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Décisions

Cass. com., 1 décembre 1987, n° 85-13.552

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

Versailles, du 05 Mars 1985

5 mars 1985

Attendu que, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 5 mars 1985), la société Kirkbi et la société Lego, respectivement fabricante et distributrice de jouets, ont demandé la condamnation de la société Young et Rubicam et de la société des Marchés et usines Auchan (société Auchan) pour contrefaçon de marques, contrefaçon d'un modèle et pour des " agissements parasitaires ", la société Young et Rubicam ayant conçu et fait apposer pour le compte de la société Auchan des affiches représentant sous l'inscription " Hyper jouets à prix Auchan " un modèle réduit de voiture de course construit avec des éléments encastrables de marque Lego, celle-ci, qui figurait en relief sur chaque élément, étant lisible sur l'affiche ; .

Sur le premier moyen, pris en ses deux branches :

Attendu que les sociétés Kirkbi et Lego font grief à la cour d'appel d'avoir rejeté la demande de constatation de contrefaçon de marques, alors que, selon le pourvoi, d'une part, méconnaît les droits attachés à la propriété d'une marque de fabrique le revendeur qui reproduit et utilise cette marque dans une publicité en faveur d'un ensemble de marchandises comprenant des produits concurrents de ceux revêtus de la marque ; que la cour d'appel, qui relève que la campagne publicitaire de la société Auchan en vedette tendait à attirer la clientèle dans ses magasins en mettant les jouets " Lego " et en utilisant les marques les protégeant, n'a pas recherché si cette société ne distribuait pas de jouets concurrents et ne s'efforçait pas d'en augmenter la vente en se servant des marques Lego comme marques d'appel ; que l'arrêt attaqué est ainsi dépourvu de base légale au regard des articles 422 du Code pénal et 1382 du Code civil et alors que, d'autre part, en ne recherchant pas, comme l'y invitaient les sociétés Kirkbi et Lego dans leurs conclusions, si la reproduction et l'utilisation de marques " Lego " dans la publicité de la société Auchan étaient compatibles avec leur propre politique de promotion commerciale, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 422 du Code pénal et 1382 du Code civil ;

Mais attendu, d'une part, qu'au vu des affiches qui ne reproduisaient pas d'autre marque que les marques Lego, la cour d'appel, par motifs propres et adoptés, a constaté que la société Auchan avait " en réserve un nombre suffisant de boîtes de Lego pour satisfaire à la demande " ;

Attendu, d'autre part, que les sociétés Kirkbi et Lego ne sauraient reprocher à la cour d'appel de n'avoir pas recherché si la publicité incriminée était compatible avec leur politique commerciale dès lors que leurs conclusions, à défaut de précisions sur une incompatibilité, n'étaient assorties d'aucune offre de preuve ;

Qu'en l'état de ces énonciations et constatations, la cour d'appel a légalement justifié sa décision de ce chef ;

D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

Sur le deuxième moyen :

Attendu que les sociétés Kirkbi et Lego font également grief à la cour d'appel d'avoir rejeté la demande de constatation d'une contrefaçon d'une oeuvre protégée par un droit d'auteur, alors que, selon le pourvoi, aux termes de l'article 40 de la loi du 11 mars 1957, toute reproduction intégrale ou partielle faite sans le consentement de l'auteur ou des ayants droit ou ayants cause est illicite ; qu'en l'espèce, il résulte des énonciations de l'arrêt attaqué que la société Young et Rubicam a reproduit sur des affiches aux fins d'une campagne publicitaire commandée par la société Auchan, une maquette de voiture de course sur laquelle la société Kirkbi était investie d'un droit d'auteur, sans obtenir l'autorisation de celle-ci ; qu'en estimant néanmoins que les sociétés Auchan et Young et Rubicam n'avaient pas porté atteinte au droit d'auteur de la société Kirkbi, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et, de ce fait, a violé la disposition susvisée ;

Mais attendu que la cour d'appel qui avait déjà relevé que la société Auchan avait une réserve d'une certaine importance, a énoncé que le modèle n'était pas un produit fini destiné à être vendu tel quel, mais une maquette dont la vocation était au contraire d'être réalisée par les utilisateurs ; qu'elle figurait dans les catalogues " Lego " avec toutes les explications de montage ; qu'en ajoutant que la société Auchan, revendeur des éléments de construction " Lego ", pouvait, à titre de démonstration, présenter dans sa vitrine ou sur des affiches publicitaires des maquettes construites avec ces éléments conformément aux instructions fournies dans les catalogues " Lego ", la cour d'appel a retenu que le consentement de l'auteur pour la reproduction de l'oeuvre résultait nécessairement des relations commerciales qui existaient entre les parties ; qu'en l'état de ces énonciations et constatations, la cour d'appel a légalement justifié sa décision de ce chef ; d'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le troisième moyen :

Attendu que les sociétés Kirkbi et Lego font enfin grief à la cour d'appel d'avoir rejeté leur demande de dommages-intérêts pour concurrence déloyale et parasitaire alors que, selon le pourvoi, en statuant par des motifs qui ne répondaient pas aux conclusions prises par ces sociétés selon lesquelles la publicité de la société Auchan avait pour but et pour effet d'attirer la clientèle vers l'ensemble des jouets distribués par la société Auchan, parmi lesquels figuraient des jouets concurrents de ceux fabriqués et vendus par les sociétés Kirkbi et Lego, circonstances qui établissaient tant la faute que le préjudice, la cour d'appel a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;

Mais attendu qu'en rejetant tout préjudice " ne serait-ce que sur le plan moral ", la cour d'appel a répondu aux conclusions qui ne visaient expressément qu'un préjudice de cette nature ; que le moyen est sans fondement ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi