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Décisions

Cass. 1re civ., 16 décembre 1986, n° 84-17.076

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Fabre

Rapporteur :

M. Massip

Avocat général :

M. Charbonnier

Avocats :

SCP Waquet, Me Hennuyer

Pau, du 16 mai 1984

16 mai 1984

Attendu que M. Y..., de nationalité allemande, a épousé le 19 août 1970, Mlle Marie-Louise X..., de nationalité française ; que le divorce des époux Z... a été prononcé le 12 décembre 1980 par le tribunal de Daun (R.F.A.) ; que la garde des deux enfants issus de l'union a été confiée au père, demeurant en Allemagne, les époux étant convenus que la mère aurait un droit de visite " étendu ", les parties se mettant d'accord cas par cas ; que des difficultés ayant surgi pour l'exercice de ce droit de visite, Mme X... a saisi le juge aux affaires matrimoniales du tribunal de grande instance de Bayonne cependant que le père saisissait le tribunal de Daun ; que cette dernière juridiction a, par jugement du 3 février 1982, confirmé par la cour d'appel de Coblence le 23 juin suivant, suspendu provisoirement le droit de visite de la mère, avant " d'exclure " ce droit par une nouvelle décision du 11 avril 1983 ; que le juge de Bayonne après avoir, par une première ordonnance du 27 avril 1982, décidé de faire procéder à une enquête sociale a, par jugement du 14 juin 1983, accordé à la mère un droit d'hébergement ; que l'arrêt attaqué (Pau, 16 mai 1984), écartant l'exception d'incompétence des juridictions françaises soulevée par M. Y..., a confirmé ce jugement ; .

Sur le premier moyen pris en ses deux branches :

Attendu que M. Y... fait grief à la cour d'appel d'avoir écarté l'exception d'incompétence alors que, d'une part, il faisait valoir dans des conclusions qui seraient demeurées sans réponse qu'il avait soulevé, dès avant le premier jugement avant dire droit, l'incompétence du juge français se bornant à indiquer, subsidiairement, que la compétence de ce juge ne pouvait résulter de l'application des règles normales de compétence territoriale, comme le soutenait Mme X..., laquelle aurait pu, tout au plus, invoquer l'article 15 du Code civil ; et alors que, d'autre part, il résulte tant de l'article 1072 du nouveau Code de procédure civile que de l'article 1er de la convention de La Haye du 5 octobre 1961 concernant la compétence des autorités et la loi applicable en matière de protection des mineurs que les juges allemands étaient exclusivement compétents pour connaître du litige de sorte que l'incompétence de la juridiction française devrait être relevée d'office par la Cour de Cassation en application de l'article 92 du nouveau Code de procédure civile ;

Mais attendu, d'abord, que la cour d'appel énonce qu'il résulte de la première ordonnance rendue le 27 avril 1982 par le juge aux affaires matrimoniales que M. A... n'a aucunement soulevé son incompétence, admettant au contraire que sa compétence résultait des dispositions de l'article 14 du Code civil ; qu'elle a ainsi répondu aux conclusions alléguées dont la dénaturation n'est pas invoquée ;

Et attendu, ensuite, que si l'article 92 du nouveau Code de procédure civile permet à la Cour de Cassation de relever d'office l'incompétence lorsque la règle de compétence est d'ordre public, c'est à la condition que le litige relève de la compétence d'une juridiction répressive ou administrative ou échappe à la connaissance de la juridiction française ; que tel n'est pas le cas en l'espèce, puisque l'article 4 de la convention de La Haye précitée donne compétence, sous certaines conditions, aux autorités de l'Etat dont le mineur est ressortissant pour prendre des mesures tendant à sa protection, et que les mineurs A... sont français comme nés d'une mère française et n'ont pu, en raison de leur âge, répudier cette nationalité ;

Que le moyen n'est donc fondé en aucune de ses branches ;

Sur le deuxième moyen pris en ses trois branches :

Attendu qu'il est encore reproché à la cour d'appel d'avoir déclaré recevable l'action intentée devant le juge aux affaires matrimoniales alors que, d'une part, elle ne pouvait, sans violer l'article 7 de la Convention européenne sur la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière de garde des enfants et le rétablissement de la garde des enfants, signée à Luxembourg le 20 mai 1980, qui pose le principe de la reconnaissance de plein droit des décisions rendues dans un Etat contractant, statuer à nouveau sur le droit de visite de Mme X... qui avait été suspendu par une décision allemande, exécutoire en Allemagne ; et alors que, d'autre part, elle aurait aussi, en déclarant cette action recevable, méconnu l'autorité de chose jugée reconnue par le droit français aux décisions régulièrement rendues par les juridictions étrangères ;

Mais attendu que la convention précitée du 20 mai 1980 n'a pas été ratifiée par la République fédérale d'Allemagne de sorte que la violation de ses dispositions ne peut être invoquée en la cause ; que M. Y... n'est pas fondé à reprocher à la cour d'appel d'avoir méconnu l'autorité de la chose jugée en Allemagne dès lors qu'il n'avait pas invoqué cette fin de non-recevoir devant les juges du fond ; que le moyen doit donc être écarté ;

Et sur le troisième moyen pris en ses trois branches :

Attendu qu'il est enfin reproché à l'arrêt attaqué d'avoir fait application de la loi française, alors que seule la loi allemande, laquelle n'était en rien contraire à l'ordre public au sens du droit international privé français, était applicable en la cause, comme l'avait soutenu M. Y... dans des conclusions auxquelles il n'a pas été répondu ;

Mais attendu qu'aux termes de l'article 4 de la convention de La Haye du 5 octobre 1961, les autorités de l'Etat dont le mineur est ressortissant peuvent prendre, selon leur loi interne, des mesures tendant à la protection de sa personne ou de ses biens ; que dès lors M. Y... n'est pas fondé à critiquer l'arrêt attaqué en ce qu'il a fait application de la loi française ; que le moyen ne peut donc être accueilli ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.