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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 4, 28 septembre 2022, n° 20/13735

PARIS

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

Miss (Sté)

Défendeur :

Groupe Paradis (Sté), Masterdev Mo (Sté), Selarl MJ Synergie-Mandataires Judiciaires (ès qual.)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Dallery

Conseillers :

Mme Depelley, Mme Lignières

Avocats :

Me Semoun, Me Hardouin , Me Villey

T. com. Paris, du 16 sept. 2020

16 septembre 2020

FAITS ET PROCEDURE

La société Miss [Localité 6] a été créée le 11 juillet 2017 par M. [I] pour l'exploitation d'un restaurant.

La société IGP-CGL Properties était une société de droit américain immatriculée dans l'état de New York en 2012 et était propriétaire de l'intégralité des droits et marques de plusieurs enseignes de restauration commerciale pour la zone Etats-Unis et Europe et notamment les marques 'MISS KO', 'MISS PARADIS' et 'HANOI CA PHE', toutes crées par son associé unique M. [B] [N]. Celui-ci est par ailleurs, à la tête d'un groupe de société animant les réseaux de 40 restaurants dont les principales enseignes sont celles exploitées par la société IGP-CGL Propertes ainsi que les enseignes 'LE PARADIS DU FRUIT' et ' James BUN' exploitées par d'autres sociétés.

Courant 2018, M. [N] a entrepris, avec la création de la société Groupe Paradis, une réorganisation globale de son groupe de sociétés ayant entraîné :

- la dissolution de la société IGP-CGL Properties le 30 septembre 2019 et la création de plusieurs sociétés aux fins de reprendre chacune les marques qu'elle exploitait, dont la société Masterdev MO, société de droit français, reprenant ses droits et obligations au titre de l'exploitation de la marque MISS PARADIS.

- la dissolution sans liquidation avec transmission universelle de patrimoine de la société Le paradis du fruit le 20 novembre 2019 au profit de la société Groupe Paradis,

M. [I] a entretenu des disscussions depuis 2014 avec le groupe de M. [N] en vue d'ouvrir un restaurant. Après plusieurs tentatives qui n'ont pas abouties, un contrat de franchise a été conclu le 12 avril 2017 par la société Eating Paradise devenue Miss [Localité 6] avec la société IGL-CGL Properties pour l'ouverture d'un restaurant sous l'enseigne MISS PARADIS au sein de la zone en cours de réhabilitation du grand Hôtel Dieu de [Localité 6]. Les locaux n'ayant été livrés par le bailleur que le 15 novembre 2017, le restaurant n'a ouvert qu'en août 2018.

Rapidement la société Miss [Localité 6] a rencontré des difficultés d'exploitation. Elle en a fait part à son franchiseur.

La société Miss [Localité 6] a sollicité la désignation d'un conciliateur qui a été désigné par ordonnance du tribunal de commerce de Lyon du 29 mai 2019, mais cette procédure de conciliation n'a pas abouti.

Courant septembre 2019, la société Miss [Localité 6] a décidé de changer l'enseigne 'Miss Paradis' pour une nouvelle enseigne 'Le kabestan'.

Par acte du 5 février 2020, la société Miss [Localité 6] a assigné M M. [N] et [P], la société IGP-CGL Properties et la société Paradis du Fruit devant le tribunal de commerce de Paris afin d'obtenir à titre principal la nullité du contrat de franchise et le remboursement de diverses sommes.

Par jugement du 16 septembre 2020, le tribunal de commerce de Paris a :

-Déclaré recevable les interventions de la société MASTERDEV MO et de la société GROUPE PARADIS venant aux droits de la SAS LE PARADIS DU FRUIT,

-Débouté la société MISS [Localité 6] de sa demande d'écarter les pièces n° 61, 62 et 75 présentées par les défendeurs, et de sa demande liée de dommages et intérêts pour atteinte à la confidentialité,

-Débouté la société MISS [Localité 6] de sa demande d'annulation du contrat de franchise,

-Ordonné la résiliation du contrat de franchise à la date du 30 septembre 2019 à torts partagés,

-Débouté les parties de leurs demandes réciproques de réparation financière,

-Débouté les parties de leurs demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

-N'ordonne pas l'exécution provisoire et la publication du jugement,

-Débouté les parties de leurs demandes autres plus amples ou contraires,

-Condamné la société MISS [Localité 6] aux dépens, dont ceux à recouvrer par le greffe, liquidés à la somme de 158,98 € dont 26,28 € de TVA.

Par déclaration reçue au greffe le 29 septembre 2020, la société Miss [Localité 6] a interjeté appel de ce jugement.

Par jugement du 22 juin 2021, la société Miss [Localité 6] a bénéficié d'une procédure de redressement judiciaire, les sociétés AJ [G] et Associés en la personne de M [G] ainsi que MJ Synergie en la personne de M. [Z] ayant été désignées respectivement en qualité d'administrateur judiciaire et mandataire judiciaire, et étant intervenues volontairement à l'instance d'appel par conclusions du 5 janvier 2022.

Moyens

Aux termes de leurs dernières conclusions, déposées et notifiées le 6 mai 2022, la société Miss [Localité 6] et la société AJ [G] et Associés et la société MY Synergie ès-qualités demandent à la Cour de :

Vu l'article L611-15 du code de commerce,

Vu les articles 1103 et suivants, 1149, 1169 et 1178 du code civil,

Réformer le jugement du tribunal de commerce de paris en date du 16 septembre 2020 en ce qu'il a rejeté les demandes de la société MISS [Localité 6], et plus précisément :

Statuant à nouveau :

1/ In limine litis, sur l'irrecevabilité des pièces n°61 et 62 communiquées par les intimés en première instance

- constater que les pièces n°61 et 62 communiquées devant le Tribunal de commerce de Paris par les sociétés MASTERDEV MO et GROUPE PARADIS, ainsi que Monsieur [B] [N] et [J] [P] consistent en des échanges tenus entre la société MISS [Localité 6] et Monsieur [J] [P] dans le cadre d'une procédure de conciliation ordonnée par Monsieur le Président du Tribunal de commerce de Lyon ;

-constater que la communication de telles pièces porte ainsi atteinte à la confidentialité de la procédure de conciliation imposée par l'article L611-15 du Code de commerce ;

Par conséquent,

-Ecarter des débats les pièces n°61 et 62 communiquées par les sociétés MASTERDEV MO et GROUPE PARADIS, ainsi que Messieurs [B] [N] et [J] [P] devant le Tribunal de commerce de Paris ;

2/ À titre principal, sur la nullité du contrat de franchise

-constater que la société MISS [Localité 6] a versé à la société IGP-CGL PROPERTIES d'importantes sommes au titre de l'intégration au réseau de franchise MISS PARADIS ;

-constater qu'il n'existe en réalité aucun réseau de franchise MISS PARADIS, le seul restaurant autre que celui de la société MISS [Localité 6] ayant exploité cette enseigne aux États-Unis étant désormais fermé ;

-constater que la société IGP-CGL PROPERTIES n'a en réalité développé aucun concept original et spécifique pour son prétendu réseau de franchise MISS PARADIS ;

-constater que la société IGP-CGL PROPERTIES a manqué à son obligation d'assistance et de formation en tant que franchiseur ;

-constater ainsi que le contrat de franchise consenti entre les sociétés IGP-CGL PROPERTIES et MISS [Localité 6] était dépourvu de toute contrepartie au bénéfice de la société MISS [Localité 6] et est donc nul ;

-constater qu'il convient ainsi de remettre les parties dans l'état dans lequel elles étaient avant l'entrée en vigueur de ce contrat de franchise ;

-constater que la société MISS [Localité 6] a en outre subi d'importants préjudices distincts du fait de la mauvaise foi dont ont fait preuve les sociétés MASTERDEV MO et GROUPE PARADIS, ainsi que Monsieur [B] [N] dans l'exécution du contrat de franchise ;

Par conséquent,

-Prononcer la nullité du contrat de franchise ;

-condamner solidairement les sociétés MASTERDEV MO et GROUPE PARADIS, ainsi que Monsieur [B] [N] à payer la société MISS [Localité 6] la somme de 180.000 euros en remboursement du droit d'entrée indûment payé, dans un délai de 5 jours à compter de la signification de l'arrêt à intervenir, à peine d'une astreinte de 1.000 euros par jour de retard ;

- condamner solidairement les sociétés MASTERDEV MO et GROUPE PARADIS, ainsi que Monsieur [B] [N] à payer à la société MISS [Localité 6] la somme de 50.000 euros en remboursement des redevances indûment payées, dans un délai de 5 jours à compter de la signification de l'arrêt à intervenir, à peine d'une astreinte de 1.000 euros par jour de retard ;

-condamner solidairement les sociétés MASTERDEV MO et GROUPE PARADIS, ainsi que Monsieur [B] [N] à payer à la société MISS [Localité 6] la somme de 375.000 euros en remboursement des investissements spécifiques à l'agencement du restaurant, incluant les frais de designers, dépourvus de cause, dans un délai de 5 jours à compter de la signification de l'arrêt à intervenir, à peine d'une astreinte de 1.000 euros par jour de retard ;

-condamner solidairement les sociétés MASTERDEV MO et GROUPE PARADIS, ainsi que Monsieur [B] [N] à payer à la société MISS [Localité 6] la somme de 31.245 euros au titre du remboursement des intérêts de l'emprunt contracté par la SAS MISS [Localité 6] pour pouvoir exécuter le contrat de franchise, dans un délai de 5 jours à compter de la signification de l'arrêt à intervenir, à peine d'une astreinte de 1.000 euros par jour de retard ;

-condamner solidairement les sociétés MASTERDEV MO et GROUPE PARADIS, ainsi que Monsieur [B] [N] à payer la société MISS [Localité 6] la somme de 597.768 euros au titre des pertes réalisées par cette dernière dans le cadre de l'exploitation de son restaurant sous franchise MISS PARADIS ;

-condamner solidairement les sociétés MASTERDEV MO et GROUPE PARADIS, ainsi que Monsieur [B] [N] à payer à la société MISS [Localité 6] la somme de forfaitaire 1.300.000 euros au titre de sa perte de chance ;

-condamner solidairement les sociétés MASTERDEV MO et GROUPE PARADIS, ainsi que Monsieur [B] [N] à payer à la société MISS [Localité 6] la somme de 300.000 euros en réparation de son préjudice moral subi, dans un délai de 5 jours à compter de la signification du Jugement à intervenir, à peine d'une astreinte de 1.000 euros par jour de retard ;

3/ À titre subsidiaire, sur la résiliation du contrat de franchise aux torts exclusifs des sociétés MASTERDEV MO et GROUPE PARADIS, ainsi que de Monsieur [B] [N]

-constater que les sociétés MASTERDEV MO et GROUPE PARADIS, ainsi que Monsieur [B] [N], sont solidairement responsables à l'égard de la société MISS [Localité 6] en leur qualité de franchiseur, ont gravement manqué à leurs obligations au titre du contrat de franchise ;

-constater en effet que la société MISS [Localité 6] n'a bénéficié, en contrepartie de son versement des du droit d'entrée, des redevances et des nombreuses sommes investies pour mise en conformité de son restaurant avec le concept MISS PARADIS, d'aucun concept original et spécifique, ni d'aucune assistance de son franchiseur ;

4/ Sur le rejet des demandes reconventionnelles formulées par les sociétés MASTERDEV MO et GROUPE PARADIS, ainsi que par Monsieur [B] [N]

-constater que pour les raisons précédemment exposées, les intimés ne sont absolument pas fondés à se prévaloir de la résiliation du contrat de franchise aux torts exclusifs de la société MISS [Localité 6] ;

-constater que par conséquent, les intimés ne peuvent réclamer la condamnation de la société MISS [Localité 6] au titre des redevances invoquées pour le premier semestre 2019, ni au titre des droits d'image du designer ;

-constater que les intimés ne peuvent non plus réclamer la condamnation de la société MISS [Localité 6] au titre des redevances devant être versées jusqu'au terme initial du contrat de franchise ;

-constater que la société MASTERDEV MO n'a subi aucun préjudice d'image imputable aux agissements de la société MISS [Localité 6] ;

-constater enfin que la société MISS [Localité 6] n'a pas exercé abusivement son droit d'agir en justice à l'égard de la société MASTERDEV MO ;

Par conséquent :

-condamner solidairement les sociétés MASTERDEV MO et GROUPE PARADIS, ainsi que Monsieur [B] [N] à payer la société MISS [Localité 6] la somme de 597.768 euros au titre des pertes réalisées par cette dernière dans le cadre de l'exploitation de son restaurant sous franchise MISS PARADIS ;

-condamner solidairement les sociétés MASTERDEV MO et GROUPE PARADIS, ainsi que Monsieur [B] [N] à payer à la société MISS [Localité 6] la somme de forfaitaire 1.300.000 euros au titre de sa perte de chance ;

-condamner solidairement les sociétés MASTERDEV MO et GROUPE PARADIS, ainsi que Monsieur [B] [N] à payer à la société MISS [Localité 6] la somme de 300.000 euros en réparation de son préjudice moral subi, dans un délai de 5 jours à compter de la signification du Jugement à intervenir, à peine d'une astreinte de 1.000 euros par jour de retard ;

-rejeter l'ensemble des demandes formulées à titre incident par les intimés ;

4/ En tout état de cause

-confirmer le jugement rendu par le Tribunal de commerce de Paris le 16 septembre 2020 en ce qu'il a rejeté l'ensemble des demandes formulées par les sociétés MASTERDEV MO et GROUPE PARADIS, ainsi que Monsieur [B] [N] ;

-confirmer solidairement les sociétés MASTERDEV MO et GROUPE PARADIS, ainsi que Monsieur [B] [N] à payer à la société MISS [Localité 6] la somme de 50.000 euros au titre de l'article 700, outre les entiers dépens.

Aux termes de leurs dernières conclusions, déposées et notifiées le 26 avril 2022, les sociétés Masterdev MO venant aux droits de la société IGP-CGL Properties et M. [N] demandent à la Cour de :

Vu les articles L.611-15 et L. 721-3 du code de commerce

Vu les articles, 9, 32, 66, 122, 325 et suivants, et 700 du code de procédure civile,

Vu les articles 1103, 1169, 1178, 1231, 1231-2, 1231-3 et 1240 du code civil

A titre principal, de confirmer le jugement du tribunal de commerce de Paris du 16 septembre 2020 en ce qu'il a débouté la société MISS [Localité 6] de toutes ses demandes.

A titre incident, de réformer le jugement du tribunal de commerce de Paris du 16 septembre 2020 sur les demandes plus amples de la société MASTERDEV MO (venant aux droits de la société IGP-CGL PROPERTIES), de Monsieur [N] et de la société GROUPE PARADIS (venant aux droits de la société LE PARADIS DU FRUIT) et, statuant à nouveau, de :

- Juger qu'en sa qualité de franchiseur, la société MASTERDEV MO (venant aux droits de la société IGP-CGL PROPERTIES) n'a pas manqué à ses obligations contractuelles ;

- Juger que la société MISS [Localité 6] a manqué à ses obligations contractuelles ;

- Juger que la procédure introduite par la société MISS [Localité 6] à l'encontre de la société GROUPE PARADIS (venant aux droits de la société LE PARADIS DU FRUIT) caractérise un abus de droit ;

En conséquence :

- Prononcer la résiliation du contrat de franchise conclu entre la société IGP-CGL PROPERTIES et la société MISS [Localité 6] aux torts exclusifs de cette dernière ;

- Condamner la société MISS [Localité 6] à verser à la société MASTERDEV MO (venant aux droits de la société IGP-CGL PROPERTIES) la somme de 50.000 euros au titre de la redevance de franchise impayée pour le premier semestre 2019 ;

- Condamner la société MISS [Localité 6] à verser à la société MASTERDEV MO (venant aux droits de la société IGP-CGL PROPERTIES) la somme de 30.000 euros T.T.C au titre des droits d'image du designer impayés ;

- Condamner la société MISS [Localité 6] à verser à la société MASTERDEV MO (venant aux droits de la société IGP-CGL PROPERTIES) la somme de 800.000 euros au titre du préjudice contractuel subi consécutif à la résiliation du contrat de franchise aux torts exclusifs de la société MISS [Localité 6] ;

- Condamner la société MISS [Localité 6] à verser à la société MASTERDEV MO (venant aux droits de la société IGP-CGL PROPERTIES) la somme de 300.000 euros au titre de son préjudice d'image ;

- Condamner la société MISS [Localité 6] à verser à la société GROUPE PARADIS (venant aux droits de la société LE PARADIS DU FRUIT) la somme de 15.000 euros sur le fondement de la procédure abusive ;

A titre subsidiaire, si par extraordinaire la Cour prononçait nullité du contrat de franchise ou sa résiliation aux torts exclusifs de la société MASTERDEV MO (venant aux droits de la société IGP-CGL PROPERTIES), revoir le quantum des préjudices prétendument subis par la société MISS [Localité 6].

En tout état de cause, il est demandé à la Cour d'appel de Paris de :

- Juger irrecevable l'action de la société MISS [Localité 6] à l'encontre de la société GROUPE PARADIS ;

- Débouter la société MISS [Localité 6] de sa demande de condamnation solidaire visant la société GROUPE PARADIS et Monsieur [N] à titre personnel

- Débouter la société MISS [Localité 6] de ses demandes en paiement formulées sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Condamner la société MISS [Localité 6] à verser à Monsieur [N] la somme de 25.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Condamner la société MISS [Localité 6] à verser à la société GROUPE PARADIS (venant aux droits de la société LE PARADIS DU FRUIT) la somme de 25.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Condamner la société MISS [Localité 6] à verser à la société MASTERDEV MO (venant aux droits de la société IGP-CGL PROPERTIES) la somme de 25.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Fixer au passif de la procédure collective de la société MISS [Localité 6], représenté par Me. [E] [D] [G], ès qualité d'administrateur judiciaire de la société MISS [Localité 6] et Maître [O] [Z], ès qualité de mandataire judiciaire de la société MISS [Localité 6] le montant des condamnations au titre du préjudice subi par la société MASTERDEV MO, par la société GROUPE PARADIS et par Monsieur [B] [N] ;

- Condamner la société MISS [Localité 6] aux dépens dont distraction, pour ceux la concernant, au profit de la SELARL 2H AVOCATS prise en la personne de Maître Patricia HARDOUIN et ce, conformément aux dispositions de l'article 699 du CPC.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 17 mai 2022.

La Cour renvoie à la décision entreprise et aux conclusions susvisées pour un exposé détaillé du litige et des prétentions des parties, conformément à l'article 455 du code de procédure civile.

Motivation

MOTIVATION

Sur la recevabilité des pièces n°61 et 62 versées aux débats par les intimés

La société Miss [Localité 6] fait valoir que les pièces 61 et 62 communiquées par les intimées sont irrecevables car issues de la conciliation ayant eu lieu entre les parties, laquelle est confidentielle en vertu de l'article L.611-15 du code de commerce.

Les intimés répliquent que cette confidentialité n'est pas absolue, et que les droits de la défense justifient que dans une procédure mettant en cause les mêmes parties, des éléments tirées de la conciliation confidentielle entre ces parties puissent être utilisés lors du contentieux (CA,Paris, 3 octobre 2018, RG n° 17/20760). Ils soutiennent que la production des pièces litigieuses concernant des échanges intervenus entre les parties au cours de la conciliation permettent d'établir, dans le cadre de leur défense, l'assistance réelle et effective apportée à la société Miss [Localité 6] tout au long de leur relation.

Réponse de la Cour :

L'article L.611-15 dispose que toute personne qui est appelée à la procédure de conciliation ou qui, par ses fonctions, en a connaissance est tenue à la confidentialité.

Il n'est pas contesté que les pièces 61 et 62 sont des courriels échangés en cours de procédure de conciliation entre les parties et le conciliateur.

Le droit de la défense invoqué au regard de la teneur des pièces litigieuses ne peut justifier le non-respect du principe de confidentialité des échanges au cours de la procédure de conciliation.

En conséquence, les pièces n°61 et 62 seront écartées des débats.

Sur la recevabilité de l'action de la société Miss [Localité 6] à l'égard de la société Groupe Paradis

La société Groupe Paradis fait valoir, sur le fondement de l'article 32 du code de procédure civile, l'irrecevabilité de l'action de la société Groupe Paradis aux motifs que :

- l'action de la société Miss [Localité 6] porte sur l'exécution du contrat de franchise conclu entre la société Miss [Localité 6] et la société IGP-CGL Properties et auquel la société Groupe Paradis n'est pas partie,

- la société Miss [Localité 6] ne peut prétendre qu'elle ignorait quelle société du groupe était son franchiseur puisque sa mise en demeure datée du 30 juillet 2019 n'était adressée qu'à la société IGP-CGL Properties,

- aucune demande en condamnation sur le fondement délictuel n'est formulée par la société Miss [Localité 6] à l'encontre de la société Groupe Paradis.

La société Miss [Localité 6] réplique que face à l'absence de transparence de M. [N] et de son groupe de sociétés quant à l'identité du franchiseur, elle a été contrainte de réclamer la condamnation solidaire de la société Groupe Paradis en sa qualité de mandataire de la société IGP-CGL Properties, franchiseur initial de la société Miss [Localité 6].

Réponse de la Cour

Selon les dispositions de l'article 32 du code de procédure civile, est irrecevable toute prétention émise par ou contre une personne dépourvue du droit d'agir.

La société Groupe Paradis ne démontre pas en quoi elle serait dépourvue du droit de se défendre à l'action engagée à son encontre par la société Miss [Localité 6]. Les moyens au soutien de sa fin de non-recevoir tendent en réalité à contester le bien-fondé de l'action et des demandes formulées à son encontre, et non la qualité à se défendre à une telle action.

Le jugement sera confirmé en ce qu'il a rejeté la fin de non-recevoir soulevée par la société groupe Paradis.

Sur la nullité du contrat de franchise invoquée par la société Miss [Localité 6]

La société Miss [Localité 6] fait valoir à titre principal sur le fondement de l'article 1169 du code civil la nullité du contrat de franchise pour défaut de contrepartie aux importantes sommes versées notamment au titre du droit d'entrée (180 000 euros) et des droits d'auteur pour le design du restaurant (75 000 euros). Elle soutient pour l'essentiel :

- l'inexistence du réseau : si elle connaissait l'absence de réseau Miss Paradis au jour de son consentement au contrat de franchise, elle ne pouvait se douter notamment au regard de l'importance du droit d'entrée, que la société IGP-CGL Properties ne développerait en réalité jamais ce réseau ne communiquerait pas d'avantage spécifiquement sur celui-ci ni veillerait à maintenir une image de marque,

- une absence de savoir-faire : elle relève qu'aucun savoir-faire spécifique et original à l'exploitation de l'enseigne 'Miss Paradis' ne lui a été transmis par son franchiseur ; il n'existe pas de savoir-faire propre pour le concept Miss Paradis par rapport à celui développé dans les autres concepts de restaurants exploités par le groupe de M. [N] tout en faisant payer un droit d'entrée deux fois supérieur aux droits d'entrée des autres enseignes du groupe ;

- une absence de formation à un concept spécifique distinct des autres enseignes du groupe Paradis,

- aucune transmission de signes de ralliement,

- fragilisée par l'exploitation d'un concept qui n'en est pas un, et par le versement d'importantes sommes au titre du contrat de franchise, la société Miss [Localité 6] n'a pas pu compter sur l'assistance de son franchiseur,

Les intimés répliquent que le contrat de franchise comportait bien d'importantes contreparties pour le franchisé au jour de la formation du contrat qui ont parfaitement été exécutées par le franchiseur. A cet effet il est soutenu pour l'essentiel que :

- le savoir-faire du franchiseur n'est plus à démontrer et la marque Miss Paradis est déposée et fondée sur des méthodes éprouvées et un concept parfaitement identifié,

- ce savoir-faire s'apprécie au regard des nombreuses marques développées avec succès par M. [N], et le savoir-faire incontestable, spécifique et spécialisé, dont il est détenteur en ce qui concerne la création, la gestion et le développement de restaurants dans le cadre d'une restauration à thèmes, cette expérience ayant été rappelée dans le DIP et le contrat de franchise,

- le concept Miss Paradis est fondé sur une cuisine de restauration mettant à l'honneur des produits sains, de qualité et de saison dans une carte éclectique, aux inspirations méditerranéennes dans un cadre de prestige,

- pour créer Miss Paradis, M. [N] s'est inspiré de deux de ses concepts à succès Miss Ko et le Paradis du fruit, le nom de Miss Paradis évoquant la fusion des deux,

- le savoir-faire a effectivement été transmis, par la remise de la bible, fiches techniques, formations et conseils

- le franchisé a été loyalement informé par le franchiseur notamment du coût de l'opération, des inconnues inhérentes à la réhabilitation de l'Hôtel Dieu, de l'absence d'autre franchisé et du caractère récent de l'exploitation du concept,

- des signes distinctifs de ralliement ont été transmis, tel que logo et tablier,

- une assistance continue a été fournie au franchisé, par des conseils et recommandations, participation, prises en compte du retard dans l'ouverture et des difficultés financières,

- le montant du droit d'entrée avait bien pour contrepartie, l'assistance initiale et continue, la transmission des signes distinctifs, l'exclusivité territoriale et du droit de préemption

Réponse de la Cour

Par des motifs pertinents non utilement contredits à hauteur d'appel et que la Cour adopte, le tribunal pour débouter la société Miss [Localité 6] de sa demande de nullité a retenu qu'il n'était pas établi d'absence de contrepartie lors de la signature du contrat de franchise.

A ces motifs, il sera ajouté que :

En vertu de l'article 1128 du code civil, un contenu licite et certain est nécessaire à la validité du contrat.

Au titre du contenu du contrat, l'article 1168 du code civil dispose que dans les contrats synallagmatiques, le défaut d'équivalence des prestations n'est pas une cause de nullité du contrat, à moins que la loi n'en dispose autrement. L'article 1169 pose néanmoins un tempérament, en ce qu'un contrat à titre onéreux est nul lorsque, au moment de sa formation, la contrepartie convenue au profit de celui qui s'engage est illusoire ou dérisoire.

En premier lieu, il ressort des échanges pré-contractuels entre les parties et des documents contractuels (DIP et contrat de franchise) que la société Miss [Localité 6] avait été loyalement informée :

- du coût réel de l'opération (droit d'entrée, montant des travaux, redevance) dès les discussions liminaires avec M. [N],

- des aléas d'une implantation du restaurant de la société Miss [Localité 6] dans la zone de réhabilitation de l'hôtel-Dieu,

- de l'absence d'autre franchisé dans le réseau au jour de la conclusion du contrat de franchise,

- du caractère récent de l'exploitation du restaurant pilote à New-York et de son chiffre d'affaires,

En second lieu, il est clairement indiqué dans le DIP et le contrat de franchise que le savoir-faire est issu de celui des associés fondateurs du franchiseur qui ont développé un savoir-faire, spécifique et spécialisé concernant la création, la gestion et le développement de restaurants-salon de thé sur la base de la vente de cocktails de fruits, de salades et autre type de restauration à thèmes depuis 1982 et sur d'autres enseignes. Il n'est pas contesté que ces autres enseignes telles que Miss KO et Le Paradis du fruit disposaient d'une notoriété certaine quant à leur concept, et à partir desquelles l'enseigne Miss Paradis a été créée dans un positionnement moyenne/haute gamme.

Un savoir-faire a été transmis par la remise d'une 'bible' ( annexe 1 du contrat de franchise, pièces intimés n° 26 à 39) à la signature du contrat, puis par un accompagnement à l'ouverture du restaurant pour l'aménagement et le design des locaux, par la remises de fiches techniques (pièce intimés n°47) et d'une liste de fournisseurs (pièces n°68), par une formation du personnel dans les restaurants des autres réseaux du groupe (pièces n°70 à71), par la création d'une carte des menus (pièce n°81), et par des recommandations et conseils dans l'agencement et l'exploitation du restaurant ( pièces intimés 14 et 15). L'ensemble de ces éléments font état d'un savoir-faire tant pour l'ouverture que l'exploitation d'un restaurant et de l'animation d'un concept. Il n'est pas davantage contesté que le franchiseur bénéficiait bien d'une marque déposée.

En réalité, il ressort des moyens et argumentations de la société Miss [Localité 6] que celle-ci ne conteste pas l'existence et la transmission d'un savoir-faire ou la réalité d'une assistance, mais remet plutôt en cause le manque de spécificité et d'originalité du savoir-faire et de l'assistance par rapport aux autres enseignes du groupe de M. [N] et du coût excessif du droit d'entrée et des frais de design.

Il en résulte que si la société Miss [Localité 6] conteste tout au plus l'équivalence ou la valeur des prestations, elle ne démontre pas, qu'au moment de la formation du contrat de franchise, la contrepartie de ses propres prestations en tant que franchisé, notamment celles de payer un droit d'entrée et des frais de designer, était illusoire ou dérisoire pour remettre en cause la validité du contrat.

Dès lors, le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté la société Miss [Localité 6] de sa demande de voir prononcer la nullité du contrat de franchise et de ses demandes subséquentes, à savoir :

le remboursement des sommes de 180 000 euros au titre du droit d'entrée, de 50 000 euros au titre des redevances payées, de 375 000 euros au titre des investissements spécifiques à l'agencement du restaurant, de 31 245 euros au titre du remboursement des intérêts de l'emprunt contracté pour exécuté le contrat, ainsi que le paiement des sommes de 597 768 euros au titre des pertes réalisées, de 1 300 000 euros au titre de sa perte de chance et de 300 000 au titre de son préjudice moral.

Sur la résiliation du contrat de franchise

La société Miss [Localité 6] demande à titre subsidiaire de voir prononcer la résiliation anticipée du contrat de franchise aux torts exclusifs du franchiseur et soutient à cet effet que :

- en contrepartie des sommes extravagantes versées par la société Miss [Localité 6] ( soit plus de 255 000 euros), la société IGP-CPL Properties s'était engagée à lui transmettre un savoir-faire testé et éprouvé portant sur l'exploitation d'une activité commerciale spécifique de restauration-salon de thé à thème, des éléments distinctifs de reconnaissance et rattachement au réseau (marque/ enseigne, ensemble distinctif décoration et autres, recettes et présentation des cartes et menus) et une communication harmonisée pour développer la présence commerciale du réseau,

- la société Miss [Localité 6] n'a bénéficié en réalité d'aucun concept original Miss Paradis qui n'a pas été développé et n'a du coup fait l'objet d'aucune communication harmonisée,

- la société Miss [Localité 6] a été victime d'agissements de mauvaise foi de son cocontractant qui lui a fait miroiter d'importants bénéfices grâce au réseau de franchise Miss Paradis alors même que le réseau était inexistant,

- la société Miss [Localité 6] a été contrainte, outre les montants exorbitants de droit d'entrée et de frais de designer, d'engager d'énormes sommes au titre de la mise en conformité de son restaurant avec le prétendu concept Miss Paradis,

- fragilisée par ces nombreux investissements financiers, la société Miss [Localité 6] a en outre eu des difficultés à attirer la clientèle en l'absence totale de concept et de savoir-faire original, les dettes s'étant accumulées, elle se trouve en grande détresse financière malgré toutes les démarches pour poursuivre l'exploitation, les pertes cumulées s'élevant à la somme de 597 768 euros sur 2019,

- M. [I] s'était engagé auprès du groupe de M. [N] du fait de l'expérience de ce dernier dans l'exploitation de réseaux de franchise à succès et qu'il était fondé malgré l'absence de réseau au jour de son consentement d'espérer le développement ultérieur d'un réseau pour que la société Miss [Localité 6] puisse bénéficier de la réussite d'un concept,

- le franchiseur intial a été dissout le 30 septembre 2019, en sorte que les conséquences de la résiliation doivent être supportées solidairement par les sociétés MASTERDEV MO et Groupe Paradis ainsi que M. [N],

En conséquence la société Miss [Localité 6] sollicite la condamnation solidaire des sociétés MASTERDEV MO et Groupe Paradis ainsi que M. [N] à lui payer des sommes au titre des pertes subies et de la perte d'une chance de ne pas contracter ou de contracter à de meilleures conditions et d'un préjudice moral et le rejet de l'ensemble de leurs prétentions.

Les intimées répliquent d'une part que n'est pas justifié la demande de condamnation solidaire de la société Groupe Paradis, en ce qu'elle n'est pas cocontractante, et de M. [N] en ce qu'il n'est démontré aucune faute dans sa liberté de réorganiser son groupe de sociétés et en veillant à l'intervention volontaire des sociétés concernées ni aucune faute séparable de ses fonctions de dirigeant ni personnelle dans l'exécution du contrat de franchise. D'autre part, il est soutenu l'absence de manquement du franchiseur dans ses obligations et notamment :

- aucun manquement l'obligation d'information de la dissolution de la société IGP-CGL Properties,

- le franchiseur n'avait aucune obligation spécifique de développer son réseau dans un délai déterminé,

- le franchiseur a eu de nombreux échanges avec le franchisé jusqu'en mai 2019 avec une assistance presque quotidienne, puis de multiples tentatives restées vaines,

- une présence sans faille à la procédure de conciliation,

- la communication devait se faire à l'initiative du franchisé, sachant que le franchiseur a proposé de prendre en charge une part des coûts de la publicité,

- la société Miss [Localité 6] continue d'exploiter le restaurant sous sa propre enseigne en tirant le bénéfice des investissements réalisés par le franchiseur en s'inscrivant dans le sillage du concept Miss Paradis dans la présentation du restaurant et la similarité de la carte,

Il est ajouté que le prétendu préjudice subi par la société Miss [Localité 6] a été exclusivement causé par le retard pris par le bailleur dans la réhabiliation de l'Hôtel-Dieu, la faible fréquentation de la zone et les décisions prises par la société Miss [Localité 6].

En conséquence, la société Masterdev MO demande de voir prononcer de la résiliation du contrat aux torts exclusifs de la société Miss [Localité 6] et sa condamnation à lui verser la somme de 50 000 euros au titre de la redevance du 1er semestre 2019, la somme de 25 000 au titre des frais de designer, la somme de 800 000 euros au titre du préjudice contractuel et la somme de 300 000 euros en réparation de son préjudice d'image.

Réponse de la Cour

Au titre du contrat de franchise conclu entre les parties le 11 avril 2017, il ressort que :

Le franchiseur a déclaré apporter un savoir-faire testé et éprouvé portant sur l'exploitation d'une activité commerciale spécifique, en l'espèce une restauration -salon de thé à thème, ainsi que des éléments distinctifs de reconnaissance et rattachement au réseau et la reconnaissance immédiate des restaurants, à savoir :

- marque, nom commercial et / ou enseigne,

- ensemble distinctif de décoration, présentation, charte de couleurs, aménagement intérieur et extérieur, tenues vestimentaires du personnel,

- recettes, préparations et présentations des spécialités, présentation des cartes et menus...

- communication harmonisée pour développer la présence commerciale du réseau

Au titre de ses obligations (article 8) , le franchiseur s'est engagé

*d'une part à communiquer au franchisé le savoir-faire par les moyens suivants (article 8.1) :

- la communication du Manuel à la conclusion du contrat,

- l'organisation d'un premier stage de formation et d'instructions [Localité 7] et [Localité 6] destiné au directeur, au chef de cuisine et au chef de bar du restaurant exploité par le franchisé,

- le franchiseur communiquera l'ensemble des méthodes commerciales et les normes mises au point au jour de la conclusion du contrat et compilées dans le Manuel mais également pendant toute la durée du contrat, toutes les améliorations et actualisations qui pourraient leur être apportées,

*et d'autre part le franchiseur s'est engagé à assister le franchisé en lui fournissant les services suivantes (article 8.2) :

- fourniture de conseils pour les actions promotionnelles et publicitaires,

- l'assistance téléphonique permanente

- l'envoi de représentants autorisés dans le local sur la demande et aux frais du franchisé,

Au titre des conditions financières :

* l'article 7.1.2 précise que le droit d'entrée comporte pour le franchisé le bénéfice immédiat des efforts et investissements consacrés par le franchiseur à l'élaboration et au perfectionnement de son concept, et correspond :

- au droit d'accès dans le réseau et au concept Miss Paradis,

- au prix que le franchisé accepte de payer pour bénéficier du concept pendant toute la durée du contrat,

- au droit de bénéficier de l'ensemble des méthodes et procédés mis au point par le franchiseur, constamment renouvelé pendant la durée du contrat,

- au droit de traiter avec la clientèle à l'intérieur de la zone définie à l'annexe 3,

-au droit à l'usage de la marque et de l'enseigne et autres signes distinctifs Miss Paradis sur le territoire pendant toute la durée du contrat,

* l'article 7.2 précise que la redevance calculée par un pourcentage sur le chiffre d'affaires hors taxes réalisé par le franchisé, est affectée de la manière suivante aux prestations fournies par le franchiseur :

- formation des employés en début de contrat,

- assistance technique et commerciale avec actualisation du savoir-faire

- usage de la marque

*****

Tel que constaté aux motifs qui précèdent, la société Miss [Localité 6] a bien bénéficié de la transmission d'un savoir-faire et d'une assistance technique pour l'ouverture et l'exploitation d'un concept spécifique de restauration moyen/haut de gamme s'inspirant des autres enseignes éprouvées du groupe du franchiseur.

Comme le relève à juste titre le franchiseur, non seulement celui-ci a clairement informé la société Miss [Localité 6] dans les documents contractuels de l'absence d'autre franchisé dans le réseau au jour de la conclusion du contrat de franchise et du caractère récent de l'exploitation du restaurant pilote à New-York et de son chiffre d'affaires, mais en outre ne s'est pas engagé spécifiquement au titre de ses obligations contractuelles à développer le réseau. Il ne résulte pas non plus des échanges produits aux débats entre les parties lors de la conclusion du contrat de franchise que M. [N] et la société franchiseur ait fait 'miroiter' d'importants bénéfices grâce au développement du réseau Miss Paradis.

Le franchiseur ne s'est pas davantage engagé à communiquer sur le réseau mais seulement à une harmonisation ou conseils en communication, sachant que l'article 10 du contrat prévoyait que la publicité sur le territoire était décidée par le franchisé après approbation du franchiseur devant s'assurer de la conformité des actions envisagées à l'image du réseau.

Pendant la durée du contrat de franchise, et notamment entre l'ouverture du restaurant en août 2018 et la dépose de l'enseigne en septembre 2019, le franchiseur justifie avoir assisté la société Miss [Localité 6] pour l'ouverture et l'exploitation de son restaurant, notamment pour l'agencement des lieux , la formation du personnel, la création de menus et l'élaboration de la carte (pièces 15, 38, 70 à 72, 64 à 65, 81) ainsi que d'avoir transmis le savoir-faire par la fourniture du manuel et des fiches techniques et la création de signes distinctifs ( concept architectural, logo, tenue constituée d'un tablier avec le logo..). Comme le souligne à juste titre le franchiseur, ces éléments démontrent que, même si le restaurant Miss Paradis de New-York a fermé en janvier 2019, le franchiseur n'a pas pour autant cessé de mettre à jour son savoir-faire ou de s'investir dans le concept et la marque Miss Paradis.

Par ailleurs, la société IGP-CGL Properties a été dissoute le 30 septembre 2019, postérieurement à la dépose de l'enseigne Miss Paradis par la société Miss [Localité 6] qui a été informée tout au long de la procédure des ayants droit pour mener à bien son action en justice.

Il n'est pas contesté que la société Miss [Localité 6] a déposé l'enseigne Miss Paradis courant septembre 2019 et a engagé contre le franchiseur dès le mois de septembre une action en référé, puis au fond en février 2020.

Il ressort des échanges entre les parties et des pièces versés aux débats ( notamment pièces intimées n° 15, 56 à 59) que la société Miss Paradis, avertie de l'aléa d'une installation dans une zone en réhabilitation, a rencontré de multiples difficultés avant et après l'ouverture de son restaurant liées au retard pris dans la réhabilitation du site de l'hôtel-Dieu et de l'installation des enseignes 'phares' du projet telles que l'hôtel intercontinental et la cité de la gastronomie, au choix de la société Miss [Localité 6] d'ouvrir son restaurant alors que l'aménagement du site n'était pas finalisé, et à une affluence de visiteurs bien moindre que celle annoncée par le promoteur de la réhabilitation. Dans le cadre de son contentieux avec son bailleur pour le retard dans le paiement de ses loyers, la société Miss [Localité 6] a fait valoir au titre d'une demande de délai de paiement ( arrêt de la Cour d'appel de Paris du 24 juin 2021 RG 21/00507 pièce intimée n°90) que :

- elle a rencontré d'importantes difficultés financières, car des travaux plus importants que prévus ont été nécessaire pour pouvoir exploiter son restaurant,

- elle a ainsi dû emprunter plus de 2,2 millions d'euros pour financer ces travaux, son restaurant n'a ouvert que le 29 août 2018 et les travaux ont eu un impact sur la clientèle,

- elle a subi les conséquences du mouvement des gilets jaunes puis de la crise sanitaire,

- son résultat net d'exploitation en 2018 est de seulement 42.80 euros,

Non seulement la société Miss [Localité 6] ne produit aucune pièce probante ni argumentation démontrant que les difficultés rencontrées dans l'ouverture et l'exploitation du restaurant étaient liées au concept même du contrat de franchise voir d'une absence d'originalité par rapport aux autres enseignes du groupe, mais il ressort des pièces versées aux débats que le franchiseur a accepté de reporter l'ouverture du restaurant de six mois, ne s'est pas opposé à participer à la procédure de conciliation, et a proposé dans son courrier du 5 septembre 2019 en réponse à la mise en demeure du 31 juillet 2019 d'envisager une résiliation amiable du contrat de franchise.

La société Miss [Localité 6], qui ne s'est pas acquittée de sa redevance pour le 1er semestre 2019 et a déposé l'enseigne de sa propre initiative alors qu'elle avait initié une procédure de conciliation, ne justifie pas avoir sollicité une assistance particulière au regard de ses difficultés qui aurait été refusée par le franchiseur

Enfin, la société Miss [Localité 6] déplore le coût excessif du droit d'entrée. Cependant, non seulement elle a été avertie de son montant élevé au regard des autres enseignes de franchise du groupe, mais elle a bénéficié des contreparties stipulées aux contrats du paiement de ce droit d'entrée.

Il n'est pas non plus démontré que le paiement de ce droit d'entrée était à l'origine des difficultés d'exploitation du restaurant et de la situation financière délicate de la société Miss [Localité 6].

Il ressort de l'ensemble de ces constatations, que la société Miss [Localité 6] non seulement ne s'est pas acquittée de son obligation de paiement de la redevance et a pris l'initiative de la rupture anticipée du contrat de franchise, mais encore ne justifie pas de manquements caractérisés du franchiseur dans ses obligations pour justifier une résiliation du contrat à ses torts, en sorte que la résiliation du contrat de franchise sera prononcée aux torts exclusifs de la société Miss [Localité 6].

Il s'ensuit que la société Miss [Localité 6] sera déboutée de ses demandes formulées à l'encontre des sociétés Masterdev Mo et Groupe Paradis ainsi que de M. [N] au titre des pertes subies dans l'exploitation du restaurant, de la perte de chance de ne pas contracter ou de contracter dans de meilleures conditions et d'un préjudice moral.

Dès lors le jugement sera infirmé en ce qu'il a prononcé la résiliation du contrat de franchise aux torts partagés, mais confirmé en ce qu'il a débouté la société Miss [Localité 6] de l'ensemble de ses demandes.

S'agissant des demandes de la société Masterdev Mo, venant aux droits de la société IGP-CGL Properties :

En application des dispositions contractuelles (article 7.2) , la société Miss [Localité 6] est redevable de la somme de 50 000 euros au titre de la redevance du 1er semestre 2019 (redevance minimum), celle-ci ayant effectivement bénéficié de la formation de ses employés, d'une assistance technique et commerciale et de l'usage de la marque.

Pour le solde des frais de désigner, la société Miss [Localité 6] ne conteste pas s'être engagée d'avoir recours à l'agence de design OA pour assurer la cohérence architecturale du concept Miss Paradis lors des travaux d'aménagement de son point de vente. Si la société Miss [Localité 6] fait valoir le coût excessif de la prestation, elle ne conteste pas l'exécution même de la prestation dont elle bénéficie toujours dans l'exploitation de son restaurant sous l'enseigne Le kabestan. La société Miss [Localité 6] reste donc redevable du solde restant à payer de 30 000 euros TTC.

En application de l'article 1231-2 du code civil, la société Masterdev MO réclame la somme de 800 000 euros au titre de son gain manqué du fait de la résiliation anticipée du contrat aux torts du franchisé, soit l'équivalent d'une redevance de 100 000 euros pour les trois premières années et 150 000 euros les années suivantes.

Toutefois, au regard de l'incertitude sur le succès du projet tel que relevé par le franchiseur lui-même dans le contrat de franchise et de la particularité du réseau Miss Paradis réduit au seul restaurant de la société Miss [Localité 6] au jour de l'assignation et dont il n'est pas évoqué d'investissement particulier pour son développement, le préjudice contractuel de la société Masterdev MO sera réduit à la somme de 50 000 euros de dommages-intérêts.

Dès lors, la société Masterdev MO justifiant de la déclaration de sa créance, il y a lieu de fixer les créances au passif de la procédure collective de la société Miss [Localité 6]. Le jugement sera infirmé sur ce point.

La société Masterdev ne justifie pas davantage dans ces conditions d'un préjudice d'image lié à une perte d'attractivité du concept Miss Paradis. Elle sera déboutée de sa demande de ce chef de préjudice. Le jugement sera confirmé sur ce point.

Sur la demande de la société Groupe Paradis au titre d'une procédure abusive

Si la société Miss [Localité 6] s'est méprise sur l'étendue de son droit, elle n'a pas fait dégénérer en abus son droit à l'exercice de son action en justice ni en première instance ni en appel.

La société Groupe Paradis sera déboutée de sa demande de ce chef.

Sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile

Le jugement sera confirmé en ce qu'il a condamné la société Miss [Localité 6] aux dépens de première instance.

La société Miss [Localité 6], représentée par la société AJ [G] et Associés en sa qualité d'administrateur judiciaire et la société MJ Synergie en sa qualité de mandataire judiciaire, sera condamnée aux dépens d'appel.

En application de l'article 700 du code de procédure civile, la société Miss [Localité 6] représentée par la société AJ [G] et Associés en sa qualité d'administrateur judiciaire et la société MJ Synergie en sa qualité de mandataire judiciaire, sera déboutée de sa demande et condamnée à verser à la société Masterdev MO la somme de 15 000 euros, à la société Groupe Paradis la somme de 5000 euros et à la société Groupe Paradis la somme de 5000 euros.

Dispositif

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement par mise à disposition au greffe, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

Confirme le jugement en ses dispositions soumis à la Cour sauf en ce qu'il a :

- refusé d'écarter des débats les pièces 61 et 62,

- ordonné la résiliation du contrat de franchise à la date du 30 septembre 2019 à torts partagés,

- débouté la société Masterdev MO de sa demande en paiement de la redevance du 1er semestre 2019, du solde des frais de designer et d'un préjudice contractuel,

Statuant de nouveau des chefs infirmés,

Ecarte des débats les pièces n°61 et 62 produites par les intimées ;

Prononce la résiliation du contrat de franchise au 30 septembre 2019 aux torts exclusifs de la société Miss [Localité 6] ;

Fixe au passif de la procédure collective de la société Miss [Localité 6] les créances de la société Masterdev MO aux sommes de :

- 50 000 euros au titre de la redevance de franchise du 1er semestre 2019,

- 30 000 euros TTC au titre du solde des frais de design,

- 50 000 euros au titre du préjudice contractuel du fait de la résiliation anticipée du contrat de franchise,

Y ajoutant,

Déboute la société Groupe Paradis de sa demande pour procédure abusive ;

Condamne la société AJ [G] et Associés en sa qualité d'administrateur judiciaire et la société MJ Synergie en sa qualité de mandataire judiciaire de la société Miss [Localité 6] aux dépens d'appel qui seront recouvrés selon la procédure de l'article 699 du code de procédure civile ;

Condamne la société AJ [G] et Associés en sa qualité d'administrateur judiciaire et la société MJ Synergie en sa qualité de mandataire judiciaire de la société Miss [Localité 6] à payer à la société Masterdev MO la somme de 15 000 euros, à M. [N] la somme de 5000 euros et à la société Groupe Paradis la somme de 5 000 euros ;

Rejette toute autre demande.