Cass. 3e civ., 20 novembre 2013, n° 12-27.876
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Fort-de-France, 28 septembre 2012), qu'en 1996, Mme X... a confié à M. Y... la construction d'une maison individuelle sur un terrain lui appartenant sis commune du Robert (Martinique) ; que, le 18 novembre 2004, suite à de fortes pluies, un glissement de terrain s'est produit au lieu de l'habitation de Mme X..., entraînant une déstabilisation de l'assise du bâtiment lequel a effectué un mouvement d'environ un mètre provoquant l'apparition de nombreuses fissures ; que Mme X... a déclaré son sinistre à sa compagnie d'assurances, la MAIF ; que, le 11 février 2005, le maire du Robert a pris un arrêté de péril concernant l'immeuble ; qu'après expertise, Mme X... et la MAIF ont assigné M. Y... et la société MAAF en indemnisation ;
Attendu que Mme X... et la MAIF font grief à l'arrêt de dire que le glissement de terrain était un événement constitutif d'une cause étrangère alors, selon le moyen :
1°/ que les constructeurs sont responsables de plein droit envers le maître de l'ouvrage des dommages, même résultant d'un vice du sol, et ne peuvent s'exonérer de cette responsabilité qu'en rapportant la preuve d'une cause étrangère, laquelle doit revêtir les caractères d'imprévisibilité, d'irrésistibilité et d'extériorité ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que les dommages provenaient d'un vice du sol, et que le glissement de terrain survenu le 18 novembre 2004 était dû « pour une grande part aux pluies importantes », lesquelles ne constituaient cependant pas en soi un événement imprévisible à la Martinique ; que dès lors en déclarant, pour estimer que ce glissement de terrain était un événement constitutif d'une cause étrangère, qu'il n'aurait pas pu être détecté par une « étude de sol classique », et qu'il avait été d'une ampleur « telle qu'il a vait revêtu les caractéristiques d'irrésistibilité et d'imprévisibilité caractérisant la cause étrangère ou la force majeure », la cour d'appel, qui constatait pourtant, que les dommages provenaient d'un vice du sol, et que la forte pluviométrie largement à l'origine du glissement de terrain n'était pas un événement imprévisible à la Martinique, n'a pas tiré de ses constatations les conséquences légales s'en évinçant, et a violé l'article 1792 du code civil ;
2°/ que les constructeurs sont responsables de plein droit envers le maître de l'ouvrage des dommages, même résultant d'un vice du sol, et ne peuvent s'exonérer de cette responsabilité qu'en rapportant la preuve d'une cause étrangère, laquelle doit revêtir les caractères d'imprévisibilité, d'irrésistibilité et d'extériorité ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que les dommages provenaient d'un vice du sol, et que le glissement de terrain survenu le 18 novembre 2004 était dû « pour une grande part aux pluies importantes », lesquelles ne constituaient cependant pas en soi un événement imprévisible à la Martinique ; que dès lors en se bornant, pour estimer que ce glissement de terrain était un événement constitutif d'une cause étrangère, à déclarer qu'il n'aurait pu être détecté par une « étude de sol classique » et qu'il avait été d'une ampleur « telle qu'il a vait revêtu les caractéristiques d'irrésistibilité et d'imprévisibilité caractérisant la cause étrangère ou la force majeure », la cour d'appel, qui n'a pas caractérisé, par la seule évocation de « l'ampleur » du phénomène, les conditions cumulatives de la force majeure, et qui n'a pas expliqué quel phénomène indépendant des vices du sol et de la pluviométrie, se trouverait à l'origine du glissement de terrain, a, à tout le moins, privé sa décision de base légale au regard de l'article 1792 du code civil ;
3°/ que, rappelant que, pour être exonératoire de responsabilité la cause étrangère doit revêtir le caractère de force majeure, dont les critères sont l'imprévisibilité, l'irrésistibilité et l'extériorité, les premiers juges avaient déclaré qu'il convenait de rechercher si le glissement de terrain revêtait les caractères d'imprévisibilité et d'irrésistibilité, et avaient conclu, après une analyse circonstanciée des éléments de fait et de preuve qui leur étaient soumis, que le caractère imprévisible et irrésistible du phénomène climatique et du glissement de terrain consécutif n'était pas établi par M. Jean-Claude Y... et par la MAAF, alors que leur revenait la charge de la preuve de l'existence d'une cause étrangère exonératoire de responsabilité ; que dès lors, en affirmant que les premiers juges n'avaient « retenu que la prévisibilité de fortes précipitations en Martinique, sans rechercher si le glissement de terrain, certes dû pour une grande part aux pluies importantes, ne pouvait constituer un événement présentant les caractéristiques de la force majeure, et qu'ils avaient donc à tort considéré que le constructeur et son assureur étaient responsables au titre de la garantie décennale », la cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis des motifs du jugement entrepris, en violation de l'article 4 du code de procédure civile ;
4°/ que les premiers juges constataient qu'au regard de I'analyse de la société Geode chargée de l'étude géotechnique par la ville du Robert, I'étude du sol révélait une mauvaise qualité de terrain, l'expert mandaté par la municipalité indiquant que : « le substratum du secteur était constitué par une lave altérée et très argilisée à blocs. Hors, zone remblayées ponctuellement sous la route on rencontre depuis la surface, des argiles d'altération puis une frange de lave altérée argilisée, particulièrement molle et de médiocres caractéristiques mécaniques » ; et que les premiers juges estimaient ainsi que l'hypothèse la plus probable était celle d'un vice du sol que le phénomène climatique prévisible n'avait fait qu'objectiver ; que dans ses conclusions d'appel, Mme Ghislaine X... soutenait à cet égard que M. Jean-Claude Y... n'avait ni attiré son attention sur la nécessité d'une étude du sol, ni émis de réserves quant au résultat de la construction en l'absence d'une telle étude, cependant que la maison avait été construite, en majeure partie sur un terrain instable et que l'étude de sol aurait mis en évidence une hétérogénéité des sols et conclu, soit à l'adoption d'un système de fondation différent, soit à I'inconstructibilité du terrain ; que dès lors, en se bornant à affirmer, par référence à une réponse incidente de l'expert à un dire, que le glissement de terrain n'aurait pu être détecté par une étude de sol classique, sans rechercher, comme elle y était invitée par les conclusions d'appel susvisées, si la consistance du terrain et son hétérogénéité n'étaient pas constitutives d'un vice du sol susceptible d'être détectées par une étude du sol et permettant de prendre des mesures préventives ou de dispenser des conseils destinés à empêcher la production du dommage que Mme Ghislaine X... avait subi, la cour d'appel, qui constatait par ailleurs que M. Jean-Claude Y... s'était en effet abstenu, bien qu'il en ait l'obligation, de s'assurer de la qualité du terrain sur lequel devait être érigée la construction, a derechef privé sa décision de base légale au regard de l'article 1792 du code civil ;
Mais attendu qu'ayant retenu que le glissement de terrain n'aurait pas pu être détecté par une étude de sol classique, la cour d'appel a pu en déduire, sans être tenue de procéder à une recherche que ses constatations rendaient inopérante et abstraction faite d'un motif erroné mais surabondant, que ce glissement constituait par son ampleur un événement présentant les caractères de la force majeure et a légalement justifié sa décision ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne Mme X... et la MAIF aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de Mme X... et la MAIF ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt novembre deux mille treize.