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Décisions

Cass. 3e civ., 15 juin 2011, n° 10-16.233

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Lacabarats

Avocats :

SCP Hémery et Thomas-Raquin, SCP Piwnica et Molinié

Paris, du 3 févr. 2010

3 février 2010


Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 3 février 2010), que la société Smart Distribution, aux droits de laquelle vient la société Mercedes Benz France, locataire, selon acte du 17 juin 2004, de locaux à usage commercial appartenant à la SCI 5 & 7 rue Louis Rouqier à Levallois-Perret (la SCI), a, conformément aux stipulations du contrat de bail, demandé à cette dernière d'agréer la société Sivam en qualité de cessionnaire du droit au bail ; que les pourparlers engagés par la SCI avec la société Sivam en vue de la conclusion d'un contrat de bail n'ont pas abouti ; que la SCI en a informé la société Smart Distribution par courrier du 22 janvier 2007, puis, par acte notifié le 23 mai 2007, l'a mise en demeure d'exploiter les locaux loués ; que la société Smart Distribution a assigné la SCI pour voir dire non justifié le refus de la cession du droit au bail et ordonner l'indemnisation de son préjudice ; que la SCI a demandé reconventionnellement que soit constatée la résiliation du bail par acquisition de la clause résolutoire ;

Sur les deuxième et troisième branches du moyen unique :

Attendu que la SCI fait grief à l'arrêt d'accueillir les demandes de la société Mercedes Benz France et de la condamner à payer la somme de 370 000 euros à titre de dommages-intérêts, alors, selon le moyen :

1°/ que conformément à l'article L. 145-16 du code de commerce, si les clauses interdisant au preneur de céder son droit au bail sont nulles, les parties peuvent néanmoins prévoir que le bailleur, informé du projet de cession, devra donner son autorisation ; que le juge saisi du caractère abusif du refus du bailleur doit rechercher, au-delà de son refus in fine, écrit et non explicite, les circonstances ayant entouré ce refus et en conséquence, la légitimité des motifs de refus du bailleur ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a énoncé qu'il importait peu que des pourparlers aient été engagés par le bailleur avec le preneur et le cessionnaire en vue de la rédaction d'un nouveau bail avec augmentation du loyer et que ceux-ci aient été rompus par le refus du cessionnaire d'assumer la charge du coût de rédaction de l'acte, s'en tenant au fait que la notification du refus d'autorisation du bailleur n'avait pas été motivée ; qu'en statuant ainsi, pour décider que le refus d'autorisation de la cession par le bailleur était abusif, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de la disposition susvisée ;

2°/ que le contrat de bail prévoyant que le preneur a la faculté de céder le droit au bail, à la condition d'obtenir l'accord du bailleur, et le preneur ayant eu connaissance de ce que celui-ci suspendait cet accord à l'augmentation du montant du loyer, ce qu'il avait accepté lors de sa propre entrée dans les lieux, le refus du bailleur de donner son autorisation est légitime, même dans le cas où il n'énonce pas les motifs de ce refus dans son courrier définitif de refus, s'il ressort des circonstances ayant entouré la demande d'autorisation puis le refus, in fine, du bailleur que ce refus a pour cause le refus du cessionnaire de payer le coût de rédaction de l'acte ; qu'en se déterminant en la seule considération du défaut de motif énoncé par le bailleur dans son courrier informant le preneur de son refus, la cour d'appel qui a décidé que ce refus était abusif en dépit de la clause d'agrément qui suspendait l'autorisation de cession à l'accord du bailleur, sans mention d'une obligation de motivation expresse du refus, a, en statuant ainsi, ajouté aux conditions contractuelles tout en refusant d'exercer son contrôle sur les conditions du défaut d'accord, ce qui s'imposait à elle et elle a, en conséquence, violé l'article 1134 du code civil ;

Mais attendu qu'ayant relevé que le contrat de bail n'interdisait pas au preneur la cession du droit au bail à un tiers autre que l'acquéreur de son fonds de commerce et que le refus opposé par la bailleresse à cette cession ne pouvait être discrétionnaire et devait revêtir un caractère légitime, la cour d'appel, qui a constaté que la bailleresse, notifiant son refus à la locataire par un courrier du 22 janvier 2007, n'alléguait aucun motif, a souverainement retenu que l'échec des pourparlers conduits avec la société Sivam en vue de la conclusion d'un contrat de bail, ne caractérisait pas un motif légitime du refus opposé à la cession de son droit au bail par la société Smart Distribution, et ordonné la réparation du préjudice subi de ce fait par cette dernière ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé de ce chef ;

Mais sur la première branche du moyen unique :

Vu l'article 4 du code de procédure civile, ensemble l'article 562 du même code ;

Attendu que l'appel ne défère à la cour que la connaissance des chefs de jugement qu'il critique implicitement ou explicitement et de ceux qui en dépendent ; que la dévolution s'opère pour le tout lorsque l'appel n'est pas limité à certains chefs, lorsqu'il tend à l'annulation du jugement ou si l'objet du litige est indivisible ;

Attendu que la cour d'appel a infirmé la décision des premiers juges en ce qu'ils avaient constaté la résiliation du bail par l'acquisition de la clause résolutoire ;

Qu'en statuant ainsi, alors que la société Mercedes Benz France avait, dans ses dernières conclusions, expressément renoncé à critiquer ce chef du jugement et que la SCI, intimée, en demandait la confirmation, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

Et vu l'article 627 du code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a infirmé la décision des premiers juges qui avait constaté la résiliation du bail par l'acquisition de la clause résolutoire, l'arrêt rendu le 3 février 2010, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi.