Cass. com., 28 septembre 2022, n° 21-17.269
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
PARTIES
Demandeur :
P & M distribution (Sté)
Défendeur :
Abris conseil (Sté)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Darbois
Rapporteur :
M. Regis
Avocats :
SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, SCP Alain Bénabent
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Nîmes, 10 mars 2021), la société P & M distribution et la société Abris conseil ont conclu, le 19 novembre 2015, un contrat de distribution exclusive d'abris de piscine de la marque « Aquacomet ».
2. Invoquant un manquement de la société Abris conseil à ses objectifs d'achats annuels et à l'interdiction qui lui avait été faite de vendre d'autres abris de piscine que ceux de la marque Aquacomet, sur les secteurs relevant de l'exclusivité, la société P & M distribution lui a adressé, le 9 mai 2017, une lettre valant mise en demeure d'avoir à se conformer aux stipulations contractuelles dans le délai d'un mois, sous peine de résiliation de plein droit du contrat.
3. Le 9 juin 2017, la société P & M distribution a résilié unilatéralement le contrat aux torts de la société Abris conseil puis l'a assignée en indemnisation du préjudice subi du fait de la résiliation anticipée du contrat.
Examen du moyen,
Sur le moyen, pris en sa première branche,
Enoncé du moyen,
4. La société P & M distribution fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande d'indemnisation du fait de la résiliation anticipée du contrat, alors « que le juge doit constater la résolution lorsqu'il relève que les conditions d'application de clause résolutoire sont remplies, sans pouvoir apprécier la gravité du manquement imputable au débiteur ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté, d'une part, que le contrat de distribution octroyait au concédant le droit de résilier le contrat » par anticipation en cas de violation de l'un quelconque des engagements en résultant, l'article 7 du contrat stipulant ainsi qu'en cas de violation de l'exclusivité le concédant était « en droit de résilier le présent contrat, automatiquement et aux torts du concessionnaire », d'autre part, que cette clause résolutoire avait été mise en œuvre par le concédant par l'envoi d'une mise en demeure le 9 mai 2017, enfin, qu'il était établi que la société Abris conseil avait commis une faute contractuelle pour avoir « proposé deux abris de marque concurrente aux consorts [L] en méconnaissance de la clause d'exclusivité », de sorte que les conditions de la clause résolutoire étaient remplies ; qu'en refusant toutefois de constater la résolution du contrat aux torts exclusifs du concessionnaire et d'indemniser le concédant, au motif inopérant que ce manquement ne présentait pas une "gravité suffisante", la cour d'appel a violé les articles 1134 et 1184 du code civil, dans leur version antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016. »
Réponse de la Cour,
Vu l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 :
5. Selon ce texte, les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites.
6. Pour rejeter la demande d'indemnisation formée par la société P & M distribution au titre de la résiliation anticipée du contrat, l'arrêt, après avoir rappelé les termes de la clause prévoyant la résiliation automatique du contrat un mois après une mise en demeure restée sans effet, en cas de violation de l'un quelconque des engagements pris par les parties, puis relevé que la société Abris conseil avait proposé à la vente deux abris de marque concurrente, en violation de son engagement d'exclusivité, retient que cet acte isolé ne pouvait, à lui seul, justifier la résiliation du contrat aux torts exclusifs de la société Abris conseil et qu'en l'absence de preuve d'une faute d'une particulière gravité, la société P & M distribution ne pouvait valablement dénoncer le contrat aux torts exclusifs du concessionnaire.
7. En statuant ainsi, alors qu'à défaut de stipulation en ce sens, il n'appartient pas au juge d'apprécier la gravité du manquement justifiant la mise œuvre d'une clause prévoyant la résolution de plein droit du contrat en cas d'inexécution par l'une des parties de l'une quelconque de ses obligations, la cour d'appel a violé le texte susvisé.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce que, confirmant le jugement, il déboute la société P & M distribution de ses demandes en paiement des sommes de 433 802 euros et 50 000 euros en réparation de ses préjudices au titre du manque à gagner résultant de la résiliation anticipée du contrat et en indemnisation des investissements nécessaires à la mise en place d'un nouveau contrat de distribution sur le secteur et en ce qu'il statue sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile, l'arrêt rendu le 10 mars 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Nîmes ;
Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Montpellier.