement dénommée Peugeot Citroën Automobiles SA, a rompu de façon brutale et fautive ses relations commerciales avec la société SMEB, et que sa responsabilité est engagée.

Dire et juger que la société PSA Automobiles SA, anciennement dénommée Peugeot Citroën Automobiles SA, a exécuté de façon déloyale et avec mauvaise foi le protocole du 21 décembre 2012.

En conséquence, dire et juger que tant la société SMEB que M. [C] [N], gérant de la société SMEB à titre personnel, ont droit à la réparation intégrale du préjudice subi.

En conséquence, condamner la société PSA Automobiles SA, anciennement dénommée Peugeot Citroën Automobiles SA, à payer et porter à la société SMEB, la somme totale, toutes causes de préjudice confondues de 2.025.918 euros outre intérêts de droit à compter de l'assignation devant le tribunal de commerce de Lyon soit à compter du 15 décembre 2017.

Condamner la société PSA Automobiles SA, anciennement dénommée Peugeot Citroën Automobiles SA, à payer et porter à Monsieur [C] [N], gérant de la société SMEB à titre personnel, à titre de dommages et intérêts, une somme non inférieure à 150.000 euros par application de l'ancien article 1382 devenu 1240 du code civil.

Débouter la société PSA Automobiles SA, anciennement dénommée Peugeot Citroën Automobiles SA, de l'ensemble de ses demandes.

Condamner la société PSA Automobiles SA, anciennement dénommée Peugeot Citroën Automobiles SA, à payer et porter à la Selarl MJ de l'Allier représentée par Maître [J] par application de l'article 700 du code de procédure civile, une somme non inférieure à 10.000 euros.

Condamner la société PSA Automobiles SA, anciennement dénommée Peugeot Citroën Automobiles SA, à payer et porter à Monsieur [C] [N] par application de l'article 700 du code de procédure civile, une somme non inférieure à 10.000 euros.

Condamner la société PSA Automobiles SA, anciennement dénommée Peugeot Citroën Automobiles SA, en tous les dépens.

Dans ses dernières conclusions notifiées par le RPVA le 11 février 2022, la société PSA Automobiles SA demande à la cour de :

Vu les articles 1165, 1178, 2044 et 2053 du code civil,

Vu l'article L. 442-6-I-5° ancien du code de commerce,

Vu le protocole d'accord transactionnel en date du 21 décembre 2012,

Réformer le jugement dont appel en ce qu'il a jugé recevable l'action de Monsieur [N] à l'encontre de la société PSA ;

Statuant de nouveau,

Déclarer irrecevable l'action de Monsieur [N] pour défaut de preuve de l'existence d'une qualité et/ou d'un intérêt à agir à l'encontre de la société PSA au titre du protocole d'accord transactionnel litigieux ;

Pour le surplus,

Confirmer le jugement dont appel en ce qu'il a, notamment, débouté la société SMEB, Monsieur [C] [N] et la Selarl MJ de l'Allier, ès qualités, de l'intégralité de leurs demandes, fins et conclusions à l'encontre de la société PSA Automobiles SA ;

En tout état de cause,

Condamner in solidum la société SMEB, la Selarl MJ de l'Allier et Monsieur [N] au paiement de la somme de 6.000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 24 février 2022.

La cour renvoie, pour un plus ample exposé des faits, prétentions et moyens des parties, à la décision déférée et aux écritures susvisées, en application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS

Sur la validité du protocole d'accord transactionnel

Les sociétés MJ de l'Allier en qualité de liquidateur judiciaire de la société SMEB, la société SMEB ainsi que Monsieur [N], allèguent que :

La responsabilité de la société PSA doit être engagée sur le fondement de l'article L.442-6 du code de commerce, compte tenu de la soumission de la société SMEB à des obligations créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties et compte tenu de la rupture brutale des relations commerciales établies.

Le protocole d'accord transactionnel prévoyait un préavis de rupture pour chacun des lots de maintenance confiés à la société SMEB mais ne prévoyait aucune contrepartie à la charge de la société PSA.

Toutes les obligations pesaient sur la société SMEB qui a dû passer à un taux de dépendance très fort à seulement 35% de dépendance en très peu de temps.

La société SMEB, acculée, n'a pas eu d'autre choix que de signer le protocole.

La société PSA tente à tort de s'exonérer de toute responsabilité quant à l'existence d'une situation de dépendance économique alors que la société SMEB s'est toujours adaptée aux besoins et exigences de la société PSA.

L'article 1143 du code civil nouveau consacre la jurisprudence assimilant l'exploitation abusive d'une situation de dépendance économique à une situation de violence.

La société PSA réplique que :

Le protocole d'accord transactionnel est parfaitement valable.

Elle n'a commis aucune violence.

Le seul fait pour un acteur économique de se trouver en position de dépendance économique ne suffit pas, en l'absence de démonstration d'un abus, à engager la responsabilité dudit tiers pour faute.

La situation de dépendance économique de SMEB trouve son origine dans la stratégie de Mr [Y] [N] qui a choisi de créer une nouvelle structure en 1987.

La société PSA n'est pas responsable de ce choix et a en outre essayé d'éviter les effets pervers de cette situation de dépendance en demandant à la société SMEB de réduire la proportion de chiffre d'affaires réalisé avec elle.

L'intervention d'un médiateur, dont les qualités et l'indépendance ne sont pas remises en cause, exclut toute possibilité de violence de la société PSA.

La jurisprudence considère que les concessions réciproques ne sont pas nécessairement financières ou égalitaires et la poursuite des relations commerciales au-delà d'un préavis suffisant constitue une concession suffisante.

Elle a respecté des délais de préavis excédant les durées raisonnables, s'étalant entre 1 an et 4 ans et demi, les usages en la matière indiquant un préavis d'une durée moyenne de 18 mois.

L'article 2044 du code civil prévoit que la transaction est un contrat par lequel les parties, par des concessions réciproques, terminent ou préviennent une contestation.

S'agissant d'un protocole d'accord, l'aménagement de la rupture prend la forme fixée par les parties, à la condition qu'elle comporte des concessions réciproques.

Aux termes de l'article L. 442-6,1 du code de commerce dans sa rédaction applicable au litige, « I.-Engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers (...)

2° De soumettre ou de tenter de soumettre un partenaire commercial à des obligations créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties ».

Les deux éléments constitutifs de cette pratique restrictive de concurrence sont en premier lieu la soumission ou la tentative de soumission et en second lieu l'existence d'obligations créant un déséquilibre significatif.

Le déséquilibre significatif est le plus souvent caractérisé par une absence de réciprocité des prérogatives contractuelles ou par une disproportion entre les droits et obligations des parties.

Le déséquilibre significatif, doit être examiné au regard de l'analyse des clauses imposées dans la convention en tenant compte des contreparties accordées, et de l'équilibre économique de l'opération.

La partie qui se prétend victime d'une soumission ou d'une tentative de soumission à un déséquilibre significatif doit le prouver, par exemple en démontrant l'exclusion de toute possibilité de négociation.

Il résulte du document signé le 21 décembre 2012 entre la société PSA et la société SMEB, intitulé « protocole d'accord transactionnel » que les parties entretiennent depuis 1986 une relation commerciale en ce que la société SMEB exécute des prestations de maintenance des outillages pour le site PSA Peugeot Citroën de Sept-Fonds.

Il est précisé que la société PSA, constatant un fort taux de dépendance économique de la société SMEB lui a demandé depuis 2001, et à plusieurs reprises depuis 2010, de diversifier sa clientèle en recherchant de nouveaux marchés ou clients. Il est ajouté que le taux de dépendance de la société SMEB à l'égard de la société PSA demeure d'environ 85 % de son chiffre d'affaires, et que le prix de ses prestations est plus élevé que celui de ses concurrents ce qui résulte d'un appel d'offres réalisées le 4 février 2011.

Il est également mentionné que le groupe PSA Peugeot Citroën, rencontre des difficultés économiques ce qui l'amène à remettre en cause sa relation commerciale avec la société SMEB.

Il a été prévu l'arrêt des relations selon les modalités suivantes :

Arrêt de l'activité levage (lot 1) au 31 décembre 2013

Arrêt de l'activité process (lot 2) au 30 juin 2015

Arrêt de l'activité bandes transporteuses (lot 3) au 30 juin 2017

La société SMEB conteste avoir été informée de la difficulté liée à son fort taux de dépendance dès 2001.

La société PSA produit aux débats une lettre d'intention que lui a adressée la société SMEB le 10 novembre 2010, faisant suite à une réunion entre les parties, aux termes de laquelle la direction de la société PSA, conseillait à la société SMEB de limiter entre 30 et 35 pour cent le volume de son chiffre d'affaires avec elle. La société SMEB s'engageait à contacter une entreprise tierce de la région pour diversifier ses partenaires commerciaux.

Au vu des pièces versées aux débats, il est établi que depuis novembre 2010, une réflexion s'est engagée entre les parties afin de permettre à la société SMEB de réduire son taux de dépendance. Aucun élément ne démontre que cette demande ait été formulée depuis 2001.

Si la taille de la société PSA et son volume de commandes ont favorisé un état de dépendance de la part de la société SMEB, il n'est pas démontré que celui-ci a été imposé. Il appartenait à la société SMEB de diversifier ses clients et de veiller à maintenir un taux de dépendance raisonnable avec sa partenaire commerciale.

Les appelants déduisent de la puissance économique de la société PSA et du fort taux de dépendance à celle-ci de la société SMEB de l'impossibilité pour cette dernière de se soustraire à la volonté de son partenaire commercial.

Si la société PSA a imposé à la société SMEB, la rupture de la relation commerciale, elle lui a au préalable demandé de réduire son état de dépendance. Il résulte de la lettre d'intention adressée par M. [N], gérant de la société SMEB, à la société PSA que dès novembre 2010, celle-ci a avisé sa partenaire commerciale de la nécessité de diversifier sa clientèle et le protocole transactionnel a été signé deux ans plus tard. Il est précisé dans le paragraphe III du préambule du protocole que la société PSA a saisi le médiateur inter-entreprises et les parties se sont rencontrées à l'initiative de celui-ci le 8 novembre 2012 ; il est ajouté que les parties sont convenues des dispositions du protocole en présence du médiateur inter-entreprises. Cette démarche entreprise par la société PSA dément le fait qu'elle ait profité de sa puissance économique pour imposer ses conditions.

Il sera rappelé que la société PSA avait le droit de mettre fin aux relations qu'elle entretenait avec la société SMEB sans avoir à fournir de motif mais devait lui accorder un préavis. Le fait que la rupture des relations commerciales ait été imposée à la société SMEB ne constitue donc ni une faute ni une violence. Les parties ont entendu transiger sur les modalités d'indemnisation de la rupture.

Si la société PSA est plus puissante économiquement que la société SMEB, cela ne caractérise pas en soi un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties.

Aux termes du protocole transactionnel, il est mentionné : « une réunion d'étape entre les parties, qui pourra se faire en présence de médiateur interentreprises accepté par les deux parties, sera organisée à l'initiative de la partie la plus diligente, avant le 31 janvier 2015, en vue :

'd'évaluer à cette date la dépendance économique vis-à-vis de PSA

'en fonction de la diversification du portefeuille de clients de SMEB et dudit taux de dépendance économique,

-soit de poursuivre l'activité bandes transporteuses (lot 3) sous réserve de la compétitivité de l'offre de prix et du maintien de la qualité des prestations exécutées par SMEB

-soit enfin d'arrêter l'activité du lot 3 le 30 juin 2017 ».

Il était également prévu la poursuite dans les mêmes conditions de l'activité process (lot 2) au-delà du 30 juin 2015.

Par courrier du 10 février 2015, se prévalant de la possibilité de la poursuite de l'activité Process, au-delà du 30 juin 2015, la société SMEB interrogeait la société PSA sur la date de lancement de l'appel d'offres afin d'y concourir. Par courrier du 3 mars 2015, la société PSA répondait qu'elle n'avait pas l'obligation de la consulter pour l'attribution du nouveau lot.

M. [I], président de la SAS l'Ariane, holding et de sa filiale Assistance Technique Industrielle (ATI), aux termes d'une attestation en date du 4 mai 2018, indique que pour la reprise de la société SMEB, le projet élaboré conjointement était que, par un rachat d'actions, la SMEB soit détenue majoritairement par l'Ariane holding ou par sa filiale ATI (dont l'activité est similaire à celle de la SMEB) avec poursuite intégrale des contrats de travail (y compris de son dirigeant) en cours au sein de la SMEB ce qui avait pour but de régler la difficulté résultant de la dépendance. M. [I] a ajouté que le projet avait été présenté au cours d'une réunion à la direction des achats de la société PSA qui avait fait part de sa décision irréversible de ne plus consulter dorénavant la société SMEB, se réservant de consulter la société ATI lors des marchés à venir.

Il résulte de ces courrier et attestation la volonté de la société PSA de ne plus avoir de relations commerciales avec la société SMEB. Le protocole transactionnel prévoit la possibilité de la poursuite des relations commerciales pour les seuls lots 2 et 3 en fonction de la diversification du portefeuille de clients, de la compétitivité de l'offre de prix et du maintien de la qualité des prestations de la société SMEB.

Il n'est pas contesté que la réunion d'étape a eu lieu le 21 octobre 2014 en présence du médiateur inter-entreprises, sans résultat. La société SMEB n'a pas été en mesure à cette date de justifier avoir réduit de manière effective son taux de dépendance à la société PSA.

Les conditions de la poursuite des relations n'étaient pas réunies et la société PSA n'avait selon le protocole transactionnel, aucune obligation d'accepter le projet de rachat de la société SMEB par la société ATI étant précisé que celui-ci impliquait la poursuite des relations avec la société PSA qui envisageait une mise en concurrence de ses partenaires commerciaux.

Aux termes du protocole transactionnel en date du 21 décembre 2012, il était stipulé :

- arrêt de l'activité levage (Lot 1) au 31 décembre 2013 soit un délai de préavis d'un an pour une activité dont le chiffre d'affaires annuel est de 147.147 euros HT,

- arrêt de l'activité Process (Lot 2) au 30 juin 2015 soit un délai de préavis de deux ans et demi pour une activité dont le chiffre d'affaires annuel est de 343.543 euros HT,

- arrêt de l'activité Bandes Transporteuses (Lot 3) au 30 juin 2017 soit un délai de préavis de quatre ans et demi pour une activité dont le chiffre d'affaires annuel est de 296.609 euros HT,

Le montant annuel cumulé des trois contrats s'élevait à 787.299 euros. Il résulte des conclusions des parties que le lot 1 est le plus ancien, l'activité ayant débuté en 1987 alors que l'activité des lots 2 et 3 a démarré en 2001.

Si l'octroi d'un préavis d'un an pour le lot n° 1 pour une durée de relation commerciale de 11 ans, correspond au délai habituellement accordé dans ces circonstances, un préavis de 2 ans et demi pour une durée de relation commerciale de 26 ans est supérieur au délai alloué et le préavis d'une durée de quatre ans et demi pour une relation commerciale de 11 ans est largement supérieur au délai habituellement accordé. Ces préavis différents selon les activités constituent les concessions consenties par la société PSA et prennent en compte le délai de dépendance de la société SMEB.

Les dispositions de l'article L. 442-6, 1 5° du code de commerce visent à sanctionner, non la rupture elle-même, mais sa brutalité caractérisée par l'absence de préavis écrit ou l'insuffisance de préavis.

Le délai de préavis doit s'entendre du temps nécessaire à l'entreprise délaissée pour se réorganiser en fonction de la durée, de la nature et des spécificités de la relation commerciale établie, du produit ou du service concerné.

Il sera constaté que la différence de durée de préavis selon les activités et l'ancienneté des relations a nécessité que les parties échangent entre elles sur les concessions accordées par la société PSA pour qu'il puisse être mis fin aux relations commerciales.

Si à l'expiration d'un préavis de deux ans et demi, la société SMEB perdait 62 % de son chiffre d'affaires, étaient maintenus durant deux ans supplémentaires 48 % de celui-ci.

Dès lors que le délai de préavis a été suffisant et que le protocole d'accord a été exécuté, la société PSA a rempli ses obligations. Il n'est pas allégué une modification du volume d'affaires pendant l'exécution du préavis.

Si le protocole d'accord transactionnel en son article 11 stipule qu'en cas de litige relatif à l'exécution de celui-ci, les parties s'engagent à privilégier la recherche d'une solution amiable avant toute action judiciaire, la société PSA, n'étant pas à l'origine de l'action judiciaire, il ne peut lui être reproché de ne pas avoir répondu aux demandes en ce sens de la société SMEB et de M.[N], aucune sanction n'en résultant pour elle.

En conséquence, les appelants ne démontrant ni l'existence d'un déséquilibre significatif dans les droits et obligations résultant du protocole transactionnel ni d'une déloyauté dans l'exécution de celui-ci, il y a lieu de rejeter la demande d'annulation du protocole transactionnel en date du 21 décembre 2012 et les demandes d'indemnisation formées par la société MJ de l'Allier en qualité de liquidateur de la société SMEB. Le jugement sera confirmé de ce chef.

Sur la demande d'indemnisation de M. [N]

Sur la qualité et l'intérêt à agir de M.[N]

M. [N] allègue sa qualité à agir en ce qu'un tiers à un contrat peut invoquer, sur le fondement de la responsabilité délictuelle, un manquement contractuel dès lors que ce manquement lui a causé un dommage.

La société PSA réplique que :

L'article 1165 ancien du code civil (1199 aujourd'hui) précise que les conventions n'ont d'effet qu'entre les parties contractantes.

Or, le protocole d'accord transactionnel n'a été formalisé qu'entre la société PSA et la société SMEB. Mr [N], personne physique distincte de la société SMEB, n'est pas partie à cette convention.

Selon l'article 122 du code de procédure civile, constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée.

En vertu de l'article 31 du même code, l'action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d'une prétention, sous réserve des cas dans lesquels la loi attribue le droit d'agir aux seules personnes qu'elle qualifie pour élever ou combattre une prétention ou pour défendre un intérêt déterminé.

Il sera rappelé que l'intérêt à agir n'est pas subordonné à la démonstration préalable du bien-fondé de l'action.

M. [N] forme une demande d'indemnisation sur le fondement de l'article 1382 devenu l'article 1240 du code civil. Si M. [N] est tiers au protocole transactionnel, il est recevable sur le fondement de la responsabilité délictuelle à invoquer un manquement contractuel dès lors que ce manquement lui a causé un dommage.

En conséquence, en qualité de gérant de la société SMEB, il a subi les conséquences de la rupture intervenue entre celle-ci et la société PSA ce qui rend sa demande recevable sans qu'il y ait lieu à ce stade de la procédure, d'analyser le bien-fondé de celle-ci.

Le jugement sera confirmé de ce chef.

Sur le bien-fondé de la demande

La demande de la société SMEB fondée sur la nullité du protocole transactionnel ayant été rejetée, M. [N] ne démontre pas l'existence d'un préjudice de ce chef

La société PSA n'ayant pas commis de faute lors de la rupture de la relation, elle n'est pas responsable de la liquidation judiciaire de la société SMEB.

La société PSA n'avait aucune obligation de renégocier l'accord transactionnel ni d'accorder des délais supplémentaires à la société SMEB pour retrouver un repreneur ou pour diversifier son activité.

En l'absence de démonstration d'une faute de la société PSA, le jugement sera confirmé en ce qu'il a rejeté la demande de dommages-intérêts de M. [N].

Sur les demandes accessoires

Les dispositions de première instance relatives aux frais irrépétibles et aux dépens seront confirmées.

Les dépens d'appel seront fixés au passif de la liquidation judiciaire de la société SMEB ; il est équitable que chaque partie conserve la charge de ses frais irrépétibles d'appel.

PAR CES MOTIFS

Confirme le jugement en toutes ses dispositions,

Dit que chaque partie conservera la charge de ses frais irrépétibles d'appel,

Rejette tout autre demande,

Dit que les dépens d'appel seront fixés au passif de la liquidation judiciaire de la société SMEB.