Cass. 3e civ., 13 juillet 2022, n° 19-20.231
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Teiller
Rapporteur :
M. Boyer
Avocats :
SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, SARL Cabinet Munier-Apaire
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Besançon, 30 avril 2019), par acte du 6 août 2012, M. et Mme [Y] ont acquis de M. et Mme [R] une maison d'habitation sur laquelle ceux-ci avaient réalisé des travaux de rénovation en 2006.
2. Se plaignant de remontées d'humidité affectant notamment le carrelage et des cloisons en plaques de plâtre, M. et Mme [Y] ont, après expertise, assigné les vendeurs en réparation.
Examen des moyens
Sur le moyen relevé d'office
3. Après avis donné aux parties conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application de l'article 620, alinéa 2, du même code.
Vu l'article 1792 du code civil :
4. Aux termes de ce texte, tout constructeur d'un ouvrage est responsable de plein droit, envers le maître ou l'acquéreur de l'ouvrage, des dommages, même résultant d'un vice du sol, qui compromettent la solidité de l'ouvrage ou qui, l'affectant dans l'un de ses éléments constitutifs ou l'un de ses éléments d'équipement, le rendent impropre à sa destination. Une telle responsabilité n'a point lieu si le constructeur prouve que les dommages proviennent d'une cause étrangère.
5. Il est jugé, en application de ce texte, que les désordres affectant des éléments d'équipement, dissociables ou non, d'origine ou installés sur existant, relèvent de la responsabilité décennale lorsqu'ils rendent l'ouvrage dans son ensemble impropre à sa destination (3e Civ., 15 janvier 2017, pourvoi n° 16-19.640, Bull. 2017, III, n° 71 ; 3e Civ., 14 septembre 2017, pourvoi n° 16-17.323, Bull. 2017, III, n° 100 ; 3e Civ., 26 octobre 2017, n° 16-18.120, Bull. 2017, III, n° 119 ; 3e Civ.,7 mars 2019, pourvoi n° 18-11.741).
6. Cette règle ne vaut cependant, s'agissant des éléments adjoints à l'existant, que lorsque les désordres trouvent leur siège dans un élément d'équipement au sens de l'article 1792-3 du code civil, c'est-à-dire un élément destiné à fonctionner (3e Civ., 13 février 2020, pourvoi n° 19-10.249, publié).
7. Il en résulte que les désordres, quel que soit leur degré de gravité, affectant un élément non destiné à fonctionner, adjoint à l'existant, relèvent exclusivement de la responsabilité contractuelle de droit commun du constructeur ou réputé constructeur.
8. Pour condamner M. et Mme [R] sur le fondement de la responsabilité décennale, l'arrêt retient que, si le carrelage collé sur une chape et les cloisons de plaques de plâtre sont des éléments dissociables de l'ouvrage, dès lors que leur dépose et leur remplacement peuvent être effectués sans détérioration de celui-ci, les désordres les affectant rendent l'ouvrage dans son ensemble impropre à sa destination.
9. En statuant ainsi alors qu'un carrelage et des cloisons, adjoints à l'existant, ne sont pas destinés à fonctionner, la cour d'appel a violé le texte susvisé.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 30 avril 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Besançon ;
Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Dijon ;
Condamne M. et Mme [Y] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du treize juillet deux mille vingt-deux.