Cass. com., 17 décembre 1991, n° 89-20.900
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Dijon, 12 septembre 1989), que la société Intexal, qui diffuse les marques Rodier, Korrigan et Vitos, a conclu, le 5 février 1988, un contrat de franchise avec la société Vanelie, l'autorisant à exploiter à Mâcon, sous l'enseigne Rodier, un fonds de commerce situé ... ; que ce fonds jouxtait celui de même nature appartenant à Mlle ChrissyX..., qui y vend, depuis 1974, des vêtements féminins dont la plupart portent les mêmes marques que celles concédées à la société Vanelie ; que, par arrêt du 1er juillet 1988, la cour d'appel a interdit sous astreinte à cette société de distribuer les produits Rodier, et a décidé que la société Vanelie devrait être garantie par la société Intexal ; que cette dernière a alors racheté le fonds de commerce litigieux, et, sous l'enseigne "Belles et bulles", a exploité une "solderie" où elle a diffusé ses propres produits démarqués ; que Mlle X... a formé une demande visant à interdire à la société Intexal de réitérer ses agissements constitutifs de concurrence illicite ; Attendu que la société Intexal reproche à l'arrêt d'avoir confirmé le jugement ordonnant la fermeture du fonds de commerce "Belles et bulles", et décidé que l'interdiction d'exploiter ce commerce durerait un an à compter de la décision qu'elle confirmait, et qu'après cette année, la société Intexal ne serait admise à se
réimplanter à Mâcon qu'au-delà d'un rayon de 500 mètres de l'entrée du commerce de Mlle X..., alors, selon le pourvoi, d'une part, qu'un juge ne peut prendre de mesure que pour remédier à une situation illicite et la faire cesser ; que l'exploitation d'un fonds de commerce ne saurait, par elle-même, être illicite, seul le mode d'exploitation du fond pouvant aboutir à une situation illicite ; qu'en l'espèce actuelle, à supposer que l'exploitation d'une solderie par la société Intexal ait constitué,
dans les conditions où elle était exploitée, un acte de concurrence illicite à l'égard de Mlle X..., il incombait aux juges de réglementer l'exploitation, en interdisant les actes illicites, mais qu'ils ne pouvaient, en aucun cas, sans violer le principe de la liberté du commerce et de l'industrie instituée par la loi Le Chapelier des 14 et 17 juin 1791, ordonner la fermeture du fonds de commerce de la société Intexal ; et alors, d'autre part, que le principe de la liberté du commerce et de l'industrie et le principe de la libre concurrence impliquent qu'un commerçant peut s'établir en tout point du territoire national, sous réserve de ne commettre aucun acte illicite et, en particulier, de ne pas créer une confusion avec un autre fonds de commerce ; qu'à supposer que la création d'une solderie à côté du magasin de Mlle X... ait pu créer une confusion avec le commerce de celle-ci, les juges du fond avaient la faculté d'imposer à la société Intexal les mesures propres à éviter la confusion, mais ils n'avaient pas le droit, ni de lui interdire d'exploiter son commerce au lieu où elle l'avait implanté, ni de lui interdire de réimplanter le fonds de commerce "Belles et bulles" dans un rayon de 500 mètres de l'entrée du commerce de Mlle X... ; Mais attendu qu'après avoir retenu, dans l'exercice de son pouvoir souverain, la réitération des agissements de concurrence illicite commis par la société Intexalqui persistait à diffuser, dans les locaux jouxtant ceux de Mlle X..., des produits, certes démarqués, mais identiques à ceux vendus par cette dernière, la cour d'appel, sans méconnaître le principe de la liberté du commerce et de l'industrie, n'a fait qu'user de la faculté d'ordonner les mesures permettant de mettre un terme immédiat à ces actes illicites, dès lors que la fermeture était limitée dans le tems et dans l'espace ; Que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ; Sur la demande présentée au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile :
Attendu que Mlle X... sollicite l'allocation d'une somme de 8 000 francs par application de ce texte ; Attendu qu'il y a lieu d'accueillir cette demande ; PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;