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Décisions

Cass. com., 26 janvier 2022, n° 20-12.508

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

Cass. com. n° 20-12.508

25 janvier 2022

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 10 septembre 2019), rendu sur renvoi après cassation (chambre commerciale, financière et économique, 6 décembre 2017, pourvoi n° 16-10.859) la société du Figaro, titulaire de la marque verbale française « Jours de France » n° 1 514 458, déposée le 24 juillet 1968 et régulièrement renouvelée, pour désigner des produits et services en classes 3, 14, 16, 18, 24, 25, 28, 35 et 41, a, sous cette marque, diffusé un magazine hebdomadaire entre les années 1954 et 1989 puis, à compter de 2011, décidé d'éditer un magazine sous forme électronique accessible sur son site internet et, depuis 2013, lancé un complément de son magazine sous format papier, dont le premier numéro trimestriel a paru le 7 août 2013.

2. La société Entreprendre, titulaire de la marque verbale française « Jour de France » n° 3 211 668, déposée le 25 février 2003 et renouvelée le 20 décembre 2012, en classes 16, 35, 38 et 41, édite, depuis le mois de novembre 2010, un magazine mensuel intitulé « Jour de France ».

3. La société Entreprendre ayant mis en demeure la société du Figaro de cesser la poursuite de l'édition du magazine « Jours de France », celle-ci l'a assignée en contrefaçon de marque. La société Entreprendre a, reconventionnellement, demandé la déchéance des droits de la société du Figaro sur la marque « Jours de France » n° 1 514 458 pour l'ensemble des produits et services désignés à son enregistrement.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa première branche, ci-après annexé

4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le moyen, pris en sa troisième branche

Enoncé du moyen

5. La société Entreprendre fait grief à l'arrêt de dire irrecevable sa demande tendant à voir prononcer la déchéance des droits de la société du Figaro sur sa marque n° 1 514 458 pour tous les produits désignés à l'enregistrement, de dire la société Entreprendre recevable en son action en déchéance des droits de la société du Figaro sur sa marque verbale française « Jours de France » n° 1 514 458 pour les seuls produits et services suivants (outre les imprimés, journaux et périodiques pour lesquels la demande en déchéance a déjà été définitivement rejetée) : papier, carton, articles en papier ou en carton (non compris dans d'autres classes) ; livres, articles pour reliures ; photographies ; papeterie, matières adhésives (pour la papeterie) ; matériaux pour les artistes ; pinceaux ; machines à écrire et articles de bureau (à l'exception des meubles) ; matériel d'instruction ou d'enseignement (à l'exception des appareils) ; cartes à jouer ; caractères d'imprimerie clichés (classe 16) ; publicité et affaires (classe 35) ; éducation et divertissement (classe 41), de dire, en conséquence, qu'en exploitant sa marque verbale n° 3 211 668 « Jour de France » désignant les produits et services photographies, clichés ; publicité ; éducation ; formation ; divertissement ; activités sportives et culturelles en classes 16, 35 et 41, la société Entreprendre a commis des actes de contrefaçon de la marque « Jours de France » n° 1 514 458 de la société du Figaro et de la condamner, en réparation, à payer à la société du Figaro différentes sommes au titre de son préjudice économique, de son préjudice moral et pour les frais de publication judiciaire engagés à la suite de l'arrêt du 20 novembre 2015, alors « que les demandes reconventionnelles sont recevables si elles se rattachent aux prétentions originaires par un lien suffisant ; qu'en relevant en l'espèce, pour juger qu'en exploitant sa marque n° 3 211 668 "Jour de France" notamment pour les produits et services suivants : photographies, clichés, publicité, éducation, formation, divertissement, activités sportives et culturelles, la société Entreprendre a commis des actes de contrefaçon de la marque n° 1 514 458 "Jours de France" de la société du Figaro, que les produits et services précités sont identiques ou similaires, notamment aux "jeux", couverts par la marque de la société du Figaro pour lesquels celle-ci n'a pas été déchue de ses droits, tout en déclarant la société Entreprendre irrecevable à agir en déchéance des droits de la société du Figaro sur sa marque pour les "jeux", la cour d'appel a violé l'article 70 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 714-5 du code de la propriété intellectuelle et 70 du code de procédure civile :

6. Il résulte de la combinaison de ces textes que la partie poursuivie en contrefaçon a intérêt à se défendre en formant une demande reconventionnelle en déchéance pour les produits ou services invoqués et pour ceux relevant du même secteur d'activité.

7. Pour déclarer la société Entreprendre recevable à agir en déchéance de la marque « Jours de France » n° 1 514 458 de la société du Figaro pour les seuls produits et services suivants (outre les imprimés, journaux et périodiques pour lesquels la demande en déchéance a déjà été définitivement rejetée) : papier, carton, articles en papier ou en carton (non compris dans d'autres classes) ; livres, articles pour reliures ; photographies ; papeterie, matières adhésives (pour la papeterie) ; matériaux pour les artistes ; pinceaux ; machines à écrire et articles de bureau (à l'exception des meubles) ; matériel d'instruction ou d'enseignement (à l'exception des appareils) ; cartes à jouer ; caractères d'imprimerie clichés (classe 16) ; publicité et affaires (classe 35) ; éducation et divertissement (classe 41), la déclarer irrecevable en sa demande de déchéance pour tous les autres produits désignés à l'enregistrement de cette marque et, par conséquent, la condamner pour contrefaçon de cette dernière, l'arrêt retient que la société Entreprendre ne justifie d'un intérêt à agir en déchéance qu'autant que la marque de la société du Figaro constitue une entrave à son activité économique, telle que définie par son extrait Kbis.

8. En statuant ainsi, alors que l'intérêt légitime du défendeur à une action principale en contrefaçon à agir en déchéance s'apprécie au regard des produits et services qui lui sont opposés au titre de la contrefaçon et qu'elle était saisie d'une action en contrefaçon fondée également sur les « jeux », sur laquelle elle s'est prononcée, la cour d'appel a, pour ce seul produit, violé les textes susvisés.

Portée et conséquences de la cassation

9. En l'absence d'éléments, il ne peut être apporté une issue définitive au litige en statuant sur le fond de la demande de déchéance en ce qu'elle porte sur les « jeux », ce qui implique de prononcer une cassation avec renvoi.

10. Cependant, dans la mesure où l'arrêt rejette la demande en déchéance de la société Entreprendre en ce qui concerne notamment les « divertissements », produit désigné à l'enregistrement de chacune des marques en présence, et où les « jeux » constituent un produit similaire aux « divertissements », la cassation, qui ne porte que sur l'irrecevabilité de la société Entreprendre à agir en déchéance des droits de la société du Figaro sur sa marque pour les « jeux », n'est pas susceptible, contrairement à ce que soutient le moyen, de remettre en cause le chef de dispositif qui dit qu'en exploitant sa marque verbale n° 3 211 668 « Jour de France » désignant les produits et services photographies, clichés ; publicité ; éducation ; formation ; divertissement ; activités sportives et culturelles en classes 16, 35 et 41, la société Entreprendre a commis des actes de contrefaçon de la marque « Jours de France » n° 1 514 458 de la société du Figaro et celui qui condamne la société Entreprendre à payer à la société du Figaro diverses sommes au titre des dommages-intérêts et des frais de publication.

Dispositif

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le dernier grief, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déclare irrecevable la demande de la société Entreprendre en déchéance des droits de la société du Figaro sur sa marque n° 1 514 458 pour les jeux, en classe 28, l'arrêt rendu le 10 septembre 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée ;

En application de l'article 629 du code de procédure civile, condamne la société Entreprendre aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-six janvier deux mille vingt-deux.