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Décisions

Cass. com., 14 septembre 2022, n° 21-10.759

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Rémery

Rapporteur :

Mme Vallansan

Avocats :

SARL Cabinet Briard, SCP Doumic-Seiller

Grenoble, du 8 oct. 2020

8 octobre 2020

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Grenoble, 8 octobre 2020), la société Etablissements Henri Cheval, qui avait pour activité la vente, l'entretien et la réparation de matériels agricoles et de véhicules neufs ou d'occasion, a fait l'objet d'une procédure de sauvegarde ouverte par un jugement du 19 mars 2018. Le tribunal a désigné M. [F] et la société Berthelot en qualité respectivement, d'administrateur et de mandataire judiciaire. Un inventaire des véhicules et du matériel a été réalisé par un commissaire-priseur les 5 et 6 avril 2018. La procédure de sauvegarde a ensuite été convertie en redressement puis liquidation judiciaires les 13 juin et 3 août 2018, la société Berthelot étant désignée liquidateur.

2. La société BNP Paribas Lease Group (la société BNP), qui avait acquis de la société Kutoba Europe les factures correspondant à la vente sous réserve de propriété de tracteurs et petits matériels, a revendiqué auprès de l'administrateur les biens correspondants. L'administrateur n'a acquiescé que partiellement à la demande.

Sur le moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

3. Le liquidateur fait grief à l'arrêt d'ordonner la restitution des petits matériels livrés par la société Kutoba Europe à la société Etablissements Henri Cheval et de huit tracteurs, alors « qu'il appartient au propriétaire revendiquant d'établir que les biens revendiqués se retrouvent, à l'ouverture de la procédure collective, en nature entre les mains du débiteur ; que la charge de cette preuve ne peut être renversée et peser sur le débiteur qu'en cas d'absence d'inventaire ou d'inventaire incomplet et inexploitable des biens tel que prévu à l'article L. 622-6 du code de commerce ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a retenu que les inventaires réalisés les 5 et 6 avril 2018 ainsi que le 27 juin 2018 ont détaillé sur de nombreuses pages les biens d'exploitation et les stocks constitués par des pièces importantes comme des tronçonneuses notamment Kubota, des véhicules, et, généralement, les matériels d'outillage en vente dans des locaux de revente et d'entretien de matériels agricoles, seules les petites pièces détachées ayant été mentionnées pour mémoire, sans description ; qu'en décidant cependant que les inventaires, destinés à établir la consistance exacte du patrimoine du débiteur et les biens susceptibles d'être revendiqués, ne correspondaient pas aux prévisions de l'article L. 622-6 du code de commerce, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et violé les articles L. 622-6 et L. 624-16 du code de commerce. »

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 622-6 et L. 624-16 du code de commerce :

4. Il résulte de la combinaison de ces textes qu'il appartient au revendiquant de biens mobiliers d'apporter la preuve de ce que les biens revendiqués se retrouvent en nature entre les mains du débiteur au jour de l'ouverture de la procédure collective, sous réserve de l'établissement d'un inventaire.

5. Pour ordonner la restitution des biens revendiqués, l'arrêt, après avoir constaté qu'un inventaire avait détaillé les biens d'exploitation et les stocks et que seules les petites pièces détachées n'étaient pas décrites mais mentionnées pour mémoire, relève que l'inventaire ne correspond pas à la liste complète des biens revendiqués produite par la société BNP. Il en déduit que l'inventaire ne correspond pas aux prévisions des dispositions de l'article L.622-6 du code de commerce et qu'il appartient, par conséquent, aux organes de la procédure de rapporter la preuve que les biens revendiqués ne se trouvaient plus en nature au jour de l'ouverture de la procédure.

6. En statuant ainsi, alors qu'ayant relevé que l'inventaire détaillait sur de nombreuses pages les biens d'exploitation et les stocks, elle ne pouvait déduire son caractère incomplet du seul fait qu'il ne correspondait pas à la liste des biens revendiqués par la société BNP, de sorte qu'en imposant au liquidateur de prouver que ces derniers biens n'existaient plus en nature entre les mains de la société débitrice au jour de l'ouverture de la procédure collective, quand il appartenait à la société BNP d'établir l'existence en nature des biens non inventoriés qu'elle revendiquait, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 8 octobre 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Grenoble ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Chambéry.