CA Paris, Pôle 5 ch. 8, 17 septembre 2013, n° 12/02203
PARIS
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Rhodia (SA)
Défendeur :
Sanofi (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Hirigoyen
Conseillers :
Mme Delbès, M. Boyer
Avocats :
Me Kleiman, Me Boccon Gibod, Me Garaud, Me Rancourt, Me Cheviller
Ayant décidé en 1997 de recentrer ses activités sur les sciences de la vie, la société Rhône Poulenc a procédé par voie de scission (spin off). C'est ainsi que l'ensemble des activités dans les domaines de la chimie de spécialité et des fibres et polymères ont été regroupées au sein d'une filiale préexistante, Rhône Poulenc Fibres et Polymères (RPFP), qui allait prendre ultérieurement la dénomination de Rhodia.
Il était prévu que la nouvelle société serait introduite en bourse en 1998 et que Rhône Poulenc conserverait un contrôle majoritaire de sa filiale.
L'opération a été réalisée, pour l'essentiel, sous la forme de cessions d'actions, Rhône Poulenc, actionnaire unique, apportant à la nouvelle société 4 milliards de francs (environ 609,796 millions d'euros) par voie d'augmentation de capital réalisée le 31 décembre 1997, aux fins de financer l'acquisition des filiales et actifs de chimie de spécialités du groupe.
Le 1er janvier 1998, RPFP a pris la dénomination sociale de Rhodia.
L'action a été introduite sur les bourses de New York et Paris en juin 1998.
Puis, Rhône Poulenc a cédé la majorité des actions de sa filiale en 1998 (32%) et 1999 (39%) avant de fusionner, en décembre 1999, avec l'allemand Hoechst dans le cadre d'une offre publique d'échange et d'adopter la dénomination Aventis devenue Sanofi. Sa participation dans le capital de Rhodia a pris fin en octobre 2006.
L'opération de spin off s'est accompagnée de la cession d'un nombre significatif des engagements de retraite de la chimie en particulier le régime de retraite chapeau dit ACR, fermé en 1970 mais qui comptait déjà 1,54 retraité pour un actif, et de nombreux sites fermés ou en sommeil auxquels étaient attachés des passifs environnementaux importants, une provision de 1,185 milliard de francs (180,652 millions d'euros) étant inscrite au bilan consolidé de Rhodia pour les risques environnementaux probables.
Un contrat de garantie générale a été signé le 26 mai 1998 d'une durée de trois ans à compter du 1er janvier 1998 portant sur la régularité des titres de propriété des sociétés et la conformité légale des opérations d'apports et de scission avec en annexe une garantie environnement souscrite jusqu'au 31 décembre 2007 stipulant un plafond de 122 millions d'euros au titre exclusif des dépenses environnementales en matière de pollution non provisionnées et générées par des activités antérieures au 1er janvier 1998 sur les sites transférés.
Les 14 et 29 octobre 1999, Rhône Poulenc et Rhodia ont signé deux accords dénommés Heads of Agreement qui mettaient un terme aux conventions d'assistance financière les liant.
La garantie environnement a été résiliée par un avenant transactionnel en date du 27 mars 2003 aux termes duquel Rhodia renonçait à toute réclamation telle que définie par le contrat environnement et à toute instance moyennant le versement par Aventis de la somme globale de 88 millions d'euros pour solde de tout compte.
C'est la charge des passifs historiques de la branche chimie de Rhône Poulenc qui est à l'origine du litige.
Rhodia va soutenir en effet, que lors de sa création, la dimension intra groupe de l'opération a conduit au transfert, sans dotation ni garantie adéquate, d'un nombre significatif d'engagements de retraite et de passifs environnementaux et que Rhône Poulenc s'est progressivement séparée de sa filiale sans jamais avoir rééquilibré sa structure financière en méconnaissance de l'intérêt social de Rhodia qui devait supporter la charge financière de passifs liés à des activités dont Rhône Poulenc seule avait la charge opérationnelle ce qui caractérise une faute à l'origine d'une charge financière indue.
Par lettre du 1er février 2005, les dirigeants de Rhodia, qui jusqu'alors avaient écarté l'option, défendue par des actionnaires minoritaires, de la mise en oeuvre de la responsabilité de l'ancienne société mère, ont porté à la connaissance de Sanofi leur intention de poursuivre par toutes voies de droit la réparation du préjudice résultant de la charge de ces passifs.
Après une vaine tentative de conciliation puis la saisine de juridictions américaines et brésiliennes en vue de la réparation des conséquences dommageables de l'exploitation des sites de Silver Bow (Etats Unis) et Cubatao (Brésil), toutes actions qui échoueront, le 13 avril 2005, Rhodia a engagé la procédure d'arbitrage prévue conventionnellement.
Une sentence arbitrale a été rendue le 12 septembre 2006 suivant laquelle le tribunal arbitral s'est déclaré incompétent pour connaître de l'éventuelle responsabilité délictuelle de Rhône Poulenc dans la conception de l'opération de spin off et en particulier dans la négociation des diverses garanties accordées à Rhodia, la clause compromissoire excluant tous litiges relatifs à la négociation du contrat, a rejeté la demande subsidiaire en indemnisation du chef de dommages environnementaux eu égard aux limites claires et précises fixées par le contrat à l’obligation de garantie de Sanofi Aventis comme ayant cause de Rhône Poulenc' et a constaté qu’en toute hypothèse, la demande de Rhodia se heurte à la transaction conclue entre les parties le 27 mars 2003 dont la validité et la portée sont certaines.
Par acte d'huissier du 9 juillet 2007, Rhodia a assigné Sanofi devant le tribunal de commerce de Paris en indemnisation des préjudices résultant des engagements de retraite transférés par Rhône Poulenc et des dépenses liées à l'environnement.
Un jugement a été rendu le 3 décembre 2007 ordonnant un sursis à statuer dans l'attente de la décision de la cour d'appel de Paris, saisie du recours en annulation contre la sentence arbitrale, qui sera rejeté par arrêt du 15 mai 2008.
Puis par jugement du 3 mars 2009, le tribunal a rejeté l'exception de sursis à statuer soulevée à raison de la procédure pénale en cours à la suite d'une plainte avec constitution de partie civile contre X déposée par des actionnaires de Rhodia.
Statuant sur le fond, par jugement du 14 décembre 2011, le tribunal de commerce de Paris a débouté la société Rhodia de ses demandes et l'a condamnée à payer à Sanofi la somme de 250 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
La société Rhodia a relevé appel de ce jugement selon déclaration du 6 février 2012.
Par conclusions récapitulatives n°2 signifiées le 12 avril 2013, la société Rhodia demande à la cour, vu les articles 1382 et 1383 du code civil et 700 du code de procédure civile, d'infirmer le jugement déféré en ce qu'il l'a déboutée de ses demandes, statuant de nouveau, de dire que Sanofi a engagé sa responsabilité civile vis-à- vis de Rhodia en ne la dotant pas d'actifs suffisants pour faire face aux lourds passifs historiques de retraite et d'environnement qu'elle lui a transférés lors de sa création, de dire que Sanofi a, derechef, engagé sa responsabilité civile vis-à- vis de Rhodia en refusant systématiquement toute contribution,
(1) s'agissant des préjudices subis par Rhodia au titre des engagements de retraite transférés, à titre principal, de dire que Sanofi doit indemniser Rhodia du préjudice causé par les engagements de retraite qu'elle lui a transférés dans des proportions déséquilibrées, de dire que l'indemnisation du préjudice subi par Rhodia au titre des engagements de retraite transférés doit être égale au montant de l'apport en fonds propres qui aurait été nécessaire pour permettre à Rhodia d'externaliser la charge liée à l'engagement de retraite et les risques associés au 31 décembre 1998, en conséquence, de condamner Sanofi à indemniser Rhodia à hauteur de la somme de 1,313 milliard d'euros, correspondant au montant des capitaux propres que Rhône Poulenc aurait dû apporter à Rhodia pour la doter d'une structure financière saine, tout en externalisant les engagements de retraite qu'elle lui avait transférés, de condamner Sanofi au paiement des intérêts courant sur la somme de 1,313 milliard d'euros à compter du 31 décembre 1998, à titre subsidiaire, de dire que Rhodia a, au minimum, été privée de l'opportunité d'externaliser les engagements de retraite que lui a transférés Rhône Poulenc et d'éviter les pertes considérables liées à la dérive de ces engagements, en conséquence, de condamner Sanofi à l'indemniser de la perte de chance dont elle a été privée d'externaliser les engagements de retraite transférés par Rhône Poulenc et d'éviter les pertes liées à la dérive de ces engagements, de dire que ladite perte de chance ne saura être inférieure à la somme de 451 millions d'euros, soit 34 % du coût de l'externalisation de l'engagement de retraite de Rhodia, de condamner Sanofi au paiement des intérêts courant sur cette somme de 451 millions d'euros à compter du 31 décembre 1998,
(2) s'agissant des préjudices subis par Rhodia au titre des passifs environnementaux, à titre principal, de dire que Sanofi doit indemniser Rhodia de toutes les conséquences financières liées à tout passif environnemental qui lui a été transféré dans le cadre des opérations ayant abouti à la création de Rhodia, de dire que les dépenses environnementales d'ores et déjà effectuées par Rhodia entre 1998 et 2011 constituent des préjudices réparables, de dire que les dépenses environnementales futures faisant l'objet d'une provision dans les comptes de Rhodia constituent des préjudices réparables, de dire que les dépenses environnementales futures mentionnées en annexe au bilan consolidé au titre du passif éventuel constituent des préjudices réparables, en conséquence , de condamner Sanofi à l'indemniser intégralement des dépenses liées à l'environnement s'élevant au 31 décembre 2011, à la somme de 85,7 millions d'euros, sauf à parfaire, ainsi que des coûts futurs supplémentaires à venir qui font l'objet d'une provision dans les comptes consolidés de Rhodia à la somme actualisée de 98,7 millions d'euros, sauf à parfaire, de condamner Sanofi à indemniser Rhodia intégralement des dépenses futures relatives aux passifs environnementaux mentionnées en engagement hors bilan, à hauteur de 141,5 millions d'euros, sauf à parfaire, à titre subsidiaire, de condamner Sanofi au versement d'une indemnité provisionnelle d'un montant de 98,7 millions d'euros au titre des coûts futurs supplémentaires à venir qui ont fait l'objet d'une provision dans les comptes consolidés de Rhodia et, pour le surplus, de surseoir à statuer sur l'évaluation de ce chef de préjudice dans l'attente de la consolidation du dommage, de condamner Sanofi à indemniser Rhodia au titre de des dépenses futures relatives aux passifs environnementaux mentionnées en engagement hors bilan à hauteur de 141,5 millions d'euros, sauf à parfaire, sous réserve de la remise par Rhodia à Sanofi de justificatifs
comptables certifiés par ses commissaires aux comptes attestant de la réalité de toute dépense effectuée à ce titre, à titre plus subsidiaire, de désigner un expert avec mission de donner son avis sur l'existence d'un préjudice subi par Rhodia au titre des engagements de retraite et des passifs environnementaux transférés et, le cas échéant, sur l'étendue de celui ci, en tout état de cause, de condamner Sanofi aux intérêts au taux légal à compter du 31 décembre 1998 sur les sommes allouées avec capitalisation par application de l'article 1154 du code civil, d'infirmer le jugement en ce qu'il l'a condamnée à verser à Sanofi la somme de 250.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et statuant à nouveau de ce chef, de condamner Sanofi à lui payer la somme de 250.000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Par conclusions récapitulatives n°2 signifiées le 9 mai 2013, la société Sanofi sollicite la confirmation en tous points du jugement déféré outre 250 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
SUR CE
Pour débouter Rhodia de sa demande, le tribunal a retenu que la preuve n'était pas rapportée d'une faute d'imprudence et de négligence de Rhône Poulenc dans la création de Rhodia ni de l'existence d'un engagement de Rhône Poulenc d'apporter à son ancienne filiale un soutien indéterminé et illimité, relevant, par ailleurs, que l'action n'était fondée ni sur les dispositions de l'article L.651-2 du code de commerce qui régit la responsabilité des dirigeants d'une personne morale soumise à une procédure collective révélant une insuffisance d'actif, fondement non pertinent dès lors que Rhodia était à l'évidence une société viable, en particulier au vu des conditions de l'offre publique d'achat émise par la société belge Solvay, ni sur l'article L.225-251 du même code relatif à la responsabilité des administrateurs pour faute de gestion mais visait l'actionnaire, recherché sur le fondement de la responsabilité civile de droit commun dont l'application, en l'espèce, contreviendrait au principe de l'article 1836 du code civil prohibant l'augmentation des engagements d'un associé au delà de son apport sans son consentement.
Au soutien de son appel, Rhodia fait plaider que Rhône Poulenc, devenue Sanofi, a engagé sa responsabilité civile en refusant de la doter des actifs suffisants pour lui permettre de faire face aux passifs de retraite et d'environnement qu'elle lui transférait, méconnaissant ainsi l'intérêt social de sa filiale sur laquelle elle exerçait une domination intégrale et chiffre le préjudice dont elle demande réparation à la somme de 1,3 milliard d'euros au titre des engagements de retraite transférés, correspondant au complément de fonds propres dont elle estime qu'il aurait fallu la doter pour lui permettre d'externaliser tous ses engagements et à la somme totale à parfaire de 325,9 millions d'euros pour le préjudice subi au titre des passifs environnementaux transférés.
La société appelante critique le tribunal pour avoir écarté la faute invoquée alors que le droit positif impose à tout fondateur d'une société l'obligation de la doter des moyens propres à assurer la couverture des charges transférées en conformité avec l'intérêt social de la société nouvellement créée, l'obligation étant renforcée lorsque la société créée n'est pas à l'origine du passif, en particulier lorsqu'un groupe de sociétés se divise au moyen d'une opération de spin off, qu'il n'est nul besoin pour obtenir la sanction de l'inobservation de cette obligation que la société créée ne soit plus in bonis, que Rhône Poulenc ne s'est pas comportée en opérateur raisonnable et diligent en ne la dotant pas à suffisance, faisant de l'opération un anti modèle par rapport aux bonnes pratiques en matière de scissions industrielles, qu'en ne se conformant ni à son obligation de doter Rhodia à suffisance afin de lui permettre de faire face aux engagements dont elle n'était que l'héritière, en dépit notamment des recommandations du cabinet Shearman & Sterling préconisant de garantir les passifs environnementaux de manière à assurer le respect du principe dit arm s length , ni au modèle de comportement établi en matière de scissions industrielles, Rhône Poulenc, abusant du pouvoir absolu qu'elle exerçait sur Rhodia, a manqué à son obligation de prudence et de diligence, qu'en l'absence d'une évaluation des passifs transférés que n'imposait pas la voie choisie de la cession d'actions et en l'état de garanties réduites à leur plus simple expression, Sanofi aurait dû répondre lors du constat de l'insuffisance des dotations à l'appel de son ancienne filiale, que le revirement de la société mère dans le soutien à sa filiale la constitue encore en faute, que Rhône Poulenc a trompé sa croyance légitime en un soutien, issue de l' engagement pris d'apurer le passé.
Elle reproche aux premiers juges une appréciation erronée des fondements juridiques, souligne que la responsabilité, recherchée exclusivement sur le fondement des articles 1382 et 1383 du code civil, est encourue, en toute hypothèse, à raison de la qualité de Rhône Poulenc de dirigeant de fait et ajoute que l'obligation faite à quiconque, fût-ce à une ancienne société mère, qui cause à autrui un dommage par sa faute de le réparer n'est pas moins fondamentale que la prohibition de l'augmentation des engagements des associés.
La demande repose sur le postulat d'un déséquilibre originel entre dotations et passifs résultant de la décision de Rhône Poulenc, alors actionnaire unique, Rhodia évoquant dans ses conclusions une création fautive (page 61).
Comme l'ont justement relevé les premiers juges, l'opération de spin off s'inscrit dans le cadre d'une réorganisation du groupe par métiers qui a conduit Rhône Poulenc, désormais recentrée sur la pharmacie, à céder à la société renommée Rhodia l'ensemble des actifs et passifs liés au secteur d'activité de la chimie. Il est constant que Rhône Poulenc a procédé à une première augmentation du capital de Rhodia le 31 décembre 1997 pour 4 milliards de francs (environ 610 millions d'euros), qu'elle a consenti un abandon de créance sur la filiale américaine de Rhodia pour 4,3 milliards de francs (650 millions d'euros) et qu'elle a procédé, avant la mise sur le marché, à une nouvelle augmentation du capital de Rhodia à hauteur de 10 milliards de francs (1,52 milliard d'euros) ce qui représente un apport en fonds propres de 2,78 milliards d'euros et un ratio d'endettement de 0,52. Par ailleurs, la structure financière de Rhodia a été examinée par de nombreux experts et banques d'affaires lors de l'introduction en bourse qui a été favorablement accueillie par les marchés, toutes les opérations étant certifiées par les commissaires aux comptes, contrôlées par les autorités de marché et déclarées conformes aux réglementations en vigueur.
Ces faits contredisent les allégations d'une insuffisance de dotation et c'est sans aucun élément de preuve que Rhodia énonce en page 20 de ses écritures pour expliquer le renforcement de fonds propres à la veille de l'introduction en bourse que, conscients qu'ils ne pouvaient proposer aux investisseurs une société dotée d'un passif empoisonné , les dirigeants de Rhône Poulenc ont logiquement laissé penser qu'ils assumeraient les conséquences du déséquilibre des garanties mises en place lors de la filialisation afin de gagner la confiance du marché.
La structure financière et le dispositif conventionnel de garantie ne révèlent pas en eux-mêmes l'insuffisance alléguée qui, par ailleurs, ne saurait se déduire du contrôle de la société nouvellement créée par Rhône Poulenc, alors son actionnaire unique, ni des recommandations émises par les conseils sollicités lors de la constitution de la société.
Il n'est pas davantage démontré par les exemples cités d'opérations de scission réalisées postérieurement et dans des contextes différents l'existence, à la date des faits imputés à faute, de bonnes pratiques en matière de scissions industrielles opposables à Rhône Poulenc.
C'est donc en vain que Rhodia invoque une méconnaissance de son intérêt social ou un manquement de Rhône Poulenc à une obligation de prudence ou de diligence lors de sa création.
De même, Rhodia prétend en vain au bénéfice d'un soutien intra groupe pour compenser la faiblesse des garanties accordées.
En effet, non seulement la faiblesse alléguée n'est pas démontrée mais il n'est pas de devoir général de prudence qui obligerait une société mère à soutenir sa filiale tout au long de sa vie sociale au-delà des engagements souscrits étant souligné que la garantie environnement a été résiliée après une transaction dont le tribunal arbitral a rappelé qu'elle ne souffrait pas d'interprétation quant à son domaine d'application et qu'elle avait autorité de chose jugée.
Et on ne peut trouver un engagement à supporter les passifs en cause dans les propos de M. T., président du conseil d'administration de Rhodia, lequel, certes, évoquait lors de la réunion du 16 avril 1998 l'objectif d’apurer le passé mais pour justifier l’augmentation de capital qu’il proposait et qui a été effectivement réalisée, sans aucune référence à un engagement général illimité.
Le moyen pris de la déception d'une croyance légitime en un tel soutien est, dès lors, inopérant.
Il sera encore souligné qu'il ressort des éléments du dossier que Rhodia, dotée par Rhône Poulenc de fonds propres de 2,18 milliards d'euros, est devenue à la suite des opérations de séparation et de mise sur le marché un groupe majeur de l'industrie chimique, qu'elle était valorisée à 3,7 milliards d'euros en 1998, qu'en 2011, le groupe belge Solvay a déposé une offre publique d'achat amicale visant la totalité des titres Rhodia et valorisant la société à 3,4 milliards d'euros pour une valeur d'entreprise de 6,6 milliards d'euros, que le rapprochement a été un succès complet si bien que le 7 septembre 2012, Solvay Rhodia, premier groupe de chimie en France intégrait le CAC 40.
De plus, les difficultés qu'a connues Rhodia dans les années 2000 n'étaient pas liées à ses passifs d'environnement ou de retraites mais, selon les déclarations faites en 2006 devant le tribunal arbitral par M. C., à un contexte pénalisant pour la chimie et à diverses opérations dont les acquisitions coûteuses d'Albright & Wilson et de ChiRex en 1999 et 2000.
Enfin, à partir de fin 1999, le conseil d'administration était composé à plus de 80% de membres n'exerçant aucune fonction au sein du successeur de Rhône Poulenc.
En définitive, Rhodia échoue à faire la preuve d'une insuffisance de fonds propres imputable à une dotation dont Rhône Poulenc l'aurait privée de manière fautive.
Les premiers juges doivent donc être approuvés pour l'avoir déboutée de ses demandes.
Le jugement sera confirmé en ces dispositions.
L'équité commande de confirmer encore le jugement en ses dispositions relatives à l'article 700 du code de procédure civile et, y ajoutant de condamner Rhodia à payer à Sanofi la somme de 50 000 euros pour ses frais irrépétibles d'appel.
Partie perdante, Rhodia supportera les dépens et sera déboutée de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile
PAR CES MOTIFS
Confirme le jugement en toutes ses dispositions,
Y ajoutant
Condamne la société Rhodia à payer à la société Sanofi la somme de 50 000 euros pour ses frais irrépétibles d'appel,
Condamne la société Rhodia aux dépens d'appel qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.