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Décisions

CA Lyon, 6e ch., 8 septembre 2022, n° 21/02312

LYON

Arrêt

PARTIES

Défendeur :

Auto MC (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Boisselet

Conseillers :

Mme Allais, Mme Robin

Avocat :

Me Braillard

Jur. prox. de Villeurbanne, du 14 janv. …

14 janvier 2021

FAITS, PROCEDURE ET DEMANDES DES PARTIES

M. [N] et Mme [L] épouse [N], ont acquis le 16 juillet 2019, par le biais d'une annonce parue sur internet, un véhicule d'occasion, de marque Renault Clio, immatriculé DZ 912 PS, auprès de la SAS Auto MC (la société Auto MC), pour un montant de 4.990 euros.

Par acte d'huissier du 24 juillet 2020, M. et Mme [N] ont fait assigner la société Auto MC devant le tribunal de proximité de Villeurbanne, aux fins d'obtenir, au bénéfice de l'exécution provisoire :

- la résolution de la vente intervenue le 16 juillet 2019,

- la condamnation de la société Auto MC, à leur restituer la somme de 5.990 euros sous astreinte de 50 euros par jour de retard, à compter du 15ème jour, suivant la signification du jugement à intervenir, le tribunal se réservant la liquidation de l'astreinte,

- la condamnation de la société Auto MC à récupérer, à ses frais le véhicule, entre les mains de M. et Mme [N],

- la condamnation de la société Auto MC à leur payer, la somme de 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.

Les demandeurs fondent leur demande, sur un défaut de conformité de la voiture, soutenant que la puissance est de 55 chevaux et non 90, comme indiqué dans l'annonce, et que l'absence de délivrance du certificat de conformité 1-C ne permet pas de changer la destination du véhicule, en cinq places.

Ils précisent avoir versé la somme totale de 5.590 euros, comprenant le prix du véhicule, outre 490 euros pour le certificat de conformité, et 110 euros pour la souscription d'une garantie Renault six mois, ces deux dernières sommes étant payées en liquide.

L'assignation ayant été délivrée, en application de l'article 659 du code de procédure civile, la société Auto MC n'a pas comparu à l'audience.

Par jugement du 14 janvier 2021, le tribunal de proximité de Villeurbanne a :

- rejeté l'ensemble des demandes de M. et Mme [N],

- rappelé que l'exécution provisoire assortit de plein droit le présent jugement,

- condamné in solidum M. [N] et Mme [N] aux dépens de l'instance.

Le tribunal a relevé que ni le certificat de cession, ni une copie du certificat d'immatriculation antérieur n'étaient produits, dans le cadre du bordereau de pièces et qu'un certificat de cession a certes été déposé, dans le dossier versé à l'audience, celui-ci ne comportant pas de numéro, mais portant sur un autre véhicule Clio, acheté auprès du même revendeur, le courrier des époux [N], évoquant la vente de deux véhicules Clio.

Par déclaration au greffe du 30 mars 2021, M. et Mme [N] ont interjeté appel du jugement précité.

Aux termes de conclusions régulièrement signifiées le 30 juin 2021, ils demandent à la Cour de :

- réformer le jugement du 14 janvier 2021 en toutes ses dispositions,

- déclarer recevable et bien fondée l'action de M. [N] et Mme [L] épouse [N] à l'encontre de la société Auto MC,

et statuant à nouveau de :

- condamner la société Auto MC, pour manquement à son obligation de délivrance conforme du véhicule vendu,

- prononcer la résolution de la vente intervenue le 16 juillet 2019 entre les parties, et portant sur le véhicule immatriculé [Immatriculation 5],

- condamner la société Auto MC à restituer à M. et Mme [N] la somme de 5.990 euros, correspondant au prix de vente, sous astreinte de 50 euros par jour de retard, à compter du 15ème jour, suivant la signification de l'arrêt à intervenir,

- se réserver compétence pour liquider l'astreinte,

- condamner la société Auto MC, à récupérer à ses frais, le véhicule entre les mains de M. [N] et de Mme [L],

- condamner la société Auto MC à payer à M. [N] et Mme [L] la somme de 1.500 euros, à titre de dommages et intérêts, compte tenu de sa particulière mauvaise foi et de sa résistance abusive

- condamner la société Auto MC à verser à M. [N] et Mme [L] la somme de 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la société Auto MC aux dépens de première instance et d'appel.

A l'appui de leurs prétentions, ils font valoir qu'ils ont tenté à plusieurs reprises de trouver une issue amiable, au litige en vain. Ils soutiennent au visa des articles L. 217-4 et suivants du code de la consommation, que le véhicule vendu, ne correspond pas aux mentions figurant dans l'annonce du site le bon coin.

Concernant les griefs formulés par le premier juge, ils exposent que le certificat d'immatriculation et l'accusé de réception portant sur la déclaration de cession du véhicule ont été produits. Ils ajoutent que si le numéro d'immatriculation figurant sur le certificat de cession ne correspond pas au véhicule litigieux, le numéro figurant sur l'accusé d'enregistrement relatif à la déclaration de cession du véhicule est conforme à la carte d'immatriculation produite, et il s'agit seulement d'une erreur de pièces. En effet les deux véhicules ont des immatriculations proches DZ 912 PS pour le véhicule litigieux et DZ 932 PS, pour le second véhicule. Ils communiquent cependant en cause d'appel, le certificat de cession du véhicule DZ 912 PS, objet du présent litige (pièce 12).

Ils transmettent également le certificat d'immatriculation antérieur, démontrant à leur sens, la non-conformité, concernant la puissance du véhicule. Ils ajoutent qu'ils n'auraient pas acquis ce véhicule s'ils avaient connu la réalité de cette faible puissance et qu'il s'agit d'un défaut de conformité substantiel. Ils précisent s'en être rendus compte, uniquement après la remise du certificat d'immatriculation.

Par ailleurs, le véhicule est présenté comme, un cinq places, mais l'absence de délivrance de l'annexe 1-C n'a pas permis le changement de destination. En outre, la carte grise mentionne J 3Deriv VP, ce qui signifie voiture particulière, c'est à dire un véhicule professionnel.

En outre, le document remis en guise d'annexe 1-C n'est pas conforme, or le défaut de remise des accessoires administratifs, c'est à dire des documents indispensables à une utilisation normale du véhicule doit être sanctionné par la résolution de la vente.

La société Auto MC n'a pas constitué avocat.

MOTIFS DE LA DECISION

En application de l'article 472 du code civil, lorsque le défendeur ne comparaît pas, le juge ne fait droit à la demande que s'il l'estime régulière, recevable et bien fondée.

- Sur le défaut de conformité,

Aux termes de l'article L. 217-4 du code de la consommation applicable lors de la vente du véhicule, le vendeur livre un bien conforme au contrat et répond des défauts de conformité existant lors de la délivrance.

Il répond également des défauts de conformité résultant de l'emballage, des instructions de montage ou de l'installation, lorsque celle-ci a été mise à sa charge par le contrat ou a été réalisée sous sa responsabilité.

Selon l'article L. 217-5 du même code, dans sa version en vigueur au moment de la conclusion du contrat, le bien est conforme au contrat :

1° S'il est propre à l'usage habituellement attendu d'un bien semblable et, le cas échéant :

- s'il correspond à la description donnée par le vendeur et possède les qualités que celui-ci a présentées à l'acheteur sous forme d'échantillon ou de modèle ;

- s'il présente les qualités qu'un acheteur peut légitimement attendre, eu égard aux déclarations publiques faites par le vendeur, par le producteur ou par son représentant, notamment dans la publicité ou l'étiquetage ;

2° Ou s'il présente les caractéristiques définies d'un commun accord par les parties ou est propre à tout usage spécial recherché par l'acheteur, porté à la connaissance du vendeur et que ce dernier a accepté.

En l'espèce, les époux [N] ont répondu à une annonce sur le site du bon coin, qui mentionnait la vente d'un véhicule « Renault Clio de 2016, modèle clio IV Air Médianav, 1.5 dci 90 ch, 5 portes banquette manquante, 1ère main, origine france et entretenue chez Renault avec historique d'entretien 30 décembre 2016, vendue avec attestation de conformité 490 euros en plus prix TTC 4.990 euros et prix hors taxe : 3.990 euros ».

Les époux [N] affirment que le véhicule qu'ils ont ainsi acquis immatriculer DZ 912 PS n'a pas la puissance attendue et n'est donc pas conforme au contrat conclu. Ils se réfèrent à la rubrique P2 du certificat d'immatriculation qui indique 55, donc bien en de ça de la puissance attendue.

Il importe préalablement de rappeler que la rubrique P2 concerne la puissance en Kw et ne correspond pas à la puissance en chevaux Dean précisée dans l'annonce. Néanmoins, un cheval dean est équivalent à 0,736 Kw et 1 kw à 1,36 chevevaux Dean, de sorte que la puissance en chevaux dean du véhicule est de 75 chevaux (55 x 1,36= 74,8), donc encore bien inférieure à celle figurant dans l'annonce de 90 chevaux.

La puissance d'un véhicule constitue un élément substantiel des caractéristiques de ce dernier, et donc un défaut de conformité manifeste.

Si les époux évoquent, ensuite à l'appui de leurs demandes, un autre défaut de conformité, soit l'absence de délivrance de l'attestation 1C, permettant le changement de destination du véhicule en cinq places, ils ne démontrent pas cette allégation. En effet, ils produisent une attestation manuscrite de la société Auto MC, faisant valoir que cette dernière ne correspond pas aux exigences légales. Cependant, la lecture de ce document révèle qu'il concerne le deuxième véhicule clio acquis, immatriculé DZ 932 PS, et ne présente en conséquence aucune valeur probante dans le cadre du présent dossier. En outre, il résulte de l'annonce du véhicule, objet du litige, qu'un coût supplémentaire est sollicité pour la délivrance du certificat de conformité d'un montant de 490 euros. Si les époux [N] indiquent avoir versé cette somme en espèces à la société Auto MC, cette simple allégation ne saurait suffire à justifier ce paiement.

En conséquence, le défaut de conformité ne peut être retenu que pour la mention d'une puissance du véhicule ne correspondant pas au véhicule livré, comme cela a été démontré précédemment. Ainsi, le véhicule, vendu en l'espèce par un professionnel, ne présente pas les qualités que M. et Mme [N] pouvaient légitimement attendre au regard de l'annonce de vente.

Enfin, conformément aux dispositions de l'article L. 217- 7 du code de la consommation, le défaut apparu, moins de six mois après la vente, est présumé avoir existé lors de celle-ci.

Le jugement déféré sera donc réformé en ce qu'il n'a pas retenu le défaut de conformité, étant précisé qu'il n'avait cependant pas l'ensemble des pièces transmises en cause d'appel.

- Sur la demande de résolution de la vente,

Il résulte de l'article L. 217-7 du code de la consommation, applicable aux faits de l'espèce, que l'acheteur est en droit d'exiger la conformité du bien au contrat. Il ne peut cependant contester la conformité, en invoquant un défaut qu'il connaissait ou ne pouvait ignorer, lorsqu'il a contracté. Il en va de même, lorsque le défaut à son origine dans les matériaux qu'il a lui-même fournis.

En l'espèce, les acquéreurs ne pouvaient avoir connaissance du défaut de conformité et l'ont découvert seulement après la transmission du certificat d'immatriculation.

Aux termes de l'article L. 217-9 dudit code, dans sa version à la date du contrat, en cas de défaut de conformité, l'acheteur choisit entre la réparation et le remplacement du bien.

Toutefois, le vendeur peut ne pas procéder selon le choix de l'acheteur, si ce choix entraîne un coût manifestement disproportionné au regard de l'autre modalité, compte tenu de la valeur du bien ou de l'importance du défaut. Il est alors tenu de procéder, sauf impossibilité, selon la modalité non choisie par l'acheteur.

L'article L. 217-10 du même code prévoit que si la réparation et le remplacement du bien sont impossibles, l'acheteur peut rendre le bien et se faire restituer le prix, ou garder le bien, et se faire rendre une partie du prix.

La même faculté lui est ouverte :

1° Si la solution demandée, proposée ou convenue en application de l'article L. 217-9 ne peut être mise en œuvre, dans le délai d'un mois suivant la réclamation de l'acheteur ;

2° Ou si cette solution ne peut l'être, sans inconvénient majeur pour celui-ci, compte tenu de la nature du bien et de l'usage qu'il recherche.

La résolution de la vente ne peut toutefois être prononcée si le défaut de conformité est mineur.

En l'espèce, le défaut de conformité relatif à la puissance du véhicule n'est pas un défaut mineur et une réparation du bien ou un remplacement est impossible.

Les époux [N] ont mis en demeure la société Auto MC pour trouver une solution au litige en vain, en raison d'un défaut d'adressage.

Il convient en conséquence d'ordonner la restitution réciproque du prix par le vendeur et du véhicule par l'acquéreur.

Il convient cependant de relever concernant la restitution du prix qu'il est sollicité la somme de 5.990 euros, qui correspond manifestement à un calcul erroné, les appelants indiquant avoir réglé la somme de 4.990 euros correspondant au prix du véhicule, celle de 490 euros au titre du certificat de conformité et celle de 110 euros pour la garantie. Ils précisent toutefois avoir versé ces deux dernières sommes en liquide.

Ils ne produisent aux débats qu'un chèque de banque du Crédit mutuel d'un montant de 4.990 euros, débité sur le compte de M. [O] [N] au bénéfice de la société Auto MC. Le versement en liquide allégué n'est aucunement justifié et en l'absence de preuve, le prix qui doit être retenu et restitué s'élève donc à 4.990 euros.

Par ailleurs, il est sollicité la condamnation de la société Auto MC à restituer le prix de vente sous astreinte de 50 euros par jour de retard, à compter de quinze jours après la signification de l'arrêt.

Cependant la nature du litige et les circonstances de l'affaire, étant précisé que la société Auto MC n'a pas été informée des différentes mises en demeures et de la procédure judiciaire, compte tenu des retours des courriers pour défaut d'adresse et des modalités de signification des actes d'huissier, justifient de ne pas assortir, à ce stade, la restitution du véhicule d'une astreinte. Dès lors, les époux [N] sont déboutés de leur demande de condamnation sous astreinte.

Par ailleurs, il convient de rappeler que concernant la restitution du véhicule, elle se fait sans frais pour l'acheteur, conformément aux dispositions de l'article L. 217-11 du code de la consommation, de sorte que les frais de restitution seront mis à la charge de la société Auto MC.

- Sur la demande de dommages et intérêts,

L'article L. 217-11 du code de la consommation, précise que ces mêmes dispositions ne font pas obstacle à l'allocation de dommages et intérêts.

Il est ainsi sollicité une somme de 1.500 euros, au regard de la mauvaise foi et de la résistance abusive de la société Auto MC.

Toutefois, comme il a été rappelé précédemment, la Société Auto MC n'a jamais été destinataire des courriers de mise en demeure et des différents actes de la procédure judiciaire. En outre, les époux [N] ne produisent aucun élément pouvant attester de la mauvaise foi ou d'une résistance abusive de la société Auto MC, l'absence de réponse dans les conditions précitées ne caractérisant pas les conditions légales, posées à l'octroi de dommages et intérêts.

Il convient en conséquence de rejeter cette demande.

- Sur les demandes accessoires,

La société Auto MC succombant principalement à l'instance sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel.

L'équité commande en outre de la condamner au paiement de la somme de 1.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, étant observé que la procédure d'appel est liée à l'absence de transmission par les requérants des pièces justificatives en première instance.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Réforme le jugement déféré en toutes ses dispositions,

Et statuant à nouveau,

Ordonne la résolution de la vente, conclue entre M. [N] et Mme [L] épouse [N] et la société Auto MC, portant sur le véhicule Clio immatriculé DZ 912 PS,

Condamne la société Auto MC à payer à M. [N] et Mme [L] épouse [N] la somme de 4.990 euros, au titre de la restitution du prix de vente,

Déboute M. [N] et Mme [L] épouse [N], de leur demande de prononcé d'une astreinte,

Ordonne à M. [N] et Mme [L] épouse [N] de restituer le véhicule Clio immatriculé DZ 912 PS à la société Auto MC, restitution aux frais de la société Auto MC,

Déboute M. [N] et Mme [L] épouse [N] de leur demande de dommages et intérêts,

Condamne la société Auto MC à payer à M. [N] et Mme [L] épouse [N] la somme de 1.500 euros, au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais exposés en première instance et en appel,

Condamne la société Auto MC aux dépens de première instance et d'appel,

Rejette les autres demandes.