CE, 5e et 4e sous-sect. réunies, 20 octobre 2004, n° 260898
CONSEIL D'ÉTAT
Arrêt
Annulation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Stirn
Rapporteur :
M. de Lesquen
Rapporteur public :
M. Chauvaux
Avocats :
SCP Boutet, SCP Delaporte, Briard, Trichet, SCP Célice, Blancpain, Soltner
Vu 1°), sous le n° 260898, la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 8 octobre et 17 décembre 2003 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la SOCIETE TF1, dont le siège est ..., représentée par son président-directeur général en exercice ; la SOCIETE TF1 demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler la décision du Conseil supérieur de l'audiovisuel en date du 10 juin 2003 complétant la décision de reconduction n° 2000-1021 du 29 novembre 2000 et autorisant la société Canal + à utiliser une ressource radioélectrique pour la reprise intégrale et simultanée en mode numérique du service de télévision à caractère national diffusé sous condition d'accès par voie hertzienne terrestre dénommé Canal + ;
2°) d'enjoindre au Conseil supérieur de l'audiovisuel et à la société Canal + de produire la convention d'actionnaires liant cette dernière à la société Lagardère Images et relative à la société Lagardère Thématiques ;
Vu 2°), sous le n° 260899, la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 8 octobre et 17 décembre 2003 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la SOCIETE TF1, dont le siège est ..., représentée par son président-directeur général en exercice ; la SOCIETE TF1 demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler la décision du Conseil supérieur de l'audiovisuel en date du 10 juin 2003 autorisant la société MCM à utiliser une ressource radioélectrique pour l'exploitation d'un service de télévision à caractère national diffusé en clair par voie hertzienne terrestre en mode numérique ;
2°) d'enjoindre au Conseil supérieur de l'audiovisuel et à la Société Canal + de produire la convention d'actionnaires liant cette dernière à la société Lagardère Images et relative à la société Lagardère Thématiques ;
Vu 3°), sous le n° 260900, la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 8 octobre et 17 décembre 2003 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la SOCIETE TF1, dont le siège est ..., représentée par son président-directeur général en exercice ; la SOCIETE TF1 demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler la décision du Conseil supérieur de l'audiovisuel en date du 10 juin 2003 autorisant la société Canal J à utiliser une ressource radioélectrique pour l'exploitation d'un service de télévision à caractère national diffusé sous condition d'accès par voie hertzienne terrestre en mode numérique ;
2°) d'enjoindre au Conseil supérieur de l'audiovisuel et à la Société Canal + de produire la convention d'actionnaires liant cette dernière à la société Lagardère Images et relative à la société Lagardère Thématiques ;
Vu 4°), sous le n° 260901, la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 8 octobre et 17 décembre 2003 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la SOCIETE TF1, dont le siège est ..., représentée par son président-directeur général en exercice ; la SOCIETE TF1 demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler la décision du Conseil supérieur de l'audiovisuel en date du 10 juin 2003 autorisant la société Sport + à utiliser une ressource radioélectrique pour l'exploitation d'un service de télévision à caractère national diffusé sous condition d'accès par voie hertzienne terrestre en mode numérique ;
2°) d'enjoindre au Conseil supérieur de l'audiovisuel et à la Société Canal + de produire la convention d'actionnaires liant cette dernière à la société Lagardère Images et relative à la société Lagardère Thématiques ;
Vu 5°), sous le n° 260902, la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 8 octobre et 17 décembre 2003 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la SOCIETE TF1, dont le siège est ..., représentée par son président-directeur général en exercice ; la SOCIETE TF1 demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler la décision du Conseil supérieur de l'audiovisuel en date du 10 juin 2003 autorisant la Société d'exploitation d'un service d'information (SESI) à utiliser une ressource radioélectrique pour l'exploitation d'un service de télévision à caractère national diffusé sous condition d'accès par voie hertzienne terrestre en mode numérique ;
2°) d'enjoindre au Conseil supérieur de l'audiovisuel et à la société Canal+ de produire la convention d'actionnaires liant cette dernière à la société Lagardère Images et relative à la société Lagardère Thématiques ;
Vu 6°), sous le n° 260903, la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 8 octobre et 17 décembre 2003 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la SOCIETE TF1, dont le siège est ..., représentée par son président-directeur général en exercice ; la SOCIETE TF1 demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler la décision du Conseil supérieur de l'audiovisuel en date du 10 juin 2003 autorisant la société Ciné Cinéma Câble à utiliser une ressource radioélectrique pour l'exploitation d'un service de télévision à caractère national diffusé sous condition d'accès par voie hertzienne terrestre en mode numérique ;
2°) d'enjoindre au Conseil supérieur de l'audiovisuel et à la société Canal + de produire la convention d'actionnaires liant cette dernière à la société Lagardère Images et relative à la société Lagardère Thématiques ;
Vu 7°), sous le n° 260904, la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 8 octobre et 17 décembre 2003 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la SOCIETE TF1, dont le siège est ..., représentée par son président-directeur général en exercice ; la SOCIETE TF1 demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler la décision du Conseil supérieur de l'audiovisuel en date du 10 juin 2003 autorisant la société Planète Câble à utiliser une ressource radioélectrique pour l'exploitation d'un service de télévision à caractère national diffusé sous condition d'accès par voie hertzienne terrestre en mode numérique ;
2°) d'enjoindre au Conseil supérieur de l'audiovisuel et à la société Canal + de produire la convention d'actionnaires liant cette dernière à la société Lagardère Images et relative à la société Lagardère Thématiques ;
Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu la note en délibéré présentée le 14 octobre 2004, pour les société MCM, Canal J, Lagardère Images et Lagardère Thématiques ;
Vu le code de commerce ;
Vu la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication ;
Vu la loi n° 2001-420 du 15 mai 2001 ;
Vu la loi n° 2001-1168 du 11 décembre 2001 ;
Vu la loi n° 2004-669 du 9 juillet 2004 ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Xavier de Lesquen, Maître des Requêtes,
- les observations de la SCP Delaporte, Briard, Trichet, avocat de la SOCIETE TF1, de la SCP Boutet, avocat de la société Canal +, du Groupe Canal +, de la société Sport, de la société SESI, de la société Ciné Cinéma Câble et de la société Planète Câble et de la SCP Célice, Blancpain, Soltner, avocat de la société MCM, de la société Lagardère Images, de la société Lagardère Thématiques et de la société Canal J,
- les conclusions de M. Didier Chauvaux, Commissaire du gouvernement ;
Considérant que les requêtes de la SOCIETE TF1 sont relatives à la même affaire ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision ;
Considérant qu'à la suite d'un appel à candidatures en vue de l'usage de ressources radioélectriques pour des services de télévision à vocation nationale destinés à être diffusés par voie hertzienne terrestre en mode numérique, le Conseil supérieur de l'audiovisuel a, par des décisions en date du 10 juin 2003, délivré 23 autorisations à des sociétés candidates relevant du secteur privé ; que, la SOCIETE TF1 demande au Conseil d'Etat d'annuler pour excès de pouvoir les décisions du Conseil supérieur de l'audiovisuel concernant les sociétés Canal +, MCM, Canal J, Sport +, SESI, Ciné Cinéma Câble et Planète Câble ;
Sur les interventions des sociétés Lagardère Images et Lagardère Thématiques à l'encontre des requêtes n°s 260899 et 260900 :
Considérant que les sociétés Lagardère Images et Lagardère Thématiques ont intérêt au maintien des décisions accordées aux sociétés MCM et Canal J ; que leurs interventions tendant au rejet des requêtes n° 260899 et n° 260900 qui ont été formées par mémoires distincts comme l'exige l'article R. 632-1 du code de justice administrative, sont par suite recevables ;
Sur les fins de non-recevoir opposées par les sociétés Canal J et MCM aux requêtes n°s 260899 et 260900 :
Considérant, d'une part, que la SOCIETE TF1 a obtenu, pour elle-même et pour des sociétés qu'elle contrôle, cinq autorisations dans le cadre de l'appel aux candidatures litigieux ; qu'eu égard à l'activité qu'elle entend développer dans le secteur de la télévision diffusée par voie hertzienne terrestre en mode numérique, cette société justifie d'un intérêt lui donnant qualité pour demander l'annulation d'autorisations délivrées à des groupes concurrents, alors même qu'elle a obtenu le nombre maximal d'autorisations prévu par l'article 41, alinéa 3 de la loi du 30 septembre 1986 dans sa rédaction en vigueur à la date des décisions attaquées ; que, d'autre part, les sept décisions attaquées sont divisibles des autres autorisations accordées par le Conseil supérieur de l'audiovisuel à la suite de l'appel à candidatures en question ; qu'ainsi, les fins de non-recevoir opposées aux requêtes n°s260899 et 260900 doivent être écartées ;
Sur les conclusions tendant à l'annulation des décisions du Conseil supérieur de l'audiovisuel en date du 10 juin 2003 concernant les sociétés MCM, Canal J, Sport +, SESI, Ciné Cinéma Câble et Planète Câble :
Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens des requêtes ;
Considérant qu'aux termes du 3ème alinéa de l'article 41 de la loi du 30 septembre 1986 dans sa rédaction antérieure à la loi du 9 juillet 2004 : (...) une même personne peut être titulaire, directement ou indirectement, d'un nombre maximal de cinq autorisations relatives chacune à un service ou programme national de télévision diffusé par voie hertzienne terrestre en mode numérique lorsque ces services ou programmes sont édités par des sociétés distinctes ou lorsqu'ils sont autorisés dans les conditions prévues au deuxième ou au dernier alinéa du III de l'article 30-1 ; qu'aux termes de l'article 41-3 de la même loi : Pour l'application des articles 39, 41, 41-1, 41-1-1, 41-2 et 41-2-1 : ... 2°) Toute personne physique ou morale qui contrôle, au regard des critères figurant à l'article 355-1 de la loi n° 66-537 du 24 juillet 1966 précitée, une société titulaire d'autorisation ou a placé celle-ci sous son autorité ou sa dépendance est regardée comme titulaire d'une autorisation ; que les dispositions de l'article 355-1 de la loi du 24 juillet 1966 ont été codifiées à l'article L. 233-3 du code de commerce qui dispose : I.- Une société est considérée, pour l'application des sections 2 et 4 du présent chapitre, comme en contrôlant une autre : /1° lorsqu'elle détient directement ou indirectement une fraction du capital lui conférant la majorité des droits de vote dans les assemblées générales de cette société ; /2° lorsqu'elle dispose seule de la majorité des droits de vote dans cette société en vertu d'un accord conclu avec d'autres associés ou actionnaires et qui n'est pas contraire à l'intérêt de la société ; /3° lorsqu'elle détermine en fait, par les droits de vote dont elle dispose, les décisions dans les assemblées générales de cette société. / II.- Elle est présumée exercer ce contrôle lorsqu'elle dispose directement ou indirectement, d'une fraction des droits de vote supérieure à 40 p. 100 et qu'aucun autre associé ou actionnaire ne détient directement ou indirectement une fraction supérieure à la sienne. / III.- Pour l'application des mêmes sections du présent chapitre, deux ou plusieurs personnes agissant de concert sont considérées comme en contrôlant conjointement une autre lorsqu'elles déterminent en fait les décisions en assemblée générale ; qu'aux termes de l'article L. 233-10 du même code : Sont considérées comme agissant de concert les personnes qui ont conclu un accord en vue d'acquérir ou de céder des droits de vote ou en vue d'exercer les droits de vote, pour mettre en oeuvre une politique vis-à-vis de la société ;
Considérant, en premier lieu, que le renvoi opéré par l'article 41-3 de la loi du 30 septembre 1986 aux critères figurant à l'article 355-1 de la loi n° 66-537 du 24 juillet 1966, doit s'entendre comme un renvoi à ces dispositions dans leur rédaction résultant de leur codification au code du commerce et des modifications qui y ont été ultérieurement apportées par les lois du 15 mai 2001 et du 11 décembre 2001, ainsi d'ailleurs que le confirment les travaux préparatoires qui ont précédé l'adoption de ces deux lois ; qu'il résulte de ces dispositions, combinées à celles de l'article 41 de la loi du 30 septembre 1986 qu'une même personne ne peut être titulaire de plus de cinq autorisations relatives à des services qu'elle diffuse elle-même par voie hertzienne terrestre en mode numérique ou qui sont diffusés par des sociétés qu'elle contrôle directement ou indirectement, l'existence d'un tel contrôle étant déterminée, en dehors du cas particulier où elle a placé ces sociétés sous son autorité ou sa dépendance, au regard des critères fixés par l'article L. 233-3 du code de commerce, y compris de ceux qu'énonce le III de cet article ; qu'en second lieu, le contrôle conjoint défini par le III de l'article L. 233-3 du code de commerce est caractérisé dès lors que deux ou plusieurs personnes déterminent en commun les décisions des assemblées générales d'une société, dans le cadre d'un accord relatif à l'exercice de leurs droits de vote et tendant à la mise en oeuvre d'une politique commune à l'égard de cette société ; qu'il en va de même lorsque l'une d'entre elles dispose de droits de vote qui en l'absence d'un tel accord lui auraient permis de déterminer seule lesdites décisions ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le groupe Canal + a obtenu des autorisations de diffusion par voie hertzienne terrestre en mode numérique pour les services Canal +, Sport +, I-Télé, Ciné Cinéma et Planète ; qu'il détient, par ailleurs, par l'intermédiaire de la société Groupe Canal +, 49 % des parts sociales de la société Lagardère Thématiques, qui contrôle elle-même les sociétés Canal J et MCM ; que le reste du capital de la société Lagardère Thématiques, soit 51 % des parts sociales, est détenu par le groupe Lagardère par l'intermédiaire de la société Lagardère Images ; que les sociétés Groupe Canal + et Lagardère Images sont cependant liées par une convention d'actionnaires en date du 28 juillet 2000 qui a été versée aux débats à l'issue d'une mesure d'instruction décidée par la sous-section chargée du dossier ; que, d'une part, par l'article 2-1 de cette convention, les deux sociétés se sont engagées à exercer leurs votes en assemblée générale de telle façon que chaque société soit représentée au conseil d'administration par un même nombre d'administrateurs ; que, d'autre part, si l'article 2-2 de la convention prévoit que le président du conseil d'administration sera choisi parmi les administrateurs désignés sur la proposition de la société Lagardère Images et aura voix prépondérante en cas de partage, l'article 2-3, intitulé Limitation des pouvoirs du président et décisions relevant du conseil d'administration, prévoit que les principales décisions de gestion et de développement de la société ne pourront être adoptées qu'en conseil d'administration et à une majorité qualifiée comprenant impérativement le vote favorable d'au moins l'un des administrateurs représentant la société Groupe Canal + et d'au moins l'un des administrateurs représentant la société Lagardère Images ; que ces stipulations ont pour objet et pour effet de subordonner la définition de la stratégie de la société à un accord entre les deux actionnaires ; qu'ainsi et alors même que la convention comporte un mécanisme de dénouement des situations de blocage qui permet au Groupe Lagardère de procéder au rachat des participations de la société Groupe Canal + s'il ne peut se mettre d'accord avec cette société pour prendre une décision soumise à l'obligation de majorité qualifiée, il résulte des stipulations de cette convention que, dans les circonstances habituelles de direction de la société, les deux actionnaires doivent être regardés comme déterminant en commun, dans le cadre d'un accord relatif à leurs droits de vote, les décisions des assemblées générales de la société Lagardère Thématiques et comme exerçant ainsi un contrôle conjoint, au sens du III de l'article L. 233-3 du code de commerce, sur cette société et, par l'intermédiaire de celle-ci, sur les sociétés Canal J et MCM, dont elle détient l'intégralité du capital ; que, pour l'application de l'article 41 de la loi du 30 septembre 1986, le Groupe Canal + doit ainsi être regardé comme co-titulaire, avec le Groupe Lagardère, des autorisations données par le Conseil supérieur de l'audiovisuel aux sociétés MCM et Canal J ; que la SOCIETE TF1 est ainsi fondée à soutenir que le Groupe Canal + a, compte-tenu des cinq autres autorisations qui lui ont été accordées par le Conseil supérieur de l'audiovisuel, obtenu la délivrance de sept autorisations de diffusion par voie hertzienne terrestre en mode numérique en violation des dispositions de l'article 41 de la loi du 30 septembre 1986 qui fixent à cinq le nombre maximal d'autorisations pour une même personne ;
Considérant que la violation de l'article 41 de la loi du 30 septembre 1986 entache d'illégalité les autorisations accordées par le Conseil supérieur de l'audiovisuel aux sociétés MCM, Canal J, Sport +, SESI, Ciné Cinéma Câble et Planète Câble dont la société Canal + doit, en application des dispositions de l'article 41-3 de cette même loi, être regardée comme titulaire sans qu'il puisse être distingué entre ces décisions, contrairement à ce qui est soutenu, suivant leur ordre de publication au Journal officiel ; que la SOCIETE TF1 est ainsi fondée à demander l'annulation de ces six autorisations ;
Sur les conclusions tendant à l'annulation de la décision du Conseil supérieur de l'audiovisuel en date du 10 juin 2003 concernant la société Canal + :
Considérant qu'il ne ressort des pièces du dossier ni que la décision du Conseil supérieur de l'audiovisuel accordant une autorisation à la société Canal + pour la reprise de son service de télévision par voie hertzienne terrestre en mode numérique aurait été prise sur la base d'un dossier de candidature incomplet, ni qu'elle aurait été rendue par une instance irrégulièrement composée ;
Considérant qu'aux termes de l'article 30-1 de la loi du 30 septembre 1986 : III.- (...) le Conseil supérieur de l'audiovisuel autorise la reprise intégrale et simultanée des services de télévision autorisés avant l'entrée en vigueur de la loi n° 2000-719 du 1er août 2000 précitée lorsque les candidats lui en ont fait la demande et si cette reprise s'effectue selon un principe identique en ce qui concerne le recours ou non à une rémunération de la part des usagers. (...) cette autorisation est assimilée à l'autorisation initiale dont elle ne constitue qu'une extension ; qu'il résulte de ces dispositions que le Conseil supérieur de l'audiovisuel autorise en priorité la reprise intégrale et simultanée des services de télévision autorisés avant l'entrée en vigueur de la loi du 1er août 2000, dès lors qu'il est saisi d'une demande à cette fin et que les conditions de l'article 30-1 de la loi du 30 septembre 1986 sont remplies ; que, par suite, le moyen tiré de ce que la décision par laquelle le Conseil supérieur de l'audiovisuel a autorisé la société Canal + à diffuser le service du même nom par voie hertzienne terrestre en mode numérique aurait été délivrée en méconnaissance des règles anti-concentration et par suite en violation de la règle fixant à cinq le nombre maximal d'autorisations pour une même personne, ne peut être accueilli ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la SOCIETE TF1 n'est pas fondée à demander l'annulation de l'autorisation donnée le 10 juin 2003 par le Conseil supérieur de l'audiovisuel à la société Canal + ;
Sur les conclusions de la société MCM, la société Canal J, la société Lagardère Images et la société Lagardère Thématiques tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la SOCIETE TF1 qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que demandent les sociétés MCM, Canal J, Lagardère Images et Lagardère Thématiques au titre des frais exposés par elles et non compris dans les dépens ;
DECIDE :
Article 1er : Les interventions des sociétés Lagardère Images et Lagardère Thématiques à l'encontre des requêtes n°s 260899 et 260900 sont admises.
Article 2 : Les décisions du Conseil supérieur de l'audiovisuel en date du 10 juin 2003 autorisant les sociétés MCM, Canal J, Sport +, SESI, Ciné Cinéma Câble et Planète Câble à utiliser des ressources radioélectriques pour des services de télévision à vocation nationale destinés à être diffusés par voie hertzienne terrestre en mode numérique sont annulées.
Article 3 : Le surplus des conclusions des requêtes de la SOCIETE TF1 est rejeté.
Article 4 : Les conclusions de la société MCM, la société Canal J, la société Lagardère Images et la société Lagardère Thématiques tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à la SOCIETE TF1, au Conseil supérieur de l'audiovisuel, à la société Canal +, au Groupe Canal +, à la société Lagardère Images, à la société Lagardère Thématiques, à la société MCM, à la société Canal J, à la société Sport +, à la société SESI, à la société Ciné Cinéma Câble, à la société Planète Câble, au Premier ministre et au ministre de la culture et de la communication.