Cass. 2e civ., 24 mai 2007, n° 05-21.732
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Favre
Rapporteur :
M. Lacabarats
Avocat général :
M. Benmakhlouf
Avocats :
SCP Le Griel, SCP Nicolaÿ et de Lanouvelle
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Douai, 6 octobre 2005) que Jean-Marie X... et son épouse, Anne-Marie X..., ont édifié et occupé en accord avec M. et Mme Y... une construction à usage d'habitation élevée au-dessus d'un garage appartenant à ceux-ci ; qu'après le décès des occupants, M. et Mme Y..., soutenant être propriétaires des constructions qui auraient été données à bail verbalement avec le droit de jouissance du garage, ont assigné devant un tribunal d'instance les héritiers des occupants, les consorts Z..., pour les voir condamner à exécuter des travaux nécessaires à la remise en état des lieux ; que le tribunal s'est déclaré incompétent au profit du tribunal de grande instance ;
Attendu que M. et Mme Y... font grief à l'arrêt de les avoir déboutés de leur demande, alors, selon le moyen :
1°/ que lorsque le juge, en se prononçant sur la compétence, tranche la question de fond dont dépend cette compétence, sa décision a autorité de chose jugée sur cette question de fond ; qu'en décidant que le droit d'occupation conféré par les époux Y... ne portait que sur un garage, alors qu'il résultait de ses propres constatations que le tribunal d'instance de Lille avait jugé le 6 mars 2002, par des motifs constituant le soutien nécessaire de sa décision sur la compétence, que les époux X... avaient édifié à leur frais une construction à usage d'habitation au-dessus du garage appartenant aux époux Y..., moyennant une jouissance gratuite et viagère au bénéfice des époux X..., de l'immeuble une fois celui-ci construit, la cour d'appel a violé l'article 95 du nouveau code de procédure civile ;
2°/ que la contradiction de motifs équivaut à l'absence de motifs ; qu'en retenant que le droit d'occupation conféré par les époux Y... ne portait que sur le garage et non l'appartement dont ils n'étaient devenus propriétaires qu'au décès de Anne-Marie X..., tout en décidant que le financement par les époux X... des travaux de construction et d'aménagement constituait l'explication logique du droit d'usage accordé gratuitement par les époux Y... aux époux X... leur vie durant, la cour d'appel qui a statué par des motifs de fait contradictoires, a violé l'article 455 du nouveau code de procédure civile ;
3°/ que lorsque les plantations, constructions et ouvrages ont été faits par un tiers et avec des matériaux appartenant à ce dernier, le propriétaire du fonds a le droit, soit d'en conserver la propriété, soit d'obliger le tiers à les enlever ; que cette disposition est inapplicable lorsque les travaux ont été effectués en vertu d'une convention ou de tout autre acte faisant la loi des parties ; qu'en décidant qu'en vertu de l'article 555, alinéa 1er, du code civil et à défaut de stipulations contractuelles contraires, les époux Y... n'étaient devenus propriétaires de la construction élevée aux frais des époux X... qu'à l'expiration du droit d'usage consenti à ces derniers, alors qu'elle constatait que le financement des travaux par les époux X... constituait la contrepartie de l'usage gratuit et viager dudit bien et sans rechercher si les parties n'avaient pas entendu que cette construction soit érigée pour le compte des époux Y... et que sa propriété leur soit immédiatement acquise, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 555 du code civil ;
Mais attendu qu'en vertu des articles 77 et 95 du nouveau code de procédure civile, c'est seulement lorsque le juge a, en se prononçant sur la compétence, tranché dans le dispositif du jugement la question de fond dont dépend cette compétence que sa décision a autorité de la chose jugée sur la question de fond ;
Et attendu que le tribunal d'instance s'étant borné, dans le dispositif du jugement, à se déclarer incompétent, la cour d'appel n'a pas méconnu l'autorité de chose jugée attachée à cette décision en retenant que M. et Mme Y... ne pouvaient revendiquer de droit de propriété sur les constructions en cause pour la période antérieure au décès des occupants ;
Attendu enfin que la cour d'appel n'a fait qu'user de son pouvoir souverain d'appréciation des éléments de preuve en retenant, hors de toute contradiction, que le financement par Jean-Marie X... et Anne-Marie X... des travaux de construction et d'aménagement constituait l'explication du droit d'usage qui leur avait été accordé gratuitement leur vie durant sur le garage et que M. et Mme Y..., à défaut de stipulations contractuelles contraires, n'étaient devenus propriétaires des constructions qu'à l'expiration de ce droit d'usage ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi.