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Décisions

CA Paris, 3e ch. A, 8 avril 2008, n° 06-20/199

PARIS

Arrêt

Infirmation partielle

PARTIES

Défendeur :

Société Advent International Corporation (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Chagny

Conseillers :

M. Le Dauphin, Mme Moracchini

Avoués :

SCP Bommart-Forster - Fromantin, SCP Duboscq - Pellerin

Avocats :

Me Jourde, Me Bourdais, Me Courrege

T. com. Paris, du 24 oct. 2006, n° 20040…

24 octobre 2006

Exposé des faits

Vu le jugement en date du 24 octobre 2006 par lequel le tribunal de commerce de Paris a :

- mis hors de cause la société CDC Entreprises Services Industrie à titre personnel,

- dit recevables les demandes dirigées contre la société CDC Entreprises Services Industrie en sa qualité de société de gestion du F. Services Industries F. 1,

- mis hors de cause la société Strasbourgeoise d'exploitation et de chauffage (Strec) et la société Sogefitec, aux droits de laquelle se trouve la société Strec,

- débouté la société Advent International Corporation (ci-après Advent) de ses demandes dirigées contre les sociétés Natexis Investissement, Re-Gir et CDC Entreprises Services Industrie, ès qualités,

- condamné in solidum M. Alain P., Mme Françoise P., son épouse, M. Roland P., Mme Christine P., Mme Sylvie P., Mme Martine P., épouse B., et M. Pierre-Charles B. (ci-après, ensemble, les Consorts P.) à payer à la société Advent la somme d'un million d'euros à titre de dommages-intérêts ainsi que la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la société Advent à payer à chacune des sociétés Re-Gir, CDC Entreprises Services

Industrie et Natexis Investissement la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouté les parties de toutes leurs autres demandes ;

Vu l'appel formé par les Consorts P. à l'encontre de ce jugement ;

Vu les conclusions en date du 4 février 2008 par lesquelles M. Roland P., Mme Christine P., Mme Sylvie P., M. et Mme B. demandent à la cour d'infirmer le jugement déféré, de débouter la société Advent de toutes ses demandes et de la condamner à payer à chacun d'eux la somme de 2.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Vu les conclusions en date du 21 mars 2007 par lesquelles M. Alain P. et Mme Françoise P. demandent à la cour d'infirmer le jugement déféré, de débouter la société Advent de toutes ses demandes et de la condamner à leur payer la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Vu les conclusions en date du 28 septembre 2007 par lesquelles la société Advent, intimée et appelante incidemment, demande à la cour :

- de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a retenu que les Consorts P. avaient manqué à leur obligation de bonne foi et en ce qu'il les a condamnés in solidum à réparer le préjudice qu'ils lui avaient causé,

Motifs

1 - de l'infirmer sur le quantum du préjudice et de condamner les appelants à lui payer la somme de 15 millions d'euros à titre de dommages-intérêts ainsi que la somme de 30.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Sur ce :

2 Considérant que le groupe Idex est un groupe français, indépendant des grands acteurs du secteur de l'énergie, spécialisé dans la gestion d'installations thermiques et les métiers de l'environnement et ayant réalisé en 2003 un chiffre d'affaires d'environ 400 millions d'euros ;

3 Considérant qu'en 2004, le capital de la société anonyme Idex, société holding du groupe, était réparti entre deux groupes d'actionnaires, à savoir les actionnaires financiers , c’est-à-dire les sociétés Re-Gir, le F. Services Industries F. 1 représenté par sa société de gestion, la société CDC Entreprises Services Industrie, et la société Natexis Investissement, détenant ensemble 49,06% du capital et des droits de vote, et les actionnaires majoritaires , c’est-à-dire les membres de la famille P., ayant fondé en 1963 la société Idex, et qui détenaient directement 2,6% du capital et des droits de vote et, indirectement, 48,34% du capital via les sociétés Sogefitec et Strec, la première, société civile détenue à 100% par la famille P., détenant 100% du capital de la seconde, société anonyme ; que M. Alain P. exerçait les fonctions de président du conseil d'administration de la société Idex ;

4 Considérant que le 5 juillet 1999, l'ensemble des actionnaires de la société Idex avaient signé une charte prévoyant notamment en son article 9, sous l’intitulé Vente de la société : Offre portant sur 100% des titres', un mécanisme visant à assurer la liquidité de l'investissement des actionnaires financiers ; que cet article décrit un dispositif selon lequel, à défaut pour le conseil d'administration d'avoir, avant l'expiration d'un délai de quatre ans et six mois à compter du 5 juillet 1999, autorisé la conclusion d'un mandat d'introduction en bourse des actions représentant le capital de la société Idex, et si l'un quelconque des groupes d'actionnaires en faisait la demande, un mandataire serait chargé de rechercher un acquéreur de 100% des titres de la société, les actionnaires financiers devant procéder, en cas d'accord de leur part sur l'offre d'acquisition de 100% des titres faite par le tiers le mieux disant, à une notification aux actionnaires majoritaires, ceux-ci disposant alors d'un délai de soixante jours pour notifier en retour aux financiers l'exercice de leur droit de préemption des titres de ces derniers aux conditions de l'offre, la seule constatation faite, à l'expiration de ce délai de soixante jours, de l'absence d'exercice régulier de leur droit de préemption par les majoritaires valant de leur part offre irrévocable de céder, au prix indiqué dans la notification de l'offre, la totalité de leurs titres aux financiers, ceux-ci disposant de la faculté de se substituer le tiers auteur de l'offre dans l'exercice de l'option qui leur était ainsi consentie ;

Considérant que le délai de quatre ans et six mois ci-dessus mentionné étant venu à expiration le 6 janvier 2004 sans introduction en bourse de la société Idex, les actionnaires ont, le 18 février 2004, donné mandat à la société Ernst & Young et à la Société Générale (ci-après les Conseils) de rechercher un acquéreur du groupe Idex et d'organiser le processus de cession, un cabinet d'avocats (ci-après le Cabinet d'Avocats) étant en outre chargé du suivi juridique des négociations ;

Considérant que la société Advent, société de gestion de fonds d'investissement se présentant comme l'un des leaders mondiaux du capital-investissement, présent dans trente pays, ayant exprimé son intérêt pour la société Idex, a été invitée par les Conseils, le 24 mars 2004, à remettre une offre indicative mentionnant notamment le prix proposé pour 100% des actions de la société Idex ; que cette offre indicative ayant été remise le 31 mars 2004, les Conseils ont informé la société Advent, par lettre du 7 avril 2004, que sa candidature avait été retenue par l’ensemble des actionnaires d'Idex pour participer à la deuxième étape du processus de cession' et qu'elle était, en conséquence, invitée à remettre aux Conseils une offre ferme, dont les éléments étaient détaillés, avant le 28 mai 2004, cette deuxième étape comportant une réunion de présentation de l'entreprise et l'accès à des Data Rooms ; que la lettre du 7 avril 2004 précisait que les cédants, avec l’assistance des Conseils et du Cabinet d'Avocats, évalueront les offres et sélectionneront dès que possible les investisseurs avec lesquels seront menées les négociations finales' ;

5 Considérant que le 8 juillet 2004, la société Advent a confirmé son intérêt pour le groupe Idex et formalisé un offre d'acquisition de 100% des titres d'Idex SA et de Sogefitec, appelée à fusionner avec la société Strec, ainsi que de 100% des activités britanniques du groupe Idex, au prix de 95 millions d'euros ; qu'il était précisé que cette offre était conditionnée à la renonciation, jusqu à la fin de la période d'exclusivité, par ceux des vendeurs qui en sont bénéficiaires, à tout droit de préemption dans le cadre de l'acquisition' ; qu'il était encore indiqué que la société Advent était prête à engager, dès la signature de l'accord d'exclusivité joint à la lettre du 8 juillet 2004, des discussions afin de définir les termes et conditions éventuels du réinvestissement de M. Alain P. et de sa participation à l'opération en tant que membre du management et que si un tel réinvestissement ou une telle participation devaient effectivement être convenus, leurs termes et conditions devraient être arrêtés au moment de la signature de la convention de cession et de la convention de garantie ;

6 Considérant que les actionnaires d'Idex ont consenti, le 9 juillet 2004, à l'exclusivité demandée par la société Advent, celle-ci se décomposant, selon les termes de l'accord d'exclusivité joint à la lettre d'Advent du 8 juillet 2004, en une première période dite d'exclusivité totale, devant expirer le 31 juillet 2004 à minuit, pendant laquelle chacun des vendeurs s'interdisait de prendre des contacts ou d'engager des discussions en vue de la cession avec quiconque, de quelque manière que ce soit, et en une seconde période dite d'exclusivité de signature, devant expirer le 31 août 2004 à 20 heures, pendant laquelle chacun des vendeurs s'interdisait de conclure ou de s'engager à conclure avec un autre qu'Advent tout accord relatif à une transaction alternative ; que l’accord du 8 juillet 2004 prévoit en outre qu'Advent et les vendeurs poursuivront de bonne foi la négociation des contrats d'acquisition, en vue d'aboutir à leur signature avant l'expiration de la période d'exclusivité totale et que ledit accord ne pourra en aucun cas constituer ou être interprété comme un engagement de l'une des parties de réaliser l'acquisition ou de conclure les contrats d'acquisition, les actionnaires d'Idex ajoutant, sur la lettre du 8 juillet 2004 à laquelle était joint l'accord d'exclusivité que leur acceptation des termes de ladite lettre ne saurait être interprétée de leur part comme un accord sur l’ensemble des termes et conditions de l'offre ou comme une acceptation de l'offre qui ne pourra intervenir que par la signature des documents définitifs' ;

7 Considérant que le 27 août 2004, la période d'exclusivité de signature a été prorogée jusqu'au 17 septembre à 19 heures ;

8 Considérant que les Consorts P. ont mis fin le 24 septembre 2004, dans les circonstances ci-après évoquées, aux négociations conduites avec la société Advent en vue de la cession du groupe Idex ;

Considérant qu'à l'issue de diverses opérations intervenues à la fin de l'année 2004, le contrôle du groupe Idex a été cédé à la société d'investissement de droit néerlandais Industri Kapital BV par l'intermédiaire de la société Financière Saint Michael qui détient 100% du capital d'Idex, directement à hauteur de 19,2% et indirectement via la société Strec, détenue à 100% par Financière Saint Michael et détentrice de 48,4% des titres Idex, et la société Re-Gir, détenue indirectement par Financière Saint Michael, étant ici précisé que Financière Saint Michael est elle-même détenue à hauteur de 69,5% par une filiale de la société Industri Kapital et à hauteur de 25% par M. Alain P. ;

Considérant que la société Advent, faisant valoir que les actionnaires de la société Idex avaient manqué à leur obligation de loyauté et de bonne foi à son égard, les a assignés devant le tribunal de commerce de Paris en réparation du préjudice, évalué à 15 millions d'euros, qu'elle soutenait avoir subi de ce fait ;

Considérant que c'est dans ces circonstances qu'a été rendu le jugement déféré, dont le dispositif est ci-dessus reproduit ;

Considérant que ce jugement, frappé d'un appel général par les Consorts P., ne fait l'objet d'aucune critique en ses dispositions relatives aux sociétés CDC Entreprises Services Industrie, Strec, Natexis Investissement et Re-Gir ; qu'il sera donc confirmé de ces chefs ;

9 Considérant que la société Advent réitère en cause d'appel les griefs formulés au soutien de ses demandes ; qu'elle reproche aux Consorts P. d'avoir manqué à leur obligation de bonne foi, que ce soit au titre de la bonne foi contractuelle, dans l'exécution de l'accord d'exclusivité conclu le 8 juillet 2004, ou au titre de la bonne foi précontractuelle dans la rupture des pourparlers, selon elle aussi brutale qu'abusive ;

10 Mais considérant, s'agissant de l'inexécution imputée aux Consorts P. des obligations que leur imposaient l'accord du 8 juillet 2004, d'une part, que la preuve n'est pas rapportée que ces derniers ont manqué aux obligations de ne pas faire définies par ledit accord, qui pesaient sur eux d'abord au titre de la période d'exclusivité totale, du 8 au 31 juillet 2004, puis au titre de la période d'exclusivité de signature, du 1er août au 17 septembre 2004 ;

11 Considérant, d'autre part, que les appelants n'encourent pas le reproche que leur fait la société Advent de l'avoir instrumentalisée en s’abstenant de lui indiquer, ce qu ils auraient dû faire dès l'origine, que les offres de vente des titres Idex étaient recueillies dans le cadre de la mise en oeuvre de l'article 9 de la charte des actionnaires du 5 juillet 1999, dispositif impliquant que la mise en vente n'est pas le fruit d'une décision commune mais qu'elle avait été imposée par un groupe d'actionnaires à l'autre et avait pour objet de vaincre sa réticence, la possibilité pour le tiers sollicité d'acquérir ce qui lui a été offert ne lui étant ouverte que dans le cas où le groupe réticent ne serait pas en mesure de racheter les titres des actionnaires financiers ;

Qu'en effet, la société Advent n'a pu ignorer le contexte juridique dans lequel s'inscrivait à l'origine le processus de mise en vente de 100% des titres composant le capital de la société Idex dès lors qu'elle a eu accès à toute la documentation, dont celle de nature juridique, mise à la disposition des candidats acquéreurs, incluant la charte d'actionnaires du 5 juillet 1999, à laquelle les statuts de la société Idex faisaient au demeurant référence, et que la précaution prise par la société Advent de stipuler, dans son offre du 8 juillet 2004, que celle-ci était conditionnée à la renonciation, jusqu à la fin de la période d'exclusivité, par ceux des vendeurs qui en sont bénéficiaires, à tout droit de préemption dans le cadre de l'acquisition' montre qu'elle n'a pas été victime de la déloyauté alléguée, étant encore observé que les pièces soumises à l'appréciation de la cour ne sont pas de nature à établir que les Consorts P. ou certains d'entre eux avaient déjà pris la décision de ne pas céder leurs titres à la société Advent lorsqu'ils sont entrés en pourparlers avec celle-ci ou lorsqu'ils lui ont accordé la période d'exclusivité sollicitée ;

Considérant, de troisième part, que la société Advent impute vainement à faute à Alain P. de s'être prévalu de son droit de préemption avant l'expiration de la période d'exclusivité pour bloquer toute finalisation des négociations avec Advent et en tout cas ne pas les poursuivre de bonne foi , en violation de l'engagement souscrit le 8 juillet 2004 ;

12 Considérant, à cet égard, que si Alain P. s'était engagé, comme les autres actionnaires majoritaires, aux termes de l'accord du 8 juillet 2004, à renoncer à exercer tout droit de préemption avant la fin de la période d'exclusivité, soit le 17 septembre 2004, il n'a pas méconnu cette obligation puisqu'ayant reçu, le 13 septembre 2004, une lettre des actionnaires financiers datée du 14 septembre 2004 et se présentant comme une notification au titre de l’article 9.2 de la charte d’actionnaires du 5 juillet 1999", lequel prévoit une telle notification afin de purger dans un délai de soixante jours le droit de préemption des majoritaires dans le cas où les financiers souhaitaient accepter l'offre du tiers, tout en ajoutant que compte tenu du fait que la cession envisagée concerne l'ensemble des signataires du pacte et que ceux-ci ont renoncé par avance à l'exercice de leur droit de préemption, le délai de soixante jours susvisé n a(vait) plus de raison d’être , M. Alain P., après s’être interrogé sur la signification de ce document, justement qualifié de peu clair , s’est borné à répondre, par lettre du 14 septembre 2004, qu'il ne comprenait pas le sens de la démarche des actionnaires financiers, sans nullement affirmer, avant la fin de la période d'exclusivité, sa volonté d'user du droit de préemption prévu par la convention du 5 juillet 1999 ;

13 Considérant, en revanche, que la société Advent fait justement grief aux Consorts P. d'avoir manqué à leur obligation d'agir de bonne foi dans la conduite des pourparlers visant à la cession du contrôle du groupe Idex, étant ici rappelé que cette exigence de loyauté s'impose, comme le rappelle l'intimée, hors tout contrat préliminaire et que celui conclu le 8 juillet 2004 entre les parties se bornait, sous ce rapport, à rappeler ladite exigence, sans y ajouter, en mentionnant qu'Advent et les actionnaires d'Idex devaient poursuivre de bonne foi la négociation des contrats d'acquisition ;

14 Considérant que la cour relève, sur ce point, qu'après que les actionnaires d'Idex eurent retenu la candidature d'Advent et accepté, au vu de son offre du 8 juillet 2004, de négocier avec celle-ci sur la base d'une exclusivité totale jusqu'au 31 juillet 2004, puis d'une exclusivité de signature jusqu'au 17 septembre 2004, et après que de multiples réunions et échanges de projets entre les équipes et les conseils d'Advent et ceux du groupe Idex eurent permis de préciser la plupart des termes et conditions des projets d'actes de cessions et des conventions de garantie, les points de divergence étant circonscrits, ainsi que le rappellent M. et Mme P., une réunion de négociation avec les cédants a été fixée au lundi 20 septembre 2004 dans les locaux du Cabinet d'avocats ;

15 Considérant que l'objectif de cette réunion était de régler l'ensemble des points demeurant ouverts à la discussion ; que cela résulte clairement des termes du courriel adressé aux vendeurs, le 17 septembre 2004, par Ernst & Young, leur mandataire depuis l'origine, courriel ayant pour objet la préparation de la réunion du 20 septembre 2004, auquel était joint un tableau des quelques questions encore ouvertes et où il est, notamment, écrit : Lundi matin, nous remettrons en ouverture de la matinée notre position sur tous ces points. L'idée est de conclure dans la matinée pour envisager le signing dans les prochains jours, après validation des derniers aspects techniques type annexes ou de négociation management package ;

Considérant que le 20 septembre 2004, aucune négociation n'a eu lieu, les vendeurs ayant finalement indiqué à la société Advent, au terme d'une réunion qui ne s'est tenue qu'entre eux, qu'ils n'étaient pas en mesure de prendre position sur les points en suspens, mais qu'ils le seraient le vendredi 24 septembre, et ce de façon définitive, de sorte qu'une nouvelle réunion générale a été programmée au 27 septembre 2004 ;

Considérant que les cédants ayant souhaité connaître avant cette date la position d'Advent sur les points susvisés, celle-ci leur a fait parvenir le 21 septembre des projets de conventions qui, s'ils reprenaient les précédents sur les points essentiels, dont le prix d'acquisition, traduisaient des concessions de sa part sur les questions mentionnées comme demeurant ouvertes à la discussion dans le courriel du 17 septembre 2004 ci-dessus mentionné ; que la lettre d'Advent du 21 septembre 2004 se terminait ainsi : Comme vous le constaterez, nous faisons, encore une fois, des avancées significatives dans votre sens. Nous sommes convaincus que vous y serez sensibles et qu'elles permettront, comme nous le souhaitons toujours vivement, d'aboutir à un accord final.' ;

16 Or considérant que dans la matinée du 24 septembre, Advent a été téléphoniquement informée par les conseils des Consorts P. que le groupe des actionnaires majoritaires d'Idex n'était pas d'accord avec ces propositions et qu'il entendait, en conséquence, mettre fin aux négociations, la réunion finale prévue le 27 septembre étant annulée ;

17 Considérant que les discussions ont effectivement pris fin le 24 septembre 2004, bien que l'avocat de la société Advent eût informé tous les actionnaires d'Idex, par lettre du 1er octobre 2004, qu'une telle rupture des négociations serait aux yeux de sa cliente aussi brutale qu abusive et qu elle demeurait disposée à finaliser les accords dans les plus brefs délais ;

18 Considérant que le contrôle du groupe Idex a ensuite été cédé, selon les modalités ci-dessous rappelées, au fonds d'investissement Industri Kapital, concurrent d'Advent, lequel exerce ce contrôle via la société Financière Saint Michael, immatriculée au registre du commerce et des sociétés le 2 novembre 2004 et dont 25% du capital est détenu par M. Alain P. ;

19 Considérant que les appelants font vainement valoir que la rupture des pourparlers est imputable à la société Advent, laquelle aurait conservé une position inflexible sur les points durs de la négociation en espérant que les cédants assoupliraient leur propre position ;

Considérant que cette thèse est, en effet, contredite par les éléments mis aux débats, parmi lesquels le courriel du 17 septembre 2004, ci-dessus analysé, adressé par Ernst & Young à ses clients et les lettres que les actionnaires financiers d'Idex ont adressées à la société Advent en réponse à la lettre de l'avocat de cette dernière du 1er octobre 2004 et par lesquelles ils lui ont fait savoir qu'ils étaient, en ce qui les concerne, prêts à discuter et à trouver un accord sur les quelques points en suspens de la dernière offre de votre client' (lettres des sociétés CDC Entreprises Services Industries et Natexis Investissement) ou sur les quelques points de divergence sur lesquels une solution verbale semblait avoir été trouvée' (lettre de la société Ré-Gir) ; que l'argumentation des appelants est encore contredite par l'examen des principaux points demeurant en discussion à la mi-septembre 2004, étant ici relevé, d'une part, que l'insertion au profit du cessionnaire d'une clause résolutoire pouvant jouer pendant trois mois après la cession, en cas de survenance d'un événement défavorable, loin de présenter en l'espèce le caractère insolite que lui attribuent les Consorts P., répondait à la volonté de ces derniers de ne donner de déclarations de garanties qu'au jour de la signature des actes et non au jour du transfert de propriété des titres et, d'autre part, que les positions des parties s'étaient sensiblement rapprochées au fil des négociations sur le plafond de la garantie des risques non assurés et sur les modalités des garanties propres aux sociétés Strec et Sogefitec, les difficultés liées à cette dernière question devant au surplus automatiquement disparaître en cas d'acquisition directe par Advent des titres Idex détenus par Strec et Sogefitec, en lieu et place de ces dernières, ce que la société Advent avait déclaré accepter dans sa lettre susvisée du 21 septembre 2004 ;

Considérant qu'il est ainsi établi qu'alors que les discussions avec la société Advent étaient très avancées et que les dernières questions encore en suspens devaient faire l'objet d'ultimes négociations, les Consorts P., faisant soudainement volte- face, ont refusé de poursuivre les discussions et ont mis brutalement fin aux pourparlers ;

Considérant qu'il ressort des pièces mises aux débats que cette attitude fautive, commune aux Consorts P., trouve une explication dans le choix fait par M. Alain P. pendant le cours des négociations, et dont il n'a pas informé la société Advent, de refuser la solution que lui avait proposée cette dernière à la fin du mois de juillet 2004 quant à son rôle opérationnel au sein du groupe après la cession de celui-ci, à savoir la présidence du conseil de surveillance et d'un comité stratégique' mais non celle du directoire, et quant aux conditions financières de son intéressement, et de donner la préférence à une solution dans laquelle il faisait apport de ses titres à une nouvelle société détentrice du contrôle du groupe Idex et conservait ses fonctions de dirigeant, tout en prolongeant les pourparlers avec la société Advent, alors même qu'il n'avait plus l'intention de contracter ;

Considérant, sur le préjudice de la société Advent, que celle-ci, qui rappelle justement qu'est indemnisable non la rupture des négociations en tant que telle mais la conséquence d'un manquement à la bonne foi (concl. p. 24), évalue son dommage à quinze millions d'euros, cette somme représentant, selon l'intimée, l'ensemble des frais d'audit et de négociation liés à l'opération en cause, qu'elle chiffre à plus de trois millions d'euros, dont plus de deux millions d'euros de frais de conseils extérieurs, le manque à gagner résultant de sa mobilisation sur ce projet aux lieu et place d'autres investissements ainsi que le préjudice résultant de la non conclusion de contrats dans le cadre de ces autres investissements ;

20 Considérant qu'il résulte des constatations qui précèdent que si les manquements à leur obligation de bonne foi caractérisés à l'encontre des Consorts P. n'avaient pas été commis, une partie, mais seulement une partie, des très importants frais liés au travail qu'elle a accompli et aux études et prestations qui lui ont été facturées par ses conseils et qu'elle a, sans imprudence de sa part, exposés en vue de conduire à bonne fin ses négociations avec les actionnaires d'Idex, à savoir ceux que la société Advent n'aurait pas engagés sans les circonstances fautives qui ont accompagné la rupture des discussions, laquelle serait alors intervenue plus tôt, aurait été évitée par l'intimée ;

21 Considérant qu'au vu des justifications produites aux débats, la cour évalue à la somme de 680.000 euros le montant de l'indemnité qu'appelle la réparation intégrale de ce chef de dommage ;

Considérant que la société Advent ne justifie d'aucun autre préjudice directement en relation avec la faute imputée aux Consorts P. ; qu'ainsi, elle ne produit aucun élément propre à établir qu'elle a, en raison de la faute des appelants ci-dessus caractérisée, perdu une chance sérieuse de réaliser une autre opération d'investissement ; qu'il n'est au demeurant fait état d'aucune offre de contracter émanant d'un tiers identifié qui aurait été faite à la société Advent au cours de la période de négociation avec les Consorts P. et que celle-ci aurait rejetée ; que ces seules constatations commandent d'écarter le dommage invoqué à ce titre ;

Considérant qu'il convient d'accueillir partiellement la demande présentée par l'intimée en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, au titre de l'instance d'appel ; que celles formées par les appelants, sur le même fondement, sont rejetées ;

Dispositif

Par ces motifs :

Confirme le jugement déféré, sauf en ce qu'il a fixé à un million d'euros le montant de l'indemnité allouée à la société Advent International Corporation ;

L'infirmant de ce chef, fixe ladite indemnité à la somme de 680.000 euros ;

Y ajoutant,

Condamne solidairement M. Alain P., Mme Françoise P., son épouse, M. Roland P., Mme Christine P., Mme Sylvie P., Mme Martine P., épouse B., et M. Pierre-Charles B. à payer à la société Advent International Corporation la somme de 20.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

Les condamne selon la même modalité aux dépens d'appel, lesquels pourront être recouvrés dans les conditions prévues à l'article 699 du même code ;

Rejette toute autre demande.