Cass. 1re civ., 16 janvier 2013, n° 12-13.027
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
Attendu que la propriété littéraire et artistique ne protège pas les idées ou concepts, mais seulement la forme originale sous laquelle ils se sont exprimés ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X..., reprochant à la commune d'Avignon d'avoir utilisé, comme logo officiel, l'une de ses photographies représentant le pont Saint-Benezet dans des conditions portant atteinte à ses droits moraux et patrimoniaux d'auteur, l'a fait assigner en nullité du contrat de cession de droits antérieurement conclu et en réparation de son préjudice ;
Attendu que pour condamner in solidum la commune d'Avignon et l'Office du tourisme d'Avignon à payer à M. X... une certaine somme en réparation de l'atteinte portée à son droit moral et ordonner des mesures d'interdiction et de publication, l'arrêt énonce que les photographies du pont d'Avignon réalisées par M. X..., celle avec effet d'étirement comme celle avec effet de lumière orangée sans étirement, sont originales et portent l'empreinte de la personnalité de leur auteur, qui n'a reçu aucune instruction précise pour leur réalisation et qui a utilisé son talent et son sens artistique pour mettre en valeur ce pont par des choix adaptés quant à la perspective, aux effets de lumière et à l'angle de prise de vue ;
Qu'en statuant ainsi, alors que, selon ses propres constatations, la photographie comportant un effet d'étirement n'avait pas été versée aux débats, ni en original, ni sous forme de reproduction, en sorte qu'elle ne pouvait en apprécier l'originalité, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a constaté que la commune d'Avignon et l'Office du tourisme d'Avignon ont porté atteinte au droit moral de M. X... sur la photographie " Pont d'Avignon ", condamné in solidum la commune d'Avignon et l'Office du tourisme d'Avignon à payer à M. X... la somme de 30 000 euros en réparation de son préjudice et ordonné des mesures d'interdiction et de publication, l'arrêt rendu le 15 novembre 2011, entre les parties, par la cour d'appel de Nîmes ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Montpellier ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du seize janvier deux mille treize.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par la SCP Hémery et Thomas-Raquin, avocat aux Conseils, pour la commune d'Avignon.
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir constaté que la COMMUNE D'AVIGNON et l'OFFICE DU TOURISME D'AVIGNON avaient porté atteinte au droit moral de Monsieur Philippe X... sur la photographie " Pont d'Avignon " et de les avoir en conséquence condamnées in solidum à verser à Monsieur Philippe X... la somme de 30. 000 en réparation du préjudice ayant résulté d'une telle atteinte, prononçant en outre diverses mesures d'interdiction et de publication ;
AUX MOTIFS QU'« il existe bien un autre cliché photographique réalisé par Monsieur X... que celui produit en original dans la présente instance par les appelants et que cet autre cliché comporte un effet d'étirement du pont sur son aile gauche avec une lumière orangée qui a été utilisé dans la confection du nouveau logo de la ville en 1997 ; qu'en l'espèce, les photographies litigieuses du pont d'AVIGNON réalisées par Monsieur X..., celle avec effet d'étirement comme celle avec effet de lumière orangée sans étirement versée aux débats par les appelants sont originales et portent l'empreinte de la personnalité de leur auteur qui n'a reçu aucune instruction précise pour leur réalisation et qui a utilisé son talent et son sens artistique pour mettre en valeur ce pont par des choix adaptés quant à la perspective, aux effets de lumière et à l'angle de prise de vue ; qu'elles constituent donc des oeuvres protégées au sens des textes susvisés ; que la photographie litigieuse réalisée par Monsieur X..., avec effet d'étirement du pont, a été utilisée dans la confection du logo de la ville » (cf. arrêt, p. 4 in fine, p. 5 § 1er et 4) ;
ALORS, D'UNE PART, QUE la propriété littéraire et artistique ne protège pas les idées ou concepts, mais seulement la forme originale sous laquelle ils sont exprimés ; qu'en retenant, en l'espèce, que Monsieur Philippe X... aurait réalisé un autre cliché photographique que celui produit aux débats et que cet autre cliché photographique comporterait un effet d'étirement du Pont d'Avignon sur son aile gauche avec lumière orangée, qui aurait été utilisé dans la confection du logo de la VILLE D'AVIGNON et serait original et protégeable au titre du droit d'auteur, quand il résultait de ses propres constatations que ce cliché photographique n'avait pas été versé aux débats, en sorte qu'elle n'avait pas pu apprécier la réalisation et la forme particulières et spécifiques données dans le cliché photographique dont la protection était demandée, à l'idée de représenter le Pont d'Avignon avec un effet d'étirement sur son aile gauche et une lumière orangée et n'a dès lors pu apprécier que l'originalité de cette idée, la Cour d'appel a violé les articles L. 111-1 et L. 112-1 du Code de la propriété intellectuelle ;
ALORS, D'AUTRE PART, QUE le juge ne peut fonder sa décision sur des faits qui ne sont pas dans le débat ; qu'en déclarant original un cliché photographique avec effet d'étirement qui aurait été réalisé par Monsieur Philippe X... mais qui n'était pas produit aux débats, la Cour d'appel a violé l'article 7 du Code de procédure civile.