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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 3, 10 mars 2010, n° 08/19957

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Etudes Transformation Stockage 'Setes' (SA)

Défendeur :

Nouvelle La Maille Souple (Sté), Montmartre (SCI)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Gaboriau

Conseillers :

Mme Porcher, Mme Degrelle-Croissant

Avoués :

SCP Monin - D'auriac De Brons, SCP Lamarche-Bequet- Regnier-Aubert - Regnier - Moisan, Me Couturier

Avocats :

Me Wolfer, Me Bourdon, Me Mellet

TGI Paris, du 8 août 2008, n° 08/04525

8 août 2008

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Par acte sous seing privé du 2 juillet 2004, la SCI MONTMARTRE a donné à bail commercial à la SA SETES, enseigne 'Antoine et Lili', des locaux situés dans un immeuble [...] pour une durée de neuf années à compter du 1er juillet 2004 et moyennant un loyer annuel de 90 000 €, 100 000 € à compter du 1er juillet 2006 et 110 000 € du 1er juillet 2008.

Le 29 octobre 2007, la SOCIETE NOUVELLE LA MAILLE SOUPLE exerçant sous le nom commercial PETIT BATEAU a adressé à la SA SETES une offre de rachat de son droit au bail, valable jusqu'au 9 novembre 2007, moyennant un prix de cession de 80 000 €, un loyer annuel maximum hors taxes de 120 000 €, la signature d'un nouveau bail de 9 ans et une prise de possession le 1er mars 2008 au plus tard, offre qui lui a été retournée le 30 octobre 2007, revêtue de la mention bon pour accord sous la signature du président directeur général, Monsieur Alexandre GATTEGNO.

Le 28 novembre 2007, la SCI MONTMARTRE et la SA SETES ont convenu de la résiliation du bail à effet du 15 mars 2008 moyennant le versement par le bailleur d'une indemnité de 100 000 € au profit de la société locataire.

Les 13 et 14 mars 2008, la société NOUVELLE LA MAILLE SOUPLE a fait assigner à jour fixe la SA SETES et la SCI MONTMARTRE devant le Tribunal de Grande Instance de PARIS aux fins de voir constater le caractère parfait de la cession de bail.

Le 16 avril 2008, la SCI MONTMARTRE a consenti à la société SANDRO FRANCE une sous location de son local commercial moyennant un pas de porte de 50 000 € et un loyer annuel en principal de 150 000 €.

Par jugement rendu le 8 août 2008, le Tribunal de Grande Instance de PARIS a condamné in solidum la société SETES et la SCI MONTMARTRE à payer à la société NOUVELLE LA MAILLE SOUPLE la somme de 100 000 € de dommages et intérêts avec exécution provisoire ainsi que la somme de 4 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile et a débouté les parties du surplus de leurs demandes.

Le 21 octobre 2008, la SA SETES a interjeté appel de cette décision.

***

Dans ses dernières conclusions signifiées et déposées le 2 novembre 2009, la SA SETES invoque l'absence de rencontre des volontés des trois parties sur l'ensemble des éléments du contrat, de faute qu'il lui soit imputable du fait du refus d'agrément de la cession de bail opposé par le bailleur le 19 novembre 2007, de justificatifs d'un préjudice indemnisable.

Elle sollicite l'infirmation du jugement déféré, le débouté de la société NOUVELLE LA MAILLE SOUPLE de ses demandes et, en tant que de besoin, la condamnation de cette dernière à lui rembourser la somme de 52 000 € versée au titre de l'exécution provisoire.

Subsidiairement, elle demande de condamner la SCI MONTMARTRE à la garantir de toutes condamnations prononcées contre elle au bénéfice de la société NOUVELLE LA MAILLE SOUPLE et, ces deux sociétés solidairement ou, l'une à défaut de l'autre, à lui payer 10 000 € d'indemnité en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Dans ses dernières conclusions signifiées et déposées le 2 novembre 2009, la SOCIETE NOUVELLE LA MAILLE SOUPLE invoque le caractère parfait de la cession du droit au bail du fait de l'accord du bailleur donné par courriel du 10 octobre 2007 et l'acceptation sans réserve de son offre par la société SETES dès le 30 octobre 2007, les agissements fautifs de ceux-ci qui ont tous deux obtenus des avantages financiers à son détriment et les gains dont elle a été privée du fait de l'impossibilité d'exploiter un fonds de commerce dans les lieux litigieux.

Elle demande de confirmer le jugement déféré sauf en ce qu'il a limité l'indemnisation de son préjudice et, en conséquence, de condamner in solidum la société SETES et la SCI MONTMARTRE à lui payer 1 099 000 € de dommages et intérêts ainsi que, chacune d'elles, 10 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Dans ses dernières conclusions signifiées et déposées le 28 octobre 2009, la SCI MONTMARTRE fait valoir qu'il n'y a pas eu vente parfaite entre les sociétés LA MAILLE SOUPLE et SETES par non réalisation des conditions suspensives, qu'elle n'a commis aucune faute susceptible d'engager sa responsabilité et, qu'en tout état de cause, il n'est justifié d'aucun préjudice indemnisable.

Elle demande d'infirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions, de prononcer sa mise hors de cause, à titre subsidiaire de condamner la société SETES à la relever et garantir indemne des condamnations mises à sa charge et, en toute hypothèse, de condamner la partie succombante à lui verser 5 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

MOTIVATION DE LA DÉCISION

Le courrier électronique du 10 octobre 2007 envoyé par Monsieur Richard FETTAYA expert comptable de la SCI MONTMARTRE à FDCONSEIL soit Monsieur Franck DESNOYER, agent immobilier de la société SETES et aussitôt transféré à Monsieur Guy FLAISCHAKER, conseil de la SOCIETE NOUVELLE LA MAILLE SOUPLE est ainsi rédigé :

Suite à notre dernier entretien nous te confirmons notre accord pour la cession Antoine et Lili vs Petit Bateau aux conditions suivantes :

. Signature concomitante à la cession d'un Bail 3/6/9

. Loyer 120 000 € HT/an

. Autres clauses restant inchangées

Nous vous transmettrons le projet de bail début de semaine prochaine (les honoraires de rédaction 3 000 € HT sont à la charge du preneur).

Ce courriel, échangé entre les mandataires des parties en cause, dont la qualité n'est plus discutée en appel, suffit à établir l'agrément du bailleur pour la cession du droit au bail aux conditions offertes le 29 octobre 2007 par la SOCIETE NOUVELLE LA MAILLE SOUPLE à la SA SETES dans le cadre du rachat de son droit au bail.

L'acceptation sans réserve par la société SETES de l'offre, formalisée par la mention bon pour accord portée sur la proposition du 29 octobre 2007 et retournée signée par son président directeur général le lendemain soit, avant la date limite de validité du 9 novembre 2007, constitue un accord sur la chose et le prix rendant la cession du droit au bail parfaite en application de l'article 1583 du Code Civil, peu important les conditions suspensives y figurant (accord du bailleur et de la copropriété et obtention des autorisations administratives d'usage sur la réalisation de travaux, accord de Unibail pour lever une clause de non concurrence), stipulées conclues au seul bénéfice de notre société (la SOCIETE NOUVELLE LA MAILLE SOUPLE) qui pourrait seule y renoncer en tout ou partie ou repousser leur date limite de réalisation.

En ne procédant pas à la réalisation de la cession, la société SETES a manqué aux obligations découlant de l'article 1148 du Code Civil et commis ainsi une faute engageant sa responsabilité contractuelle.

En revenant - par son courrier adressé le 19 novembre 2007 accusant réception à la société SETES de sa demande d'agrément de cession de son droit au bail, lui indiquant qu'en qualité de propriétaire, elle refuse toutes cessions et lui propose de l'indemniser à hauteur de 100 000 € pour résilier le bail par anticipation - sur son accord donné le 10 octobre 2007 et ce, postérieurement à la cession intervenue et, de surcroît, en concluant un nouveau bail avec un autre preneur postérieurement à l'assignation introductive de la présente instance empêchant ainsi toute possibilité de régularisation, la SCI MONTMARTRE dont l'intervention dans le cadre de l'opération envisagée aurait dû se limiter à une simple autorisation, a commis une faute de nature à engager sa responsabilité quasi délictuelle.

La société NOUVELLE LA MAILLE SOUPLE est par conséquent bien fondée à obtenir la condamnation in solidum de la société SETES et de la SCI MONTMARTRE à réparer le préjudice subi, constitué par la perte d'une possibilité d'exploitation de son fonds à un emplacement à l'évidence intéressant eu égard aux conditions négociées avec la société SANDRO FRANCE et, par conséquent, de gains que les premiers juges ont à juste titre évalué à 100 000 €.

Il convient de faire droit à la demande en garantie formée par la société SETES, manifestement contrainte pour des raisons financières de céder au plus vite son bail, dès lors que le refus d'agréer la cession, opposé par la SCI MONTMARTRE, l'a empêchée d'honorer son engagement vis à vis de la société NOUVELLE LA MAILLE SOUPLE, le fait qu'elle ait perçu une somme supérieure au prix de cession convenu pour libérer les lieux par anticipation n'étant pas suffisant à établir une collusion frauduleuse avec son bailleur.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant en dernier ressort,

I - Confirme le jugement déféré en ce qu'il a condamné in solidum la société SETES et la SCI MONTMARTRE à payer à la société NOUVELLE LA MAILLE SOUPLE la somme de 100 000 € de dommages et intérêts, aux dépens ainsi qu'à la somme de 4 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

II - Condamne la SCI MONTMARTRE à garantir la société SETES de la totalité des condamnations prononcées à son encontre.

III - Condamne la SCI MONTMARTRE aux dépens d'appel qui seront recouvrés sur leur demande par la SCP REGNIER BEQUET MOISAN et la SCP MONIN D'AURIAC de BRONS conformément à l'article 699 du code de procédure civile et à payer à la société NOUVELLE LA MAILLE SOUPLE la somme de 5 000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

IV - Dit n'y avoir lieu à allocation de sommes en application de l'article 700 du code de procédure civile au profit de la société SETES.