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Décisions

Cass. com., 31 janvier 2012, n° 11-14.317

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

Pau, du 27 janv. 2011

27 janvier 2011

Attendu que la société X... chaussures fait grief à l'arrêt de dire que la société X... chausseur pouvait utiliser sa dénomination sociale ou le terme distinctif X... pour désigner son point de vente situé 13 rue Serviez à Pau et sur ses produits, à savoir pour les chaussures de femmes fabriquées par la société Paco Valiente qui sont présentées dans ce magasin, alors, selon le moyen :

1°/ que l'article L. 713-6 du code de la propriété intellectuelle n'est applicable qu'afin de réglementer l'usage antérieur d'une dénomination
sociale, d'un nom commercial, d'une enseigne ou d'un nom ; qu'une telle dérogation aux droits du propriétaire de la marque n'est pas prévue pour une utilisation antérieure à titre de marque d'usage ; qu'en décidant pourtant, en l'espèce, que la société X... chausseur pourrait continuer à apposer la marque " X... chausseur " à l'intérieur de certaines chaussures vendues dans l'un de ses magasins puisqu'elle établissait faire cet usage avant son enregistrement par la société X... chaussures, la cour d'appel a violé, par fausse application, le texte précité ;

2°/ que la cour d'appel a rejeté la demande de la société X... chaussures tendant à voir interdire l'usage par la société X... chausseur du terme distinctif X... pour désigner son point de vente 13 rue Serviez à Pau en considérant qu'il était justifié par application des dispositions de l'article L. 713-6 du code de la propriété intellectuelle ; qu'en ne répondant aux conclusions de la société X... chaussures qui faisait valoir que cette utilisation à titre d'enseigne devait être interdite en ce qu'elle constituait un acte de concurrence déloyale puisqu'elle-même utilisait, pour exercer la même activité et dans la même région, la même enseigne pour désigner ses points de vente, l'arrêt viole l'article 455 du code de procédure civile ;

Mais attendu, d'une part, qu'ayant retenu que la société X... chausseur justifiait qu'elle commercialisait de bonne foi depuis 1996 des chaussures pour femmes marquées de l'appellation " X... chausseur " sur son point de vente situé au 13 rue Serviez à Pau, la cour d'appel a, à bon droit, autorisé cette société à poursuivre l'utilisation des signes " X... chausseur " et " X... " sur ses produits dans ce magasin exclusivement ;

Et attendu, d'autre part, qu'ayant retenu que la société X... chausseur ne pourra plus utiliser la dénomination sociale que pour son commerce susvisé et exploité sous l'enseigne " X... chausseur " avant l'enregistrement de la marque, la cour d'appel a répondu, en les écartant, aux conclusions prétendument délaissées ;

D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

Mais sur le premier moyen du pourvoi principal, pris en sa première branche :

Vu l'article L. 714-5 du code de la propriété intellectuelle ;


Attendu qu'une marque fait l'objet d'un usage sérieux lorsqu'elle est utilisée conformément à sa fonction essentielle qui est de garantir l'identité d'origine des produits ou des services pour lesquels elle a été enregistrée ;

Attendu que pour rejeter la demande de déchéance des marques enregistrées par la société X... chaussures pour défaut d'exploitation, l'arrêt retient que cette société établissait avoir utilisé les signes X... et X... chausseur à titre d'enseigne et dans une adresse Internet ;

Attendu qu'en statuant ainsi, alors que l'usage sérieux d'une marque suppose l'utilisation de celle-ci sur le marché pour désigner des produits ou des services protégés, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
Et sur le même moyen, pris en sa seconde branche :

Vu l'article L. 714-5 du code de la propriété intellectuelle ;

Attendu que l'arrêt retient encore que la société X... chaussures démontre que trois mois au moins avant la date de l'assignation, elle utilisait les marques déposées contestées ;

Attendu qu'en se déterminant ainsi, sans rechercher si chacune des marques en cause avait fait l'objet d'un usage sérieux à titre de marque de la part de la société X... chaussures sur les produits visés dans l'enregistrement pendant la période ininterrompue de cinq ans ayant précédé la demande de déchéance, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;

PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :

REJETTE le pourvoi incident ;

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il a dit que la société X... chausseur peut utiliser sa dénomination sociale ou le terme distinctif " X... " pour désigner son point de vente situé au 13 rue Serviez à Pau et sur ses produits, à savoir pour les chaussures de femmes fabriquées par la société Paco Valiente qui sont présentées dans ce magasin exclusivement, l'arrêt rendu le 27 janvier 2011, entre les parties, par la cour d'appel de Pau ; remet, en conséquence, sauf sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Bordeaux ;


Condamne la société X... chaussures aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer à la société X... chausseur la somme de 2 500 euros et rejette sa demande ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du trente et un janvier deux mille douze.