CA Toulouse, 2e ch. sect. 1, 20 février 2013, n° 11/01041
TOULOUSE
Arrêt
Infirmation partielle
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Cousteaux
Conseillers :
M. Delmotte, M. Salmeron
EXPOSÉ DU LITIGE
Par deux actes du 30 novembre 2001, Michèle D. a :
- cédé à Julien J. le fonds de commerce bar-tabac « le Pause Café » qu'elle exploitait dans le local lui appartenant [...],
- donné à J. J. lesdits locaux à bail.
Le 2 juillet 2003, Michèle D. a donné à son fils Anthony D. la nue-propriété de l'immeuble du [...].
Par acte notarié du 15 janvier 2008, passé en l'étude de Maître D'A.- P., J. J. a cédé son fonds de commerce à la S.N.C T..
Le 20 mai 2008, Mme D. a formé opposition au prix de vente du fonds de commerce pour obtenir paiement des loyers de janvier, avril et mai 2008 (5.204,28 euros).
Les 20 et 21 mai 2008, elle a fait délivrer à J. J. ainsi qu'à la S.N.C T. un commandement de payer visant la clause résolutoire, pour obtenir paiement d'arriérés de loyer (4.140,72 euros).
Le 18 juin 2008, elle a restitué à la S.N.C T. la somme de 1.185,58 euros à titre de trop perçu.
Par acte des 27 et 28 octobre 2009, Mme D. et Anthony D. ont fait assigner J. J. et la S.N.C T. devant le tribunal de grande instance de TOULOUSE pour voir déclarer que la cession du fonds de commerce est inopposable aux bailleurs et obtenir l'expulsion de la S.N.C T..
Par acte du 23 février 2009 , la S.N.C T. a appelé en cause Maître D'A.- P..
Par jugement du 28 février 2011, le tribunal a :
- dit que la cession du fonds de commerce intervenue entre J. J. et la S.N.C T. le 15 janvier 2008 était inopposable à Mme D. et Anthony D.,
- prononcé aux torts de J. J. la résiliation du bail commercial et ordonné l'expulsion de J. J. et de la S.N.C T.,
- condamné J. J. à payer à Mme D. et Anthony D. les sommes de 8.102,40 euros à titre de clause pénale, 279,64 euros en remboursement des frais d'opposition et de commandement, 3.000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile,
- condamné la S.N.C T. à payer à Mme D. et Anthony D. une indemnité d'occupation mensuelle de 1.410 euros, augmentée des charges, à compter du jugement et jusqu'à libération des lieux,
- condamné in solidum J. J. et Maître D'A.- P. à payer à la S.N.C T. la somme de 228.674 euros en remboursement du prix de cession du fonds de commerce,
- condamné Maître D'A.- P. à relever et garantir J. J. des condamnations prononcées contre ce dernier,
- condamné Maître D'A.- P. à payer sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile la somme de 2.000 euros à J. J. et à la S.N.C T..
Maître D'A.-P. a interjeté appel de cette décision le 14 mars 2011.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 25 septembre 2012.
PRÉTENTIONS DES PARTIES
Au terme de ses conclusions du 24 septembre 2012 auxquelles il est fait expressément référence pour plus ample exposé des moyens, Maître Pierrette D'A.-P. demande au principal qu'il soit jugé que son appel en cause est sans objet, subsidiairement qu'il soit retenu que J. J. et la S.N.C T. ne justifient pas d'un préjudice certain en relation avec la faute qui lui est reprochée, et que la faute de J. J. exonère le notaire au moins à hauteur de moitié, qu'elle ne peut être tenue au paiement du prix de cession qui n'est pas une demande indemnitaire, qu'en tout état de cause, doivent être déduits de ce prix :
- le montant des bénéfices réalisés par la S.N.C T. soit à ce jour 61.178 euros,
- s'agissant de J. J. le montant des éléments corporels et incorporels à récupérer soit 90.980 euros,
- enfin, le montant des créances éventuellement réglées avec le prix de cession.
Maître D'A.-P. réclame à l'encontre de tout succombant une indemnité de 2.500 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile.
L'appelante fait essentiellement valoir :
- que les bailleurs ont renoncé de façon univoque à se prévaloir de l'inobservation de la clause d'agrément insérée au bail commercial,
- en toute hypothèse que le non-respect de cette clause ne constitue pas un manquement d'une gravité suffisante pour justifier la résiliation du bail,
- que les conditions de mise en cause de la responsabilité professionnelle du notaire ne sont pas réunies :
* les parties étaient informées aux termes de l'acte authentique, des conditions à respecter pour la validité de la cession, propre manquement du cédant, et le cédant, J. J. a commis une faute en n'exécutant pas la clause d'agrément,
* il n'est pas rapporté la preuve d'un préjudice certain, la situation étant régularisable tant que la résiliation du bail commercial n'a pas force de chose jugée,
- la part de responsabilité de J. J., ainsi que divers éléments doivent venir en diminution du préjudice invoqué, et seul J. J. peut être tenu à la restitution du prix de cession,
- aucune des demandes au titre des autres préjudices invoqués par J. J. ou la S.N.C T. n'est fondée.
Au terme de leurs conclusions en date du 5 septembre 2012 auxquelles il est fait expressément référence pour plus ample exposé des moyens, les consorts D. sollicitent la confirmation du jugement entrepris, subsidiairement, en cas de réformation du jugement en ce qu'il a prononcé la résiliation du bail, la condamnation solidaire de la S.N.C T. et de M. J. au paiement des sommes de 9.485 euros au titre des arriérés locatifs et de 16.204,80 euros en réparation de l'inexécution de prendre un engagement de garantie solidaire, et en tout état de cause, une somme de 6.000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile.
Ils développent principalement les observations suivantes :
- la clause d'agrément insérée au bail commercial est valable et a été violée par M. J.,
- les consorts D. n'y ont jamais renoncé,
- les manquements commis par M. J. (non-respect des droits du nu-propriétaire, défaut d'agrément écrit préalable des bailleurs, non-respect des formalités de convocation des bailleurs à la signature, défaut d'information du contenu de la cession) justifient la résiliation du bail commercial,
- la clause pénale de 8.102,40 euros a été justement accordée ainsi que l'indemnité d'occupation et les frais d'opposition,
- les dommages-intérêts réclamés en plus (à hauteur d'un an de loyer) indemniseront notamment de la perte de la licence,
- très subsidiairement, en cas d'infirmation, l'absence de garanties au profit du bailleur dans l'acte de cession justifie l'octroi d'une indemnité (à hauteur d'un an de loyer), et l'arriéré de loyers est justifié par l'arrêté de compte produit.
Au terme de ses conclusions en date du 28 août 2012 auxquelles il est fait expressément référence pour plus ample exposé des moyens, Julien J. conclut au principal au débouté des consorts D., sollicite subsidiairement la suspension des effets de la clause résolutoire afin de régulariser le manquement visé dans le commandement ; très subsidiairement, il demande à être relevé et garanti par Maître D'A.-P.. Il réclame à la charge de Me D'A.-P. une indemnité de 3.000 euros en réparation du préjudice subi et une indemnité de 5.000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile, à la charge des consorts D. ou de tout succombant.
Il fait valoir pour l'essentiel :
- que les consorts D. ont été informés et ont agréé tacitement la cession du droit au bail, qui leur est opposable, qu'en outre, l'acte de cession reprend la clause de garantie insérée dans le bail,
- que la gravité du manquement n'est pas établie,
- que l'acte de cession engage le cessionnaire aux garanties prévues dans le bail commercial,
- que la suspension de la clause résolutoire permettra de faire concourir le bailleur à l'acte,
- que le notaire a délibérément fait signer un acte qu'il savait contraire aux dispositions du bail commercial,
- que le préjudice est le prix de cession du fonds de commerce, dont la valeur en retour est nulle du fait de l'absence de droit au bail, la licence ne pouvant être transférée séparément.
Au terme de ses écritures en date du 24 septembre 2012 auxquelles il est fait expressément référence pour plus ample exposé des moyens, la S.N.C T. demande au principal le rejet des prétentions des consorts D. et l'octroi d'une indemnité de 5.000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile , subsidiairement la condamnation de Maître D'A.- P. à la relever et garantir de toutes condamnations, le prononcé de la résolution de la cession du fonds de commerce et la condamnation in solidum de M. J. au paiement des sommes suivantes :
- 228.674 euros correspondant au prix de vente,
- 18.031,67 euros correspondant aux intérêts du prêt,
- 669,76 euros correspondant aux frais de dossier pour la conclusion du prêt,
- 2.967,69 euros correspondant aux indemnités de remboursement anticipé du prêt,
- 13.274 euros correspondant aux frais et honoraires de l'acte de cession,
- 2.626,58 euros correspondant à l'achat du rideau métallique
soit un total de 263.275 euros avec intérêts au taux légal à compter du 28 février 2011, sous astreinte de 100 euros par jour de retard.
En tout état de cause, la S.N.C T. demande que Maître D'A.- P. soit condamnée à lui payer la somme de 50.000 euros à titre de dommages-intérêts pour le préjudice subi, celle de 2.000 euros pour appel abusif, et une indemnité de 5.000 euros en remboursement de ses frais de défense.
Elle soutient essentiellement :
- que les consorts D. ont tacitement renoncé à la clause d'agrément,
- qu'en toute hypothèse, la méconnaissance de cette clause n'est pas suffisamment grave pour justifier la résiliation du bail,
- qu'à défaut, la responsabilité de Maître D'A.-P. est engagée et l'oblige à garantir M. J. du remboursement du prix de vente et des dépenses engagées par la S.N.C T.,
- que la résolution de la cession s'impose, en l'absence de bail,
- que les déductions invoquées par Maître D'A.- P. ne sont pas fondées, les bénéfices engrangés par la S.N.C T. n'étant que la contrepartie du travail effectué, les montants étant au surplus erronés,
- que la S.N.C T. subit un réel préjudice économique et moral.
MOTIFS DE LA DÉCISION :
- Sur l'inopposabilité de la cession du fonds de commerce aux consorts D. :
Après examen des pièces soumises à son appréciation, la cour estime que le tribunal, par des motifs précis et pertinents qu'elle approuve, a fait une exacte appréciation des faits de la cause et du droit des parties concernant la non- renonciation des bailleurs à la clause d'agrément. En effet, le bail stipulait que le locataire ne pouvait céder son droit au bail qu'avec l'agrément préalable du bailleur qui devait être donné par écrit ; en outre, le bailleur devait être convoqué à la signature de l'acte authentique de cession par lettre recommandée ou par exploit d'huissier quinze jours avant la date prévue. Les consorts D. n'ont pas donné d'agrément écrit et n'ont pas été convoqués à la signature de l'acte de cession.
Par ailleurs, toute renonciation éventuelle du bailleur à cette stipulation contractuelle doit être non équivoque. Or, en l'espèce, le fait que la seule bailleresse usufruitière n'ait pas retourné la procuration adressée par le notaire, rédacteur de l'acte, pas plus que son courrier du 14 janvier 2008, adressé au notaire lui précisant qu'elle venait d'apprendre que le locataire vendait son fonds de commerce dès le lendemain et lui demandait uniquement de rappeler à J. J., locataire, les arriérés précis de charges et de loyers, ne peuvent établir de renonciation des bailleurs à la clause d'agrément prévue au bail. De même, le fait que le commandement de payer visant la clause résolutoire adressé les 20 et 21 mai 2008 à son locataire ait également visé le cessionnaire du fonds, la SNC T., ou encore que les consorts D. aient simplement réceptionné les loyers versés par le cessionnaire ne peuvent établir la renonciation non équivoque des bailleurs à la clause d'agrément stipulée dans le bail. La prétendue renonciation est d'autant moins établie que l'irrégularité était expressément invoquée dans le commandement du 20 mai 2008 à titre d'infraction au bail entraînant le jeu de la clause résolutoire.
En l'absence de ratification de la cession irrégulière, la cession du fonds de commerce est inopposable aux bailleurs et la SNC T. est occupante sans droit ni titre dont les bailleurs sont fondés à solliciter l'expulsion des locaux.
Il n'y a pas lieu à prononcer d'astreinte.
- Sur la demande de prononcé de la résiliation du bail :
La cour fait observer qu'en cause d'appel, les consorts D. demandent dans leur dispositif de conclusions de confirmer le jugement et de prononcer la résiliation judiciaire aux torts du preneur et non de constater l'acquisition de la clause résolutoire suite au commandement de payer visant l'infraction à la clause d'agrément.
Comme l'a jugé à bon droit le tribunal par des motifs pertinents qu'elle approuve, la cour considère que le non-respect de la clause d'agrément constituent une faute d'une gravité suffisante pour entraîner la résiliation du bail. La clause d'agrément inscrite dans le bail était très claire et très précise, les bailleurs n'ont pas répondu à l'envoi d'une procuration par le notaire et n'ont pas été convoqués à la signature de l'acte dans les formes contractuelles. Dès lors, les bailleurs n'ont pas été informés préalablement à la signature de l'acte de l'identité de la personne du cessionnaire et de sa solvabilité pour pouvoir agréer cette personne ou bien formuler les motifs d'un éventuel refus alors que le contrat de bail est un contrat intuitu personae.
Il y a lieu de faire droit à la demande des bailleurs et de prononcer la résiliation du bail aux torts du preneur, de prononcer son expulsion des locaux et de tout occupant de son chef et de confirmer le jugement de ce chef. Il n'y a pas lieu de prononcer d'astreinte.
- Sur les demandes des consorts D. contre la SNC T. et contre J. J. :
Il convient de confirmer le jugement en ce qu'il a condamné J. J. à verser 8.102,40 euros, correspondant à 6 mois de loyers, à titre de clause pénale comme cela est stipulé en page 13 du bail, ainsi que la somme de 279,64 euros en remboursement des frais d'opposition et de commandement.
Il y a lieu également de confirmer le jugement en ce qu'il a débouté les consorts D. de leurs demandes de réparation d'une part, au titre de l'inobservation de la clause d'agrément, déjà sanctionnée par l'inopposabilité de la cession du fonds de commerce, et d'autre part, au titre de l'inexécution par le locataire de prendre un engagement de garantie solidaire alors que cet engagement était prévu dans le bail initial et qu'ils ne peuvent à la fois invoquer l'inopposabilité de l'acte et s'en prévaloir pour obtenir une indemnisation.
A l'égard de la SNC T., les consorts D., ne peuvent obtenir qu'une condamnation solidaire avec J. J. au paiement d'une indemnité d'occupation, conformément à leur demande, à compter du jugement. Le tribunal a, à bon droit, fixé l'indemnité d'occupation mensuelle à 1.410 euros augmentée des charges jusqu'à la libération des locaux.
La SNC T. et J. J. sont donc condamnés à verser en deniers ou quittances les sommes restant dues au titre de l'indemnité d'occupation jusqu'à libération des locaux.
- sur les demandes de la SNC T. à l'égard de Julien J. :
La résiliation du bail entraîne nécessairement la résolution de la cession du fonds de commerce en application de l'article 1184 du code civil, J.J. n'ayant pu transférer régulièrement la propriété du droit au bail à la SNC T., à défaut de laquelle l'exploitation du fonds de commerce est impossible.
La résolution de la vente entraînant l'anéantissement du contrat et la remise des choses en leur état antérieur, la SNC T. sollicite, à bon droit, à J. J. la restitution du prix de vente et des dommages-intérêts en réparation de l'intégralité du préjudice qui en découle.
Elle sollicite le surcoût lié au crédit ayant financé l'acquisition du fonds de commerce soit 18.031,67 euros d'intérêts déjà payés, 669,76 euros de frais de dossier bancaire et 2.967,69 euros de frais de remboursement anticipé.
La banque n'étant pas partie au litige, la prétendue annulation « automatique » du crédit lié à l'acquisition irrégulière du fonds, alléguée par Me D'A. P., n'est ni établie ni constatée.
Par ailleurs, la SNC T. produit un décompte de la banque BPO au 30 août 2011 qui atteste que le prêt est en cours de remboursement sans incident de paiement des échéances et le montant des intérêts déjà versés se déduit du tableau annexé à la simulation du prêt (cf.pièce 2) ainsi que les frais de dossier. La cour fait droit aux demandes formulées au titre des intérêts versés et des frais de dossier soit 18.031,67 euros et 669,76 euros. En revanche, les frais de remboursement anticipé ne sont pas justifiés à défaut de preuve du remboursement anticipé lié à l'irrégularité de la cession.
La SNC T. demande également le remboursement des frais de notaire liés à la cession soit 13.274 euros et les frais d'installation d'un rideau métallique pour sécuriser les locaux suite à un cambriolage soit 2.6262,58 euros. Si les frais de notaire sont justifiés et liés à l'irrégularité de l'acte à l'origine de la résolution de la cession, les frais liés à l'installation du rideau métallique, constituant la contrepartie de l'occupation, ne sont pas liés à la dite irrégularité. La cour ne fait droit qu'à la demande de remboursement des frais de notaire soir 13.274 euros.
Concernant les demandes de la SNC T. à l'égard du notaire :
Le notaire est tenu de veiller à la validité et à l'efficacité de l'acte auquel il prête son concours.
La faute de Me Pierrette D'A. P. à l'égard du cessionnaire est de ne pas avoir rédigé un acte authentique exempt de vices et d'avoir, par sa négligence, permis l'inopposabilité de l'acte aux bailleurs sans mettre en garde le cessionnaire du fonds de commerce des risques pris liés à l'inopposabilité de l'acte de cession aux bailleurs, en raison de la clause d'agrément prévue au bail et non respectée. Il a fait procéder à la signature de l'acte sans avoir sollicité l'agrément écrit des bailleurs et sans les avoir convoqués à la signature de l'acte de cession. Le préjudice du cessionnaire qui découle de cette faute est la perte de chance d'avoir signé un acte de cession opposable aux bailleurs. La SNC T. justifie du préjudice subi ; outre, les frais inutiles engagés dans le cadre d'une cession irrégulière, elle n'a pu procéder à des investissements commerciaux pérennes dans des locaux dont elle sera expulsée. Elle a subi également un préjudice certain lié aux tracasseries de la procédure en cours depuis le commandement de payer en mai 2008. En revanche, elle ne peut solliciter le remboursement des loyers et indemnités d'occupation versés qui constituent la contrepartie de l'occupation des locaux. Et il n'y a pas lieu davantage de déduire ses résultats d'exploitation qui sont le fruit de son activité en dehors de tout lien avec l'irrégularité de la cession, comme le demandent certaines parties.
La cour estime qu'il convient de lui allouer 49.000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du dit préjudice résultant de la faute du notaire à son égard.
- Sur les demandes de Julien J. à l'égard du notaire :
Julien J. demande d'une part que le notaire le relève et garantisse des condamnations prononcées contre lui sans préciser le fondement juridique du dit appel en garantie et d'autre part qu'il lui verse 3.000 euros de dommages-intérêts pour la faute commise par le notaire le concernant.
Si le notaire a commis une faute à l'égard du cessionnaire, cette faute est distincte, dans sa nature et dans ses effets, de celle commise à l'égard du cédant. Le notaire ne peut être condamné à garantir le remboursement du prix de cession et de toute conséquence directement liée à la résolution de la vente du fonds de commerce.
En revanche, le notaire est tenu de réparer le préjudice résultant des fautes qu'il a commises dans la rédaction de l'acte à l'égard du cédant ; il était tenu de rédiger un acte authentique exempt de vices et a commis une faute en ne convoquant pas les bailleurs à la signature de l'acte de cession, en ne sollicitant pas leur agrément par écrit et en ne précisant pas, dans le cadre de son obligation de conseil, au cédant que le fait de ne pas respecter la clause d'agrément, prévue au bail et que J. J. ne pouvait ignorer en qualité de locataire, fragilisait l'acte de cession du fonds de commerce le rendant inopposable aux bailleurs sauf à ce que ces derniers renoncent de façon non équivoque au bénéfice de la clause.
Le préjudice résultant directement de cette faute est la perte de chance d'obtenir un acte de cession opposable aux bailleurs.
J. J. limitant sa demande à la somme de 3.000 euros de dommages-intérêts, il y a lieu d'accueillir cette demande à concurrence de 2.999 euros.
- Sur la demande de dommages-intérêts de la SNC T. pour procédure abusive :
L'exercice d'une action en justice ne dégénère en faute pouvant donner lieu à des dommages-intérêts que si le demandeur a agi par malice ou de mauvaise foi, ou avec légèreté blâmable tous faits insuffisamment caractérisés en l'espèce et ce d'autant plus que Me D'A. P. a, à bon droit, sollicité l'infirmation du jugement qui l'avait condamnée à tort à restituer le prix de cession et a obtenu confirmation du jugement qui a débouté le cessionnaire de sa demande de remboursement des loyers et indemnités d'occupation à son encontre.
La demande reconventionnelle en dommages et intérêts pour procédure abusive présentée par la SNC T. doit être rejetée.
PAR CES MOTIFS :
La Cour
Infirme le jugement mais seulement en ce qu'il a :
- condamné in solidum Julien J. et Me Pierrette D'A. P. à payer à la SNC T. 228.674 euros en remboursement du prix de la cession du fonds de commerce,
- débouté la SNC T. du surplus de ses demandes concernant Julien J.,
- condamné Me Pierrette D'A. P. à relever et garantir Julien J. des condamnations prononcées contre lui,
Et, statuant à nouveau sur les chefs infirmés,
Condamne Julien J. à payer à la SNC T. :
- la somme de 228.674 euros au titre de la restitution du prix de cession du fonds de commerce,
- la somme de 18.031,67 euros au titre des intérêts du prêt d'acquisition déjà versés,
- la somme de 669,76 euros au titre des frais de dossier bancaire lié au prêt,
-la somme de 13.274 euros au titre des frais de notaire liés à la dite cession,
Condamne Me Pierrette D'A. P. à verser à la SNC T. la somme de 49.000 euros à titre de dommages-intérêts avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt,
Déboute la SNC T. de sa demande de remboursement des frais d'installation d'un rideau métallique,
Déboute Julien J. de son appel en garantie formé contre le notaire,
Condamne Me Pierrette D'A. P. à verser à Julien J. 2.999 euros de dommages-intérêts avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt,
Confirme le jugement pour le surplus,
Condamne Me D'A.-P. aux dépens d'appel avec distraction conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile,
Vu l'article 700 du code de procédure civile,
Rejette la demande de Me D'A.- P.,
Condamne Me D'A. P. à payer à J J. et à la SNC T. la somme de 4.000 euros chacun,
Condamne in solidum Me D'A. P. et J. à verser aux consorts D. 2.000 euros.