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Décisions

Cass. 3e civ., 1 avril 1998, n° 96-14.758

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Beauvois

Rapporteur :

Mme Stéphan

Avocat général :

M. Sodini

Avocats :

Me Blanc, Me Boullez, Me Delvolvé

Paris, 16e ch. B, du 8 févr. 1996

8 février 1996

Sur le premier moyen :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 8 février 1996), que M. X..., preneur à bail de locaux à usage commercial, a demandé à la bailleresse, l'Association diocésaine de Paris (l'association), représentée par son mandataire, la société Bazin, l'autorisation de céder son bail;

que cette cession de bail a fait l'objet d'une promesse au profit de la société Rive droite, le 1er septembre 1989, sous la condition suspensive de l'accord du bailleur;

que, par lettre du 14 novembre 1989, l'autorisation de cession a été donnée au locataire par la société Bazin, ès qualités, moyennant certaines modalités précises;

qu'aux demandes de confirmation de M. X..., la bailleresse n'a pas répondu;

que la société Rive droite a, en conséquence, renoncé à son projet d'acquérir le fonds de commerce ;

que M. X... a alors assigné la bailleresse et son mandataire pour les faire condamner à lui payer des dommages-intérêts;

que, par arrêt du 25 février 1993, devenu irrévocable, l'association a été condamnée, avec garantie de la société Bazin, à réparer le préjudice subi par le locataire, une mesure d'expertise étant ordonnée sur le montant de ce préjudice ;

qu'ultérieurement, M. X... a été mis en redressement judiciaire avec la société civile professionnelle (SCP) Brouard et Daude comme représentant de ses créanciers et commissaire à l'exécution du plan de cession ;

Attendu que la SCP Brouard et Daude fait grief à l'arrêt de fixer le préjudice de M. X... à une certaine somme, alors, selon le moyen, "que l'autorité de la chose jugée s'attache au seul dispositif du jugement ;

que, par son premier arrêt du 25 février 1993 , la cour d'appel, dans le dispositif de sa décision, avait condamné l'Association diocésaine de Paris et la société Bazin à réparer le préjudice éprouvé par M. X... par suite de l'impossibilité dans laquelle celui-ci s'est trouvé de céder à la société Rive droite son droit au bail commercial dans les conditions qui lui avaient été indiquées le 14 novembre 1989;

qu'ainsi, par cet arrêt passé en force de chose jugée et dont il n'était pas allégué qu'il eût fait l'objet d'un recours, il avait été irrévocablement décidé que le préjudice subi par M. X... était l'impossibilité de céder le bail à la société précitée et non pas simplement l'éventualité de le céder, peu important les motifs qui n'avaient, au demeurant, pas le sens prêté du premier arrêt, en sorte que l'arrêt attaqué a méconnu la chose jugée attachée à sa précédente décision;

(violation des articles 480 du nouveau Code de procédure civile et 1351 du Code civil ;)" ;

Mais attendu que le dispositif de l'arrêt du 25 février 1993, portant condamnation de l'Association diocésaine de Paris et de la société Bazin à réparer le préjudice éprouvé par M. X... par suite de l'impossibilité dans laquelle celui-ci s'est trouvé de céder à la société Rive droite son droit au bail commercial, la cour d'appel a retenu, sans violer l'autorité de la chose jugée, que ce préjudice, dont elle a souverainement apprécié le montant, consistait en la perte d'une chance du gain espéré ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Mais sur le second moyen :

Vu l'article 1153, alinéa 3, du Code civil ;

Attendu que la partie qui doit restituer une somme qu'elle détenait en vertu d'une décision de justice exécutoire n'en doit les intérêts au taux légal qu'à compter de la notification, valant mise en demeure, de la décision ouvrant droit à restitution ;

Attendu que l'arrêt condamne la SCP Brouard et Daude, ès qualités, à rembourser à l'Association diocésaine de Paris et à la société Bazin une certaine somme, correspondant à la différence entre la somme allouée par le jugement, frappé d'appel, assorti de l'exécution provisoire, et la somme moindre fixée par la cour d'appel en réparation du préjudice de M. X..., et ce avec intérêts au taux légal à compter de son versement ;

Qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

Et vu l'article 627 du nouveau Code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a fixé à compter du versement de la somme de 376 993 francs le point de départ des intérêts au taux légal dus sur cette somme, l'arrêt rendu le 8 février 1996, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi.