Cass. 1re civ., 16 novembre 1982, n° 81-15.550
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Joubrel
Rapporteur :
M. Jégu
Avocat général :
M. Baudoin
Avocat :
SCP Waquet
SUR LE PREMIER MOYEN : ATTENDU QUE L'ASSOCIATION COMMUNALE DE CHASSE AGREEE (A.C.C.A.) DE SAINT MARTIAL, ASSIGNEE PAR LE CENTRE ORNITHOLOGIQUE RHONE ALPES (C.O.R.A.) EN REPARATION DU PREJUDICE CAUSE PAR LA MORT D'UN BALBUZARD-PECHEUR, RAPACE PROTEGE PAR LA LOI, ABATTU AU COURS D'UNE CHASSE SUR LE TERRITOIRE DE L'A.C.C.A., REPROCHE AU TRIBUNAL D'INSTANCE D'AVOIR RETENU SA COMPETENCE POUR STATUER SUR CETTE ACTION, ALORS QUE, SELON LE MOYEN, LES A.C.C.A. SONT CHARGEES D'UNE MISSION DE SERVICE PUBLIC GENERATRICE DE PREROGATIVES DE PUISSANCE PUBLIQUE, DE SORTE QUE L'APPRECIATION DE LEUR RESPONSABILITE, SUR LE FONDEMENT DE LEUR FONCTIONNEMENT DEFECTUEUX, RELEVE DE LA COMPETENCE DES JURIDICTIONS DE L'ORDRE ADMINISTRATIF ;
MAIS ATTENDU QU'AUX TERMES DE L'ARTICLE 74 DU NOUVEAU CODE DE PROCEDURE CIVILE, LES EXCEPTIONS DE PROCEDURE DOIVENT, A PEINE D'IRRECEVABILITE, ETRE SOULEVEES AVANT TOUTE DEFENSE AU FOND OU FIN DE NON RECEVOIR, ALORS MEME QUE LES REGLES INVOQUEES AU SOUTIEN DE L'EXCEPTION SERAIENT D'ORDRE PUBLIC, ET QU'IL RESULTE DE L'ARTICLE 92 DU MEME CODE QUE LA POSSIBILITE POUR LA COUR DE CASSATION DE SOULEVER D'OFFICE L'EXCEPTION N'EST QU'UNE FACULTE ;
QU'IL S'ENSUIT QUE LE MOYEN TIRE DE L'INCOMPTENCE DES TRIBUNAUX DE L'ORDRE JUDICIAIRE, QUI EST PRESENTE POUR LA PREMIERE FOIS DEVANT LA COUR DE CASSATION, EST IRRECEVABLE ;
SUR LE DEUXIEME MOYEN, PRIS EN SES QUATRE BRANCHES : ATTENDU QUE, SELON LE JUGE DU FOND, DES MEMBRES DE L'A.C.C.A. DE SAINT MARTIAL, AUXQUELS S'ETAIENT JOINTS DES CHASSEURS NON ADHERENTS, MAIS QUI AVAIENT ETE AUTORISES A CHASSER, POUR LA JOURNEE, SUR LE TERRITOIRE DE CHASSE DE L'ASSOCIATION, SE TROUVAIENT, LE 21 OCTOBRE 1979, EN ACTION DE CHASSE ET GUETTAIENT LE PASSAGE DES PALOMBES EFFECTUANT LEUR MIGRATION D'AUTOMNE ;
QU'UN BALBUZARD-PECHEUR, RAPACE PROTEGE PAR LA LOI, D'UNE ENVERGURE D'UN METRE QUATRE VINGT, QUI EFFECTUAIT EGALEMENT SA MIGRATION SAISONNIERE, A ETE TIRE ET MORTELLEMENT BLESSE PAR UN OU PLUSIEURS DES CHASSEURS EN ACTION ;
QUE L'ENQUETE DE GENDARMERIE N'A PAS PERMIS D'IDENTIFIER CEUX-CI ;
QUE LE C.O.R.A., DONT L'OBJET EST NOTAMMENT L'ETUDE ET LA PROTECTION DES RAPACES, A ASSIGNE L'A.C.C.A. DE SAINT MARTIAL EN REPARATION DU PREJUDICE CAUSE PAR LA MORT DU BALBUZARD-PECHEUR ET QUE LE TRIBUNAL D'INSTANCE, ACCUEILLANT SA DEMANDE, A RETENU LA RESPONSABILITE DE L'A.C.C.A. ET L'A CONDAMNEE AU PAIEMENT DE 2.000 FRANCS DE DOMMAGES-INTERETS ;
ATTENDU QUE L'A.C.C.A. DE SAINT MARTIAL FAIT GRIEF AU JUGEMENT ATTAQUE D'AVOIR RETENU DES FAUTES A SON ENCONTRE OU A LA CHARGE DE SON PRESIDENT, ALORS QUE, D'UNE PART, LE FAIT D'AUTORISER DES CHASSEURS NON ADHERENTS A L'ASSOCIATION A PARTICIPER A LA CHASSE PENDANT UNE JOURNEE NE SERAIT PAS CONTRAIRE AUX STATUTS, EN RAISON DU CARACTERE INDIVATIF, ET NON LIMITATIF, DE L'ARTICLE 13 DE CES STATUTS, ET NE CONSTITUERAIT PAS UNE FAUTE, ALORS QUE, D'AUTRE PART, LE FAIT DE NE PAS VERIFIER L'IDENTITE ET LE NUMERO DU PERMIS DE CHASSE DE CES CHASSEURS ETRANGERS A L'ASSOCIATION NE SAURAIT ETRE CONSIDERE COMME UNE NEGLIGENCE, A DEFAUT DE TEXTE PRESCRIVANT UNE TELLE VERIFICATION, ALORS QUE, AU SURPLUS, LA PRESENCE DE DEUX GARDES DE L'A.C.C.A. AURAIT CONSTITUE UNE PRECAUTION SUFFISANTE POUR ASSURER UN BON GARDIENNAGE DE LA CHASSE ET QU'EN ESTIMANT QUE CE GARDIENNAGE ETAIT INSUFFISANT, LE JUGE DU FOND N'AURAIT PAS TIRE LES CONSEQUENCES LEGALES DE SES CONSTATATIONS, ALORS, ENFIN, QU'EN RETENANT QUE LE PRESIDENT DE L'A.C.C.A. DE SAINT MARTIAL N'AVAIT PAS PRIS LES MESURES NECESSAIRES POUR INFORMER LES CHASSEURS DE L'INTERDICTION DE CHASSER LE BALBUZARD-PECHEUR, TANDIS QUE CET OISEAU EST PROTEGE DEPUIS 1962, QUE TOUS LES RAPACES SONT EGALEMENT PROTEGES DEPUIS 1972, ET QU'IL N'ETAIT PAS NECESSAIRE D'INFORMER LES CHASSEURS DE PRESCRIPTIONS NOTOIREMENT CONNUES, LE TRIBUNAL D'INSTANCE AURAIT ENCORE ADMIS A TORT L'EXISTENCE D'UNE FAUTE ;
MAIS ATTENDU QUE SANS MECONNAITRE LES STATUTS DE L'ASSOCIATION QUI, EN LEURS ARTICLES 4, 5, 6 ET 13, CONFORMEMENT AUX DISPOSITIONS DE LA LOI DU 10 JUILLET 1964, PREVOIENT UN NOMBRE LIMITE D'ADHERENTS, AINSI QUE L'ADHESION DE CEUX-CI POUR UNE DUREE D'UN AN MOYENNANT LE PAIEMENT D'UNE COTISATION ANNUELLE, LE TRIBUNAL D'INSTANCE A CONSTATE QU'A UNE PERIODE D'INTENSES MIGRATIONS DE DIVERSES ESPECES D'OISEAUX, DONT CERTAINES SONT PROTEGEES PAR LES LOIS ET REGLEMENTS, LE PRESIDENT DE L'A.C.C.A. AVAIT AUTORISE, POUR LA JOURNEE, A PARTICIPER A LA CHASSE, EN DEHORS DES CONDITIONS FIXEES PAR LES STATUTS DE NOMBREUSES PERSONNES NON ADHERENTES A L'ASSOCIATION, SANS RELEVER LEUR IDENTITE ET LE NUMERO DE LEUR PERMIS DE CHASSE, NI VERIFIER LEURS CONNAISSANCES ET SANS PRENDRE AUCUNE MESURE POUR DIFFUSER LES INFORMATIONS CYNEGETIQUES DE NATURE A PREVENIR LE TIR DES OISEAUX MIGRATEURS PROTEGES PAR LA LOI ;
QU'IL A ENCORE RELEVE QU'EN RAISON DU NOMBRE NON LIMITE DE CES CHASSEURS, SUR LESQUELS AUCUN CONTROLE N'AVAIT ETE EXERCE, LA MISSION DE SURVEILLANCE DES DEUX GARDES DE L'ASSOCIATION NE POUVAIT SE DEROULER NORMALEMENT ;
QUE LE TRIBUNAL D'INSTANCE A PU DEDUIRE DE CES CONSTATATIONS QUE L'A.C.C.A. DE SAINT MARTIAL OU SON PRESIDENT AVAIT COMMIS DES FAUTES DE NATURE A ENGAGER LA RESPONSABILITE DE CETTE ASSOCIATION ;
QU'AINSI LE MOYEN NE PEUT ETRE ACCUEILLI EN AUCUNE DE SES BRANCHES ;
SUR LE TROISIEME MOYEN, PRIS EN SES DEUX BRANCHES : ATTENDU QUE L'A.C.C.A. DE SAINT MARTIAL REPROCHE ENCORE AU TRIBUNAL D'INSTANCE D'AVOIR RETENU L'EXISTENCE D'UN LIEN DE CAUSALITE ENTRE LES FAUTES MISES A SA CHARGE ET LE PREJUDICE ALLEGUE PAR LE C.O.R.A., ALORS QUE, D'UNE PART, LE JUGE DU FOND SE SERAIT CONTREDIT EN AFFIRMANT A LA FOIS QUE LE OU LES CHASSEURS AYANT ABATTU LE RAPACE N'AVAIENT PAS PU ETRE IDENTIFIES ET QUE CE OU CES CHASSEURS N'ETAIENT PAS DE LA REGION, ALORS QUE, D'AUTRE PART, LES CHASSEURS NE POUVANT IGNORER L'INTERDICTION DE TIRER LES RAPACES, SEUL UN ACTE DE VANDALISME COMMIS PAR UN CHASSEUR INDELICAT, INDEPENDAMMENT D'UNE "PRESSION" DE CHASSE EXCESSIVE OU D'UN DEFAUT D'INFORMATION, SERAIT LA CAUSE DE LA MORT DU BALBUZARD-PECHEUR ;
MAIS ATTENDU QU'APRES AVOIR RELEVE QU'EN RAISON DE SON OBJET, QUI EST D'ETUDIER ET DE PROTEGER LES OISEAUX MIGRATEURS, L'ASSOCIATION C.O.R.A. ETAIT DIRECTEMENT INTERESSEE PAR LES ACTES METTANT EN PERIL LES ESPECES QU'ELLE S'EST DONNE POUR MISSION DE PROTEGER, ET QU'ELLE A SUBI, DU FAIT DE LA MORT DU RAPACE, UN PREJUDICE MORAL DIRECT ET PERSONNEL, EN LIAISON AVEC LE BUT ET L'OBJET DE SES ACTIVITES, LE TRIBUNAL D'INSTANCE A CONSTATE QU'AU JOUR ET AU LIEU OU L'OISEAU A ETE ABATTU, SE TROUVAIENT DE NOMBREUX CHASSEURS QUI, BIEN QUE NON ADHERENTS A L'A.C.C.A., ETAIENT AUTORISES PAR ELLE A CHASSER A LA JOURNEE, ET QU'IL RESSORTAIT DES TEMOIGNAGES RECUEILLIS AU COURS DE L'ENQUETE DE GENDARMERIE QUE, BIEN QUE N'AYANT PAS ETE IDENTIFIES, LE OU LES CHASSEURS AYANT ABATTU, L'OISEAU FAISAIENT PARTIE DE CES CHASSEURS ETRANGERS QUI N'AVAIENT FAIT L'OBJET D'AUCUN CONTROLE ET QUI N'AVAIENT RECU AUCUN AVERTISSEMENT CONCERNANT LE PASSAGE D'OISEAUX MIGRATEURS PROTEGES ;
QUE, SANS SE CONTREDIRE, LE TRIBUNAL D'INSTANCE A PU EN DEDUIRE QUE LES FAUTES DE L'ASSOCIATION OU DE SON PRESIDENT QUANT A LA PRESENCE, AU CONTROLE ET A L'INFORMATION CYNEGETIQUE DES CHASSEURS ETRANGERS AVAIENT FAVORISE ET PERMIS LES FAITS AYANT ENTRAINE LA MORT DU BALBUZARD-PECHEUR ET ETAIENT DES LORS EN RELATION DE CAUSE A EFFET AVEC LE PREJUDICE SUBI PAR LE C.O.R.A. ;
QU'AINSI, LE MOYEN N'EST FONDE EN AUCUNE DE SES BRANCHES ;
PAR CES MOTIFS : REJETTE LE POURVOI FORME CONTRE LE JUGEMENT RENDU LE 28 AVRIL 1981 PAR LE TRIBUNAL D'INSTANCE DE TOURNON.