CA Paris, Pôle 5 ch. 2, 5 juin 2015, n° 14/04378
PARIS
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Défendeur :
Twentieth Century Fox Home Entertainment France (Sté), GIE FOX Pathe Europa (Sté), New Regency Productions INC (Sté), Strike Entertainment INC (Sté)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Aimar
Conseillers :
Mme Nerot, Mme Renard
Se prévalant du dépôt, dûment renouvelé, à la Société des Auteurs et Compositeurs Dramatiques (SACD) des versions successives du scénario intitulé « Kronos », les 05 janvier 2004, 23 décembre 2005 et 03 août 2006 ainsi que de dépôts en versions française et anglaise au Bureau des oeuvres protégées des Etats-Unis, le Copyright Office of the United States, de leur transmission à des professionnels du secteur cinématographique - parmi lesquels des proches de Monsieur Andrew N., réalisateur de l'oeuvre cinématographique « Time Out » sortie en salles de spectacle aux Etats-Unis le 28 octobre 2011 puis en France le 23 novembre 2011 - et de l'existence de nombreuses ressemblances entre ces scenarii et ce film, Monsieur Edwin K., par actes des 03, 04 juillet 2012, 16 novembre 2012 et 04 janvier 2013, a assigné en contrefaçon de droits d'auteur ainsi qu'en concurrence déloyale Monsieur Andrew N. qui a écrit, réalisé et produit ce film (« In time » en version originale) outre les sociétés coproductrices et distributrices, à savoir : les sociétés 20th Century Fox SA, Twentieth Century Fox Inc., le GIE Fox Pathé Europa ainsi que les sociétés de droit étranger Regency Enterprises « New Regency Pictures » et Strike Entertainment.
Par jugement contradictoire rendu le 16 janvier 2014, le tribunal de grande instance de Paris s'est, en substance et sans prononcer l'exécution provisoire, déclaré compétent pour connaître des faits de contrefaçon, de concurrence déloyale et de parasitisme commis sur le territoire national, à l'exclusion des faits commis à l'étranger, a rejeté les demandes du requérant fondées sur la contrefaçon des scenarii Kronos ainsi que celles fondées sur la concurrence déloyale et le parasitisme en rejetant la demande reconventionnelle des défendeurs fondée sur l'abus de procédure mais en condamnant le demandeur à leur verser une somme de 20.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter les dépens.
Par dernières conclusions notifiées le 24 mars 2015, Monsieur Edwin K., appelant, demande pour l'essentiel à la cour, au visa des articles L. 111-1, L. 112-1, L. 112-2, L. 113-1, L. 113-5, L. 122-1 à L. 122-4, L. 331-1-3, L. 335-2 et L. 335-3 du code de la propriété intellectuelle, 1315 et 1382 du code civil :
à titre principal, de considérer que ses scenarii donnent prise au droit d'auteur, que les intimés et, en particulier, Monsieur N. y ont eu accès ou en ont eu connaissance, que le film « Time Out» en reprend les éléments originaux, que le grand nombre d'emprunts identiques, parfaitement reconnaissables ou identifiables excluent une rencontre fortuite ou une source d'inspiration commune, qu'en adaptant, reproduisant et représentant sans autorisation au sein de ce film ces éléments empreints de sa personnalité, essentiels et caractéristiques de ces oeuvres, les intimés ont commis des actes de contrefaçon de droits d'auteur, que les conditions dans lesquelles sont adaptées, reproduites et représentées ses oeuvres portent atteinte à son droit moral et que les « antériorités » visées par les intimés, sans date certaine, ne sont pas probantes et suffisantes pour « retirer l'originalité » à ses oeuvres et à leurs éléments essentiels repris dans le film litigieux,
à titre subsidiaire, de considérer qu'en adaptant, reproduisant et représentant sans autorisation au sein de ce film ces éléments caractérisant ses oeuvres, les intimés ont engagé leur responsabilité civile pour les avoir utilisées sans autorisation et sans bourse délier afin d'augmenter l'attractivité commerciale du film litigieux,
en conséquence,
à titre principal : de condamner « solidairement » les six intimés à lui verser la somme indemnitaire de 7.950.000 euros représentant, pour 950.000 euros son manque à gagner et, pour 7.000.000 euros, les bénéfices réalisés, ainsi que celle de 500.000 euros venant réparer son préjudice moral, ceci sauf à désigner un expert afin de permettre la détermination de son préjudice,
à titre subsidiaire : de les condamner « solidairement » à lui verser une somme indemnitaire de 8.450.000 euros en réparation des actes de concurrence déloyale,
en tout état de cause, de condamner « solidairement » les six intimés au versement d'une somme indemnitaire de 500.000 euros au titre de l'atteinte à sa réputation, d'ordonner la publication par voie de presse et sur internet de l'arrêt à intervenir ainsi que l'intégration au sein du générique du film d'un « carton de quatre secondes : d'après les travaux originaux intitulés « Kronos » d'Edwin K. », de faire application des dispositions de l'article 1154 du code civil, de rejeter l'ensemble des demandes adverses (en particulier pour procédure abusive et rejet des pièces numéros 127 et 128) en condamnant « solidairement » les six intimés au versement de la somme de 100.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter tous les dépens.
Par dernières conclusions notifiées le 07 avril 2015, Monsieur Andrew N., la société Twentieth Century Fox France Inc., la société 20th Century Fox Home Entertainment France, la société Strike Entertainment, la société New Regency Productions Inc. et le GIE Fox Pathé Europa prient, en substance, la cour, au visa du Livre I du code de la propriété intellectuelle, des articles 1315 et 1382 du code civil, 14 à 16, 56 et 202 du code de procédure civile, de débouter l'appelant de l'ensemble de ses demandes et :
de rejeter des débats les pièces adverses 127 et 128 tardivement communiquées,
à titre préliminaire, de leur donner acte du fait que l'appelant n'a pas critiqué le jugement en ses dispositions limitant sa compétence à la France dans ses premières conclusions d'appel, de considérer que ses demandes se trouvent caduques ou irrecevables, qu'au surplus, il n'apporte pas la preuve du contenu du droit qui serait applicable pour ces actions délictuelles et est irrecevable en ses demandes excédant le territoire français et, enfin, de leur donner acte du fait que l'appelant ne peut critiquer la validité des attestations incriminées dont la cour appréciera la force probante,
de confirmer le jugement hormis en ce qu'il a refusé de tenir compte de l'affidavit de Monsieur Andrew N., dit qu'il n'était pas impossible d'écarter l'hypothèse que celui-ci, par l'intermédiaire de Philippe R., ait eu connaissance de Kronos 2004 même si ce n'est qu'une hypothèse, et rejeté leur demande pour procédure abusive et
statuant à nouveau, de maintenir dans les débats cette attestation, de constater que les scenarii en cause n'ont pas été exploités publiquement, qu'Edwin K. n'a pas communiqué ce scénario, pas plus que les autres, à Andrew N., que Philippe R. et Sylvie K. indiquent tous deux ne pas lui avoir transmis, qu'en conséquence l'appelant ne démontre nullement que l'auteur du film a eu connaissance du scénario Kronos 2004 antérieurement à sa création par l'intermédiaire de Philippe R. en condamnant Monsieur Edwin K. à leur verser conjointement une somme de 100.000 euros pour procédure abusive ainsi qu'au versement d'une amende civile au titre de l'article 599 du code de procédure civile,
en tout état de cause et y ajoutant, de débouter l'appelant de l'intégralité de ses demandes, notamment au titre de l'atteinte à sa réputation, et de mettre hors de cause la société 20th Century Fox Entertainment qui n'est pas intervenue dans la distribution du film, le GIE Fox Pathé pour toute exploitation autre que l'exploitation en vidéo en France, Twentieth Century Fox France Inc pour toute exploitation autre que cinématographique et télévisée en France ; de condamner l'appelant à leur verser une somme de 100.000 euros pour leurs frais irrépétibles en sus de celle allouée dans le cadre de l'incident de mise en état, ainsi qu'aux dépens,
et si la cour venait à infirmer le jugement, de réduire substantiellement le montant des dommages-intérêts sollicités, manifestement excessifs, et de rejeter toutes ses demandes de publication, notamment sur des supports qui ne leur appartiennent pas ou excèdent le territoire français.
SUR CE,
Sur la procédure
Considérant, s'agissant des sanctions excédant la portée territoriale de l'atteinte pour laquelle les juridictions françaises ont compétence, que Monieur K. ne poursuit pas l'infirmation du jugement sur ce point, ce que relèvent d'ailleurs les intimés dans leur préliminaire, si bien que la cour n'est pas saisie d'une demande d'infirmation à ce titre ;
Que, tout au plus, la question pourra être tranchée, s'il échet, dans le cadre de l'évaluation du préjudice puisque Monsieur K. entend voir prendre en considération les bénéfices réalisés par le contrefacteur en France et à l'étranger, question relevant de l'appréciation du fond du litige ;
Considérant, s'agissant des pièces 127 et 128, que l'appelant les identifie dans son bordereau de communication de pièces comme étant, pour la première, une « note technique Monsieur M. expert près la cour d'appel de Paris du 13 mars 2015 » et, pour la seconde, un « rapport d'expertise de Messieurs A. et P., experts près la cour d'appel de Paris du 10 mars 2015, version papier et version numérique » ;
Que les intimés en poursuivent le rejet en raison du caractère tardif de leur communication, invoquant dans le dispositif de leurs conclusions signifiées le 07 avril 2015 le non-respect des impératifs de loyauté et de contradiction que les débats exigent ;
Mais considérant que les impératifs invoqués s'inscrivent, il est vrai, au rang des principes directeurs du procès et qu'en l'espèce, l'appel a été interjeté en février 2014 avec un premier calendrier fixant une date de plaidoiries en décembre 2014 si bien que les parties ont disposé de plus d'une année pour se communiquer en temps utile les pièces venant étayer leurs prétentions ;
Qu'il apparaît, toutefois, que les documents visés n'ont été établis que tardivement, en mars 2015, et ne pouvaient donc être communiqués antérieurement au 17 mars 2015, comme elles l'ont été ;
Que leur établissement final fait suite à deux vaines demandes de communication de pièces et au prononcé, le 05 mars 2015, d'une décision de rejet du conseiller de la mise en état ;
Qu'en outre, celui-ci a reporté la date de clôture de l'instruction de l'affaire pour permettre aux intimés d'en prendre connaissance, d'y répondre le cas échéant et afin de ne pas faire échec au principe du contradictoire ;
Qu'enfin, s'il apparaît que l'appelant se réfère à de multiples reprises au second document relatif à la comparaison des oeuvres et, dans une moindre mesure, au premier relatif aux manipulations informatiques possibles dans le dessein d'altérer des données, il peut être relevé qu'à la faveur de ce report, les intimés ont pu s'en expliquer dans leurs dernières conclusions ;
Que, dans ce contexte, la demande tendant à voir mettre à l'écart lesdites pièces sera rejetée ;
Sur l'action en contrefaçon
Considérant que l'appelant poursuit l'infirmation de la décision du tribunal qui, après une présentation détaillée des oeuvres en présence à partir des écritures des défendeurs rendant compte de manière chronologique et exacte de l'intrigue et des péripéties contenus dans les scenarii ainsi que du résumé du film « Time Out » tel qu'il est exploité, s'est attaché à leurs ressemblances (tenant à leur thème et à certaines situations) mais considéré qu'ils avaient été traités de façon très différente, qu'ils ne reposaient pas sur les mêmes ressorts et ne s'intégraient pas dans la même intrigue ; qu'il a, en outre, qualifié d'artificiels et considéré comme ignorants de caractéristiques essentielles les rapprochements entre les personnages opérés par le demandeur ;
Que, recherchant dans un deuxième temps si les ressemblances peuvent être fortuites et tenir à des sources d'inspiration antérieures ou, au contraire, résulter de la connaissance que les défendeurs avaient pu acquérir des scenarii d'Edwin K., il a procédé à l'analyse de trois oeuvres antérieures fondées sur l'idée commune que le temps c'est de l'argent qu'invoquaient les défendeurs, s'est prononcé sur la connaissance qu'Andrew N. a pu avoir de ces scenarii ainsi que sur l'analyse technique du disque dur de l'ordinateur de Monsieur N. à la demande des intimés pour conclure qu'il n'y avait pas lieu de retenir la contrefaçon ;
Considérant que l'appelant, qui ne poursuit formellement ni la confirmation ni l'infirmation du jugement dans le dispositif de ses dernières écritures et ne se réfère que ponctuellement à la motivation des premiers juges, demande successivement à la cour de considérer que ses scenarii bénéficient de la protection accordée par le Livre I du code de la propriété intellectuelle et que les intimés sur qui pèse la charge de la preuve ne démontrent pas qu'ils n'ont pas eu accès à ces oeuvres alors qu'il établit leurs manoeuvres malicieuses pour le dissimuler ;
Que pour affirmer, ensuite, qu'est à son sens flagrante la reprise à l'identique ou sous une forme déguisée des éléments caractéristiques et des éléments narratifs tirés de Kronos, que ces reprises ne sont pas justifiées par les contraintes du genre et que si quelques ressemblances pouvaient se justifier par la rencontre fortuite et l'inspiration commune, leur nombre et leur rôle prouvent à l'évidence la contrefaçon, il se livre à une analyse détaillée des oeuvres en présence tendant à démontrer :
l'identité du contexte (période, contexte, décor, culte de la jeunesse et apparence physique),
l'identité de traitement du thème du temps (valeur d'échange, compteur du temps restant à vivre, âge minimum pour son transfert, modalités de ce transfert, manière de s'en procurer, maîtrise de ce transfert par un seul individu, mort naturelle, mort soudaine, conservation de cinq minutes avant de mettre fin à ses jours, mystère de l'origine du système-temps),
les similitudes entre les personnages (prénoms et noms, personnalité des personnages principaux, policiers et gardiens du temps, opposants au système-temps, cyniques)
les ressemblances dans les structures chronologiques (selon un découpage en douze parties : une société régie par le système-temps // le temps gagné pour un être cher // la course contre la montre pour sauver un être cher // les liens du sang // le kidnapping // l'aide à sens unique // la découverte d'un monde hostile // le rapprochement des deux personnages principaux // une leçon de vie // la distribution du temps // le duel // la victoire illusoire),
l'identité des séquences puisque plus de 30 séquences de Kronos sont reprises dans le film (ainsi qu'en attestent à titre exemplatif trois d'entre elles numéros 8, 14 et 25) et que le réalisateur ne s'en démarque que par leur ordre ou par des modifications de détail ;
Qu'il soutient, enfin en s'appropriant in fine les conclusions du rapport amiable qu'il a fait réaliser et qui stigmatise la « méthodologie biaisée » de la consultation du 14 septembre 2012 produite par les intimés, que ne sont pas pertinentes les antériorités présentées par la partie adverse, en particulier un « traitement » qu'aurait déposé Andrew N. en 2002 à la Wrighters Guild of America; et que ne sont que prétendues les sources d'inspiration commune invoquées par la partie adverse, affirmant qu'à tort le tribunal a jugé que l'existence éparpillée d'histoires inventoriées a posteriori était la source d'inspiration du film alors que si le thème général du temps associé à l'argent, sur lequel il ne revendique aucun droit privatif, est effectivement traité dans les antériorités (« Mandrake », « Time is money », « The price of life », « La carte », « Repens-toi Arlequin », « L'âge de cristal », « Bienvenue à Gattaca » à l'examen desquels il procède), les ressorts dramatiques qu'il a imaginés autour de ce thème et qui portent l'empreinte de sa personnalité diffèrent radicalement des oeuvres antérieures ;
Considérant qu'en réplique, les intimés soutiennent que Monsieur Andrew N. n'a pas copié les scenarii de Monsieur Edwin K. et que le film ne contrefait aucun d'entre eux ; qu'ils présentent successivement cinq raisons, qualifiées de fondamentales, qui tiennent au fait que :
le traitement d'Andrew N. est antérieur de plus de deux ans au premier scénario d'Edwin K. ; l'ayant écrit antérieurement aux scenarii, il ne peut les avoir copiés,
le concept de base « le temps est de l'argent » qui est le seul point commun entre les oeuvres, remonte à l'âge de Benjamin F. et a fait l'objet de développements dramatiques dans des oeuvres depuis 1968. ; ce concept ne revêt aucune originalité en soi et ne peut être protégeable ; il s'en déduit que si le concept n'est pas protégeable, il ne peut y avoir de contrefaçon,
les oeuvres en présence n'ont rien de similaire, à part l'idée commune, que ce soit dans l'intrigue, les personnages, leurs relations, les dialogues, les lieux, la suite des événements ou dans l'expression des idées ; il s'en évince que si les oeuvres ne sont pas similaires, il ne peut y avoir de copie,
les oeuvres en présence diffèrent complètement,
quand bien même il y aurait des similitudes, ce qui n'est pas le cas, il n'y a pas de contrefaçon dès lors que les similitudes procèdent d'une rencontre fortuite et de réminiscences résultant de sources d'inspiration prises dans les oeuvres exploitées antérieurement ; cette rencontre fortuite résulte notamment de l'existence d'oeuvres antérieures et de l'absence d'accès aux scenarii d'Edwin K. ;
Sur les conditions de l'action
Considérant que, pour la présentation détaillée du contenu des oeuvres en présence, la cour renvoie expressément à l'énoncé du jugement (en pages 4 à 13/21) qui ne fait pas l'objet de contestation par les intimés et que ne viennent pas substantiellement contredire les résumés des scenarii « Kronos » en ses quatre versions produits en piècen°129 par l'appelant ;
Qu'il convient de considérer que si les intimés affirment en préambule que le seul point commun des oeuvres opposées est l'idée selon laquelle la vie des hommes est conditionnée par un capital temps dont les individus peuvent se servir pour payer quelqu'un ou quelque chose en temps, que l'expression « le temps est de l'argent » qui peut être attribuée à Benjamin F., a déjà été exploitée par le passé (notamment dans une bande dessinée « Mandrake le Magicien » publiée en 1968 ou dans le court-métrage « The Price of life » diffusé en 1990) et que les idées ne sont pas, en soi, protégeables, la revendication de Monsieur K. ne porte pas, comme il le précise, sur l'appropriation de ce thème mais sur l'oeuvre qu'il a formalisée par des écrits exprimant l'agencement des idées nées de son imagination autour de ce thème central ;
Que l'originalité de l'oeuvre écrite par Monsieur K. ne fait pas l'objet de contestation par les intimés ;
Que pour apprécier le bien-fondé de l'action, la cour adoptera la logique des premiers juges dès lors qu'il est d'abord nécessaire d'identifier, en les précisant, les caractéristiques de forme dans la conception des scenarii revendiqués et de leurs personnages ainsi que dans le développement de l'action (en particulier le scénario Kronos 2004 dont le réalisateur aurait eu connaissance, selon l'appelant) qui ont pu faire l'objet de reprise dans l'oeuvre arguée de contrefaçon, avant de s'attacher à l'importance des caractéristiques conceptuelles ainsi retenues et de rechercher, comme l'a fait le tribunal, si les ressemblances existantes peuvent être fortuites et tenir, notamment, à des sources d'inspiration antérieures (susceptibles de porter sur l'oeuvre de Monsieur N. lui-même, comme il le fait valoir) ou, au contraire, résulter de la connaissance de l'oeuvre qu'il aurait eue ;
Sur les ressemblances spatio-temporelles
Considérant qu'il ressort de la lecture des scenarii revendiqués et du visionnage du film auxquels la cour a procédés que, dans chacune des oeuvres opposées, l'intrigue se déroule dans un futur relativement proche, peu important qu'il s'agisse de la deuxième moitié du XXIème ou du XXIIème siècle, ce qui induit semblablement des représentations urbaines peu différentes des cités actuelles ;
Que dans chacune d'elles, l'action évolue à la faveur de passages de zones dont la césure et les caractéristiques sont plus ou moins marquées ; que ces passages conduisent le héros à être confronté à un univers qui lui était inconnu et se révèle hostile ;
Sur les ressemblances tenant au traitement du thème du temps
Considérant qu'il en ressort de même que dans chacune des oeuvres opposées dont les titres évoquent semblablement le temps, celui-ci est au centre des préoccupations ;
Qu'il est présenté, dans chacune de ces oeuvres, comme un capital acquis au moment de la naissance, concrétisé par un compteur visuel, physiquement consultable à tous moments, qui fonctionne à rebours ; que le temps y constitue, au coeur d'un système organisé, une valeur susceptible d'appropriation (par le travail, la solidarité, le jeu ou le vol) qui n'est possible qu'à partir d'un âge fixé à l'avance, qui est nécessaire pour continuer à vivre et perdue en cas de mort soudaine; qu'il s'agit d' une monnaie d'échange susceptible de circuler par transfert ;
Sur les similitudes entre les personnages
Considérant que l'appelant en fait une présentation qui lui est propre - à savoir non point personnages principaux par personnages principaux se retrouvant dans chacune des oeuvres opposées puis personnages secondaires par personnages secondaires, mais selon les traits de caractère que les uns ou les autres personnifient - motif pris qu'il n'est pas rare qu'un personnage d'un film soit en réalité composé de traits de caractères de plusieurs personnages prévus au scénario afin de s'adapter à certaines exigences dans la phase de production ; qu'il présente, par conséquent, diverses qualités ou défauts apparaissent semblablement dans les oeuvres en conflit ;
Que peuvent être retenues l'angoisse devant le temps qui passe et la volonté de pouvoir le maitriser afin de le distribuer en observant que ces sentiment et trait de caractère sont incarnés par deux personnages principaux des scenarii, d'une part, et par le héros du film, d'autre part ;
Qu'il en est de même de l'égoïsme qui caractérise l'un des deux personnages principaux des scénarii ainsi que l'héroïne du film et de son évolution dans le sens de l'altruisme au contact de l'autre personnage principal des scenarii et du héros du film, lesquels se singularisent par leur générosité et leur affliction quand ils arrivent trop tard pour donner du temps à vivre ;
Qu'attribués tantôt à des personnages principaux, tantôt à des personnages secondaires, d'autres sentiments, traits de caractère ou comportements se retrouvent dans les oeuvres opposées : le sentiment d'être désabusé, la volonté d'écourter son existence, l'addiction, la malhonnêteté, l'intransigeance quant au respect des règles par les polices spéciales, l'opposition au système-temps ou encore le cynisme ;
Sur les ressemblances relatives au déroulement de l'intrigue
Considérant qu'à s'en tenir à la présentation de ce que l'appelant désigne comme des « structures chronologiques » un rapprochement peut être opéré entre une douzaine d'éléments factuels et séquences qui apparaissent tout à la fois dans tout ou partie des scenarri revendiqués et dans le film ;
Qu'il s'agit, comme précédemment indiqué, des séquences suivantes présentant une société régie par le système temps // le temps gagné pour un être cher // la course contre la montre pour sauver un être cher // les liens du sang // un kidnapping // l'aide à sens unique // la découverte d'un monde hostile // le rapprochement des deux personnages principaux // une leçon de vie // la distribution du temps // le duel // la victoire illusoire ;
Que Monsieur K. renvoie, par ailleurs, la cour à l'examen d'un rapport comparatif du 11 juin 2013 (en pièce 75) pour dire que le nombre de séquences reprises à l'identique dans le film peut être évalué à plus de trente dont il extrait trois exemples ;
Qu'il convient néanmoins de préciser que si des ressemblances peuvent être admises, c'est abstraction faite de l'analyse précise de leur contenu effectif en regard de l'histoire prise en son entier, de l'expression globale de l'oeuvre aboutie qu'est le film, de la structuration des intrigues (éléments-moteur, ressorts dramatiques, '), du message véhiculé, tous éléments que l'appelant s'abstient d'analyser en se contentant d'introduire cette série de séquences par l'affirmation selon laquelle le film reprend l'ensemble des éléments caractéristiques de l'univers Kronos par lui créé et de conclure que Monsieur Andrew N. ne se démarque que par l'ordre des scènes empruntées ou par des modifications qui ne sont que de détail ;
Sur la caractérisation des dissemblances
Considérant qu'alors que l'appelant soutient, comme il vient d'être dit, que les différences entre les oeuvres opposées doivent être tenues pour négligeables, les intimés les présentent comme fondamentales, à telle enseigne qu'en dépit des quelques ressemblances susceptibles d'être retenues et à l'aune de laquelle la contrefaçon doit être appréciée, l'élément matériel de ce délit n'est pas caractérisé ;
Considérant qu'au terme de cette analyse il y a lieu de considérer que les récits d'anticipation opposés, écrit pour l'un filmé pour l'autre, permettent de découvrir deux types d'organisations sociales ne fonctionnant pas selon un système et une configuration identiques, par delà le fait qu'ils ont en commun de placer le temps au centre de leur organisation ;
Qu'à juste titre, en effet, les intimés relèvent que le temps conçu comme valeur et monnaie d'échange procède de deux systèmes distincts, induisant des caractéristiques propres à chacune des oeuvres ;
Qu'en effet, il s'agit, dans les scenarii, d'une extrapolation de la technologie médicale conduisant au port de bracelets temporels facultativement utilisés analysant les données biologiques et reflétant l'état de santé des individus, que le temps n'est d'ailleurs pas la monnaie d'échange dans le scénario de 2006 où apparaissent des euros et où son cours est même illégal, que les individus riches ou pauvres vivent au même endroit et que les changements de lieux narrent des passages entre zones habitées et inhabitées (telle l'île de Samo où un enfant est retenu en otage) ou délabrées ;
Que le film en fait, quant à lui, un moyen de domination des riches sur les pauvres, les premiers vivant dans un lieu marqué par l'opulence et le déploiement de dispositifs de sécurité, capitalisant le temps dans des capsules, les seconds vivant au jour le jour en quête de temps à vivre dans un ghetto ; que le temps dont l'écoulement fait l'objet d'un affichage luminescent sur l'avant-bras de tous est, dans ce film, l'unique et incontournable valeur d'échange et que les transferts sont susceptibles d'être effectués sans recours à la notion de consentement mutuel présente dans les scenarii, ceci selon des modalités différentes ;
Que l'oeuvre cinématographique donne à voir un monde où l'âge physique des individus est uniformément arrêté à 25 ans du fait de la neutralisation du gène responsable du vieillissement, avec brouillage subséquent des repères pour le spectateur, alors que la lecture des scenarii permet de constater que, de manière plus conventionnelle, les individus y sont soumis, que leur capital temps est susceptible de fluctuations en relation avec leur état de santé et qu'il leur est possible de subir des opérations de rajeunissement physique (tels le père de William N. ou un milliardaire évoqué dans ces scenarii) ;
Qu'il ne ressort pas non plus des scenarii la nette opposition entre le rythme soutenu auquel la population des gens pauvres du film est soumise du fait qu'elle ne dispose majoritairement que de peu de temps de survie et celui, plus lent, caractérisant la gestuelle et le comportement des nantis ;
Que, par ailleurs, la combinaison des traits de caractère et/ou des sentiments ressentis qui sont ponctuellement empruntés par Monsieur Edwin K. à l'un ou l'autre des personnages, au nombre et aux rôles au demeurant distincts dans les scenarii et dans le film, ne lui permet pas d'opérer un rapprochement pertinent et de tirer argument, comme il le fait, de personnages ayant des personnalités identiques ou similaires dans les oeuvres opposées;
Qu'à cet égard, les intimés qui procèdent à la présentation minutieuse de chacun, pris isolément, puis de l'examen des rapprochements invoqués (pages 95 à 108 / 153 de leurs conclusions) soutiennent à raison que les similarités invoquées ne sont que prétendues ;
Qu'à titre d'illustration, peut être extraite de leur analyse la comparaison entre le héros du film présenté par l'appelant comme similaire à un mélange des personnalités de deux héros des scenarii, à savoir : William et Alexandre ; que l'un est sans domicile fixe dans le scenario Kronos 2004 et frère de l'autre dans le scénario Kronos 2005, qu'ils ont des personnalités distinctes avec un rapport différent à la société, ce qui est source de conflit entre eux, et qu'au surplus le rôle de l'un évolue suivant le scénario pris pour référence ; qu'en toute hypothèse, il ressort de cette analyse que n'est pas reprise la combinaison de traits caractérisant le héros du film, lequel se présente à la fois comme cynique, vengeur, capable de violence, en colère mais disposant d'un sens aigu de la justice sociale et gentil avec ceux qui sont moins bien lotis que lui ;
Que les intimés peuvent enfin être suivis lorsqu'ils affirment que les ressemblances invoquées entre les prénoms, pour une bonne part portés par des personnages bien secondaires, et entre les patronymes ne sont nullement déterminantes et, au demeurant réduites à deux dans le scénario Kronos 2004 dont il est affirmé que le réalisateur a eu connaissance ; qu'elles peuvent résulter de coïncidences, du fait de leur banalité (comme Will ou William), ou de réminiscences susceptibles de renvoyer, tel le nom Hamilton qui sert à désigner une montre aux Etats-Unis, à l'univers de l'horlogerie au sein d'histoires centrées sur le thème de l'écoulement et de la maîtrise du temps ;
Qu'à juste titre, par conséquent, le tribunal a considéré que les rapprochements effectués par Monsieur Edwin K. entre les différents personnages ne tenaient pas compte de la cohérence propre à chacun d'eux et reposaient sur une dissection artificielle de leurs caractéristiques ;
Que, de la même façon et sans que la motivation des écritures d'appel ou le document technique que Monsieur K. a fait réaliser (piècen°128) ne soient aptes à la remettre en question, l'appréciation des premiers juges sur les séquences dont il incrimine la reprise sera adoptée par la cour, le tribunal énonçant à juste titre que le découpage opéré par l'appelant fait abstraction de leur intrigue et met en relation des faits s'inscrivant dans une chronologie et un contexte différents, tout en omettant des éléments fondamentaux de l'action du film, tels la relation sentimentale entretenue par le couple de héros ou la poursuite dont il fait l'objet par le gardien du temps ;
Qu'il peut être ajouté que le nombre de reprises invoqué et présenté comme un élément déterminant pour retenir la contrefaçon est substantiellement le résultat de déclinaisons de ces mêmes séquences, ainsi que relevé par les intimés ;
Sur les sources d'inspiration de l'oeuvre cinématographique
Considérant que l'argumentation développée par Monsieur K. tend à voir prendre en considération le contexte factuel dans lequel se sont déroulés les faits de contrefaçon qu'il dénonce ;
Qu'il fait valoir que le réalisateur a eu accès à ses scenarii qui ont fait l 'objet de dépôts entre 2004 et 2006 ainsi que de présentations à de multiples professionnels dont Monsieur Philippe R. avec qui le réalisateur était en relation, et que dernier ne rapporte pas la preuve qu'il n'en a rien été alors que la preuve lui en incombe ;
Qu'il soutient que Monsieur N. les a lus et massivement utilisés après découpage, adaptation et agencement, comme permettent de l'établir les ressemblances qu'il met en exergue ou encore la production d'un fragment seulement des travaux préparatoires du film litigieux nonobstant ses demandes, et que pour procéder à l'écriture de son film, Monsieur N. a usé avec ingéniosité de manoeuvres malicieuses ;
Qu'il affirme que les reprises des éléments originaux de ses scenarii ne sont pas justifiées par les contraintes du genre, que lorsque les emprunts ne sont pas identiques ils restent parfaitement reconnaissables et identifiables malgré les « déguisements » ; que la rencontre fortuite et l'inspiration commune résultant d'oeuvres antérieures qu'allègue la partie intimée pourrait peut-être justifier quelques unes des ressemblances mais que leur nombre et leur rôle prouvent à l'évidence la contrefaçon ; que la reprise à l'identique des éléments de fond caractéristiques et des éléments narratifs est, à son sens et malgré les « cachoteries » de Monsieur N., flagrante ;
Considérant, ceci précisé, qu'il résulte, certes, de la doctrine de la Cour de cassation qu'il incombe au contrefacteur prétendu de prouver qu'il n'a pas eu accès à l'oeuvre revendiquée, outre le caractère fortuit des rencontres entre les oeuvres en comparaison, pour impressionnantes qu'elles soient ;
Qu'à cet égard, Monsieur N., citoyen américain qui dénie formellement, aux termes d'un affidavit valable en droit américain, avoir eu accès au scenario intitulé « Kronos 2004 » diffusé auprès de plusieurs producteurs parmi lesquels Monsieur Philippe R. avec lequel il était en contact, peut se prévaloir de l'absence d'envoi direct de ce scénario à sa personne ;
Que cet accès serait, en effet, l'aboutissement d'un cheminement du scénario ou de certains des scenarii, jamais portés à la connaissance du public, qui aurait débuté par la société Les Films de la Suane qui en a été rendue destinataire, puis qui a fait l'objet d'une remise à l'assistante de Monsieur R. qui en était le dirigeant, puis d'une remise par celle-là à à celui-ci, puis, postérieurement, d'une remise par Monsieur R. à Monsieur N., étant d'ailleurs observé qu'il n'est jamais affirmé par cette assistante que l'un ou l'autre en a effectivement pris connaissance ni que Monsieur Edwin K. est entré en relation directe avec Monsieur R. ou Monsieur N. à leur sujet ;
Qu'il peut utilement tirer argument du caractère fluctuant des déclarations - et nettement en retrait (pièce 99 de l'appelant), s'agissant de cette assistante, dans le cadre de la plainte pénale déposée pour subornation de témoin et qui a fait l'objet d'un classement sans suite - portant sur des faits remontant à près de dix années, du caractère contestable du raisonnement de l'appelant qui part d'un présupposé ' à savoir : qu'il existait « des relations professionnelles et commerciales (entre Messieurs N. et R.) ainsi que (des) intérêts communs » - pour en conclure qu'il est « incontestable » qu'ils ont eu connaissance de ses scenarii, du caractère tout aussi contestable de la perception de l'attestation de Monsieur R. jugée, sans nuances, « invraisemblable » par l'appelant ou encore du caractère quelque peu oiseux des déductions qu'il tire, sur cette question précise de la remise, des habitudes de travail affichées dans les média par Monsieur N. ;
Qu'il peut donc se prévaloir de la fragilité du faisceau d'éléments réunis par l'appelant pour prétendre qu'il y a eu accès dès lors que celui-ci n'a été que très indirect ;
Que, de surcroît, l'affirmation de Monsieur N. selon laquelle il a créé le scénario du film de façon indépendante et qu'il n'a donc pas eu accès aux scenarii revendiqués est corroborée par des attestations de tiers à même de connaître ses activités professionnelles dont le témoignage ne peut, par conséquent, être réfuté au seul motif qu'ils évoluent conjointement dans le même secteur d'activité ; qu'en particulier, Monsieur R. certifie sans équivoque n'avoir jamais transmis ces scenarii (pièce 9 des intimés) ;
Que ces divers éléments suffisent à établir l'absence d'accès à l'oeuvre revendiquée dont se prévaut Monsieur Andrew N. ;
Considérant que la contestation de l'appelant porte, par ailleurs, sur les sources d'inspiration du cinéaste qui soutient qu'elles sont constituées d'oeuvres antérieures, réalisées par lui-même ou publiquement divulguées par des tiers et accessibles à tous ;
Que pour battre en brèche l'affirmation selon laquelle Monsieur Andrew N. s'est inspiré de son précédent film, « Bienvenue à Gattaca » sorti en 1997 et dont, à se référer aux déclarations qu'il a faites à la presse, « Time Out » serait en quelque sorte l'enfant naturel, ainsi que d'un bref projet intitulé « Time Killer » dont il déclare qu'il a été enregistré auprès de la Writers Guild of America (WGA) le 03 janvier 2002, ce qui a pour seul effet, comme les dépôts auprès de la SACD, de lui donner date certaine, puis étoffé sur son ordinateur en 2003, Monsieur K. s'appuie notamment sur les travaux de deux consultants en la matière ainsi que sur ceux d'un technicien en informatique qu'il a mandatés en cause d'appel ;
Que s'il affirme que le film « Bienvenue à Gattaca », dont le lien avec l'oeuvre d'Aldous Huxley « Le meilleur des mondes » ressortait d'une étude de Madame Lidia C.-P., ne constitue pas une antériorité probante dans la mesure où, bien que présentant des similitudes de genre tant avec les scenarii qu'avec le film « Time Out », il est centré sur le thème de la sélection génétique et de l'usurpation d'identité, il n'en demeure pas moins qu'il contient des éléments repris dans le film « Time Out » et qui relèvent des ressemblances ci-avant identifiées, tels la présentation d'une société fondée sur la technologie qui permet d'accéder à la connaissance de la durée de vie, le clivage entre des groupes d'individus et leur antagonisme, le désir de lutte d'un personnage placé en situation d'infériorité, la mort d'un tiers, la traque, ' ;
Qu'à cet égard, il est justifié que, huit mois avant d'être assigné, Monsieur Andrew N. déclarait à un journaliste l'interrogeant sur le film « Time Out » : « Il prend sa source dans « Bienvenue à Gatttaca ». J'ai toujours pensé que le Graal de l'ingénierie génétique est la découverte et la neutralisation du gène responsable du vieillissement » pièce 30-2 des intimés) ;
Qu'en ce qui concerne le bref projet « Time Killers », s'il n'est qu'un début de création, il comprend cependant l'essentiel des éléments du film (en particulier la présentation du temps comme une monnaie d'échange et la présence d'une « body-clock » pour chacun arrêtée à 21 ans), ses « éléments-clé » comme le font valoir les intimés en en justifiant ;
Qu'en outre, est sans réelle portée la contestation relative à la datation des données qui ont pu transiter, en 2003 et au format PDF, par l'ordinateur de Monsieur N. (pièce 40 des intimés constituant une analyse informatique) et qui aurait éventuellement pu faire l'objet de manipulations, selon le document du technicien requis par l'appelant (pièce 127) dès lors qu'il est justifié d'une inscription accessible à la WGA enregistrée sous le numéro 850329 (pièces 3 et 33 des intimés) et produite une attestation de celui qui a procédé au dépôt venant en corroborer le contenu (pièces 4 et 48 des intimés), peu important qu'il n'ait pas été procédé à son renouvellement ;
Qu'il en va de même du défaut de production du scénario du film « Time Out » dès lors que seule l'oeuvre cinématographique est arguée de contrefaçon ;
Que, par ailleurs, rien ne permet d'exclure des sources d'inspiration commune, eu égard aux oeuvres antérieures invoquées par les intimés et auxquelles le public avait accès (en particulier : « Mandrake le Magicien » publiée en 1968, la nouvelle « Time is money » publiée en 1973, le film «Price of Live » sorti en 1987) ; que, pas davantage, ne peut être exclue la rencontre fortuite s'agissant d'oeuvres présentant des ressemblances en petit nombre ne se démarquant pas de l'existant culturel recensables à leurs dates ' et dont, qui plus est, les différences se révèlent telles qu'elles ne peuvent qu'être prises en considération dans l'appréciation de la contrefaçon pour la rejeter ;
Qu'il s'évince de tout ce qui précède que Monsieur K. doit être débouté de son action et le jugement confirmé en ce qu'il en dispose ainsi ;
Sur les demandes fondées subsidiairement sur des faits de concurrence déloyale et, en tout état de cause, sur le préjudice moral de l'appelant
Considérant que Monsieur K. incrimine en réalité, dans le corps de ses écritures, des faits de parasitisme en partant du postulat que Monsieur N. a eu connaissance des différentes versions des scenarii et qu'il a repris nombre des éléments qu'il a imaginés et mis en forme, « étrangers aux antériorités citées pèle-mêle », afin de les intégrer à son film, ceci en tirant profit sans contrepartie de son travail ;
Qu'il lui a ainsi causé, précise-t-il, un préjudice tenant au fait qu'il n'a pu mener à terme son projet cinématographique ni en faire une trilogie selon un modèle «en vogue actuellement»; qu'il en poursuit la réparation en faisant notamment état des bénéfices réalisés ;
Qu'il sollicite, en tout état de cause, la réparation du préjudice que lui a causé, selon ses termes, « l'appropriation contrefaisante » des scenarii, exposant que sa réputation a été mise à mal par ces faits et que les producteurs doutent dorénavant de la sincérité de son travail ;
Mais considérant, d'abord, qu'outre le fait que les intimés ont pu établir l'absence d'accès de Monsieur N. aux scenarii revendiqués, le préjudice qui en serait résulté ne ressort que des assertions de Monsieur K., étant relevé qu'une durée de sept années s'est écoulée entre l'écriture du premier scenario Kronos et la sortie du film, qu'il est justifié de divers envois à des producteurs et que ces diligences n'avaient pas conduit à la production d'un film tiré de l'un quelconque de ses scenarii à la fin de l'année 2011 ;
Que, par ailleurs, la teneur du présent arrêt ne permet pas à l'appelant de se prévaloir d'une appropriation contrefaisante et que la suspicion dont il ferait l'objet n'est étayée par aucun document ;
Que, par voie de conséquence, ses demandes seront rejetées ;
Sur les autres demandes
Considérant qu'au soutien de leur demande indemnitaire au titre de l'abus de procédure, les intimés reprochent à Monsieur K. qui ne pouvait feindre d'ignorer l'adage « le temps c'est de l'argent » constituant le thème du film ni le fait que les oeuvres ne présentaient pas la moindre similitude, de s'être livré à un chantage commercial et de les avoir assignés nonobstant la réponse documentée qui avait été faite à sa mise en demeure ;
Mais considérant que Monsieur K. a pu, sans faute, ester en justice afin de voir sanctionner l'atteinte à des droits protégés par le droit de la propriété intellectuelle dont il persistait à penser qu'il était victime et qu'il a tenté de voir reconnaître au moyen d'une argumentation étoffée ;
Que le jugement qui rejette cette demande mérite confirmation ;
Considérant que l'équité conduit à allouer à la partie intimée une somme complémentaire de 50.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
Que, débouté de ce dernier chef de prétentions, Monsieur Edwin K. qui succombe supportera les dépens d'appel ;
PAR CES MOTIFS
Rejette la demande de la partie intimée tendant à voir mettre à l'écart des débats les pièces numéros 127 et 128 communiquées par Monsieur K. ;
Confirme le jugement en toutes ses dispositions et, y ajoutant ;
Condamne Monsieur Edwin K. à verser à Monsieur Andrew N. et aux sociétés Twentieth Century Fox France Inc., Twentieth Century Fox Home Entertainment France, Strike Entertainment Inc., New Regency Productions Inc. ainsi qu'au GIE Fox Pathé Europa une somme complémentaire globale de 50.000 euros et à supporter les dépens avec faculté de recouvrement conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.