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Décisions

CA Aix-en-Provence, ch. 1-1, 25 janvier 2022, n° 19/03217

AIX-EN-PROVENCE

Arrêt

Confirmation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Brue

Conseillers :

Mme Dampfhoffer, Mme Demont

Avocats :

Me Boisrame, Me Denaro, Me Tollinchi, Me Roberty

TGI Grasse, du 17 janv. 2019, n° 17/0390…

17 janvier 2019

Exposé des faits

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :

Vu l'assignation du 1er août 2017, par laquelle M. X D et Mme. Z A C ont fait citer M. Y B, devant le tribunal de grande instance de Grasse.

Vu le jugement rendu le17 janvier 2019, par cette juridiction ayant statué ainsi qu'il suit:

« Déboute M. X D et Mme. Z A C de leurs demandes;

Condamne M. X D et Mme. Z A C à payer à M. Y B la somme de 3 000€, en réparation du préjudice moral causé par la saisie d'une partie du prix de la vente intervenue suivant acte du 21 Juin 2017;

Ordonne la mainlevée de la saisie autorisée par ordonnance du juge de l'exécution près le Tribunal de grande instance de Grasse en date du 11 juillet 2017;

Rejette toute autre demande;

Ordonne l'exécution provisoire du présent jugement;

Condamne M. X D et Mme. Z A C à payer à M. Y B la somme de 2 500€, en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile

Laisse les dépens à la charge de M. X D et Mme. Z A C.

Vu la déclaration d'appel du 22 février 2019, par M. X D et Mme. Z A C.

Vu les conclusions transmises le 15 novembre 2021, par les appelants, sollicitant de la cour de :

Voir réformer ledit jugement,

Voir constater qu'ils ont été victimes d'un dol de la part de M. B,

Par conséquent, voir condamner ce dernier au paiement de la somme de 70 000 € à titre de réduction du prix de vente,

Voir condamner M. B à leur payer la somme 10 000 €, en réparation du préjudice subi du fait de sa résistance abusive et des frais engagés par la réalisation de cette vente selon les modalités précitées,

Voir rejeter l'ensemble des demandes reconventionnelles formées par Monsieur B,

Le voir condamner à leur payer une somme de 5 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi que le paiement des entiers dépens, en ce compris le procès-verbal de constat établi par la SCP Lefort, huissier de justice à Cannes, le 5 juillet 2017.

M. X D et Mme. Z A C exposent que lors de la visite de l'appartement, la mère de cette dernière a interrogé le vendeur sur les travaux en cours sur le toit de l'immeuble voisin et que celui-ci aurait répondu qu'aucune surélévation n'était prévue, alors qu'il était informé de ce projet, pour avoir réalisé un recours à l'encontre du permis de construire. Le mensonge sur ce point, ainsi que sur le prétendu rejet des recours contre le permis de construire constituent, selon eux, des manoeuvres frauduleuses constitutives d'un dol.

Ils ajoutent que la modification des lieux a réduit la vue qui était un élément déterminant de leur choix et considérablement affecté la valeur de l'immeuble et soulignent que les démarches du vendeur pour empêcher l'élévation d'un étage supplémentaire démontrent par elle-même que ces travaux modifieraient la vue dégagée sur les collines et créerait un vis-à-vis.

Vu les conclusions transmises le 30 novembre 2021, par M. Y B, sollicitant de la cour de :

Confirmer le jugement déféré, sauf en ce qui concerne le montant de l'indemnisation de son préjudice moral et l'application de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamner M. X D et Mme. Z A C à lui payer les sommes de :

- 120.000 € de dommages et intérêts, en réparation du préjudice subi par lui, en ce compris la valeur du mobilier impayé: 1.580 €, et tous préjudices, immatériels, moral, et psychologique confondus.

- 8.000 €, sur 1e fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile

- les entiers dépens, en ce compris les frais de constats d'huissier de Maître Treiber et Laleure, huissiers de justice à Cannes en date des 7 août 2017 et 27 septembre 2018, et ceux de l'architecte mandaté par 1'huissier et le géomètre expert suivant leurs notes d'honoraires de 840 €, pour 1'architecte et 960 € pour le géomètre expert.

M. Y B conteste le dol et le défaut d'information. Il affirme que le permis de construire était affiché et bien visible sur la propriété voisine et avoir confirmé l'existence d'un projet de rehaussement de la villa, lequel ne pouvait avoir aucune incidence sur la vue de l'appartement vendu, comme le montre un constat d'huissier de justice dressé le 7 août 2017, ainsi qu'une expertise amiable réalisée par un architecte et confirmé par un constat du 27 septembre 2018.

L'intimé soutient avoir été très affecté par la saisie conservatoire du solde du prix pour

70 000 € qui l'a, selon lui, empêché de financer les travaux de son nouveau logement et contraint à vendre son véhicule.

Il indique avoir fait l'objet de tentatives de chantage de la part des acquéreurs

Vu l'ordonnance de clôture rendue le14 décembre 2021.

Motifs

SUR CE

Par un compromis de vente signé le 3 avril 2017, suivi d'un acte notarié du 21 juin 2017, M. Y B a vendu à M. X D et Mme. Z A C, un appartement sis à Golfe Juan, pour un prix de 320 000 €.

Invoquant un manquement à l'obligation d'information du vendeur et l'existence d'un dol, les acquéreurs réclament à M. Y B le paiement de la somme de 70'000 €, au titre de la réduction du prix.

Ils exposent qu'alors que l'appartement est situé au troisième étage d'un immeuble avec vue sur les collines, ils ont découvert peu après l'achat que des travaux de surélévation de l'immeuble voisin étaient entrepris.

L'article 1112-1 du code civil édicte que « celle des parties qui connaît une information dont l'importance est déterminante pour le consentement de l'autre, doit l'en informer, dès lors que, légitimement, cette dernière ignore cette information ou fait confiance à son cocontractant. (') il incombe à celui qui prétend qu'une information lui était due de prouver que l'autre partie la lui devait, à charge pour cette autre partie de prouver qu'elle l'a fournie. (') outre la responsabilité de celui qui en était tenu, le manquement à ce devoir d'information peut entraîner l'annulation du contrat dans les conditions prévues aux articles 1130 et suivants ».

Le procès-verbal de constat établi le 7 août 2017, par l'huissier de justice mandaté par M. B mentionne que le permis de construire obtenu par la SCI Hélios, propriétaire du fonds voisin, le 6 octobre 2016 est affiché sur la voie publique, comme cela a été constaté par huissier de justice et que la hauteur de la construction réalisée est de 10,31 mètres.

Dans ces conditions, les acquéreurs ne peuvent prétendre avoir ignoré l'existence de ces travaux.

En l'état d'un affichage bien visible sur la voie publique et clair en ce qui concerne la hauteur totale du bâtiment en cours de surélévation, il ne peut être considéré que le vendeur devait donner des informations complémentaires sur les travaux en cours.

Selon l'article 1130 du code civil, l'erreur, le dol et la violence vicient le consentement lorsqu'ils sont de telle nature que, sans eux, l'une des parties n'aurait pas contracté ou aurait contracté à des conditions substantiellement différentes.

Leur caractère déterminant s'apprécie eu égard aux personnes et aux circonstances dans lesquelles le consentement a été donné

L'article 1137 du code civil, précise que « le dol est le fait pour un cocontractant d'obtenir le consentement de l'autre par des manoeuvres ou des mensonges.

Constitue également un dol, la dissimulation intentionnelle par l'un des cocontractants, d'une information dont il sait le caractère déterminant pour l'autre partie ».

L'attestation rédigée par la mère de Mme. Z A, selon laquelle le vendeur aurait indiqué qu'aucune surélévation de la villa voisine n'aurait pas lieu, en raison du succès des recours contre le permis de construire ne peut être reconnue comme moyen de preuve valable.

L'affirmation selon laquelle le vendeur aurait menti n'est donc établie par aucune autre pièce du dossier.

Les photographies prises à l'étage de l'appartement concerné, jointes au procès-verbal de constat dressé le 27 septembre 2018 par Maître Laleure, huissier de justice révèlent que la surélévation de la villa Hélios n'affecte en rien la vue sur la campagne.

#1 Ce fait est confirmé par l'étude réalisée par le cabinet d'architecture atelier 201, le 9 octobre 2018 qui comporte les hauteurs exactes, par rapport au terrain naturel de la terrasse de l'appartement litigieux et du faîte de la toiture de la villa Hélios, ainsi que des plans en coupe de profil, faisant apparaître que la villa surélevée est située à 12 mètres de l'immeuble dans lequel se trouve l’appartement. Il apparaît également un immeuble plus élevé se trouvant derrière la villa voisine, dans la direction de la vue vers la colline.

Ces constatations sont corroborées par les photographies produites par les demandeurs eux-mêmes en pièce numéro 18.

Il résulte de ces éléments que les demandeurs ne démontrent pas que des informations sur des caractéristiques déterminantes de l'appartement vendu leur ont été volontairement cachées par le vendeur et qu’ils auraient acquis pour un moindre prix.

En l'absence de la preuve de l'existence de manoeuvres de la part du vendeur, le dol n'apparaît pas constitué.

Dans ces conditions les demandes formées par M. X D et Mme. Z A C doivent être rejetées.

Le tribunal a ordonné à juste titre la mainlevée de la saisie conservatoire pratiquée entre les mains du notaire le 13 juillet 2017 sur la somme de 70'000 €, sur autorisation du juge de l'exécution par ordonnance du 11 juillet 2017.

M. Y B ne fournissant aucun élément sur ses revenus et la consistance de son patrimoine, il n'est pas possible de vérifier si, comme il l'affirme, cette saisie l'a empêché d'entreprendre des travaux dans sa nouvelle maison.

La privation de la somme de 70'000 €pendant plus de quatre ans doit être indemnisée par la somme de 1000 € à titre de dommages intérêts pour préjudice matériel.

L'acte notarié de vente du 21 juin 2017 mentionne que le vendeur reconnaît avoir reçu paiement comptant du prix, ce compris les biens mobiliers. M. Y B ne justifie par aucune pièce la vente d'autres biens meubles meublants que ceux visés dans l'acte. Sa demande formée de ce chef est, en conséquence, rejetée.

Au regard des attestations et certificats médicaux produits, il convient d'allouer à M. Y B, la somme de 2 000 €, au titre de son préjudice moral.

Le jugement est confirmé, sauf en ce qui concerne la ventilation de l'indemnisation du préjudice.

Il y a lieu de faire application de l'article 700 du code de procédure civile.

La partie perdante est condamnée aux dépens, conformément aux dispositions des articles 695et 696 du code de procédure civile, étant rappelé qu'ils ne peuvent comprendre les honoraires des techniciens non désignés par le juge, ni les frais d'huissier non directement liés à la procédure.

 

Dispositif

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

Confirme le jugement déféré sauf en ce qui concerne la ventilation de l'indemnisation du préjudice de M. Y B,

Statuant à nouveau de ce chef,

Condamne M. X D et Mme. Z A C à payer à M. Y B les sommes de 1000 €, au titre de son préjudice matériel et de 2000 €, au titre de son préjudice moral

.

Y ajoutant,

Condamne M. X D et Mme. Z A C à payer à M. Y B , la somme de 4000 €, en application de l'article 700 du Code de procédure civile,

Condamne M. X D et Mme. Z A C aux dépens d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.