Cass. 3e civ., 20 février 1991, n° 89-19.649
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Senselme
Rapporteur :
M. Beauvois
Avocat général :
M. Sodini
Avocats :
Me Parmentier, Me Odent
Sur le premier moyen :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 9 juin 1989), que la société en nom collectif Set Avoriaz et Sica, dénommée Alpages II (SNC), maître de l'ouvrage, a fait construire, en 1981, un immeuble qui a été vendu par lots ; que les appartements ont ensuite été donnés à bail à la société Set Avoriaz par les copropriétaires avec une clause subrogeant la société locataire dans leurs droits à invoquer les garanties biennale et décennale ; qu'à la suite de l'apparition de désordres, la SNC, le syndicat des copropriétaires et la Société mutuelle d'assurance du bâtiment et des travaux publics (SMABTP), en qualité d'assureur du maître de l'ouvrage, ont assigné en réparation la société Bureau d'études Decaen, chargée de la conception des blocs cuisine et assurée auprès de la compagnie Groupe Drouot ; qu'ils ont également assigné la société Satec Cassou Bordas, entreprise générale, assurée auprès de la compagnie La Zurich ;
Attendu que la société Bureau d'études Decaen, la société Satec Cassou Bordas, ainsi que les compagnies Groupe Drouot et La Zurich, font grief à l'arrêt d'avoir déclaré recevable la demande formée par la SMABTP contre ces sociétés, alors, selon le moyen,
"1°) qu'il résulte des propres constatations de l'arrêt attaqué que, aux termes des baux conclus entre la société Set Avoriaz et Sica et chacun des copropriétaires, la subrogation de cette société dans les droits de ceux-ci concernait uniquement la mise en jeu des garanties biennale et décennale contre le vendeur ; que pour admettre la recevabilité de la demande de la SMABTP, subrogée dans les droits de son assuré, la cour d'appel a retenu que la société Set Avoriaz et Sica se trouvait subrogée dans les droits et actions des copropriétaires contre les constructeurs ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a méconnu la portée juridique de ses propres constatations, en violation des articles 1134, 1646-1 et 1792 et suivants du Code civil ;
2°) que les actions en garantie découlant des articles 1792 et suivants du Code civil sont attachées à la propriété de l'immeuble et accompagnent en tant qu'accessoire la chose vendue ; que pour déclarer recevable la demande de la SMABTP, subrogée dans les droits de son assuré, la cour d'appel a retenu que la société Set Avoriaz et Sica, qui n'était pourtant ni assignée par les copropriétaires, ses ayants cause, ni subrogée dans leurs droits, avait qualité pour exercer les actions en garantie contre les constructeurs ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé les articles 1792 et suivants du Code civil" ;
Mais attendu que l'arrêt, qui relève que la SMABTP a versé au syndicat des copropriétaires les sommes nécessaires à la réfection des désordres et que cet assureur a été subrogé dans les droits du maître de l'ouvrage, recevable à agir contre les constructeurs et leurs assureurs, est, par ces seuls motifs, légalement justifié de ce chef ;
Sur le deuxième moyen :
Attendu que la société Bureau d'études Decaen, la société Satec Cassou Bordas et les compagnies Groupe Drouot et La Zurich font grief à l'arrêt de les avoir condamnées à réparer les désordres affectant les blocs-cuisine, alors, selon le moyen, "1°) que seuls les dommages qui ont leur siège dans une partie de l'ouvrage, soit dans l'un de ses éléments constitutifs, soit dans l'un de ses éléments d'équipement, donnent lieu aux garanties édictées par les articles 1792 et suivants du Code civil ; qu'en décidant que les dommages affectant les réfrigérateurs placés dans les cuisines, qui n'affectaient ni un élément constitutif ni un élément d'équipement du bâtiment, devaient donner lieu à ces garanties, la cour d'appel a violé les articles 1792 et suivants du Code civil ; 2°) que le juge doit lui-même observer le principe du contradictoire ; qu'en relevant d'office, sans rouvrir les débats, le moyen tiré de l'erreur de conception prétendue commise par le Bureau d'études Decaen, la cour d'appel a violé l'article 16 du nouveau Code de procédure civile" ;
Mais attendu que, saisie d'une demande en réparation des désordres affectant les blocs-cuisine, dirigée contre la société Bureau d'études Decaen et ayant retenu que ces désordres ne concernaient pas le mauvais fonctionnement d'un appareil ménager ou domestique mais le vice de construction d'un ensemble intégré qui comprend ces appareils, la cour d'appel a, sans violer le principe du contradictoire, légalement justifié sa décision de ce chef ;
Sur le troisième moyen :
Attendu que la société Bureau d'études Decaen, la société Satec Cassou Bordas et les compagnies Groupe Drouot et La Zurich font grief à l'arrêt d'avoir condamné la société Satec Cassou Bordas et son assureur à réparer les désordres affectant les moquettes, alors, selon le moyen, "que seuls les dommages qui ont leur siège dans une partie de l'ouvrage, soit dans l'un de ses éléments constitutifs, soit dans l'un de ses éléments d'équipement, donnent lieu aux garanties édictées par les articles 1792 et suivants du Code civil ; qu'en décidant que les dommages affectant les moquettes, qui n'avaient pas leur siège dans une partie de l'ouvrage, devaient donner lieu à ces garanties, la cour d'appel a violé les articles 1792 et suivants du Code civil" ;
Mais attendu qu'ayant relevé que le revêtement moquette présentait des désordres évolutifs, matérialisés par l'effilochage de la trame en différents endroits, s'accentuant à chaque nettoyage, et que la police dommages ouvrage couvrait les dommages entraînant la garantie de bon fonctionnement visée à l'article 1792-3 du Code civil, la cour d'appel a légalement justifié sa décision de ce chef ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi.