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Décisions

CA Lyon, 1re ch. civ. B, 27 septembre 2022, n° 20/06390

LYON

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Défendeur :

Quantium Reims (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Goursaud

Conseillers :

Mme Valette, Mme Lemoine

Avocats :

Selas Vogel & Vogel, SCP Baufume Et Sourbe, Selarl Bussillet Poyard, Me Juveneton

CA Lyon n° 20/06390

26 septembre 2022

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :

Le 20 mai 2015, Mr [X] [Z] a fait l'acquisition auprès de la société Le Vignoble, distributeur et réparateur Audi, d'un véhicule Audi R8 immatriculé [Immatriculation 7], 1ère mise en circulation le 7 avril 2009, moyennant la somme de 70 000 €.

Mr [Z], se plaignant d'une problème de niveau d'huile, s'est rendu à plusieurs reprises auprès du garage Central Autos Audi entre le 23 mai 2015 et le 27 novembre 2015 et cette entreprise a préconisé le remplacement du moteur.

Le 5 février 2016, des opérations d'expertise amiable ont été diligentées sur le véhicule par le cabinet Ceteca Verneau, mandaté par Volkswagen Versicherung, assureur du véhicule, laquelle a refusé une prise en charge au titre de la garantie.

Mr [Z] a par ailleurs mandaté la société d'expertise et de services, également aux fins d'expertise, laquelle a déposé un rapport le 1er juillet 2016 émettant l'avis d'une déficience de la boîte de vitesses due à une usure lente dont l'origine était antérieure à la vente.

Mr [Z] a sollicité en référé une mesure d'expertise judiciaire du véhicule, laquelle a été ordonnée par décision du 24 octobre 2016 au contradictoire de la société Volkswagen Versicherung, assureur du véhicule.

Mr [O], désigné en remplacement d'un premier expert, a déposé son rapport le 15 janvier 2018.

Par exploit d'huissier du 17 janvier 2018, Mr [Z] a fait assigner la société Le Vignoble devant le tribunal de grande instance de Lyon aux fins d'obtenir la résolution de la vente de son véhicule et la société Le Vignoble a appelé en garantie la société Volkswagen Group France, importateur des véhicules de marque Audi.

Par jugement du 13 octobre 2020, rectifié le 3 novembre 2020, le tribunal judiciaire de Lyon a :

- rejeté l'intégralité des demandes de Mr [Z],

- déclaré sans objet l'appel en garantie dirigé à l'encontre de la société Volkswagen Group France,

- condamné Mr [Z] à payer à la société Le Vignoble la somme de 1 500 € au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné Mr [Z] à payer à la société Volkswagen Group France la somme de 1 500€ au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné Mr [Z] aux dépens,

- rejeté les demandes plus amples ou contraires des parties.

Par déclaration du 18 novembre 2020, Mr [Z] a interjeté appel de l'ensemble des chefs du jugement.

Au terme de ses dernières conclusions notifiées le 15 octobre 2021, Mr [X] [Z] demande à la cour de :

- dire et juger son action recevable,

Infirmant le jugement dont appel et jugeant à nouveau,

- juger que le véhicule est entaché de vices cachés le rendant impropre à sa destination,

- juger que la SAS Le Vignoble, vendeur professionnel du véhicule litigieux, engage sa responsabilité sur le fondement de l'article 1641 du code civil,

En conséquence,

- condamner la SAS Le Vignoble, vendeur professionnel, à réparer l'entier dommage et les préjudices subis par lui,

- prononcer la résolution de la vente intervenue le 21 mai 2015 entre lui-même et la SAS Le Vignoble concernant le véhicule Audi R8 V10 immatriculé [Immatriculation 7],

À tout le moins,

- prononcer la nullité de ladite vente en raison de la réticence dolosive imputable à la SAS Le Vignoble, et à tout le moins en raison de l'absence d'information précontractuelle suffisante sur les qualités substantielles du bien et de l'erreur sur les qualités substantielles du véhicule,

En tout cas,

- condamner la SAS Le Vignoble à lui payer la somme de 70 000 € TTC au titre de la restitution du prix du véhicule,

- ordonner la restitution par lui-même du véhicule Audi R8 V10 immatriculé [Immatriculation 7] dans les lieux où il se trouve et aux frais de la société, après la restitution du prix de 70 000 €,

- condamner la SAS Le Vignoble à lui payer les sommes suivantes :

 2 349,50 € au titre des frais de carte grise qu'il a réglés,

 4 584,77 € au titre des frais de changement de pièces et d'assistance du garage Central Auto à l'expertise judiciaire,

 1 168,44 € des frais de changement de pièces opéré par le garage Central Auto,

 6 854,36 € au titre des frais de gardiennage du garage Central Auto,

 5 678,06 € au titre des frais d'expertise amiable et d'assistance à expertise judiciaire de la société d'expertise intervenue aux côtés de Mr [Z],

 3 000 € à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral,

- condamner la même au paiement d'une somme de 12 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile au titre de la procédure de première instance,

- condamner la même aux dépens, aux dépens de l'instance de référé et de l'instance de fond, outre le paiement des dépens, comprenant les frais d'expertise judiciaire (taxés à la somme de 9 610,61 €), distraits au profit de Maître Isabelle Juveneton, avocat sur son affirmation de droit,

Y ajoutant,

- condamner la SAS Le Vignoble à lui régler une somme de 4 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile au titre de la procédure d'appel,

- condamner la SAS Le Vignoble aux dépens de la présente instance d'appel,

En tout état de cause,

- rejeter toutes demandes formulées par les parties intimées.

Au terme de ses conclusions notifiées le 10 mai 2021, la SAS Le Vignoble dont la nouvelle dénomination sociale est société Quantium Reims by autosphère, demande à la cour de :

- confirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Lyon le 13 octobre 2020 en toutes ses dispositions,

- débouter Mr [Z] de l'ensemble de ses demandes,

Y ajoutant,

- condamner Mr [Z] à lui verser la somme de 3 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et en tous les dépens,

À titre subsidiaire,

- débouter Mr [Z] de ses demandes au titre des frais d'expertise, des frais de gardiennage et de son préjudice moral,

En tout état de cause,

- condamner Mr [Z] en tous les dépens.

Au terme de ses dernières conclusions notifiées le 27 octobre 2021, la société Volkswagen Group France demande à la cour de :

- dire et juger qu'aucune demande n'est formée à son encontre,

- confirmer le jugement rendu le 13 octobre 2020 par le tribunal judiciaire de Lyon en toutes ses dispositions,

En toute hypothèse :

- juger que toute action à son encontre est prescrite, et ce, depuis le 7 avril 2014, le véhicule objet de la présente procédure ayant été mis en circulation le 7 avril 2009 selon les pièces versées aux débats et l'assignation à son encontre ayant été délivrée le 9 septembre 2016, soit postérieurement au délai de prescription quinquennale,

- juger que la preuve d'un éventuel « vice caché » ou d'une éventuelle « non-conformité » n'est aucunement rapportée, l'expert judiciaire ayant conclu que « la valeur de consommation d'huile relevée est inférieure aux préconisations du constructeur »,

- juger que les sommes demandées à son encontre ne sont justifiées ni dans leur principe, ni dans leur montant,

En conséquence,

- rejeter toute demande de condamnation formée à son encontre,

- débouter toute partie de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions dirigées à son encontre,

- condamner Mr [Z] à lui verser la somme de 6 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner Mr [Z] aux entiers dépens, dont distraction au profit de la SCP Baufumé et Sourbé en application de l'article 699 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 28 octobre 2021.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère, pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, à leurs conclusions écrites précitées.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Il convient au préalable de constater qu'aucune demande n'est formée à l'encontre de la société Volkswagen Group France, la société Le Vignoble n'ayant pas repris devant la cour sa demande subsidiaire de condamnation en garantie à l'encontre de cette société.

1. sur la demande de résolution de la vente du véhicule :

Mr [Z] sollicite au principal la résolution de la vente du véhicule sur le fondement de l'article 1641 du code civil et donc la garantie des vices cachés.

Il fait valoir notamment que :

- son véhicule est affecté de façon récurrente et anormale d'un problème de surconsommation d'huile et que ce désordre qui l'oblige à rajouter de l'huile tous les 1 000 km et à se rendre 7 à 8 fois par an auprès d'un professionnel, au risque sinon de brûlures et d'incendie, empêche une utilisation normale du véhicule et le rend impropre à sa destination,

- la valeur donnée par le constructeur qui résulte uniquement d'un document établi en interne, ne lui est pas opposable,

- par ailleurs, le document évoqué par l'expert se référant à une indexation de la consommation d'huile sur la consommation de carburant dont on ignore l'origine et les références ne peut avoir une valeur normative,

- cette surconsommation ne peut être causée que par une mauvaise étanchéité segments/cylindres ou/et soupapes/guides,

- en outre, le prix payé n'est pas en adéquation avec la qualité substantielle du véhicule,

- faute pour le vendeur d'avoir attiré son attention sur le vice, il doit être considéré qu'il était caché et inconnu de lui au moment de la vente.

La société Le Vignoble déclare que :

- le véhicule n'est affecté d'aucun défaut empêchant un usage normal et la consommation d'huile relevée est largement inférieure aux tolérances d'un constructeur,

- l'expert n'a déterminé aucun défaut technique affectant le véhicule,

- ses appréciations sur l'aberration de la consommation sont techniquement erronées et ne correspondent pas à ses investigations qui ont démontré que la consommation d'huile est normale.

Sur ce :

L'article 1641 du code civil dispose que le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l'usage auquel on la destine, ou qui diminuent tellement cet usage que l'acheteur ne l'aurait pas acquise, ou n'en aurait donné qu'un moindre prix, s'il les avait connus.

Le rapport d'expertise de Mr [O] mentionne qu'après plusieurs essais routiers il a été mesuré une consommation d'huile de :

- 0,273 litres pour 1 000 km pour une circulation 100 % autoroute (essai N° 1),

- 0,497 litres pour 1 000 km pour une circulation 60 % autoroute et 40 % route (essai N° 2),

- 0,486 litres pour 1 000 km pour une circulation 60 % autoroute et 40 % route (essai N° 3).

Il retient donc pour les conditions de circulation mixte autoroute/route une consommation moyenne de 0.491 litres d'huile pour 1 000 km.

Il relève que la valeur de consommation d'huile relevée est inférieure aux préconisations du constructeur, pour lequel la consommation reste acceptable si elle ne dépasse pas l litre/1 000 km, ainsi qu'indiqué sur le livret d'utilisation

Ainsi, si les tests ont été réalisés dans des conditions de roulage propices (en partie sur autoroute) et avec de l'huile neuve, il n'en reste pas moins que la consommation relevée par l'expert à l'occasion de ses essais est d'environ la moitié de celle préconisée au maximum par le constructeur.

Mr [Z] critique cette norme mais ne fait référence à aucun autre document normatif qui définirait le taux à partir duquel une consommation peut être qualifiée d'anormale.

L'expert mentionne d'ailleurs que la quantité d'huile à renouveler entre deux vidanges qu'une telle consommation implique est annoncée à la clientèle par quasiment tous les constructeurs.

L'expert précise également qu'il est communément admis un maximum de 0.3 % de la consommation de carburant et qu'en l'espèce, pour le véhicule litigieux, l'application de ce pourcentage sur la consommation de carburant, soit 131,5 x 0,3 %, donnerait une consommation de 0.395 litre pour 1 000 km.

Même par référence à ce que l'expert considère comme communément admis en pourcentage de la consommation de carburant (0,3 %), taux d'ailleurs non retenu dans une note d'un premier expert désigné que produit la société Volkswagen Group France (pièce 7) qui fait état d'une tolérance de consommation d'huile de 0,5 % de la consommation d'essence, la consommation effectivement constatée sur le véhicule acquis par Mr [Z], bien que supérieure au taux de 0,3 % ci-dessus mentionné, ne peut en tout état de cause être qualifiée d'excessivement anormale compte tenu de la cylindrée du moteur du véhicule, soit 5,2 litres.

Par ailleurs, l'appréciation de l'expert selon laquelle hormis une utilisation sur circuit ou majoritairement urbaine, la consommation d'l litre d'huile pour 1000 km est une aberration, même pour un véhicule de cette cylindrée, quelque peu subjective, ne suffit pas non plus à caractériser un défaut étant relevé au surplus que la consommation effectivement relevée dans le cas du véhicule de Mr [Z] est inférieure à ce chiffre de plus de la moitié.

L'expertise n'a mis en évidence aucun défaut technique ou vice d'un organe affectant le véhicule et à cet égard, l'expert n'a pas fait démonter le moteur pour des raisons qu'il explique en page 31 de son rapport dont le coût et la durée de l'expertise jugés trop élevés par le demandeur.

Il est constant enfin, et ce point n'est pas discuté, que Mr [Z] a toujours été en mesure de conduire son véhicule et qu'il a parcouru plus de 20 000 km entre la date d'achat le 20 mai 2015, (35 055 km bon de commande pièce 7) et le 30 septembre 2021 (55 989 km facture pièce 58).

En définitive, s'il n'est pas douteux que la consommation d'huile de ce véhicule de forte cylindrée acquis par Mr [Z] pour un coût élevé est importante, elle ne suffit pas à caractériser l'existence d'un défaut caché affectant le véhicule au sens de l'article 1641 du code civil dont les conditions ne sont pas réunies en l'espèce.

Le jugement est confirmé en ce qu'il a débouté Mr [Z] de sa demande en résolution de la vente du véhicule et de ses demandes en paiement fondées sur l'existence de vices cachés.

2. sur la demande en nullité de la vente :

A titre subsidiaire et pour la première fois devant la cour, Mr [Z] sollicite la nullité de la vente sur le fondement de la réticence dolosive et en tout cas en raison de l'absence d'information pré contractuelle à l'origine d'une erreur sur les qualités substantielles du bien vendu ainsi qu'exigé par les articles L 111-1 du code de la consommation et 1132 et 1137 du code civil.

Il soutient que la consommation importante du véhicule était une information essentielle sur les caractéristiques du véhicule qui aurait dû lui être transmise avant la formation du contrat de vente, que l'ajout d'huile est particulièrement difficile sur ce véhicule obéissant à un processus technique, complexe et dangereux pour un particulier et qu'il était nécessaire de transmettre l'information selon laquelle il convient d'adresser le véhicule tous les 1 000 km à un garagiste pour éviter de casser le véhicule.

La cour relève que Mr [Z] ne justifie pas par les pièces qu'il verse aux débats avoir été contraint de s'adresser à son garagiste tous les 1.000 km pour un appoint d'huile et ce d'autant que les investigations de l'expert ont abouti à une consommation variant entre 0,273 litres et 0,497 litres pour 1 000 km.

Par ailleurs, l'information selon laquelle la remise à niveau d'huile peut être délicate pour un non professionnel sur ce type de véhicule ne constitue pas une information concernant les caractéristiques essentielles du véhicule, telle que figurant sur la liste édictée par l'article L 111-1 du code de la consommation.

Les conditions de l'annulation de la vente de ce véhicule pour réticence dolosive, absence d'information pré-contractuelle sur les qualités substantielles du bien ou erreur sur les dites qualités substantielles ne sont pas davantage réunies.

Il convient, ajoutant au jugement, de débouter Mr [Z] de sa demande tendant au prononcé de la nullité de la vente du véhicule.

3. sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile :

Le jugement est confirmé en ses dispositions relatives aux dépens et à l'application de l'article 700 du code de procédure civile sauf en ce qu'il a condamné Mr [Z] à verser à ce titre une somme à la société Volkswagen Group France.

Il apparaît en effet que Mr [Z] n'est pas à l'origine de l'appel en cause de cette société devant le premier juge et qu'il n'avait formé aucune prétention à son encontre.

La cour estime par contre que l'équité commande de faire application de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel au profit de la société Le Vignoble, mais également de la société Volkswagen Group France que Mr [Z] a intimé devant la cour sans pour autant former la moindre demande à son encontre, et leur alloue à ce titre et à chacune d'elle la somme de 1 500 €.

Les dépens d'appel sont à la charge de Mr [Z] qui succombe en sa tentative de remise en cause du jugement.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions sauf en ce qu'il a condamné Mr [Z] à payer à la société Volkswagen Group France la somme de 1 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Statuant de nouveau et y ajoutant,

Déboute la société Volkswagen Group France de sa demande formée en première instance à l'encontre de Mr [Z] au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Déboute Mr [X] [Z] de sa demande formée devant la cour tendant au prononcé de la nullité de la vente du véhicule.

Condamne Mr [X] [Z] à payer à la société Le Vignoble, dont la nouvelle dénomination sociale est société Quantium Reims by autosphère, et à la société Volkswagen Group France, à chacune d'elle, la somme de 1 500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.

Rejette le surplus de leurs demandes.

Condamne Mr [X] [Z] aux dépens d'appel et accorde aux avocats qui en ont fait la demande le bénéfice de l'article 699 du code de procédure civile.